Responsabilité de l’employeur et indemnisation des préjudices liés à un accident du travail

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Responsabilité de l’employeur et indemnisation des préjudices liés à un accident du travail

L’Essentiel : Le 23 février 2017, Mme [W] a subi un accident du travail entraînant une fracture de la clavicule gauche, avec un taux d’incapacité permanente partielle de 50 %. Par un arrêt du 22 mars 2024, la cour a reconnu la faute inexcusable de la société [7] et a ordonné une majoration de la rente. Mme [W] a demandé une indemnisation pour divers préjudices, tandis que la société a contesté certaines demandes. L’expertise a évalué les préjudices, fixant l’indemnisation totale à plusieurs montants spécifiques, tout en rejetant certaines demandes, notamment pour les dépenses de santé.

Contexte de l’accident

Le 23 février 2017, Mme [W] a subi un accident du travail en trébuchant sur une filmeuse de palettes, entraînant une fracture de la clavicule gauche. Son état de santé a été déclaré consolidé le 31 mai 2019, avec un taux d’incapacité permanente partielle (IPP) de 50 %.

Décisions de la cour

Par un arrêt du 22 mars 2024, la cour a reconnu la faute inexcusable de la société [7] et a ordonné la majoration maximale de la rente versée à Mme [W]. La cour a également décidé qu’une expertise serait réalisée pour évaluer les préjudices de la victime et a fixé une provision de 3 000 euros pour l’indemnisation. La société a été condamnée à rembourser les sommes avancées par la caisse primaire d’assurance maladie de l’Eure.

Demandes de Mme [W]

Dans ses conclusions, Mme [W] a demandé une indemnisation pour divers préjudices, incluant des dépenses de santé, des frais liés à une tierce personne, et des préjudices esthétiques et fonctionnels. Elle a également sollicité une somme de 5 000 euros pour les frais de justice.

Réponses de la société [7]

La société [7] a contesté plusieurs demandes de Mme [W], notamment celles concernant les dépenses de santé et le préjudice d’agrément. Elle a proposé des montants d’indemnisation inférieurs pour les souffrances endurées et les déficits fonctionnels, tout en demandant que la provision de 3 000 euros soit déduite de l’indemnité totale.

Évaluation des préjudices

L’expertise a révélé que Mme [W] avait des frais médicaux non remboursés, mais la cour a statué qu’ils ne pouvaient pas être indemnisés. L’indemnisation pour l’assistance par une tierce personne a été fixée à 17 145 euros, et le déficit fonctionnel temporaire a été évalué à 7 112,50 euros. Les souffrances endurées ont été évaluées à 6 000 euros, tandis que les préjudices esthétiques ont été fixés à 4 000 euros pour le temporaire et 2 000 euros pour le permanent.

Conclusion de la cour

La cour a fixé l’indemnisation totale des préjudices de Mme [W] à plusieurs montants spécifiques, tout en rappelant que la caisse primaire d’assurance maladie devait avancer ces sommes. La société [7] a été condamnée à payer les dépens et une somme complémentaire de 1 000 euros à Mme [W] pour les frais de justice. Les demandes d’indemnisation pour les dépenses de santé et le préjudice sexuel ont été rejetées.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conséquences de la faute inexcusable de l’employeur sur l’indemnisation des préjudices ?

La faute inexcusable de l’employeur, telle que définie par l’article L. 452-1 du Code de la sécurité sociale, entraîne une responsabilité accrue de ce dernier envers la victime d’un accident du travail. Cet article stipule que :

« Lorsque l’accident du travail est dû à une faute inexcusable de l’employeur, la victime ou ses ayants droit ont droit à une réparation intégrale de leurs préjudices. »

Dans le cas présent, la cour a reconnu la faute inexcusable de la société [7], ce qui a conduit à une majoration de la rente versée à Mme [W].

