L’Essentiel : Monsieur [U] [M] [X] [R] et Madame [K] [J] [V] ont contracté deux prêts immobiliers de 236 932€ en novembre 2018. Suite à leur séparation en décembre 2020, Monsieur [U] a cessé de rembourser, laissant Madame [K] seule responsable. En janvier 2022, la banque a mis en demeure les emprunteurs, et en mars, a prononcé la déchéance du terme. En octobre 2022, la banque a assigné les deux devant le tribunal. Ce dernier a jugé que la mise en demeure d’un co-emprunteur engageait la responsabilité de tous, condamnant ainsi les emprunteurs au paiement des sommes dues.
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Contexte des prêts immobiliersMonsieur [U] [M] [X] [R] et Madame [K] [J] [V] ont contracté deux prêts immobiliers le 27 novembre 2018 auprès de la Caisse Régionale de Crédit Agricole mutuel d’Aquitaine, d’un montant total de 236 932€, avec des taux d’intérêt respectifs de 1,57% et 0,95%. Séparation et gestion des prêtsLe couple s’est séparé en décembre 2020, Monsieur [U] [M] [X] [R] s’installant au Portugal et cessant de rembourser les prêts. Madame [K] [J] [V] a alors pris en charge seule le remboursement des prêts, mais a rencontré des difficultés financières à partir de juillet 2021. Mises en demeure et déchéance du termeLa Caisse Régionale de Crédit Agricole mutuel d’Aquitaine a mis en demeure Madame [K] [J] [V] et Monsieur [U] [M] [X] [R] par courrier recommandé le 24 janvier 2022, leur demandant de régulariser leur situation sous quinze jours. En l’absence de réponse, la banque a prononcé la déchéance du terme des prêts par courrier du 22 mars 2022. Assignation en paiementLe 21 octobre 2022, la Caisse Régionale de Crédit Agricole mutuel d’Aquitaine a assigné les deux emprunteurs en paiement devant le tribunal judiciaire de Bordeaux. Madame [K] [J] [V] a introduit une action en référé le 3 mars 2023 pour suspendre les effets du crédit. Prétentions des partiesLa Caisse Régionale de Crédit Agricole mutuel d’Aquitaine a demandé la condamnation solidaire des emprunteurs au paiement de sommes dues, ainsi que la capitalisation des intérêts. Madame [K] [J] [V] a contesté la validité de l’assignation et la déchéance du terme, arguant que les mises en demeure n’avaient pas été correctement notifiées à Monsieur [U] [M] [X] [R]. Décisions du tribunalLe tribunal a jugé que la mise en demeure adressée à l’un des co-emprunteurs était suffisante pour engager la responsabilité de tous les co-emprunteurs. Il a également rejeté la demande de nullité de l’assignation et a confirmé la régularité de la déchéance du terme. Les emprunteurs ont été condamnés à payer les sommes dues, avec des intérêts, tout en déboutant la banque de sa demande de capitalisation des intérêts. ConclusionLe tribunal a statué en faveur de la Caisse Régionale de Crédit Agricole mutuel d’Aquitaine, condamnant solidairement les emprunteurs aux paiements requis et aux dépens de la procédure, tout en rappelant que l’exécution provisoire était de droit. |
Q/R juridiques soulevées :
Sur la validité de l’assignationLa question de la validité de l’assignation se pose en raison des dispositions des articles 643 et suivants du code de procédure civile. L’article 643 stipule que « la citation doit être faite à personne ». Si cela s’avère impossible, l’article 655 permet que l’acte soit délivré à domicile ou, à défaut, à résidence. En vertu de l’article 659, lorsque la personne à qui l’acte doit être signifié n’a ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail connus, l’huissier doit dresser un procès-verbal des diligences effectuées pour rechercher le destinataire. Dans cette affaire, Madame [K] [J] [V] conteste la validité de l’assignation délivrée à Monsieur [U] [M] [X] [R], mais elle ne peut le faire en vertu de l’adage “nul ne plaide par procureur”. Elle ne justifie pas d’un grief causé par les irrégularités soulevées, ce qui rend son moyen inopérant. Il appartient à Monsieur [U] [M] [X] [R] de faire valoir ses droits s’il le souhaite. Ainsi, la demande de nullité de l’assignation est rejetée. Sur la déchéance du termeLa déchéance du terme est régie par l’article 1184 du code civil, qui stipule que « la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques ». Pour qu’une déchéance soit valable, il est nécessaire qu’une mise en demeure soit adressée au débiteur, conformément à l’article 1139 du code civil, qui précise que la mise en demeure doit être une sommation ou un acte équivalent. En l’espèce, la Caisse Régionale de Crédit Agricole mutuel d’Aquitaine a mis en demeure les emprunteurs par courrier recommandé le 24 janvier 2022, leur indiquant qu’en cas de défaut de paiement, elle pourrait se prévaloir de la déchéance du terme. La déchéance a été prononcée le 22 mars 2022, après l’absence de régularisation. Il est établi que la mise en demeure adressée à l’un des débiteurs solidaires produit effet à l’égard de tous, conformément aux articles 1200, 1203 et 1204 du code civil. Ainsi, la déchéance du terme est considérée comme régulière et valable. Sur les sommes réclamées par la banqueLes sommes réclamées par la banque sont fondées sur l’article 1103 du code civil, qui dispose que « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ». La banque a produit des preuves des prêts accordés, des tableaux d’amortissement, ainsi que des lettres de mise en demeure et de déchéance. Les montants dus sont clairement établis : 220 846,89€ pour le prêt de 221 932€ et 14 181,77€ pour le prêt de 15 000€. Ces montants sont donc justifiés et les emprunteurs sont condamnés à les rembourser. Sur la demande de capitalisation des intérêtsLa capitalisation des intérêts est régie par l’article 1154 du code civil, qui stipule que « les intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts ». Cependant, l’article L. 312-23 de l’ancien code de la consommation, devenu l’article L.313-52, interdit la capitalisation des intérêts dans le cadre de défaillance d’un emprunt immobilier. En conséquence, la demande de capitalisation des intérêts formulée par la Caisse Régionale de Crédit Agricole mutuel d’Aquitaine est rejetée. Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civileL’article 696 du code de procédure civile prévoit que la partie perdante est condamnée aux dépens. Étant donné que Monsieur [U] [M] [X] [R] et Madame [K] [J] [V] sont les parties perdantes, ils seront condamnés aux dépens de la procédure. Concernant l’article 700, qui permet de condamner la partie perdante à payer une somme pour les frais exposés, le tribunal a décidé de ne pas accorder d’indemnité procédurale, déboutant ainsi les deux parties de leurs demandes. Cela signifie que chaque partie supporte ses propres frais. |
CINQUIÈME CHAMBRE
CIVILE
SUR LE FOND
53B
N° RG 22/08221 – N° Portalis DBX6-W-B7G-XCWC
Minute n° 2024/00
AFFAIRE :
Société CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL D’AQUIT AINE
C/
[U] [M] [X] [R], [K] [J] [V]
Grosses délivrées
le
à
Avocats : la SELAS AVLH AVOCATS & ASSOCIES
la SELAS ELIGE BORDEAUX
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
CINQUIÈME CHAMBRE CIVILE
JUGEMENT DU 14 JANVIER 2025
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Lors des débats et du délibéré
Mme Angélique QUESNEL, Juge,
Statuant à Juge Unique
Greffier, lors des débats et du prononcé
Isabelle SANCHEZ, Greffier
DÉBATS
A l’audience publique du 12 Novembre 2024
JUGEMENT
Réputé contradictoire
En premier ressort
Par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile
DEMANDERESSE
Société CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL D’AQUIT AINE
106 quai de Bacalan
33300 BORDEAUX
représentée par Maître Thierry WICKERS de la SELAS ELIGE BORDEAUX, avocats au barreau de BORDEAUX
DÉFENDEURS
Monsieur [U] [M] [X] [R]
63 rue Olympe de Gouges – Bât C Appartement 105
33290 BLANQUEFORT
défaillant
Madame [K] [J] [V]
8 lotissement Le Mail
33460 LABARDE
N° RG 22/08221 – N° Portalis DBX6-W-B7G-XCWC
représentée par Maître Aurélie VIANDIER-LEFEVRE de la SELAS AVLH AVOCATS & ASSOCIES, avocats au barreau de BORDEAUX
Monsieur [U] [M] [X] [R] et Madame [K] [J] [V] (ci-après les emprunteurs) ont souscrit deux prêts immobiliers en date du 27 novembre 2018 auprès de la Caisse Régionale de Crédit Agricole mutuel d’Aquitaine :
– d’un montant de 221 932€ pour une durée de 248 mois, moyennant intérêts au taux fixe de 1,57% l’an,
– d’un montant de 15 000€ pour une durée de 180 mois, moyennant intérêts au taux fixe de 0,95% l’an.
