L’Essentiel : M. [W] [Z], de nationalité malienne, a été placé en rétention administrative suite à une obligation de quitter le territoire français. Le 10 janvier 2025, le tribunal de Meaux a déclaré irrecevable la demande de prolongation de cette rétention. En réponse, le procureur a interjeté appel, demandant un effet suspensif, accordé le 11 janvier. L’avocat général a plaidé pour une prolongation, tandis que M. [W] [Z] a demandé la confirmation de l’ordonnance de non-prolongation. La cour a finalement jugé la requête irrecevable, confirmant l’ordonnance initiale et ouvrant la voie à un pourvoi en cassation.
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Contexte de l’affaireM. [W] [Z], de nationalité malienne, a été placé en rétention administrative par un arrêté préfectoral daté du 10 décembre 2024, en raison d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF) notifiée le 11 décembre 2023. Cette mesure a été prolongée pour la première fois le 15 décembre 2024, après le rejet de la déclaration d’appel de M. [W] [Z] le 17 décembre 2024. Procédure judiciaireLe 10 janvier 2025, le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Meaux a déclaré irrecevable la requête du préfet de police visant à prolonger la rétention de M. [W] [Z]. En réponse, le procureur de la République a interjeté appel de cette ordonnance le même jour, demandant un effet suspensif, ce qui a été accordé par une ordonnance du 11 janvier 2025. Le préfet de police a également interjeté appel de la décision. Arguments des partiesL’avocat général a demandé l’infirmation de l’ordonnance initiale, soutenu par le conseil de la préfecture qui a également plaidé pour une prolongation de la rétention de 30 jours. En revanche, M. [W] [Z], assisté de son avocat, a demandé la confirmation de l’ordonnance de non-prolongation. Analyse des délais de rétentionLa cour a rappelé que, selon le code de l’entrée et du séjour des étrangers, la rétention peut être prolongée au-delà de quatre jours sous certaines conditions. Le délai de quatre jours pour M. [W] [Z] a été calculé à partir de la notification de son placement en rétention, expirant le 13 décembre 2024, suivi d’un délai de 26 jours à compter du 14 décembre 2024. Décision de la courLa cour a conclu que la requête pour prolongation de la rétention était irrecevable, car le magistrat a été saisi après l’expiration des délais légaux. Par conséquent, l’ordonnance initiale a été confirmée, et une expédition de la décision a été ordonnée pour le procureur général. Voies de recoursL’ordonnance n’étant pas susceptible d’opposition, un pourvoi en cassation est ouvert à l’étranger, à l’autorité administrative et au ministère public, avec un délai de deux mois pour le former. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la base légale pour le placement en rétention administrative d’un étranger ?Le placement en rétention administrative d’un étranger est régi par l’article L.741-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA). Cet article stipule que : « L’autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de quatre jours, l’étranger qui se trouve dans l’un des cas prévus à l’article L. 731-1 lorsqu’il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l’exécution de la décision d’éloignement et qu’aucune autre mesure n’apparaît suffisante à garantir efficacement l’exécution effective de cette décision. » Ainsi, la rétention est justifiée par l’absence de garanties de représentation et la nécessité d’assurer l’exécution de la décision d’éloignement. Il est important de noter que cette mesure est temporaire et doit être réévaluée au-delà de la période initiale de quatre jours. Quelles sont les conditions de prolongation de la rétention administrative ?La prolongation de la rétention administrative est encadrée par l’article L.742-1 du CESEDA, qui précise que : « Le maintien en rétention au-delà de quatre jours à compter de la notification de la décision de placement initiale peut être autorisé, dans les conditions prévues au présent titre, par le magistrat du siège saisi à cette fin par l’autorité administrative. » De plus, l’article L.742-3 indique que : « Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court pour une période de vingt-six jours à compter de l’expiration du délai de quatre jours, mentionné à l’article L. 741-1. » Cela signifie que, pour prolonger la rétention, l’autorité administrative doit saisir un magistrat, qui évaluera la nécessité de cette prolongation. La décision du magistrat doit être rendue dans un délai précis, garantissant ainsi le respect des droits de l’individu concerné. Quels sont les délais applicables en matière de rétention administrative ?Les