Communication d’informations et secret professionnel du notaire : limites et conditions.

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Communication d’informations et secret professionnel du notaire : limites et conditions.

L’Essentiel : La SAS [5] a assigné la SCP Maîtres [J] [B] et [G] [F] pour obtenir des informations sur des ventes immobilières et justifier un non-respect d’ordre de virement. En réponse, la SCP a contesté ces demandes, entraînant une mise en délibéré. Le juge a rappelé que des mesures conservatoires peuvent être ordonnées malgré une contestation sérieuse, mais a noté que la SAS n’avait pas prouvé son intérêt légitime pour lever le secret professionnel du notaire. En conséquence, la SAS a été déboutée et condamnée à verser 1000€ à la SCP pour frais de justice.

Exposé du litige

La SAS [5] a assigné la SCP Maîtres [J] [B] et [G] [F] devant le juge des référés du Tribunal judiciaire de Marseille par acte d’huissier en date du 30 juillet 2024. Elle demande la communication d’informations concernant les ventes des lots 20, 21 et 22 d’un immeuble, ainsi que des éléments justifiant le non-respect d’un ordre irrévocable de virement daté du 15 avril 2023. La SAS [5] réclame également une indemnisation de 3000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile et le remboursement des frais engagés.

Défense de la SCP Maîtres [J] [B] et [G] [F]

La SCP Maîtres [J] [B] et [G] [F] a contesté les demandes de la SAS [5] et a conclu au rejet de ses prétentions. L’affaire a été mise en délibéré pour une décision à rendre le 10 janvier 2025.

Motifs de la décision

Le juge a rappelé que selon l’article 835 du code de procédure civile, des mesures conservatoires peuvent être ordonnées même en présence d’une contestation sérieuse. Cependant, il a noté que la SAS [5] ne pouvait pas obtenir la communication des informations demandées en raison de contestations sérieuses concernant la responsabilité du notaire. De plus, l’article 145 du même code stipule que la levée du secret professionnel du notaire nécessite un intérêt légitime, ce qui n’a pas été démontré par la SAS [5].

Conclusion de la décision

En conséquence, la SAS [5] a été déboutée de toutes ses demandes. Elle a également été condamnée à payer 1000€ à la SCP Maîtres [J] [B] et [G] [F] au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens de l’instance.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions pour obtenir des mesures conservatoires en référé selon l’article 835 du code de procédure civile ?

L’article 835 du code de procédure civile stipule que le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection peut prescrire des mesures conservatoires ou de remise en état, même en présence d’une contestation sérieuse.

Ces mesures peuvent être ordonnées pour prévenir un dommage imminent ou faire cesser un trouble manifestement illicite.

Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le juge peut accorder une provision au créancier ou ordonner l’exécution de l’obligation, même s’il s’agit d’une obligation de faire.

Ainsi, pour qu’une mesure conservatoire soit accordée, il faut démontrer l’urgence de la situation et l’absence de contestation sérieuse sur l’existence de l’obligation.

Comment l’article 145 du code de procédure civile encadre-t-il la demande de communication de preuves avant procès ?

L’article 145 du code de procédure civile prévoit que, s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, des mesures d’instruction peuvent être ordonnées.

Ces mesures peuvent être demandées par tout intéressé, soit sur requête, soit en référé.

Il est donc essentiel que la partie qui demande la communication de preuves justifie d’un intérêt légitime.

Dans le cas présent, la SAS [5] n’a pas su démontrer cet intérêt légitime, ce qui a conduit à un rejet de sa demande.

Quel est le cadre juridique du secret professionnel du notaire selon la loi du 25 ventôse an XI ?

L’article 25 de la loi du 25 ventôse an XI, modifié par l’ordonnance n° 2000–916 du 19 septembre 2000, stipule que les notaires ne peuvent délivrer expédition ni donner connaissance des actes à d’autres qu’aux personnes intéressées, sans ordonnance du président du tribunal de grande instance.

Cette disposition vise à protéger le secret professionnel du notaire, qui est intangible.

En cas de violation, le notaire s’expose à des dommages-intérêts, une amende, et même une suspension de ses fonctions en cas de récidive.

Ainsi, le juge ne peut ordonner la communication d’un acte établi par un notaire que dans des cas très précis, ce qui limite la portée des demandes de communication d’informations.

Pourquoi la SAS [5] a-t-elle été déboutée de ses demandes ?

La SAS [5] a été déboutée de ses demandes car elle n’a pas réussi à établir l’absence de contestation sérieuse sur l’existence de l’obligation, condition nécessaire pour obtenir des mesures conservatoires en référé selon l’article 835.

De plus, elle n’a pas justifié d’un intérêt légitime pour obtenir la communication des informations demandées, ce qui est requis par l’article 145 du code de procédure civile.

Enfin, les demandes de communication d’informations concernant le non-respect de l’ordre irrévocable de virement ne peuvent pas être traitées dans le cadre d’un référé, mais doivent être soulevées dans le cadre d’une action en responsabilité.

Ces éléments ont conduit le tribunal à rejeter les demandes de la SAS [5].