[U] [M] [X] [R] et Madame [K] [J] [V] se sont séparés en décembre 2020.
[U] [M] [X] [R] est parti vivre au Portugal et ne prend plus en charge le remboursement des deux prêts immobiliers. Madame [K] [J] [V] gère seule l’ensemble des charges du foyer et donc le remboursement des deux prêts immobiliers.
A compter de juillet 2021, Madame [K] [J] [V] n’est plus en capacité de régler les échéances des prêts immobiliers.
Par courrier recommandé du 24 janvier 2022, la Caisse Régionale de Crédit Agricole mutuel d’Aquitaine a mis en demeure Madame [K] [J] [V] de régulariser la situation sous quinze jours.
Par courrier recommandé du 24 janvier 2022, la Caisse Régionale de Crédit Agricole mutuel d’Aquitaine a mis en demeure Monsieur [U] [M] [X] [R] de régulariser la situation sous quinze jours.
Par courrier recommandé du 22 mars 2022 adressé à Madame [K] [J] [V], la Caisse Régionale de Crédit Agricole mutuel d’Aquitaine a prononcé la déchéance du terme des deux prêts immobiliers.
Par courrier recommandé du 22 mars 2022 adressé à Monsieur [U] [M] [X] [R], la Caisse Régionale de Crédit Agricole mutuel d’Aquitaine a prononcé la déchéance du terme des deux prêts immobiliers.
C’est dans ces conditions que la Caisse Régionale de Crédit Agricole mutuel d’Aquitaine a fait assigner le 21 octobre 2022 Monsieur [U] [M] [X] [R] et Madame [K] [J] [V] en paiement devant le tribunal judiciaire de BORDEAUX.
Le 3 mars 2023, Madame [K] [J] [V] a introduit une action en référé devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de BORDEAUX afin de solliciter la suspension des effets du crédit.
Madame [K] [J] [V] a décidé de mettre en vente son bien afin de pouvoir régler les deux prêts immobiliers.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Aux termes de ses dernières conclusions régulièrement notifiées le 19 octobre 2023, par voie électronique, la Caisse Régionale de Crédit Agricole mutuel d’Aquitaine demande sur le fondement des articles 2288 et suivants du code civil au tribunal de :
La condamnation solidaire de Monsieur [U] [M] [X] [R] et Madame [K] [J] [V] au paiement de : – la somme de 220 846,89€ augmentée des intérêts au taux 1,57% à compter du 9 juin 2022 et jusqu’au parfait paiement, ou à défaut des intérêts au taux légal à compter de la première mise en demeure,
– la somme de 14 181,77€ augmentée des intérêts au taux 0,95% à compter du 9 juin 2022 et jusqu’au parfait paiement, ou à défaut des intérêts au taux légal à compter de la première mise en demeure,
– la somme de 2 200€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
La condamnation solidaire de Monsieur [U] [M] [X] [R] et Madame [K] [J] [V] aux entiers dépens de l’instance.Ordonner la capitalisation des intérêts par année entière à compter de la première mise en demeure, ou à défaut à compter de l’assignation,Ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir sans caution.