délais applicables en matière de rétention administrative sont précisés par l’avis de la Cour de cassation du 07 janvier 2025. Selon cet avis : « D’une part, que, conformément aux articles L. 742-1 et R. 742-1 du CESEDA et les articles 641 et 642 du code de procédure civile n’étant pas applicables, le délai de rétention de quatre jours court à compter de la notification du placement en rétention, de sorte que le premier jour doit être décompté. » « D’autre part, qu’exprimé en jours, ce délai expire le dernier jour à vingt-quatre heures, sans que ne soit applicable la prolongation du délai expirant un dimanche ou un jour férié. » Ainsi, pour un placement en rétention notifié le 1er janvier à quinze heures, le délai de quatre jours s’achèvera le 4 janvier à vingt-quatre heures. Il est crucial que ces délais soient respectés pour garantir les droits des personnes placées en rétention. Quelles sont les voies de recours contre une ordonnance de rétention administrative ?Les voies de recours contre une ordonnance de rétention administrative sont définies par le Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Selon les dispositions applicables : « Le pourvoi en cassation est ouvert à l’étranger, à l’autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d’attente ou la rétention et au ministère public. » Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification de l’ordonnance. Le pourvoi doit être formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l’avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur. Ces dispositions garantissent un contrôle judiciaire sur les décisions de rétention, permettant ainsi de protéger les droits des étrangers concernés. |
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 1 – Chambre 11
L. 743-22 du Code de l’entrée et du séjour
des étrangers et du droit d’asile
ORDONNANCE DU 13 JANVIER 2025
(1 pages)
Numéro d’inscription au numéro général et de décision : B N° RG 25/00160 – N° Portalis 35L7-V-B7J-CKTC5
Décision déférée : ordonnance rendue le 10 janvier 2025, à 15h32, par le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Meaux
Nous, Elise Thevenin-Scott, conseillère, à la cour d’appel de Paris, agissant par délégation du premier président de cette cour, assistée de Roxanne Therasse, greffière aux débats et au prononcé de l’ordonnance,
1°) LE PROCUREUR DE LA RÉPUBLIQUE PRÈS LE TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MEAUX
MINISTÈRE PUBLIC, en la personne de Mme Florence Lifchitz, avocat général, présente en salle d’audience de la Cour d’appel de Paris
2°) LE PRÉFET DE POLICE,
représenté par Me Nicolas Suarez Pedroza du cabinet Actis Avocats, avocat au barreau du Val-de-Marne présent en salle d’audience de la Cour d’appel de Paris
INTIMÉ:
M. [W] [Z]
né le 31 décembre 1994 à [Localité 1] se disant né à [Localité 4] (au Mali)
de nationalité Malienne
RETENU au centre de rétention du [3]
assisté de Me Elena Velez De La Calle, avocat au barreau de Paris, de Mme [Y] [P], élève-avocate et de Mme [L] [O] (Interpète en bambara) tout au long de la procédure devant la cour et lors de la notification de la présente ordonnance, serment préalablement prêté, présentes en salle d’audience de la Cour d’appel de Paris
ORDONNANCE :
– contradictoire,
– prononcée en audience publique,
– Vu l’ordonnance du 10 janvier 2025, à 15h32, du magistrat du siège du tribunal judiciaire de Meaux déclarant irrecevable la requête du préfet de police, disant n’y avoir lieu à statuer sur la demande de seconde prolongation de la rétention administrative de M. [W] [Z], rappelant à M. [W] [Z] qu’il a l’obligation de quitter la France ;
– Vu l’appel de ladite ordonnance interjeté le 10 janvier 2025 à 17h31 par le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Meaux, avec demande d’effet suspensif ;
– Vu l’appel de ladite ordonnance, interjeté le 11 janvier 2025, à 16h07, par le préfet de police ;
– Vu l’ordonnance du 11 janvier 2025 conférant un caractère suspensif au recours du procureur de la République ;
– Vu la décision de jonction, par mention au dossier, des deux appels ;
– Vu les observations :
– de l’avocat général tendant à l’infirmation de l’ordonnance ;
– du conseil de la préfecture lequel, s’associant à l’argumentation développée par le ministère public, nous demande d’infirmer l’ordonnance et de prolonger la rétention pour une durée de 30 jours ;
– de M. [W] [Z], assisté de son conseil qui demande la confirmation de l’ordonnance ;
Monsieur [W] [Z], né le 31 décembre 1994 à [Localité 4] (Mali), a été placé en rétention administrative par arrêté préfectoral en date du 10 décembre 2024, notifié à 15h05, sur la base d’un arrêté préfectoral portant OQTF du 11 décembre 2023.
