Prolongation de la rétention administrative : évaluation des diligences et perspectives d’éloignement.

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Prolongation de la rétention administrative : évaluation des diligences et perspectives d’éloignement.

L’Essentiel : X se disant [W] [Z], né le 9 juin 2006 en Algérie, est un étranger non documenté, célibataire et sans enfant. Il est entré en France en situation irrégulière entre 2021 et 2022. Le 14 décembre 2024, le préfet du Var a émis un arrêté de placement en rétention administrative à son encontre, en raison d’une obligation de quitter le territoire français. Le juge des libertés a prolongé cette rétention, constatant des démarches administratives en cours pour son éloignement. Le 13 janvier 2025, le juge a ordonné une nouvelle prolongation de trente jours, considérant les perspectives d’éloignement comme raisonnables.

Identité et Situation de X se disant [W] [Z]

X se disant [W] [Z], né le 9 juin 2006 en Algérie, est un étranger non documenté, célibataire et sans enfant. Il a quitté l’Algérie à l’âge de 15 ans et est entré en France en situation irrégulière entre 2021 et 2022. Actuellement, il ne dispose ni de logement, ni d’emploi, ni de source de revenu, et ses parents résident toujours en Algérie.

Arrêté de Rétention Administrative

Le 14 décembre 2024, le préfet du Var a émis un arrêté de placement en rétention administrative à l’encontre de X, en exécution d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF) notifiée le 7 novembre 2024. Cette OQTF stipule un départ sans délai et une interdiction de retour en France pendant trois ans.

Prolongation de la Rétention

Le 19 décembre 2024, le juge des libertés et de la détention a ordonné la prolongation de la rétention de X pour une durée de vingt-six jours. Cette décision a été confirmée par la cour d’appel de Toulouse le 23 décembre 2024. Le 12 janvier 2025, le préfet a demandé une nouvelle prolongation de la rétention pour une durée de 30 jours, en raison des démarches entreprises pour l’éloignement de X.

Arguments des Parties

Lors de l’audience du 13 janvier 2025, le représentant de la préfecture a soutenu la demande de prolongation, mettant en avant les démarches effectuées, notamment l’audition de X par le consul le 8 janvier 2025. En revanche, le conseil de X a plaidé un manque de diligence de l’administration depuis cette audition.

Motifs de la Décision

Le juge a rappelé que la prolongation de la rétention ne peut être accordée que si des perspectives raisonnables d’éloignement existent. Il a constaté que l’administration avait agi rapidement en sollicitant les autorités consulaires algériennes dès le 14 décembre 2024, et que l’audition par le consul le 8 janvier 2025 permettait d’envisager un éloignement imminent. Ainsi, les conditions légales pour une seconde prolongation étaient réunies.

Ordonnance de Prolongation

En conséquence, le juge a ordonné la prolongation de la rétention de X se disant [W] [Z] pour une durée de trente jours, à compter de l’expiration de la période précédente de vingt-six jours. Cette décision a été notifiée aux parties concernées, avec mention des possibilités de recours.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions de la rétention administrative selon le CESEDA ?

La rétention administrative d’un étranger est régie par le Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA).

Selon l’article L741-3 du CESEDA :

« Un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L’administration exerce toute diligence à cet effet. »

Cet article souligne que la rétention ne doit pas être prolongée au-delà de ce qui est nécessaire pour permettre l’éloignement de l’étranger.

De plus, l’article L742-4 précise les conditions dans lesquelles un magistrat peut être saisi pour prolonger la rétention au-delà de trente jours.

Les cas incluent :

1. En cas d’urgence absolue ou de menace pour l’ordre public ;
2. Lorsque l’impossibilité d’exécuter la décision d’éloignement résulte de la perte ou de la destruction des documents de voyage de l’intéressé, de la dissimulation par celui-ci de son identité ou de l’obstruction volontaire faite à son éloignement ;
3. Lorsque la décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison :
a) du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé ou lorsque la délivrance des documents de voyage est intervenue trop tardivement pour procéder à l’exécution de la décision d’éloignement ;
b) de l’absence de moyens de transport.

Ainsi, la prolongation de la rétention doit être justifiée par des perspectives raisonnables d’éloignement, et l’administration doit démontrer qu’elle a exercé des diligences suffisantes pour permettre cet éloignement.

Quels sont les droits de l’étranger en matière de rétention administrative ?

L’étranger en situation de rétention administrative dispose de plusieurs droits, notamment en ce qui concerne l’information sur les décisions le concernant.

L’article L. 742-2 du CESEDA stipule que :

« L’étranger peut être maintenu à disposition de la justice dans les conditions prévues à l’article L. 742-2. »

Cela signifie que l’étranger a le droit d’être informé des raisons de sa rétention et des voies de recours possibles.

En outre, la décision de prolongation de la rétention doit être notifiée à l’étranger, comme le précise la procédure.

Dans le cas présent, il est mentionné que l’intéressé a été informé des possibilités et des délais de recours contre toutes les décisions le concernant.

Cela inclut le droit de faire appel de la décision de prolongation de la rétention dans un délai de 24 heures, ce qui est conforme aux exigences légales.

Comment le juge apprécie-t-il la nécessité de prolonger la rétention ?