A l’appui de ses prétentions,
La Caisse Régionale de Crédit Agricole mutuel d’Aquitaine conteste plusieurs moyens invoqués par Madame [K] [J] [V] pour demander la nullité de l’assignation. Si cette dernière affirme que les règles de l’assignation n’ont pas été respectées en ce qui Monsieur [U] [M] [R], la banque souligne que seule la personne directement concernée, soit Monsieur [U] [M] [R] peut contester les conditions de l’assignation. Elle rappelle également qu’une nullité affectant l’assignation pour une partie n’a pas d’incidence sur le sort des autres parties.La banque précise que Madame [K] [J] [V] invoque plusieurs affirmations sans apporter de preuves concrètes. Elle indique que la seule adresse en sa possession est celle des époux et qu’il n’existe aucune preuve d’une autre adresse connue par la banque. Ainsi, l’huissier a constaté l’absence de Monsieur [U] [M] [R] et donc l’acte délivré selon l’article 659 du code de procédure civile est régulier et conforme aux règles en vigueur.
La Caisse Régionale de Crédit Agricole mutuel d’Aquitaine oppose le même raisonnement concernant la mise en demeure délivrée à Monsieur [U] [M] [R]. Elle note que Madame [K] [J] [V] ne conteste pas la validité de la mise en demeure qui lui a été adressée personnellement, et que donc cette contestation doit être rejetée. La Caisse Régionale de Crédit Agricole mutuel d’Aquitaine soutient enfin que la contestation des intérêts ne peut être soulevée que par Monsieur [X] [R] et qu’elle ne bénéficierait qu’à lui. Par ailleurs, la banque soutient que la demande de suspension n’empêche pas la déchéance du terme, mais en suspend seulement les effets pour la durée prévue.
Suivant les dernières conclusions notifiées le 22 mai 2023 par voie électronique Madame [K] [J] [V] demande au tribunal de :
IN LIMINE LITIS :
Constater que le procédure est devenue sans objet, A défaut :
Prononcer la nullité de l’assignation, En conséquence :
Déclarer irrecevable la demande de la Caisse Régionale de Crédit Agricole mutuel d’Aquitaine A titre subsidiaire :
Déclarer nulle et non avenue la déchéance du terme, Dire en conséquence que Madame [J] [V] ne sera condamnée qu’à payer la Caisse Régionale de Crédit Agricole mutuel d’Aquitaine uniquement les mensualités écues et impayées, A titre infiniment subsidiaire :
Condamner Madame [J] [V] au seul versement des sommes dues, sans application d’aucun taux d’intérêt, En tout état de cause :
Débouter la société la Caisse Régionale de Crédit Agricole mutuel d’Aquitaine de toutes ses demandes, fins et conclusions. La condamner au versement d’une somme de 2 500€ sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
A l’appui de ses prétentions,
Madame [K] [J] [V] fait valoir en premier lieu que la procédure est devenue sans objet puisqu’elle a saisi le juge des contentieux et de la protection du tribunal judiciaire pour demander la suspension du remboursement du prêt litigieux et que la banque ne s’est pas opposée à cette demande. Elle est en attente de la décision judiciaire. Madame [K] [J] [V] conteste à titre principal, la validité de l’assignation délivrée à Monsieur [U] [M] [X] [R], invoquant le non respect des dispositions des articles 643 et suivants du code de procédure civile. Elle rappelle que ce dernier réside désormais au Portugal, ce qui implique un délai de comparution plus long devant le tribunal judiciaire de Bordeaux. L’absence de respect de ce délai entraîne selon elle, la nullité de l’assignation. Par ailleurs, Madame [K] [J] [V] soutient que le commissaire de justice n’a pas accompli les diligences nécessaires et les formalités concrètes pour signifier l’acte. Elle précise que la banque ne pouvait ignorer que Monsieur [X] [R] avait quitté le domicile du couple pour s’établir chez ses parents au Portugal, la laissant seule pour assumer les dettes, un fait qu’elle avait signalé à la banque. En conséquence, il y a lieu de demander au tribunal de prononcer la nullité de l’assignation, entraînant ainsi l’irrecevabilité de la procédure engagée par la banque