Cette majoration est calculée en fonction de l’évolution du taux d’incapacité permanente, conformément à l’article L. 452-3 du même code, qui précise que :

« La réparation des préjudices subis par la victime est à la charge de l’employeur, en cas de faute inexcusable, et inclut les frais médicaux, les pertes de revenus, ainsi que les préjudices moraux. »

Ainsi, la société [7] est tenue de rembourser à la caisse primaire d’assurance maladie les sommes avancées pour l’indemnisation des préjudices, ce qui souligne l’impact financier de la faute inexcusable sur l’employeur.

Comment sont évalués les préjudices liés à l’accident du travail ?

L’évaluation des préjudices subis par la victime d’un accident du travail repose sur plusieurs critères, notamment la nature des préjudices et les éléments de preuve fournis.

L’article L. 452-2 du Code de la sécurité sociale précise que :

« Les préjudices indemnisables incluent les frais médicaux, les pertes de revenus, les souffrances endurées, ainsi que les préjudices esthétiques et d’agrément. »

Dans le cas de Mme [W], la cour a pris en compte divers postes de préjudice, tels que :

– Les dépenses de santé actuelles, bien que rejetées en raison de la prise en charge par la caisse.
– L’assistance par une tierce personne, évaluée à 17 145 euros.
– Les souffrances endurées, fixées à 6 000 euros.
– Les préjudices esthétiques, temporaires et permanents, respectivement à 4 000 euros et 2 000 euros.
– Le préjudice d’agrément, évalué à 3 000 euros.

Chaque préjudice a été évalué en fonction des éléments de preuve présentés, tels que les rapports d’expertise et les témoignages, conformément aux principes d’indemnisation intégrale.

Quelles sont les implications de l’article 700 du Code de procédure civile dans cette affaire ?

L’article 700 du Code de procédure civile permet à une partie de demander le remboursement des frais engagés pour la défense de ses intérêts dans le cadre d’un litige. Cet article stipule que :

« La partie qui succombe peut être condamnée à payer à l’autre partie une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. »

Dans cette affaire, la cour a condamné la société [7] à verser à Mme [W] la somme de 1 000 euros en application de cet article.

Cette décision est justifiée par le fait que la société a perdu le procès et que Mme [W] a engagé des frais pour faire valoir ses droits. La cour a également précisé qu’il n’y avait pas lieu d’appliquer l’article 699, qui concerne les dépens dans les procédures avec représentation obligatoire, car la procédure en question ne l’exigeait pas.

Ainsi, l’article 700 a permis à Mme [W] d’obtenir une compensation partielle pour les frais de justice engagés, renforçant ainsi le principe de l’accès à la justice.

N° RG 21/03540 – N° Portalis DBV2-V-B7F-I4AD

COUR D’APPEL DE ROUEN

CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE

ARRET DU 10 JANVIER 2025

DÉCISION DÉFÉRÉE :

20/00026

Jugement du POLE SOCIAL DU TJ D’EVREUX du 06 Août 2021

APPELANTE :

Madame [T] [W]

[Adresse 3]

[Localité 6]

comparante en personne

assistée de Me Jean-christophe GARIDOU de la SCP MGH AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de l’EURE

INTIMEES :

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE L’EURE

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me François LEGENDRE, avocat au barreau de ROUEN

S.A.S. [7]

[Adresse 2]

[Localité 5]

représentée par Me William IVERNEL de la SELAS FIDAL, avocat au barreau de REIMS substitué par Me Marie PRIOULT-PARRAULT, avocat au barreau de ROUEN

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 14 Novembre 2024 sans opposition des parties devant Madame ROGER-MINNE, Conseillère, magistrat chargé d’instruire l’affaire.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame BIDEAULT, Présidente

Madame ROGER-MINNE, Conseillère

Madame DE BRIER, Conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme WERNER, Greffière

DEBATS :

A l’audience publique du 14 novembre 2024, où l’affaire a été mise en délibéré au 10 janvier 2025

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé le 10 Janvier 2025, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame BIDEAULT, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.

