L’Essentiel : Le 13 janvier 2025, la décision a été prononcée par la présidente Sophie BARBAUD. Le 15 janvier 2024, [P] [G] a demandé réparation pour une détention provisoire de 12 mois et 16 jours, réclamant 71 000 €. L’Agent judiciaire de l’État a déclaré la requête irrecevable le 22 avril 2024, tout en proposant 20 000 € pour le préjudice moral. Cependant, la requête a été jugée recevable, et le requérant, relaxé le 16 août 2023, a obtenu une réparation de 23 000 € pour le préjudice moral et 2 000 € pour le préjudice matériel. Les dépens sont à la charge du Trésor public.
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Prononcé de la décisionLe prononcé de la décision a été effectué par mise à disposition au greffe le 13 janvier 2025, signée par la présidente Sophie BARBAUD et le greffier Florence CHUPIN. Demande de réparationLe 15 janvier 2024, [P] [G] a déposé une requête pour obtenir réparation d’un préjudice résultant d’une détention provisoire de 12 mois et 16 jours, s’étalant du 10 décembre 2021 au 19 septembre 2022, puis du 10 mai 2023 au 16 août 2023. Il a demandé un total de 71 000 €, réparti en plusieurs postes de préjudice. Conclusions des partiesL’Agent judiciaire de l’État a déclaré la requête irrecevable le 22 avril 2024, faute de justificatif de décision définitive, tout en proposant une allocation de 20 000 € pour le préjudice moral et 2 000 € pour le préjudice matériel. Le procureur général a également déclaré la requête irrecevable le 11 octobre 2024. Des observations ont été échangées entre les parties jusqu’à l’audience du 9 décembre 2024. Recevabilité de la requêteLa requête a été jugée recevable, ayant été formulée dans le délai légal conformément aux articles R 26 et 149-2 du code de procédure pénale. Analyse du fondLe requérant, ayant subi une détention provisoire dans le cadre d’une procédure pénale, a été relaxé le 16 août 2023. Il a donc le droit de demander réparation pour le préjudice causé par cette détention, conformément à l’article 149 du code de procédure pénale. Préjudice matérielConcernant le préjudice matériel, le requérant a demandé 7 000 € pour des frais d’avocat, mais seule une facture de 2 000 € relative à la garde à vue a été jugée remboursable, ce qui a conduit à l’allocation de cette somme. Préjudice moralPour le préjudice moral, le requérant a sollicité diverses sommes, totalisant 20 000 € pour la privation de liberté, 2 000 € pour le choc carcéral, et d’autres montants pour des préjudices liés à sa situation familiale et à ses conditions de détention. Toutefois, il n’a pas réussi à prouver des éléments aggravants, ce qui a conduit à une réparation fixée à 23 000 €. Décision finaleLa décision a été rendue en premier ressort, déclarant la requête recevable et fixant le préjudice moral à 23 000 € et le préjudice matériel à 2 000 €. Les dépens ont été laissés à la charge du Trésor public. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les conditions de recevabilité de la requête en réparation du préjudice suite à une détention provisoire ?La recevabilité de la requête en réparation du préjudice causé par une détention provisoire est régie par les articles R 26 et 149-2 du Code de procédure pénale. L’article R 26 stipule que : « La demande de réparation doit être présentée dans un délai de deux ans à compter de la notification de la décision de non-lieu, de relaxe ou d’acquittement. » Quant à l’article 149-2, il précise que : « La personne qui a fait l’objet d’une détention provisoire a le droit de demander réparation intégrale du préjudice moral et matériel causé par cette détention, sous réserve de respecter les délais et conditions prévus par la loi. » Dans le cas présent, la requête a été formulée dans le délai légal, ce qui la rend recevable. Quels sont les droits à réparation d’une personne ayant subi une détention provisoire ?Les droits à réparation d’une personne ayant subi une détention provisoire sont énoncés dans l’article 149 du Code de procédure pénale. Cet article stipule que : « Sans préjudice de l’application des dispositions des articles L. 141-2 et L. 141-3 du code de l’organisation judiciaire, la personne qui a fait l’objet d’une détention provisoire au cours d’une procédure terminée à son égard par une décision de non-lieu, de relaxe ou d’acquittement devenue définitive a droit, à sa demande, à réparation intégrale du préjudice moral et matériel que lui a causé cette détention. » Il est également précisé que : « Aucune réparation n’est due lorsque cette décision a pour seul fondement la reconnaissance de son irresponsabilité au sens de l’article 122-1 du code pénal, une amnistie postérieure à la mise en détention provisoire, ou la prescription de l’action publique intervenue après la libération de la personne. » Ainsi, le requérant a le droit de demander réparation pour le préjudice causé par sa détention, sous réserve de respecter les conditions énoncées. Comment évaluer le préjudice matériel et moral dans le cadre d’une demande de réparation ?L’évaluation du préjudice matériel et moral est encadrée par l’article 149 du Code de procédure pénale, qui prévoit que : « À la demande de l’intéressé, le préjudice est évalué par expertise contradictoire réalisée dans les conditions des articles 156 et suivants. » Pour le préjudice matériel, le requérant doit justifier des frais engagés, comme les frais d’avocat, en fournissant des factures. Dans le cas présent, seule la facture relative à la détention provisoire a été retenue pour remboursement, soit 2 000 €. Concernant le préjudice moral, il est considéré comme un ensemble unique, susceptible d’être augmenté par des facteurs d’aggravation. Le tribunal a pris en compte l’âge du requérant et son casier judiciaire pour fixer le montant de la réparation à 23 000 €. Quelles sont les conséquences de l’irrecevabilité de la requête par l’Agent judiciaire de l’État et le procureur général ?L’irrecevabilité de la requête par l’Agent judiciaire de l’État et le procureur général a des conséquences sur la possibilité de réparation. En effet, si une requête est déclarée irrecevable, cela signifie que le tribunal ne peut pas examiner le fond de la demande. L’Agent judiciaire de l’État a déclaré la requête irrecevable en raison de l’absence de justificatif de la décision définitive. Cela aurait pu entraîner le rejet de la demande de réparation. Cependant, le tribunal a finalement jugé la requête recevable, ce qui a permis d’examiner le fond de la demande et d’allouer des réparations au requérant. Cela souligne l’importance de la présentation de documents justificatifs dans le cadre d’une demande de réparation. |
Indemnisation de la détention provisoire
DECISION AU FOND
DU 13 JANVIER 2025
N° 2025/ 3
N° RG 24/00001 – N° Portalis DBVB-V-B7I-BMNFS
[P] [G]
C/
LE PROCUREUR GENERAL
AGENT JUDICIAIRE DE L’ETAT
copie exécutoire délivrée
le 13 janvier 2025
à Me SADOUNI, avocat
Décision déférée à la Cour :
Décision en matière de réparation du préjudice subi à raison d’une détention provisoire rendue le 13 janvier 2025 prononcée sur requête déposée le 15 janvier 2024.
DEMANDEUR A LA REQUÊTE
Monsieur [P] [G]
né le [Date naissance 2] 2000 à [Localité 4] (06), demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Kada SADOUNI, avocat au barreau de NICE
DEFENDEUR A LA REQUÊTE
AGENT JUDICIAIRE DE L’ETAT, demeurant [Adresse 3]
représenté par Me Eric TARLET de la SCP LIZEE- PETIT-TARLET, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
En présence de monsieur le procureur général, en la personne de madame Stéphanie BATLLE, substitut général, laquelle a été entendue en ses réquisitions.
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DÉBATS ET DÉLIBÉRÉ
L’affaire a été débattue le 09 décembre 2024 en audience publique devant Sophie BARBAUD, présidente de chambre déléguée par ordonnance de monsieur le premier président.
En présence de monsieur le procureur général, auquel l’affaire a été régulièrement communiquée, en la personne de madame Stéphanie BATLLE, substitut général, laquelle a été entendue en ses réquisitions.
Greffier lors des débats : Florence CHUPIN faisant fonction et assermentée
Contradictoire,
Prononcée par mise à disposition au greffe le 13 janvier 2025,
Signée par Sophie BARBAUD, présidente et Florence CHUPIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Par requête parvenue le 15 janvier 2024, [P] [G] a sollicité la réparation du préjudice subi à la suite d’une détention provisoire d’une durée de 12 mois 16 jours, du
10 décembre 2021 au 19 septembre 2022 puis du 10 mai 2023 au 16 août 2023.
Il sollicite la somme de 71 000 € se décomposant comme suit :
– 38 000 € au titre de la privation de liberté
– 5 000 € au titre du choc carcéral
– 5 000 € au titre du préjudice moral lié à sa situation familiale
– 10 000 € au titre du préjudice moral lié à son mal être concernant la procédure criminelle ouverte à son encontre
– 2 000 € au titre du préjudice moral lié à ses conditions de détention
– 7 000 € au titre des frais d’avocat
– 4 000 € au titre des préjudices mentaux et sanitaires persistants
Vu les conclusions de l’Agent judiciaire de l’Etat en date du 22 avril 2024 déclarant irrecevable la requête faute de justificatif de la décision définitive, mais subsidiairement proposant d’allouer 20 000 € au titre du préjudice moral et 2 000 € au titre du préjudice matériel et rejeter le surplus ;
Vu les conclusions du procureur général en date du 11 octobre 2024 déclarant également irrecevable la requête ;
Vu les conclusions récapitulatives et le certificat de non-pourvoi adressés par le coneil du requérant le 18 novembre 2024 ;
Vu les conclusions en réplique adressées par le conseil de l’agent judiciaire de l’Etat le 28 novembre 2024 proposant d’allouer 23 000 € au titre du préjudice moral et 2 000 € au titre du préjudice matériel ;
Vu les observations des parties à l’audience du 9 décembre 2024 ;
EN LA FORME
Formulée dans le délai légal, la requête est recevable en application des articles R 26 et 149-2 du code de procédure pénale.