Madame [K] [J] [V] soutient à titre subsidiaire que le défaut de remboursement d’un prêt permet à la banque de prononcer la déchéance du terme, rendant ainsi exigible l’intégralité des sommes dues. Toutefois, elle rappelle que cette faculté est soumise à une condition préalable : la banque doit informer le débiteur par une mise en demeure avant de se prévaloir de la déchéance du terme. Ainsi, en l’absence de cette notification, la déchéance pourrait être considérée comme abusive. En l’espèce, elle soutient que la banque n’a pas notifié les mises en demeure à Monsieur [X] [R] à son adresse actuelle, mais uniquement au domicile conjugal, alors qu’il n’y réside plus. En conséquence, Monsieur [X] [R] n’aurait pas été informé des conséquences de son défaut de paiement. Cette omission rendrait , selon elle, la procédure irrégulière et abusive, d’autant plus que la banque fait peser la totalité de la dette sur elle. Par conséquent, il est demandé au tribunal de déclarer nulle et non avenue la déchéance du terme et de limiter la condamnation aux seules mensualités échues et impayées. Madame [K] [J] [V] soutient à titre infiniment subsidiaire qu’elle a besoin de temps pour honorer les dettes. Elle ne conteste pas les sommes dues (220 846,89€ et 14 181,77€) mais ces dernières ne sauraient être majorées des intérêts au taux de 1,57% pour l’une et 0,95% pour l’autre, à compter du 9 juin 2022 dans la mesure où les mises en demeure n’ont pas été régulièrement effectuées. C’est pourquoi, il ne sera pas fait application des taux d’intérêts aux sommes dues.
Monsieur [U] [M] [X] [R] n’a pas constitué avocat et n’a pas déposé d’écritures.
Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures visées ci-dessus conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
La mise en état a été clôturée par ordonnance en date du 2 octobre 2024 et l’affaire fixée à plaider à l’audience du 12 novembre 2024 et mise en délibéré par mise à disposition au greffe le 13 janvier 2025.
Le tribunal rappelle à titre liminaire qu’il n’a pas à statuer sur les demandes de «constater» qui figurent dans le dispositif des conclusions des parties, lesquelles ne constituent pas des prétentions au sens des articles 4, 53 et 768 du code de procédure civile mais des moyens de droit ou de fait qui doivent figurer au soutien d’une prétention dans la partie « discussion » des conclusions.
1 – Sur la qualification du jugement :
Par application des dispositions de l’article 472 du code de procédure civile, si le défendeur ne comparait pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait droit à la demande que s’il l’estime régulière, recevable et bien fondée.
L’article 474 du même code précise qu’en cas de pluralité de défendeurs cités pour le même objet, lorsque l’un au moins d’entre eux ne comparaît pas, le jugement est réputé contradictoire à l’égard de tous si la décision est susceptible d’appel ou si ceux qui ne comparaissent pas ont été cités à personne.
En l’espèce, Monsieur [U] [M] [X] [R] n’était ni présent, ni représenté à l’audience du 12 novembre 2024 et que la citation du commissaire de justice n’a pu être délivrée en sa personne, le jugement sera rendu réputé contradictoire.
2 – Sur la recevabilité de la demande de nullité de l’assignation :
En application de l’article 114 du code de procédure civile, aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n’en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d’inobservation d’une formalité substantielle ou d’ordre public. La nullité ne peut être prononcée qu’à charge pour l’adversaire qui l’invoque de prouver le grief que lui cause l’irrégularité, même lorsqu’il s’agit d’une formalité substantielle ou d’ordre public.
Selon l’article 654 du code de procédure civile, la signification doit être faite à personne. Aux termes de l’article 655 de ce code, si la signification à personne s’avère impossible, l’acte peut être délivré soit à domicile, soit, à défaut de domicile connu, à résidence.
