Réparation du préjudice suite à une détention provisoire : évaluation des demandes et des droits.

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Réparation du préjudice suite à une détention provisoire : évaluation des demandes et des droits.

L’Essentiel : La décision a été prononcée le 13 janvier 2025, signée par Sophie BARBAUD et Florence CHUPIN. Par requête du 17 janvier 2024, [T] [B] a demandé réparation pour une détention provisoire de 29 jours, sollicitant 6 070 € pour divers préjudices. La requête a été jugée recevable, respectant les délais légaux. Le préjudice moral a été évalué à 2 000 €, tandis que le préjudice matériel a été fixé à 1 200 €. Les frais irrépétibles engagés dans la procédure ont également été établis à 1 200 €, laissant les dépens à la charge du Trésor public.

Prononcé de la décision

La décision a été prononcée par mise à disposition au greffe le 13 janvier 2025, signée par Sophie BARBAUD, présidente, et Florence CHUPIN, greffier.

Demande de réparation

Par requête du 17 janvier 2024, [T] [B] a demandé réparation pour un préjudice subi suite à une détention provisoire de 29 jours, du 8 juin au 7 juillet 2023, sollicitant un total de 6 070 € pour divers préjudices.

Conclusions des parties

L’Agent Judiciaire de l’Etat a déclaré la requête irrecevable le 15 mai 2024, tandis que le procureur général a proposé d’accorder une réparation pour le préjudice moral et les frais d’avocat, tout en rejetant la demande liée à la perte de chance. Les parties ont échangé plusieurs conclusions jusqu’à l’audience du 9 décembre 2024.

Recevabilité de la requête

La requête a été jugée recevable, respectant les délais légaux selon les articles R 26 et 149-2 du code de procédure pénale.

Analyse au fond

Le requérant, ayant été relaxé le 7 juillet 2023, a le droit de demander réparation pour le préjudice causé par sa détention provisoire, conformément à l’article 149 du code de procédure pénale.

Préjudice matériel

Le requérant a demandé 1 250 € pour les frais d’avocat et 1 000 € pour la perte de chance de travailler. Cependant, une attestation présentée a été jugée irrecevable, et les frais d’avocat ont été fixés à 1 200 €.

Perte de chance de travailler

Le requérant n’a pas fourni de preuves suffisantes pour démontrer qu’il cherchait un emploi avant son incarcération, entraînant le rejet de sa demande pour perte de chance.

Préjudice moral

Le préjudice moral a été évalué à 2 000 €, tenant compte de l’âge du requérant et de son casier judiciaire vierge, bien que les conditions de détention n’aient pas été prouvées comme ayant eu des effets spécifiques sur lui.

Frais irrépétibles

Les frais irrépétibles engagés par le requérant dans la procédure ont été fixés à 1 200 €.

Décision finale

La requête a été déclarée recevable, le préjudice moral a été fixé à 2 000 €, le préjudice matériel à 1 200 €, et l’indemnité de procédure à 1 200 €, laissant les dépens à la charge du Trésor public.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions de recevabilité de la requête en réparation du préjudice suite à une détention provisoire ?

La recevabilité de la requête en réparation du préjudice causé par une détention provisoire est régie par les articles R 26 et 149-2 du code de procédure pénale.

L’article R 26 stipule que « la demande de réparation doit être formulée dans le délai légal ».

Quant à l’article 149-2, il précise que « la personne qui a fait l’objet d’une détention provisoire a le droit de demander réparation du préjudice causé par cette détention, sous réserve de respecter les conditions de forme et de délai ».

Dans le cas présent, la requête a été formulée dans le délai légal, ce qui la rend recevable.

Il est donc essentiel que le requérant respecte ces délais pour que sa demande soit examinée par le tribunal.

Quels sont les droits à réparation d’une personne ayant subi une détention provisoire ?

Les droits à réparation d’une personne ayant subi une détention provisoire sont énoncés dans l’article 149 du code de procédure pénale.

Cet article stipule que « la personne qui a fait l’objet d’une détention provisoire au cours d’une procédure terminée par une décision de non-lieu, de relaxe ou d’acquittement a droit, à sa demande, à réparation intégrale du préjudice moral et matériel ».

Cependant, il est important de noter que « aucune réparation n’est due lorsque cette décision a pour seul fondement la reconnaissance de son irresponsabilité, une amnistie, ou la prescription de l’action publique ».

Dans le cas présent, le requérant a été relaxé, ce qui lui confère le droit de demander réparation pour le préjudice causé par sa détention.

Comment évaluer le préjudice matériel et moral dans le cadre d’une demande de réparation ?

L’évaluation du préjudice matériel et moral est encadrée par plusieurs dispositions légales, notamment l’article 202 du code de procédure civile.

Cet article précise que « l’attestation doit contenir la relation des faits, les informations sur l’auteur, et indiquer qu’elle est établie en vue de sa production en justice ».

Dans le cas présent, le requérant a demandé réparation pour des frais d’avocat et une perte de chance de travailler.

