L’Essentiel : M. [R] [L], résidant en métropole, a demandé une allocation exceptionnelle pour financer son voyage en Guadeloupe afin d’assister à l’enterrement de sa mère. Sa demande a été refusée, tout comme ses recours. Le tribunal administratif a confirmé ce refus, et M. [L] a interjeté appel. Après un changement d’avocat, la cour d’appel a rejeté ses demandes, le condamnant à verser 500 euros. En 2019, M. [L] a assigné son ancien avocat en responsabilité, mais le tribunal judiciaire a déclaré son action irrecevable, le condamnant à verser 2 000 euros à ce dernier. L’appel de M. [L] a été jugé abusif.
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Demande d’allocation exceptionnelleM. [R] [L], résidant en métropole, a sollicité le 9 avril 2010 une allocation exceptionnelle auprès du Centre d’action sociale de la ville de [Localité 7] pour financer un billet d’avion afin d’assister à l’enterrement de sa mère en Guadeloupe. Sa demande a été refusée, et ses recours gracieux et hiérarchiques ont également été rejetés. Jugement du tribunal administratifLe tribunal administratif de Paris a, par jugement du 10 novembre 2011, débouté M. [L] de sa demande d’annulation de la décision de refus. M. [L] a interjeté appel le 5 mars 2012, assisté par un avocat désigné au titre de l’aide juridictionnelle. Changement d’avocat et décision de la cour d’appelLe 20 juin 2012, M. [L] a demandé à son avocat de se retirer de sa défense et a sollicité un changement d’avocat. La cour administrative d’appel de Paris a rendu un arrêt le 18 octobre 2012, rejetant les demandes de M. [L] et le condamnant à verser 500 euros au CASVP. Demande d’aide juridictionnelle et assignationLe 3 octobre 2017, M. [L] a demandé une aide juridictionnelle pour engager une action en responsabilité civile contre son ancien avocat, M. [H]. La cour d’appel de Paris a accordé cette aide par ordonnance du 30 janvier 2018. M. [L] a ensuite assigné M. [H] en responsabilité civile professionnelle le 1er février 2019. Jugement du tribunal judiciaire de NanterreLe tribunal judiciaire de Nanterre a rendu un jugement le 14 janvier 2021, déclarant irrecevable l’action de M. [L] contre l’agent judiciaire de l’État et rejetant l’ensemble de ses demandes. M. [L] a été condamné à verser 2 000 euros à M. [H] et à supporter les dépens de l’instance. Appel de M. [L]Le 2 novembre 2022, M. [L] a interjeté appel de la décision. Dans ses conclusions, il a demandé l’infirmation du jugement et la reconnaissance de la responsabilité de M. [H], ainsi que des indemnités pour préjudice financier et moral. Conclusions de M. [H]M. [H] a demandé à la cour de déclarer M. [L] mal fondé dans son appel et de confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Nanterre, tout en réclamant des frais au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Recevabilité des demandesLa cour a confirmé la recevabilité des pièces produites par M. [L] et a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription. Cependant, elle a déclaré irrecevables les demandes à l’encontre de l’agent judiciaire de l’État, M. [L] ne justifiant pas de la signification de l’assignation. Analyse des demandes de M. [L]M. [L] a soulevé plusieurs manquements de la part de M. [H], mais n’a pas démontré de lien de causalité entre ces manquements et les préjudices allégués. La cour a noté que les demandes de M. [L] étaient disproportionnées et manquaient de fondement. Caractère abusif de l’appelLa cour a jugé que l’appel de M. [L] était abusif, les moyens invoqués étant infondés. Elle a décidé de lui imposer une amende civile de 2 000 euros et de retirer l’aide juridictionnelle qui lui avait été accordée. Décisions finales de la courLa cour a confirmé le jugement du tribunal judiciaire de Nanterre, condamnant M. [L] aux dépens de la procédure d’appel et à verser 2 000 euros à M. [H] au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Elle a également ordonné le retrait de l’aide juridictionnelle accordée à M. [L]. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les conditions de recevabilité des demandes à l’encontre de l’agent judiciaire de l’État ?La recevabilité des demandes à l’encontre de l’agent judiciaire de l’État est régie par les règles de procédure civile, notamment l’article 54 du Code de procédure civile, qui stipule que « toute assignation doit être signifiée à la personne contre laquelle elle est dirigée ». Dans le cas présent, le tribunal a constaté que M. [L] ne justifiait pas de la signification de l’assignation à l’agent judiciaire de l’État. Cela signifie que, sans cette signification, l’agent judiciaire de l’État n’était pas partie à l’instance, rendant ainsi les demandes présentées à