Conformément à l’article 659 du même code, lorsque la personne à qui l’acte doit être signifié n’a ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail connus, l’huissier de justice dresse un procès-verbal où il relate avec précision les diligences qu’il a accomplies pour rechercher le destinataire de l’acte.
En l’espèce, Madame [K] [J] [V] invoque la nullité de l’assignation délivrée à Monsieur [U] [M] [R], en dépit du fait qu’elle ne peut le faire en vertu de l’adage “nul ne plaide par procureur”. Par ailleurs, il est relevé qu’elle ne justifie d’aucun grief que lui aurait causé les irrégularités soulevées. Ce moyen ne peut prospérer. Il appartiendrait à Monsieur [U] [M] [R] de faire valoir ses droits, si celui-ci estimait devoir le faire.
Au demeurant, il est rappelé que la compétence exclusive du juge de la mise en état pour statuer sur les exceptions de procédure, prévue par l’article 789 du code de procédure civile, n’est applicable qu’aux instances introduites à compter du 1er janvier 2020, conformément à l’article 55 du décret du 11 décembre 2019. Or, la procédure a été engagée selon acte délivré le 21 octobre 2022, elle est donc soumise aux dispositions de l’article 789 du code de procédure civile dans sa version en vigueur depuis le 1er janvier 2020 imposant la compétence exclusive du juge de la mise en état.
En conséquence, Madame [K] [J] [V] sera déboutée de sa demande de nullité de l’assignation.
3 – Sur la demande principale de la Caisse Régionale de Crédit Agricole mutuel d’Aquitaine en paiement :
3.1- Sur la régularité de la déchéance du terme :
Aux termes de l’article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 applicable au litige, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites; elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise; elles doivent être exécutées de bonne foi.
L’article 1184 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige, dispose que la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l’une des deux parties ne satisfera point à son engagement.
Conformément à l’ancien article 1139 du code civil, dans sa version applicable au litige, la mise en demeure du débiteur est constituée d’une sommation ou d’un acte équivalent, telle une lettre missive lorsqu’il ressort de ses termes une interpellation suffisante.
Il résulte de ces textes que la mise en demeure, préalable au prononcé par le prêteur de la déchéance du terme conformément à la clause de résiliation prévue à un contrat de prêt, ne comporte une interpellation suffisante de l’emprunteur qu’à la condition d’indiquer qu’en cas de défaut de paiement, dans un certain délai, des échéances échues impayées, le prêteur pourra se prévaloir de la déchéance du terme du prêt.
Par ailleurs, il est constant que la mise en demeure qui est adressée par le créancier au débiteur en cas d’inexécution contractuelle est effectuée par lettre recommandée, le défaut de réception effective de celle-ci n’affecte pas sa validité.
Il ressort également des articles 1200, 1203 et 1204 du code civil dans leur rédaction antérieure à l’ordonnance n 2016-131 du 10 février 2016, que la mise en demeure adressée à l’un des débiteurs solidaires produit effet à l’égard des codébiteurs solidaires.
En l’espèce, il est relevé de l’instruction du dossier que Monsieur [U] [M] [X] [R] et Madame [K] [J] [V] ont souscrit deux prêts immobiliers auprès de la Caisse Régionale de Crédit Agricole mutuel d’Aquitaine :
d’un montant de 221 932€ pour une durée de 248 mois, moyennant intérêts au taux fixe de 1,57% l’an,
– d’un montant de 15 000€ pour une durée de 180 mois, moyennant intérêts au taux fixe de 0,95% l’an. pour un montant de 278 304€.
Les contrats de prêt stipulent aux paragraphes suivants :
– “SOLIDARITÉ ET INDIVISIBILITÉ” :il est expressément stipulé que toutes les obligations résultant du présent contrat à la charge de l’emprunteur engageront solidairement toutes les personnes désignées sous cette entité,
– “DÉCHÉANCE DU TERME- Exigibilité du prêt” : “en cas de survenance de l’un quelconque des cas de déchéance du terme visés ci-après, le prêteur pourra se prévaloir de l’exigibilité immédiate du présent prêt, en capital, intérêts et accessoires, sans qu’il soit besoin d’aucune formalité judiciaire et après mise en demeure restée infructueuse pendant 15 jours : en cas de défaillance dans le remboursement des sommes dues en vertu du prêt financé”.