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE

ORDONNANCE DE REFERE N° 25/

Référés Cabinet 3

ORDONNANCE DU : 10 Janvier 2025
Président : Madame PONCET, Juge,
Greffier : Madame ZABNER,
Débats en audience publique le : 15 Novembre 2024

N° RG 24/03607 – N° Portalis DBW3-W-B7I-5H5R

PARTIES :

DEMANDERESSE

S.A.S. [5], dont le siège social est sis [Adresse 4], prise en la personne de son représentant légal

représentée par Me Yannick LE LANDAIS, avocat postulant au barreau de MARSEILLE et Me Agnès JAMBON, avocat plaidant au barreau de PARIS

DEFENDERESSE

S.C.P. [J] [B] ET [G] [F], dont le siège social est sis [Adresse 2], prise en la personne de son représentant légal

représentée par Me Thomas DJOURNO, avocat au barreau de MARSEILLE

EXPOSE DU LITIGE

Par acte d’huissier en date du 30 juillet 2024, la SAS [5] a fait assigner la SCP Maîtres [J] [B] et [G] [F] devant le juge des référés du Tribunal judiciaire de MARSEILLE, aux fins de voir la défenderesse condamnée, sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter de l’ordonnance à intervenir, à lui communiquer :
Toute information et élément concernant les actes de vente définitive des lots 20, 21 et 22 de l’immeuble situé [Adresse 3] à [Localité 6], dont les références cadastrales sont 825 b [Cadastre 1], tels que visés à l’ordre irrévocable de virement du 15 avril 2023 ; Tout élément permettant de justifier le non-respect par ses soins de l’ordre irrévocable de virement du 15 avril 2023 ; Toute information concernant la destination des fonds, produits de la vente des lots 20, 21 et 22 de l’immeuble situé [Adresse 3] à [Localité 6], dont les références cadastrales sont 825 b [Cadastre 1], tels que visés à l’ordre irrévocable de virement du 15 avril 2023 ;Condamner la SCP Maîtres [J] [B] et [G] [F] à lui verser la somme de 3000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile ; Condamner la SCP Maîtres [J] [B] et [G] [F] aux entiers dépens en ceux compris les frais engendrés par les sommations interpellatives et de faire pour un montant de 312,74€.
A l’audience du 15 novembre 2024, la SAS [5], représenté par son conseil, réitère verbalement ses prétentions initiales telles que formées aux termes de ses dernières conclusions auxquelles il convient de se reporter.

En défense, la SCP Maîtres [J] [B] et [G] [F], représentée par son conseil, conclut au rejet des prétentions du demandeur.

L’affaire a été mise en délibéré au 10 janvier 2025, date à laquelle la décision a été rendue.

MOTIFS

Aux termes de l’article 835 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.

L’article 145 du même code dispose que s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.

L’article 25 de la loi du 25 ventôse an XI modifié par ordonnance n° 2000–916 du 19 septembre 2000 prévoit « les notaires ne pourront également, sans l’ordonnance du président du tribunal de grande instance, délivrer expédition ni donner connaissance des actes à d’autres qu’aux personnes intéressées en nom direct, héritiers ou ayants droit, à peine de dommages-intérêts, d’une amende de 15 euros, et d’être en cas de récidive, suspendus de leurs fonctions pendant trois mois, sauf néanmoins l’exécution des lois et règlements sur le droit d’enregistrement et de ceux relatifs aux actes soumis à une publication ».

Il est de jurisprudence constante que le secret professionnel du notaire est intangible et que le pouvoir que le juge tient des dispositions précitées d’ordonner la communication d’un acte établi par un officier ministériel ne peut être étendu à d’autres informations qu’aucun acte ne mentionne.

En l’espèce, la SAS [5] sollicite la communication d’informations relatives à la vente des lots 20, 21 et 22 de l’immeuble situé [Adresse 3] à [Localité 6], dont les références cadastrales sont 825 b [Cadastre 1], tels que visés dans l’ordre irrévocable de vente ainsi que les éléments qui pourraient justifier du non-respect par le notaire de l’ordre irrévocable de virement.

La SAS [5] fonde son action sur l’article 835 du code de procédure civile. Or, sur ce fondement, il y a manifestement des contestations sérieuses incontournables ne permettant pas d’y faire droit. Il n’appartient pas au juge des référés, juge de l’évidence, de trancher les questions relatives à l’éventuelle responsabilité contractuelle du notaire qui n’a pas respecté l’ordre irrévocable de virement litigieux.

Par ailleurs, sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile, la SAS [5] n’explique pas quel est l’intérêt légitime qui justifierait que soit ordonné au notaire de communiquer tout élément ou information concernant les ventes des lots 20, 21 et 22 de l’immeuble situé [Adresse 3] à [Localité 6] dans le cadre d’un instance civile, justifiant donc la levée du secret professionnel du notaire dans la mesure où le fait que la vente ait bien eu lieu n’est manifestement pas contestée.

En ce qui concerne la demande de communication d’information justificative du non-respect de l’ordre irrévocable de virement, elles ne peuvent constituer des mesures d’instruction dans le cadre d’un référé, s’agissant de demandes qui doivent être soulevées au fond dans le cadre d’une éventuelle action en responsabilité du notaire.

Par conséquent, la SAS [5] sera débouté de ses demandes.

La SAS [5] qui succombe sera tenu aux dépens.

Il convient également de le condamner à payer à la SCP Maîtres [J] [B] et [G] [F] la somme de 1000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Nous, juge des référés du tribunal judiciaire de Marseille, statuant par mise à disposition au greffe, par ordonnance contradictoire et en premier ressort,

DÉBOUTONS la SAS [5] de l’intégralité de ses demandes ;

CONDAMNONS la SAS [5] à payer à la SCP Maîtres [J] [B] et [G] [F] la somme de 1000€ au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNONS la SAS [5] aux dépens de l’instance ;

LE GREFFIER LE PRESIDENT


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