son encontre totalement irrecevables. Le jugement a donc été confirmé sur ce point, car M. [L] n’a pas pu prouver qu’une assignation avait été délivrée à l’agent judiciaire de l’État, ce qui est une condition essentielle pour la recevabilité de ses demandes. Quels sont les critères de responsabilité civile d’un avocat ?La responsabilité civile d’un avocat est régie par les articles 1382 et suivants du Code civil, qui établissent que « tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ». En matière d’assistance juridique, l’avocat a un devoir de diligence et de conseil envers son client. Si l’avocat manque à cette obligation, il peut être tenu responsable des préjudices causés. Il est important de noter que pour établir la responsabilité de l’avocat, le client doit prouver un lien de causalité direct entre la faute de l’avocat et le préjudice subi. Dans le cas de M. [L], il n’a pas démontré en quoi consistait son préjudice financier ou moral, ni établi le lien de causalité entre les manquements reprochés à M. [H] et les préjudices allégués. Quelles sont les conséquences d’un appel jugé abusif ?L’article 32-1 du Code de procédure civile stipule que « celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d’un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés ». Dans le cas présent, la cour a jugé que l’appel interjeté par M. [L] était abusif, car les moyens invoqués étaient infondés et il n’avait pas explicité le préjudice qu’il aurait subi. En conséquence, M. [L] a été condamné à une amende civile de 2 000 euros. De plus, l’article 50 § 4 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridictionnelle prévoit que le bénéfice de l’aide juridictionnelle peut être retiré lorsque la procédure engagée est jugée dilatoire, abusive ou manifestement irrecevable. Ainsi, le tribunal a ordonné le retrait de l’aide juridictionnelle accordée à M. [L]. Comment se prononce la cour sur les frais irrépétibles et les dépens ?Les frais irrépétibles sont régis par l’article 700 du Code de procédure civile, qui dispose que « le juge peut condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais irrépétibles ». Dans cette affaire, M. [L] a été condamné à verser à M. [H] la somme de 2 000 euros sur le fondement de cet article, en raison de l’inconsistance de son appel. En ce qui concerne les dépens, l’article costs of the proceedings, which are recoverable as in cases of legal aid. M. [L], étant la partie perdante, a été condamné à supporter les dépens de la procédure d’appel, qui seront recouvrés selon les règles de l’aide juridictionnelle. Ainsi, la cour a confirmé les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles et aux dépens. |
DE
VERSAILLES
Chambre civile 1-1
ARRÊT N°
CONTRADICTOIRE
Code nac : 63B
DU 14 JANVIER 2025
N° RG 22/06609
N° Portalis DBV3-V-B7G-VP3Y
AFFAIRE :
[R] [V] [L]
C/
[B] [H]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 14 Janvier 2021 par le Tribunal Judiciaire de NANTERRE
N° Chambre :
N° Section :
N° RG : 19/01933
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
-Me Mathilde BAUDIN,
-la SCP COURTAIGNE AVOCATS
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE QUATORZE JANVIER DEUX MILLE VINGT CINQ,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Monsieur [R] [V] [L]
né le [Date naissance 1] 1955 à [Localité 8]
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 5]
représenté par Me Mathilde BAUDIN, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 351
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/019278 du 08/04/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de VERSAILLES)
APPELANT
****************
Maître [B] [H]
né le [Date naissance 2] 1962 à [Localité 9] (CONGO – BRAZZAVILLE)
de nationalité Congolaise
[Adresse 6]
[Localité 4]
représenté par Me Isabelle DELORME-MUNIGLIA de la SCP COURTAIGNE AVOCATS, avocat postulant – barreau de VERSAILLES, vestiaire : 52 – N° du dossier 022734
Me Philippe BOCQUILLON de l’AARPI 2BV AVOCATS, avocat – barreau de PARIS, vestiaire : E1085
INTIMÉ
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 14 Novembre 2024 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Pascale CARIOU, Conseillère chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Anna MANES, Présidente,
Madame Pascale CARIOU, Conseillère,
Madame Sixtine DU CREST, Conseillère,
Greffier, lors des débats : Madame Natacha BOURGUEIL,
Souhaitant assister à l’enterrement de sa mère en Guadeloupe, M. [R] [L], demeurant en métropole, a déposé le 9 avril 2010, auprès du Centre d’action sociale de la ville de [Localité 7] (ci-après, la CASVP) une demande d’allocation exceptionnelle destinée à couvrir le coût d’un billet d’avion aller-retour qui a été refusée.