La Caisse Régionale de Crédit Agricole mutuel d’Aquitaine a mis en demeure le 24 janvier 2022 Madame [K] [J] [V] et Monsieur [U] [M] [R] de régulariser la situation sous quinze jours en leur précisant qu’à défaut de règlement dans le délai imparti, elle prononcerait la déchéance du terme. Cependant, faute de remboursement dans les délais prévus, l’organisme bancaire a prononcé la déchéance du terme par courrier recommandé du 22 mars 2022.
Si Madame [K] [J] [V] conteste la régularité de la déchéance du terme, arguant que les lettres de mise en demeure notifiées à Monsieur [U] [M] [R] sont restées vaines, force est de constater que ces courriers ont été notifiés à la seule adresse connue de la Banque.
La non réception effective par Monsieur [U] [M] [R] ne remet pas en cause la validité de la déchéance du terme prononcée le 22 mars 2022, dès lors que Madame [K] [J] [V] a reçu les courriers recommandées.
Par ailleurs, il est rappelé que le principe de la solidarité des débiteurs implique que chaque co-débiteur solidaire est tenu du paiement de l’intégralité de la dette. En vertu de ce principe, la mise en demeure adressée à l’un des co-débiteurs solidaires produit effet à l’égard de tous les codébiteurs solidaires, y compris ceux qui n’ont pas été directement notifiés. Il s’ensuit que les lettres de mise en demeure adressées à Madame [K] [J] [V] et dont elle a accusé réception, valant notification de la déchéance du terme des deux prêts, ont produit également leurs effets à l’égard de Monsieur [U] [M] [R] en qualité de co-emprunteur solidaire.
Ainsi, les mises en demeure du 24 janvier 2022 et les déchéances du terme du 22 mars 2022, même reçues uniquement par Madame, ont produit leur effet à l’égard de Monsieur [U] [M] [R] en sa qualité de co-débiteur solidaire. Ainsi, les moyens invoqués en ce sens de Madame [K] [J] [V] sont inopérants..
En conséquence, les deux courriers de la banque produisent plein effet à l’égard de Monsieur [U] [M] [R] et Madame [K] [J] [V]. Les moyens d’irrégularité de la déchéance du terme soulevés par Madame [K] [J] [V] ne sont donc pas fondés.
Elle sera donc déboutée de sa demande de déclarer nulle et non avenue la déchéance du terme.
3.2 – Sur les sommes réclamées par la banque:
L’article 1103 du Code Civil, dispose que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
En l’espèce il ressort des pièces produites par la banque, les éléments suivants:
– le contrat accordant le prêt n°10001297982 pour un montant de 221 932€;
– le contrat accordant le prêt n°10001297983 pour un montant de 15 000€
– les tableaux d’amortissement des deux prêts ;
– les deux lettres de mise en demeure de la Caisse Régionale de Crédit Agricole mutuel d’Aquitaine en date du 24 janvier 2022 et celles prononçant la déchéance du terme des contrats suivant courrier recommandé en date du 22 mars 2022 ;
– les décomptes de créances établis le 9 juin 2022, pour :
prêt n°10001297982 : un total de 220 846,89€ dont 203 221,72€ en principal, 3116,83€ en intérêts et 14 508,34€ en accessoires ; prêt n°10001297983 : un total de 14 181,77€ dont 13 121,39€ en principal, 132,6€ et 927,78€ en accessoires. En conséquence, Monsieur [U] [M] [R] et Madame [K] [J] [V] seront condamnés solidairement à verser à la Caisse Régionale de Crédit Agricole mutuel d’Aquitaine les sommes suivantes :
– la somme de 220 846,89€correspondant au montant de sa créance (prêt n°10001297982) au 9 juin 2022,
– la somme de 14 181,77€ correspondant au montant de sa créance (prêt n°10001297983 )au 9 juin 2022,
3.3 – Sur la demande de capitalisation des intérêts :
L’article 1154 du code civil, devenu 1343-2 du Code civil, dispose que «les intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts, ou par une demande judiciaire, ou par une convention spéciale, pourvu que, soit dans la demande, soit dans la convention, il s’agisse d’intérêts dus au moins pour une année entière».