Cependant, il a été constaté que l’attestation fournie ne remplissait pas les exigences légales, ce qui a conduit à son écartement.

Pour les frais d’avocat, il a été décidé d’allouer 1 200 € au requérant, car ces frais étaient en rapport direct avec le contentieux de la détention.

Concernant le préjudice moral, il a été fixé à 2 000 € en tenant compte de l’âge du requérant et de son casier judiciaire vierge.

Quelles sont les conséquences de la surpopulation carcérale sur la demande de réparation ?

La question de la surpopulation carcérale est souvent soulevée dans les demandes de réparation, mais elle doit être prouvée comme ayant eu des conséquences spécifiques sur le détenu.

Dans le cas présent, bien que la maison d’arrêt ait connu une surpopulation, il n’a pas été démontré que cela ait eu des effets particuliers sur le requérant.

Il est donc essentiel pour le requérant de prouver que les conditions de détention ont eu un impact direct sur son état ou son bien-être.

Sans cette preuve, la demande de réparation fondée sur la surpopulation carcérale peut être rejetée.

Quels sont les frais irrépétibles et comment sont-ils évalués ?

Les frais irrépétibles sont des frais engagés par une partie dans le cadre d’une procédure judiciaire qui ne peuvent pas être récupérés auprès de l’autre partie.

L’article 700 du code de procédure civile stipule que « le juge peut condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais irrépétibles ».

Dans le cas présent, le tribunal a décidé d’allouer 1 200 € au titre des frais irrépétibles, considérant qu’il serait inéquitable de laisser le requérant supporter ces frais.

Cette somme est destinée à couvrir les frais engagés par le requérant pour sa défense dans le cadre de la procédure.

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Indemnisation de la détention provisoire

DECISION AU FOND

DU 13 JANVIER 2025

N° 2025/4

N° RG 24/00002 – N° Portalis DBVB-V-B7I-BMNSJ

[T] [B]

C/

LE PROCUREUR GENERAL

AGENT JUDICIAIRE DE L’ETAT

copie exécutoire délivrée

le 13 janvier 2025

à Me ABASSIT, avocat

Décision déférée à la Cour :

Décision en matière de réparation du préjudice subi à raison d’une détention provisoire rendue le 13 janvier 2025 prononcée sur requête déposée le 17 janvier 2024.

DEMANDEUR A LA REQUÊTE

Monsieur [T] [B]

né le [Date naissance 1] 2003 à [Localité 5] (06), demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Florian ABASSIT, avocat au barreau de NICE substitué par Me Alice DINAHET, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

DEFENDEUR A LA REQUÊTE

AGENT JUDICIAIRE DE L’ETAT, demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Alexandra BEAUX, administratrice provisoire de la SELAS VILLEPIN et associés, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

En présence de monsieur le procureur général, en la personne de madame Stéphanie BATLLE, substitut général, laquelle a été entendue en ses réquisitions.

*-*-*-*-*

DÉBATS ET DÉLIBÉRÉ

L’affaire a été débattue le 9 décembre 2024 en audience publique devant Sophie BARBAUD, présidente de chambre déléguée par ordonnance de monsieur le premier président.

En présence de monsieur le procureur général, auquel l’affaire a été régulièrement communiquée, en la personne de madame Stéphanie BATLLE, substitut général, laquelle a été entendue en ses réquisitions.

Greffier lors des débats : Florence CHUPIN faisant fonction et assermentée

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 13 janvier 2025.
DECISION

Contradictoire,

Prononcée par mise à disposition au greffe le 13 janvier 2025,

Signée par Sophie BARBAUD, présidente et Florence CHUPIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*****

***

*

Par requête parvenue le 17 janvier 2024, [T] [B] a sollicité la réparation du préjudice subi à la suite d’une détention provisoire d’une durée de 29 jours, du 8 juin au

7 juillet 2023.

Il sollicite la somme de 6 070 € se décomposant comme suit :

– 2 320 € au titre du préjudice moral

– 1 250 € au titre des frais de défense

– 1 000 € au titre du préjudice résultant de la perte de chance de travailler

– 1 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile

Vu les conclusions de l’Agent Judiciaire de l’Etat en date du 15 mai 2024 déclarant irrecevable la requête faute de justificatif de la décision définitive ;

Vu les conclusions récapitulatives et le certificat de non-appel adressés par le coneil du requérant le 5 juillet 2024 ;

Vu les conclusions du procureur général en date du 14 octobre 2024 proposant de faire droit à la demande au titre du préjudice moral etd des freais d’avocat, à la réduction de la demande au titre de l’article 700 et rejeter la demande au titre de la perte de chance ;

Vu les conclusions en réplique adressées par le conseil de l’agent judiciaire de l’Etat le 17 octobre 2024 , proposant d’allouer 1 300 € au titre du préjudice moral, 1200 € au titre des frais d’avocat et rejeter le surplus;

Vu les conclusions en réplique adressées par le conseil du requérant le 18 novembre 2024;

Vu les observations des parties à l’audience du 9 décembre 2024 ;

EN LA FORME

Formulée dans le délai légal, la requête est recevable en application des articles R 26 et 149-2 du code de procédure pénale.