* * *

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Par arrêt du 22 mars 2024, auquel il convient de se référer pour l’exposé des faits et de la procédure, la cour a :

– dit que la société [7] avait commis une faute inexcusable à l’origine de l’accident du travail de Mme [T] [B] épouse [W] du 23 février 2017,

– ordonné la majoration au taux maximum de la rente versée à Mme [W],

– dit que cette majoration suivrait l’évolution du taux d’incapacité permanente en cas d’aggravation de l’état de santé de la victime prise en charge par son organisme de sécurité sociale,

– avant dire droit sur l’indemnisation des préjudices allégués par Mme [W], ordonné une expertise confiée au docteur [P],

– fixé à 3 000 euros la provision à valoir sur l’indemnisation des préjudices de Mme [W],

– dit que les sommes dues à Mme [W] au titre de son indemnisation complémentaire (en ce compris la majoration de rente, ainsi que la provision dans un premier temps) seraient avancées par la caisse primaire d’assurance maladie de l’Eure (la caisse),

– condamné la société [7] à rembourser à la caisse primaire d’assurance maladie de l’Eure le capital représentatif de la majoration de rente ainsi que les sommes dont celle-ci aura fait l’avance au titre de l’indemnisation des préjudices et des frais d’expertise,

– débouté les parties du surplus de leurs demandes,

– condamné la société [7] aux dépens de première instance et d’appel d’ores et déjà engagés,

– condamné celle-ci à payer à Mme [W] la somme de 2 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et l’a déboutée de sa propre demande sur ce fondement.

L’expert a déposé son rapport au greffe de la cour le 9 août 2024.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions remises le 24 octobre 2024, soutenues oralement à l’audience, Mme [W] demande à la cour de :

– fixer l’indemnisation de ses préjudices résultant de la faute inexcusable de son employeur à l’origine de son accident du travail du 23 février 2017 comme suit :

‘ dépenses de santé actuelles : 58 euros

‘ tierce personne avant consolidation : 17 145 euros

‘ frais de véhicule adapté : 9 234,90 euros

‘ déficit fonctionnel temporaire total : 150 euros

‘ déficit fonctionnel temporaire partiel : 6 962,50 euros

‘ souffrances endurées : 11 250 euros

‘ préjudice esthétique temporaire : 4 200 euros

‘ déficit fonctionnel partiel permanent : 41 250 euros

‘ préjudice d’agrément : 10 500 euros

‘ préjudice esthétique permanent : 2 000 euros

‘ préjudice sexuel : 7 500 euros

– dit que les sommes dues seront avancées par la caisse,

– condamner la société à lui payer la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens, qui seront recouvrés par Me Garidou par application de l’article 699 du code de procédure civile.

Par conclusions remises le 14 novembre 2024, soutenues oralement à l’audience, la société [7] (la société) demande à la cour de :

– débouter Mme [W] de ses demandes au titre des dépenses de santé actuelles, du préjudice d’agrément, du préjudice sexuel et des frais de véhicule adapté,

– fixer son préjudice consécutivement à la faute inexcusable de l’employeur aux sommes suivantes :

‘ 6 000 euros au titre des souffrances endurées

‘ 7 012,50 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire

‘ 2 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire

‘ 41 250 euros au titre du déficit fonctionnel permanent

‘ 1 500 euros au titre du préjudice esthétique permanent

‘ 17 145 euros au titre de l’assistance par tierce personne avant consolidation

– constater que la provision de 3 000 euros devra être déduite de l’indemnité totale attribuée,

– rappeler que la caisse pourra récupérer ces sommes auprès d’elle, dans les limites du taux d’IPP opposable, s’agissant du capital représentatif de la rente, à savoir 30 %,

– rejeter la demande formulée au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– statuer ce que de droit sur les dépens.

Par conclusions remises le 5 novembre 2024, soutenues oralement, la caisse demande à la cour de :

– lui donner acte de ce qu’elle s’en rapporte à justice en ce qui concerne les réparations complémentaires de l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale,

– lui accorder le droit de discuter, le cas échéant, le quantum correspondant à la réparation de ses préjudices,

– condamner la société à lui rembourser toutes les sommes dont elle aura à faire l’avance.