Il est admis qu’en application de sur l’article L. 312-23 de l’ancien code de la consommation, devenu l’article L.313-52 du code de la consommation, qu’aucune indemnité ni aucun coût autres que ceux qui sont mentionnés aux articles L. 312-21 et L. 312-22 du code de la consommation ne peuvent être mis à la charge de l’emprunteur dans les cas de remboursement par anticipation d’un prêt immobilier ou de défaillance prévus par ces articles, ce qui fait obstacle à l’application de la capitalisation des intérêts.
Ainsi la capitalisation des intérêts ne peut être demandée au débiteur défaillant d’un emprunt immobilier.
Dès lors, la Caisse Régionale de Crédit Agricole mutuel d’Aquitaine sera déboutée de sa demande en vue de la capitalisation des intérêts.
4 – Sur les autres demandes :
4.1 Sur les dépens :
Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.
En l’espèce, Monsieur [U] [M] [X] [R] et Madame [K] [J] [V], parties perdantes, seront condamnés aux dépens de la présente procédure y compris ceux de la procédure d’exécution (article 695 du CPC) étant rappelé que les frais occasionnés par les mesures conservatoires restent à la charge du ou des débiteurs conformément aux dispositions de l’article L. 512-2 du CPCE.
4.2 Sur l’article 700 du code de procédure civile :
Aux termes de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, et, le cas échéant, à l’avocat du bénéficiaire de l’aide juridictionnelle partielle ou totale une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l’aide aurait exposés s’il n’avait pas eu cette aide. Dans ce cas, il est procédé comme il est dit aux alinéas 3 et 4 de l’article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
En l’espèce, il apparaît équitable de ne pas condamner Monsieur [U] [M] [X] [R] et Madame [K] [J] [V] au paiement d’une indemnité procédurale. Chacune des parties est donc déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
4.3 Sur l’exécution provisoire :
L’article 515 du code de procédure civile autorise le juge à ordonner l’exécution par provision de sa décision chaque fois qu’il l’estime nécessaire et que cette mesure est compatible avec la nature de l’affaire et autorisée par la loi.
En l’espèce, aucun motif ne conduit à écarter l’exécution provisoire de droit.
Le tribunal,
Déboute Madame [K] [J] [V] de sa demande d’annulation de l’assignation,
Déboute Madame [K] [J] [V] de sa demande de déclarer nulle et non avenue la déchéance du terme,
Condamne solidairement Monsieur [U] [M] [X] [R] et Madame [K] [J] [V] à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole mutuel d’Aquitaine : :
– la somme de 220 846,89 euros, laquelle produira des intérêts au taux contractuel de 1,57%, à compter du 9 juin 2022, et ce, jusqu’à parfait paiement,
– la somme de 14 181,77 euros, laquelle produira des intérêts au taux contractuel de 0,95%, à compter du 9 juin 2022, et ce, jusqu’à parfait paiement,
Déboute la Caisse Régionale de Crédit Agricole mutuel d’Aquitaine de sa demande de capitalisation des intérêts,
Condamne solidairement Monsieur [U] [M] [X] [R] et Madame [K] [J] [V] aux entiers dépens de la présente instance, y compris ceux de la procédure d’exécution (article 695 du CPC) et rappelle que les frais occasionnés par les mesures conservatoires restant à la charge du ou des débiteurs conformément aux dispositions de l’article L512-2 du CPCE,
Déboute les parties de toutes leurs demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile,
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
Rappelle que l’exécution provisoire est de droit.
La présente décision est signée par Mme Angélique QUESNEL, Juge, et Isabelle SANCHEZ, Greffier.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
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