Son recours gracieux puis son recours hiérarchique à l’encontre de cette décision ont été rejetés respectivement les 20 mai et 12 juillet 2010.
Par jugement rendu le 10 novembre 2011, le tribunal administratif de Paris a débouté M. [L] de sa demande en annulation de cette dernière décision.
Le 5 mars 2012, il a interjeté appel assisté de M. [H], avocat qui lui avait été désigné au titre de l’aide juridictionnelle.
Par courriel du 20 juin 2012, M. [L] a demandé à M. [H] de se retirer de la défense de sa cause en appel, en adressant parallèlement au Bâtonnier, par lettre recommandée du 21 juin 2012, une demande de changement d’avocat.
Par un arrêt rendu le 18 octobre 2012, la cour administrative d’appel de Paris rejeté les demandes de M. [L] et l’a condamné à verser 500 euros au CASVP.
Par acte du 3 octobre 2017, M. [L] a présenté une demande d’aide juridictionnelle pour être assisté d’un conseil afin de mettre en cause de la responsabilité civile de M. [H] devant le tribunal de grande instance de Paris.
Par ordonnance du 30 janvier 2018, la cour d’appel de Paris lui a accordé l’aide juridictionnelle totale, infirmant la décision du bureau d’aide juridictionnelle du 29 novembre 2017.
C’est dans ses conditions que M. [L] a, par acte du 1er février 2019, fait assigner M. [H] en responsabilité civile professionnelle devant le tribunal de grande instance de Paris qui a renvoyé l’affaire devant le tribunal de Nanterre.
Par jugement contradictoire rendu le 14 janvier 2021, le tribunal judiciaire de Nanterre a :
– déclaré irrecevable l’action de M. [L] contre l’agent judiciaire de l’Etat,
– déclaré recevables les pièces n° 23 à 29 produites par M. [L],
– rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription opposée par M. [H],
– rejeté l’intégralité des demandes de M. [L],
– rejeté la demande de M. [L] au titre des frais irrépétibles,
– condamné M. [L] à payer à M. [H] la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné M. [L] à supporter les entiers dépens de l’instance qui seront recouvrés selon les règles de l’aide juridictionnelle,
– dit n’y avoir lieu à l’exécution provisoire.
Le 2 novembre 2022, M. [L] a interjeté appel de la décision à l’encontre de M. [H].
Par dernières conclusions notifiées le 14 octobre 2024, M. [L] demande à la cour de :
– le déclarer bien fondé et recevable en son appel du jugement du tribunal judiciaire de Nanterre du 14 janvier 2021 ;
En conséquence :
– Infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Nanterre le 14 janvier 2021 ence qu’il :
– Déclare irrecevable son action contre l’agent judiciaire de l’État ;
– Rejette l’intégralité de ses demandes ;
– Rejette sa demande au titre des frais irrépétibles ;
– Le condamne à payer à M. [B] [H] la somme de deux mille euros (2 000 €) en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Le condamne à supporter les entiers dépens de l’instance qui seront recouvrés selon les règles de l’aide juridictionnelle ;
– Dit n’y avoir lieu à l’exécution provisoire du jugement.
En conséquence et statuant à nouveau :
– Juger son recours recevable,
– Constater les fautes commises par Maître [H] ;
– Constater ses préjudices et déclarer Maître [H] entièrement responsable ;
– Condamner Maître [H] à la somme de 1 553 euros au titre de son préjudice financier ;
– Condamner l’agent judiciaire de l’Etat à la somme de 200 000 euros au titre de son préjudice moral ;
– Condamner Maître [H] à la somme de 100 000 euros au titre de son préjudice moral ;
– Condamner Maître [H] à la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Par dernières conclusions notifiées au greffe le 30 septembre 2024, M. [H] demande à la cour de :
– déclarer M. [L] mal fondé en son appel,
– débouter M. [L] de toutes ses demandes en ce qu’elles le visent,
– confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions,
– condamner M. [L] à lui payer une somme de 6 000 euros en vertu de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
La clôture de l’instruction a été ordonnée le 17 octobre 2024.