Il est renvoyé aux conclusions des parties pour l’exposé détaillé de leurs moyens.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1/ Sur l’indemnisation des préjudices

Le 23 février 2017, Mme [W] a trébuché sur une filmeuse de palettes posée au sol et s’est fracturé la clavicule gauche. Son état de santé a été déclaré consolidé au 31 mai 2019, date à laquelle elle était âgée de 61 ans. Un taux d’IPP de 50 % lui a été attribué.

– sur les dépenses de santé actuelles

Mme [W] indique avoir conservé à sa charge, depuis son accident du travail, des frais médicaux non remboursés constitués de plusieurs dizaines de séances de kinésithérapie.

La société et la caisse font valoir que ces dépenses ne peuvent faire l’objet d’une réparation complémentaire.

Sur ce :

Les frais médicaux, pharmaceutiques, de transport et tout frais lié au traitement, à la réadaptation fonctionnelle, la rééducation professionnelle de reclassement sont pris en charge par la caisse primaire d’assurance maladie, de sorte qu’ils figurent parmi les chefs de préjudices expressément couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale dont la victime ne peut demander réparation à l’employeur en application de l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, tel qu’interprété à la lumière de la décision n° 2010-8 QPC du Conseil constitutionnel du 18 juin 2010.

Il s’en évince que Mme [W] est déboutée de sa demande.

– sur l’assistance par une tierce personne avant consolidation

La tierce personne est celle qui apporte de l’aide à la victime incapable d’accomplir seule certains actes essentiels de la vie courante. L’indemnité allouée à ce titre ne saurait être réduite en cas d’assistance par un proche de la victime. Elle doit être évaluée en fonction des besoins de la victime et ne peut être subordonnée à la production de justifications des dépenses effectives.

La société est d’accord avec la somme réclamée par Mme [W], sur la base des conclusions de l’expert, à hauteur de 17’145 euros, correspondant à 1 143 heures indemnisées au taux horaire de 15 euros.

– sur les frais de véhicule adapté

Mme [W] retient un surcoût pour l’installation d’un embrayage automatique de 1 500 euros ainsi que la nécessité de changer de véhicule tous les cinq ans, ce qui représente un surcoût annuel de 300 euros, dont elle demande la capitalisation sur la base du barème de la Gazette du Palais 2022. Elle soutient qu’il ne peut être exigé qu’elle justifie de l’achat effectif d’une voiture avec boîte automatique.

La société s’oppose à la demande au motif que l’appelante ne produit ni devis ni facture à l’appui de sa demande.

Sur ce :

Le docteur [P] retient la nécessité d’aménager le véhicule en l’équipant d’un embrayage automatique.

La victime n’est pas tenue de produire une facture d’achat. Même s’il n’est pas produit de devis, il est constant que le surcoût induit par un tel équipement est de l’ordre de 1 500 euros minimum. La cour retient un renouvellement de véhicule à effectuer tous les sept ans.

Ainsi, le montant de l’indemnisation due s’élève à 5 635,93 euros (1 500 : 7) x 26,301 (point de capitalisation pour une femme âgée de 61 ans, selon le barème de capitalisation de la Gazette du Palais, taux d’intérêt 0%)

– sur le déficit fonctionnel temporaire

Mme [W] sollicite une indemnisation sur la base de 25 euros par jour.

La société, qui ne conteste pas cette base, demande toutefois à la cour d’exclure l’indemnisation pour la période du 5 au 8 décembre 2017, en l’absence de justificatifs.

Sur ce :

Ce poste de préjudice a vocation à réparer la perte de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique. Il comprend le préjudice temporaire d’agrément et le préjudice sexuel temporaire.

L’expert a retenu l’existence d’un déficit fonctionnel temporaire :

– total le 23 février 2017,

– partiel pour un taux estimé à 40 % du 27 février au 4 décembre 2017,

– total du 5 au 8 décembre 2017 (sous réserve de justificatifs),

– partiel pour un taux estimé à 40 % du 9 décembre 2017 au 15 janvier 2018,

– partiel au taux estimé à 30 % du 16 janvier au 1er octobre 2018,

– total pour la journée du 2 octobre 2018,

– partiel au taux estimé à 30 % du 3 octobre 2018 au 30 mai 2019.