AU FOND

Aux termes des dispositions de l’article 149 du code de procédure pénale ‘Sans préjudice de l’application des dispositions des articles L. 141-2 et L. 141-3 du code de l’organisation judiciaire, la personne qui a fait l’objet d’une détention provisoire au cours d’une procédure terminée à son égard par une décision de non-lieu, de relaxe ou d’acquittement devenue définitive a droit, à sa demande, à réparation intégrale du préjudice moral et matériel que lui a causé cette détention. Toutefois, aucune réparation n’est due lorsque cette décision a pour seul fondement la reconnaissance de son irresponsabilité au sens de l’article 122-1 du code pénal, une amnistie postérieure à la mise en détention provisoire, ou la prescription de l’action publique intervenue après la libération de la personne, lorsque la personne était dans le même temps détenue pour une autre cause, ou lorsque la personne a fait l’objet d’une détention provisoire pour s’être librement et volontairement accusée ou laissé accuser à tort en vue de faire échapper l’auteur des faits aux poursuites.A la demande de l’intéressé, le préjudice est évalué par expertise contradictoire réalisée dans les conditions des articles 156 et suivants.

Lorsque la décision de non-lieu, de relaxe ou d’acquittement lui est notifiée, la personne est avisée de son droit de demander réparation, ainsi que des dispositions des articles 149-1 à 149-3 (premier alinéa).’

Ayant subi une détention provisoire à l’occasion d’une procédure pénale du chef d’infraction à la législation sur les stupéfiants et refus de remettre aux autorités judiciaires la convention secrète de déchiffrement d’un moyen de cryptologie, le requérant, qui a bénéficié le 7 juillet 2023 d’une relaxe du tribunal correctionnel de Nice est bien fondé à solliciter la réparation du préjudice directement causé par cette privation de liberté d’une durée de 29 jours

Préjudice matériel

Le requérant sollicite la somme de 1 250 € au titre des frais d’avocat et 1 000 € au titre de la perte de chance de travailler

Il sera rappelé que l’article 202 du code de procédure civile dispose que ‘ L’attestation contient la relation des faits auxquels son auteur a assisté ou qu’il a personnellement constatés.

Elle mentionne les nom, prénoms, date et lieu de naissance, demeure et profession de son auteur ainsi que, s’il y a lieu, son lien de parenté ou d’alliance avec les parties, de subordination à leur égard, de collaboration ou de communauté d’intérêts avec elles.

Elle indique en outre qu’elle est établie en vue de sa production en justice et que son auteur a connaissance qu’une fausse attestation de sa part l’expose à des sanctions pénales.

L’attestation est écrite, datée et signée de la main de son auteur. Celui-ci doit lui annexer, en original ou en photocopie, tout document officiel justifiant de son identité et comportant sa signature. ‘

En l’espèce , est versée aux débats une attestation de l’association [4] qui ne remplit pas ces exigences de sorte qu’elle sera écartée des débats et considérée comme irrecevable.

Concernant les frais d’avocat, preuve est rapportée que ces derniers sont en rapport direct avec le contentieux de la détention provisoire de sorte qu’il y a lieu d’allouer au requérant la somme de 1 200 € au vu de la facture produite et non la somme de 1 250 €.

Concernant le préjudice résultant de la perte de chance de travailler , il y a lieu de rappeler que le requérant doit démontrer qu’il cherchait un emploi . En l’espèce, il n’est pas versé à la procédure un quelconque élément permettant de démontrer que [T] [B] cherchait effectivement un emploi ou été engagé dans une formation avant son incarcération de sorte qu’il sera débouté de la demande formée à ce titre.

Préjudice moral

Le préjudice moral subi par [T] [B] sera justement réparé par l’allocation de la somme de 2 000 € tant au regard de son âge (20 ans) au moment de son placement en détention pour 29 jours que de son casier judiciaire qui ne porte trace d’aucune condamnation

Par ailleurs s’il est exact que la maison d’arrêt de [Localité 5] connaissait au moment de son incarcération une surpopulation carcérale , il n’est pas démontré que ces conditions de détention aient eu des conséquences spécifiques et particulières à l’égard du requérant.

Frais irrépétibles

Il est inéquitable de laisser à la charge de [T] [B] le montant des frais irrépétibles qu’il a dû exposer dans la présente procédure et qui seront évalués à la somme de

1 200€ €

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par décision contradictoire et en premier ressort;

Déclare la requête en réparation du préjudice causé suite à la détention provisoire subie par [T] [B] , recevable.

Constate que la pièce n°6 versée par le requérant est irrecevable

Fixe à la somme de 2 000 € (deux mille euros) le préjudice moral subi par [T] [B]

Fixe à la somme de 1 200 € (mille deux cents euros) le préjudice matériel subi [T] [B]

Fie à la somme de 1 200 € (mille deux cents euros) l’indemnité de procédure

Laisse les dépens à la charge du Trésor public.

Le greffier, La présidente,


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