Sur les limites de l’appel
Le jugement n’est pas contesté en ce qu’il a déclaré recevables les pièces n° 23 à 29 produites par M. [L], ni en ce qu’il a rejeté la fin de non recevoir tirée de la prescription soulevée par M. [H]. Ces dispositions sont dès lors irrévocables.
Les autres dispositions du jugement en revanche sont querellées.
Sur la recevabilité des demandes à l’encontre de l’agent judiciaire de l’Etat
Le tribunal, après avoir constaté que M. [L] ne justifiait pas de la signification de l’assignation à l’agent judiciaire de l’Etat, a constaté que ce dernier n’était pas partie à l’instance et a déclaré les demandes présentées à son encontre intégralement irrecevables.
M. [L] conclut à l’infirmation du jugement en se référant à une décision du 28 novembre 2019 lui octroyant l’aide juridictionnelle totale dans une procédure l’opposant à l’agent judiciaire de l’Etat devant le tribunal de grande instance de Nanterre, pour l’audience du 7 octobre 2019.
De façon confuse, il indique que ‘Maître [J] (qui fut désignée afin de l’assister en date du 3 janvier 2020) aurait dû être mise en demeure de produire ses écritures, celle-ci s’étant désistée du dossier’.
Il est manifeste que M. [L] a obtenu deux décisions d’aide juridictionnelle et que cette seconde décision se rapporte à une autre affaire.
Du reste, dans ses conclusions d’appelant, M. [L] indique être bénéficiaire de l’aide juridictionnelle totale sous le numéro 78646/002/2021/019278, tandis que la seconde décision du 28 novembre 2019 porte un numéro différent 92050/001/2019/011048.
Au surplus, les conclusions d’appelant ne mentionnent pas l’agent judiciaire de l’Etat comme partie à la procédure.
Quoiqu’il en soit, il est patent que M. [L] ne justifie pas qu’une assignation ait été délivrée à ce dernier, de sorte que le tribunal constatant avec justesse qu’il n’était pas partie à la procédure, a déclaré les demandes formées à son encontre totalement irrecevables.
Le jugement sera confirmé sur ce point.
Sur le bien fondé des demandes de M. [L]
Moyens des parties
M. [L], après rappelé chacun des textes sur lesquels il entend fonder ses prétentions, revient sur la fin de non recevoir tirée de la prescription, rejetée par le tribunal, pour considérer que ‘ ceci constitue une contradiction de motifs justifiant l’annulation du jugement de première instance ‘.
Il présente ensuite un certain nombre de manquements, pour l’exposé desquels il est renvoyé à ses conclusions en application de l’article 455 du code de procédure civile.
Il soutient enfin que le tribunal a dénaturé un fait relatif à sa représentation devant le tribunal et que le jugement comporte une contradiction de motifs.
M. [H] conclut à la confirmation du jugement, réfute les manquements qui lui sont allégués et fait valoir qu’en tout état de cause, M. [L] n’établit pas de lien de causalité avec un préjudice quelconque ou une perte de chance de réforme de l’arrêt du 18 octobre 2022.
Appréciation de la cour
En application des articles 411, 412 et 413 du code de procédure civile, le mandat de représentation en justice emporte pouvoir et devoir d’accomplir au nom du mandant les actes de la procédure. La mission d’assistance en justice emporte pouvoir et devoir de conseiller la partie et de présenter sa défense sans l’obliger. Le mandat de représentation emporte mission d’assistance, sauf disposition ou convention contraire.