La mesure a été prolongée pour la première fois le 15 décembre 2024, la déclaration d’appel de Monsieur [W] [Z] étant rejetée le 17 décembre 2024.
Sur requête de l’administration, par ordonnance du 10 janvier 2025, le magistrat du siège en charge du contrôle des mesures restrictives et privatives de liberté de [Localité 2] a déclaré irrecevable la requête aux fins de deuxième prolongation de la préfecture de police de [Localité 5].
Le procureur de la République a interjeté appel et sollicité que lui soit accordé l’effet suspensif. Il a été fait droit à sa demande par ordonnance rendue le 11 janvier 2025.
Le préfet a également interjeté appel de la décision.
Réponse de la cour :
Rappelons que, sauf s’ils constituent des exceptions de procédure, au sens de l’article 74 du code de procédure civile, les moyens nouveaux sont recevables en cause d’appel (article 563 du CPC)
Le délai d’action constitue une fin de non-recevoir pouvant être invoquée à tout stade de la procédure.
Il ressort de la lecture de l’article L.741-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile que l’autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de quatre jours, l’étranger qui se trouve dans l’un des cas prévus à l’article L. 731-1 lorsqu’il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l’exécution de la décision d’éloignement et qu’aucune autre mesure n’apparaît suffisante à garantir efficacement l’exécution effective de cette décision.
L’article L.742-1 du même code prévoit que le maintien en rétention au-delà de quatre jours à compter de la notification de la décision de placement initiale peut être autorisé, dans les conditions prévues au présent titre, par le magistrat du siège saisi à cette fin par l’autorité administrative.
L’article L.742-3 du même code retient que si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court pour une période de vingt-six jours à compter de l’expiration du délai de quatre jours, mentionné à l’article L. 741-1.
L’article L.743-4 énonce, enfin, que le magistrat du siège statue, par ordonnance, dans les quarante-huit heures suivant l’expiration du délai fixé au premier alinéa de l’article L. 741-10 ou sa saisine en application des articles L. 742-1 et L. 742-4 à L. 742-7.
Le 07 janvier 2025, la 1ère chambre civile de la Cour de cassation a rendu l’avis suivant sur la computation des délais en matière de rétention administrative et de saisine du magistrat du siège en charge du contrôle des mesures restrictives et privatives de liberté aux fins de première prolongation :
« – d’une part, que, conformément aux articles L. 742-1 et R. 742-1 du CESEDA et les articles 641 et 642 du code de procédure civile n’étant pas applicables, le délai de rétention de quatre jours court à compter de la notification du placement en rétention, de sorte que le premier jour doit être décompté;
– d’autre part, qu’exprimé en jours, ce délai expire le dernier jour à vingt-quatre heures, sans que ne soit applicable la prolongation du délai expirant un dimanche ou un jour férié.
Ainsi, pour un placement en rétention notifié le 1er janvier à quinze heures, le délai de quatre jours s’achèvera le 4 janvier à vingt-quatre heures. »
Il se déduit de l’ensemble des éléments exposés, et au regard des données de l’espèce que l’arrêté de placement en rétention concernant Monsieur [W] [Z] a été notifié le 10 décembre 2024 à 15h05 ; que le délai de quatre jours expirait le 13 décembre à 24h00 et que c’est à compter du 14 décembre 2024 à 00h00 que la délai de 26 jours commençait à courir. Ce délai expirait le 08 janvier 2025 à 24h00. Le magistrat du siège en charge du contrôle des mesures restrictives et privatives de liberté a été saisi le 09 janvier 2025 à 08h56.
La requête est donc irrecevable et la décision sera confirmée.
CONFIRMONS l’ordonnance
ORDONNONS la remise immédiate au procureur général d’une expédition de la présente ordonnance.
Fait à Paris le 13 janvier 2025 à
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
REÇU NOTIFICATION DE L’ORDONNANCE ET DE L’EXERCICE DES VOIES DE RECOURS :
Pour information :
L’ordonnance n’est pas susceptible d’opposition.
Le pourvoi en cassation est ouvert à l’étranger, à l’autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d’attente ou la rétention et au ministère public.
Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification.
Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l’avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.
Le préfet ou son représentant L’interprète
L’avocat de l’intéressé L’avocat général
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