AU FOND
Aux termes des dispositions de l’article 149 du code de procédure pénale ‘Sans préjudice de l’application des dispositions des articles L. 141-2 et L. 141-3 du code de l’organisation judiciaire, la personne qui a fait l’objet d’une détention provisoire au cours d’une procédure terminée à son égard par une décision de non-lieu, de relaxe ou d’acquittement devenue définitive a droit, à sa demande, à réparation intégrale du préjudice moral et matériel que lui a causé cette détention. Toutefois, aucune réparation n’est due lorsque cette décision a pour seul fondement la reconnaissance de son irresponsabilité au sens de l’article 122-1 du code pénal, une amnistie postérieure à la mise en détention provisoire, ou la prescription de l’action publique intervenue après la libération de la personne, lorsque la personne était dans le même temps détenue pour une autre cause, ou lorsque la personne a fait l’objet d’une détention provisoire pour s’être librement et volontairement accusée ou laissé accuser à tort en vue de faire échapper l’auteur des faits aux poursuites. A la demande de l’intéressé, le préjudice est évalué par expertise contradictoire réalisée dans les conditions des articles 156 et suivants.
Lorsque la décision de non-lieu, de relaxe ou d’acquittement lui est notifiée, la personne est avisée de son droit de demander réparation, ainsi que des dispositions des articles 149-1 à 149-3 (premier alinéa).’
Ayant subi une détention provisoire à l’occasion d’une procédure pénale du chef de violence avec usage ou menace d’une arme sans incapacité , le requérant, qui a bénéficié le
16 août 2023 d’une relaxe de la Cour d’appel d’Aix en Provence est bien fondé à solliciter la réparation du préjudice directement causé par cette privation de liberté d’une durée de 1 an 16 jours
Préjudice matériel
Le requérant sollicite la somme de 7 000 € au titre des frais d’avocat. Sont versées trois factures:
– une facture de 13 décembre 2021 d’un montant de 2000 € relative à ‘ la garde à vue , le déférement , interrogatoire de première comparution , le juge des libertés et de la détention’;
– une facture du 14 janvier 2022 d’un montant de 5000 € et relative à ‘ l’Instruction ‘
– une facture en date du 8 août 2023 d’un montant de 2000 € relative à l’ouverture de dossier , étude , suivi, rdv parloirs , audience chambre des appels correctionnels en date du 8 août 2023
Seule la facture relative au contentieux de la détention provisoire peut donner lieu à remboursement de sorte qu’à ce titre sera allouée la somme de 2000 € correspondant à la facture du 13 décembre 2021.
Préjudice moral
Il est sollicité à ce titre :
– 20 000 € au titre la privation de liberté
– 2 000 € au titre du choc carcéral
– 5 000 € au titre du préjudice moral lié aux liens familiaux et notamment à l’impossibilité de venir en aide à sa maman
– 5 000 € au titre du préjudice moral lié au mal être moral concernant une affaire criminelle
– 2 000 € au titre des conditions de détention
– 1 500 € au titre d’un préjudice psychologique persistant .
L’ensemble de ces postes doivent être analysés comme un seul et même préjudice moral lequel est susceptible d’être augmenté par des facteurs d’aggravation.
En l’espèce [P] [G] ne démontre pas qu’il ait pu aider sa mère au quotidien avant son incarcération .
Il ne justifie pas plus de conditions de détention particulièrement dégradées , ni d’élément en faveur d’un choc carcéral étant rappelé qu’il ne s’agissait pas pour lui de sa première incarcération, que de même aucun élément médical ne vient attester d ‘un déclenchement de pathologies mentales ni lors de son incarcération ni postérieurement à cette dernière, pas plus qu’à une aggravation de son état en lien avec le caractère criminel de la procédure.
Force est de constater qu’aucun facteur d’aggravation n’est démontré.
En conséquence , le préjudice moral subi par [P] [G] sera justement réparé par l’allocation de la somme de 23 000 € tant au regard de son âge (21 ans) au moment de son placement en détention pour 1 an 16 jours que de son casier judiciaire qui portait trace de 5 condamnations au moment de son incarcération.
Statuant publiquement, par décision contradictoire et en premier ressort;
Déclare la requête en réparation du préjudice causé suite à la détention provisoire subie par [P] [G] , recevable.
Fixe à la somme de 23 000 € (vingt trois mille euros) le préjudice moral subi par [P] [G]
Fixe à la somme de 2 000 € (deux mille euros) le préjudice matériel subi [P] [G]
Laisse les dépens à la charge du Trésor public.
Le greffier, La présidente,
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