L’avocat qui manque à son obligation de diligence ou devoir de conseil peut être condamné à réparer le préjudice qui en résulte de manière certaine. Il en sera ainsi lorsque ses clients, dûment conseillés et assistés, auraient, de manière certaine, évité le dommage si l’avocat n’avait pas failli. Lorsque le dommage causé par la faute de l’avocat consiste en la disparition de la possibilité d’un événement favorable, sa réparation ne peut être accordée qu’au titre d’une perte de chance, entendue comme la disparition actuelle et certaine d’une éventualité favorable, qui doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l’avantage qu’aurait procuré cette chance si elle s’était réalisée. Il appartient à celui qui s’en prévaut d’établir un lien de causalité direct entre la perte de chance alléguée et la faute.
En l’espèce, M. [L] reproche à M. [H] un certain nombre de manquements et sollicite une somme de 1 553 euros au titre du préjudice financier et de 200 000 euros au titre du préjudice moral.
Il n’explique aucunement en quoi consiste son préjudice financier, ni même son préjudice moral en dépit de l’importance des sommes demandées, celles-ci étant au demeurant hors de toute proportion avec la jurisprudence habituelle en matière de réparation d’un tel préjudice.
Il ne démontre pas davantage quel serait le lien de causalité entre les manquements qu’il, reproche à son avocat et les préjudices qu’il allègue. Il n’indique pas s’il entend se prévaloir d’une perte de chance de voir sa cause aboutir en appel ou d’un préjudice découlant directement des fautes alléguées.
Au surplus, s’agissant des fautes alléguées, les premiers juges ont, par des motifs circonstanciés et complets, adoptés par la cour, répondu aux moyens qui leur étaient présentés et notamment ceux-ci :
– la production, sans son accord, d’un mémoire ne remettant en cause ni la conformité ni les motifs du jugement du tribunal administratif ;
– la production d’un faux (la LRAR en date du 25 avril 2012) ;
– l’absence d’information relative aux voies de recours contre l’arrêt du 18 novembre 2012.
Il sera ajouté ce qui suit :
– s’agissant de l’absence d’information de la date d’audience devant la cour d’appel administrative et l’absence de M. [H] à cette audience : la procédure devant cette juridiction étant écrite, il n’y a aucun lien de causalité entre cette absence et le rejet des prétentions de M. [L]. En outre, ce dernier a, le 20 juin 2012, demandé à M. [H] de cesser de le représenter. A supposer même que l’absence de M. [H] puisse constituer une faute, compte tenu de la révocation de son avocat, à son initiative sans solliciter au préalable un changement d’avocat auprès du bureau d’aide juridictionnelle, M. [L] ne saurait davantage se prévaloir d’un préjudice moral.
– sur le fait que M. [H] ait indiqué dans le mémoire présenté devant la cour d’appel administrative, que M. [L] sollicitait la condamnation du centre d’action sociale à lui payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts alors qu’en réalité il entendait réclamer le somme de 100 000 euros : si M. [H] pouvait effectivement conseiller son client de ramener ses prétentions à de plus justes proportions, il restait tenu de respecter ses instructions et ne devait pas modifier les demandes sans son accord. Néanmoins, M. [L] ayant été débouté de la totalité de ses prétentions, cette faute ne présente aucun lien de causalité avec l’échec de ses prétentions devant le juge administratif. M. [L] ne démontre pas non plus en quoi elle serait à l’origine d’un préjudice moral.
Par ailleurs, M. [L] revient sur la fin de non recevoir tirée de la prescription rejetée par le tribunal, alors que le jugement n’est pas querellé sur ce point par M. [H] qui y avait seul intérêt. M. [L] ne demande pas à la cour, au terme du dispositif de ses conclusions, de prononcer l’annulation du jugement. Ses développements relatifs à une contradiction de motifs du jugement sont donc sans portée.
M. [L] reproche encore au tribunal d’avoir indiqué, à tort, que M. [H] l’avait assisté devant le tribunal administratif alors qu’en réalité sa défense avait été assurée par un autre conseil. Il estime que ‘Cette dénaturation d’un fait clair et précis induit une collaboration ancienne et l’établissement de la relation de confiance nécessaire entre un avocat et son client’ alors qu’en réalité il n’ y avait aucune confiance entre lui et M. [H].
Pour autant, M. [L] ne démontre pas en quoi ce manque de confiance serait à l’origine du rejet de ses prétentions par la cour d’appel administrative.