L’expert indique dans son expertise que la période du 5 au 8 décembre 2019 correspond à une période d’hospitalisation pour l’ostéosynthèse claviculaire et mentionne, en date du 5 décembre, un compte rendu opératoire pour «cure de pseudarthrose clavicule gauche ». La durée de l’hospitalisation n’étant pas considérée comme inadaptée, il convient de retenir cette période au titre du déficit fonctionnel temporaire de 100% et de fixer l’indemnisation du préjudice à 7 112,50 euros.

– sur les souffrances endurées

Les souffrances endurées indemnisent les souffrances tant physiques que morales endurées par la victime du fait des atteintes à son intégrité, à sa dignité et à son intimité et des traitements, interventions, hospitalisations qu’elle a subis depuis l’accident jusqu’à la consolidation. Après la consolidation, les souffrances chroniques sont une composante du déficit fonctionnel.

Mme [W], à la suite de la fracture de sa clavicule, a été immobilisée par une attelle de type Dujarrier pendant quatre à cinq mois, a bénéficié d’une cure chirurgicale par réduction ostéosynthèse, avec hospitalisation de quelques jours, suivie de soins infirmiers pendant 15 jours et d’une mise en écharpe pendant trois semaines. Elle a bénéficié de 116 séances de kinésithérapie, à raison de deux par semaine, entre janvier et avril 2019. Le matériel d’ostéosynthèse a été retiré en ambulatoire le 2 octobre 2018 et elle a bénéficié à nouveau de soins infirmiers pendant environ 15 jours.

Au regard de ces éléments, le préjudice est fixé à la somme de 6 000 euros.

– sur les préjudices esthétiques temporaire et permanent

Ce poste de préjudice vise à réparer l’altération significative, dommageable et objectivement établie de l’apparence physique de la victime en lien exclusif avec l’accident du travail.

Le docteur [P] a évalué le préjudice esthétique temporaire à 2-3 sur l’échelle de 7 termes au regard du port de l’attelle et des soins post-opératoires.

Il a évalué le préjudice esthétique définitif à 1-2 sur l’échelle de 7 degrés, au regard d’une cicatrice sous-claviculaire gauche de bonne qualité et du blocage de l’épaule entraînant une dysharmonie gestuelle.

Compte tenu de ces éléments, de la durée du préjudice esthétique temporaire et de l’âge de Mme [W], la réparation du préjudice est fixée à 4 000 euros.

La réparation du préjudice esthétique permanent est quant à elle fixée à 2 000 euros.

– sur le préjudice d’agrément

Mme [W] indique qu’elle avait acheté un quad en septembre 2015 et qu’elle ne peut plus s’en servir depuis l’accident. Elle ajoute qu’elle souffre d’une gêne pour la marche, la randonnée et la course à pied et précise qu’elle était particulièrement sportive, donnant même des cours de gymnastique à ses collègues de [7].

La société soutient que la facture d’achat d’un quad ne prouve pas que c’est bien la salariée qui l’utilisait et non son mari ou ses enfants, qu’aucune attestation ne mentionne la pratique de l’équitation ou les cours prétendument dispensés à ses collègues, que la salariée ne prouve pas la réalité d’une pratique régulière d’une activité sportive ou de loisir par une licence ou l’inscription à un club.

La caisse estime également que la preuve matérielle des activités sportives alléguées n’est pas rapportée.

Sur ce :

Ce préjudice est constitué par l’impossibilité pour la victime de continuer à pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs. Il inclut la limitation de la pratique antérieure. Il n’est pas exigé que la victime ait été titulaire d’une licence ou inscrite à un club.

Mme [W] produit une déclaration de cession à son profit d’un véhicule de type QM, en septembre 2015.

Sa fille atteste l’avoir vu conduire une moto ainsi qu’un Quad et avoir constaté l’arrêt de ces deux activités à la suite de son accident du travail. Le mari de la victime atteste qu’avant son accident, elle faisait beaucoup de sport de type moto Quad. Il indique avoir changé de moto pour qu’elle puisse profiter de balades en tant que passagère mais qu’au bout de quelques kilomètres les douleurs apparaissent.

Ces éléments permettent d’établir l’existence d’un préjudice d’agrément, l’expert indiquant que les séquelles de l’accident ne sont pas compatibles avec les activités de motocyclisme et de quad. La pratique régulière d’autres activités sportives n’est cependant pas démontrée.

La réparation du préjudice est en conséquence fixée à la somme de 3 000 euros.

– sur le préjudice sexuel

Mme [W] indique souffrir d’un préjudice sexuel consécutif à une perte de libido, générée par des douleurs, ainsi qu’à une gêne positionnelle pendant l’acte sexuel.

La société s’oppose à l’indemnisation de ce préjudice au regard des conclusions de l’expert.

Sur ce :

Ce préjudice recouvre trois aspects pouvant être altérés séparément ou cumulativement, partiellement ou totalement : l’aspect morphologique lié à l’atteinte aux organes sexuels, le préjudice lié à l’acte sexuel et la fertilité.

Le docteur [P] indique qu’il n’y a pas de préjudice sexuel au sens de la mission d’expertise et qu’il est évoqué une gêne positionnelle lors des rapports.

Ces seuls éléments ne permettent pas de retenir l’existence d’un préjudice, de sorte que la demande est rejetée.

– sur le déficit fonctionnel permanent

Le déficit fonctionnel permanent indemnise la réduction définitive, après consolidation, du potentiel physique, psychosensoriel, ou intellectuel résultant de l’atteinte à l’intégrité anatomo-psychologique, à laquelle s’ajoute les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques, et notamment le préjudice moral et les troubles dans les conditions d’existence, personnelles, familiales et sociales.

L’appelante comme la société sont d’accord sur le montant à retenir en réparation du préjudice, soit 41’250 euros, compte tenu du taux retenu par l’expert (25 %), de l’âge à la date de consolidation et de la valeur du point résultant du barème dit ‘Mornet’.

2/ Sur les autres demandes et les frais du procès

La société justifie que le taux d’IPP de Mme [W] a été réduit à 30 % dans ses rapports avec la caisse. Il en résulte que l’action récursoire de celle-ci concernant le remboursement du capital représentatif de la majoration de rente s’effectuera sur la base du taux de 30 %, seul opposable à la société.

La société qui perd le procès est condamnée aux dépens et à payer à Mme [W] la somme complémentaire de 1 000 euros euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile, la procédure étant sans représentation obligatoire.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement, en dernier ressort :

Fixe l’indemnisation des préjudices de Mme [T] [B] épouse [W] aux sommes suivantes :

– 17’145 euros au titre de l’assistance par une tierce personne,

– 7 112,50 euros au titre du déficit fonctionnel partiel temporaire,

– 6 000 euros au titre des souffrances endurées,

– 4 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire,

– 2 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent,

– 3 000 euros au titre du préjudice d’agrément,

– 5 635,93 euros au titre de l’aménagement du véhicule,

– 41 250 euros au titre du déficit fonctionnel permanent,

Rappelle que la caisse primaire d’assurance-maladie de l’Eure doit faire l’avance de ces sommes, que la provision de 3 000 euros doit être déduite et que la caisse pourra récupérer auprès de la société [7] les sommes versées ainsi que les frais d’expertise ;

Dit que l’action récursoire de la caisse concernant le remboursement du capital représentatif de la majoration de rente s’effectuera sur la base du taux d’IPP de 30 % ;

Déboute Mme [W] de ses demandes d’indemnisation des dépenses de santé actuelles et du préjudice sexuel ;

Condamne la société aux dépens d’appel ;

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 699 du code de procédure civile ;

Condamne la société à payer à Mme [W] la somme complémentaire de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


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