Enfin, M. [L] allègue d’une autre contradiction des motifs du jugement en ces termes :
‘Le jugement de première instance affirme que : « Monsieur [R] [L] sollicite effectivement du tribunal qu’il « statue à nouveau » sur les demandes qu’il avait soumises au CASVP » pour ensuite spécifier que « les prétentions de Monsieur [R] [L] qu’éclairent la suite du dispositif doivent s’analyser en vertu des articles 12 et 16 du code de procédure civile en des demandes de condamnation de son ancien conseil au titre de sa responsabilité civile professionnelle fondée sur un défaut d’invocation des moyens utiles à la réformation des décisions ayant rejeté sa demande initiale et ses recours successifs », ce qui était l’unique objet de ce recours devant le tribunal judiciaire de Nanterre’.
La cour observe que les premiers juges n’ont fait que restituer aux demandes de M. [L] leur exacte qualification, sans les dénaturer, ce qui procède de l’office du juge et non d’une contradiction de motif. Au demeurant, M. [L] ne tire aucune conséquence juridique de la contradiction alléguée.
Dans ces conditions, le jugement sera confirmé en ce qu’il rejette l’intégralité des demandes de M. [L].
Sur le caractère abusif de l’appel
Il résulte des éléments qui précèdent que l’appel interjeté par M. [L] revêt un caractère particulièrement abusif : les moyens qu’il invoque sont totalement infondés, voire inexistants, et il n’explicite pas le préjudice qu’il aurait subi alors même qu’il sollicite la somme; extraordinaire pour un préjudice moral, de 300 000 euros de dommages et intérêts.
En application de l’article 32-1 du code de procédure civile, ‘ Celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d’un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés’.
Il est donc justifié de condamner M. [L] à payer une amende civile de 2 000 euros.
En outre, l’article 50 § 4 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à la juridique dispose : «Sans préjudice des sanctions prévues à l’article 441-7 du code pénal, le bénéfice de l’aide juridictionnelle ou de l’aide à l’intervention de l’avocat est retiré, en tout ou partie, même après l’instance ou l’accomplissement des actes pour lesquels il a été accordé, dans les cas suivants : (…) Lorsque la procédure engagée par le demandeur bénéficiant de l’aide juridictionnelle ou de l’aide à l’intervention de l’avocat a été jugée dilatoire, abusive, ou manifestement irrecevable ».
L’article 65 du décret ° 2020-1717 du 28 décembre 2020 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 disposant ces deux derniers alinéas : « Lorsque la procédure engagée par le bénéficiaire de l’aide a été jugée dilatoire, abusive ou manifestement irrecevable, le retrait est prononcé par la juridiction saisie qui en avise le bâtonnier et le bureau d’aide juridictionnelle.
Le retrait entraîne l’obligation, pour le bénéficiaire, de rembourser le montant de la contribution versée par l’Etat. »
En raison du caractère abusif du présent appel, il convient d’ordonner le retrait de l’aide juridictionnelle qui a été accordée à M. [L] et d’en aviser le bâtonnier, ainsi que le bureau d’aide juridictionnelle.
Sur les demandes accessoires
Le sens du présent arrêt commande de confirmer les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.
M. [L], qui succombe, sera condamné aux dépens de la procédure d’appel qui seront recouvrés comme en matière d’aide juridictionnelle.
Compte tenu de l’inconsistance de l’appel, qui ne repose sur aucun élément nouveau alors que les premiers juges ont particulièrement bien motivé leur décision, M. [L] sera condamné à verser à M. [H] la somme de 2000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Les demandes de M. [L] sur ce même fondement seront rejetées.
La Cour, statuant par arrêt contradictoire, dans les limites de l’appel et par mise à disposition,
CONFIRME le jugement entrepris,
Y ajoutant,
CONDAMNE M. [L] aux dépens de la procédure d’appel qui seront recouvrés comme en matière d’aide juridictionnelle,
CONDAMNE M. [L] à verser à M. [H] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE M. [L] au paiement d’une amende civile de 2 000 euros,
ORDONNE le retrait de l’aide juridictionnelle qui a été accordée à M. [L] en cause d’appel,
ORDONNE la transmission du présent arrêt au batonnier de l’ordre des avocats des Hauts de Seine,
REJETTE toute autre demande.
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
– signé par Madame Anna MANES, présidente, et par Madame Natacha BOURGUEIL, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, La Présidente,
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