Le juge a un rôle crucial dans l’évaluation de la nécessité de prolonger la rétention administrative.

Selon l’article L742-4 du CESEDA, il appartient au juge judiciaire d’apprécier concrètement, au regard des données de chaque situation à la date où il statue, si la mesure de rétention et sa poursuite sont justifiées par des perspectives raisonnables de mise à exécution de la mesure d’éloignement.

Les perspectives doivent être réalisables dans le délai maximal de rétention applicable, soit 90 jours.

La démonstration par l’administration d’un éloignement à bref délai n’est exigée que pour les troisième et quatrième prolongations de la rétention.

Dans l’affaire examinée, le juge a constaté que les diligences effectuées par l’administration permettaient d’envisager un éloignement dans les semaines à venir, ce qui a conduit à la décision de prolongation.

Ainsi, le juge doit s’assurer que l’administration a agi avec diligence et que des perspectives d’éloignement existent avant d’ordonner une prolongation de la rétention.

COUR D’APPEL DE TOULOUSE
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE TOULOUSE

Vice-président

ORDONNANCE PRISE EN APPLICATION DES DISPOSITIONS DU CODE D’ENTRÉE ET DE SÉJOUR DES ETRANGERS
(demande de 2ème prolongation)
_______________________________________________________________________________________
N° de MINUTE N° RG 25/00101 – N° Portalis DBX4-W-B7J-TV2F

le 13 Janvier 2025

Nous, Marion STRICKER,vice-président désigné par le président du tribunal judiciaire de TOULOUSE, assistée de Claude MORICE-CATROS, greffier ;

En présence de [Y] [W] [X], interprète en arabe, assermenté ;

Statuant en audience publique ;

Vu les articles L742-1 à L742-3, L742-4, R743-1 à R743-8 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

Vu notre saisine par requête de M. LE PREFET DU VAR reçue le 12 Janvier 2025 à 9 heures 55, concernant Monsieur X se disant [W] [Z] né le 09 Juin 2006 à [Localité 2] (ALGERIE) de nationalité Algérienne

Vu la précédente ordonnance du Vice-président du Tribunal judiciaire territorialement compétent en date du 19 décembre 2024 ordonnant la prolongation du maintien en rétention administrative de l’intéressé confirmée par ordonnance de la cour d’appel le 23 décembre 2024 ;
Vu l’ensemble des pièces de la procédure ;
Monsieur le Préfet sus-désigné ayant été avisé de la date et de l’heure de l’audience ;
Le conseil de l’intéressé ayant été avisé de la date et de l’heure de l’audience ;
Attendu que l’intéressé et son conseil ont pu prendre connaissance de la requête et de ses pièces annexes ;

************

Ouï les observations du représentant de la Préfecture qui a sollicité la prolongation de la mesure de rétention administrative ;
Ouï les observations de l’intéressé ;
Ouï les observations de Me Lisa JOULIE, avocat au barreau de TOULOUSE ;

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SUR CE :

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCEDURE :

X se disant [W] [Z], né le 9 juin 2006 à [Localité 2] (Algérie), non documenté, se déclarant de nationalité algérienne, se déclare célibataire et sans enfant, ayant quitté l’Algérie à l’âge de 15 ans, en situation irrégulière en France où il est entré en 2021-2022, sans logement, sans emploi et sans source de revenu. Ses parents sont restés en Algérie.

Il a fait l’objet d’un arrêté portant placement en rétention administrative par arrêté du préfet du Var daté du 14 décembre 2024, régulièrement notifié le jour même à 17h45, en exécution d’une décision portant obligation de quitter le territoire français (OQTF), sans délai, avec interdiction de retour pendant 3 ans du préfet du Var datée du 7 novembre 2024, régulièrement notifiée le jour même à 16h05.

Par ordonnance rendue le 19 décembre 2024 à 16h13, le juge des libertés et de la détention de Toulouse a ordonné la prolongation de la rétention de X se disant [W] [Z], pour une durée de vingt-six jours, décision confirmée par le magistrat délégué à la cour d’appel de Toulouse par ordonnance rendue le 23 décembre 2024 à 9h30.

Par requête datée du 12 janvier 2025, enregistrée au greffe le même jour à 9h55, le préfet du Var a demandé la prolongation de la rétention de X se disant [W] [Z] dans des locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire pour une durée de 30 jours (deuxième prolongation).

A l’audience du 13 janvier 2025, le représentant de la préfecture soutient la demande de prolongation faisant valoir l’ensemble des démarches entreprises par l’administration, qui ont abouti à l’audition de l’étranger par le consul le 8 janvier 2025. Le conseil de X se disant [W] [Z] plaide le défaut de diligence depuis le 8 janvier 2025.

La décision a été mise en délibéré au jour même.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

A titre liminaire, il est constaté que la défense ne soutient pas de fin de non-recevoir.

Sur le fond : la prolongation de la rétention

Aux termes de l’article L741-3 du CESEDA : « un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L’administration exerce toute diligence à cet effet ».

Aux termes de l’article L. 742-4 du CESEDA, « le magistrat du siège du tribunal judiciaire peut, dans les mêmes conditions qu’à l’article L. 742-1, être à nouveau saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de trente jours, dans les cas suivants :
1° En cas d’urgence absolue ou de menace pour l’ordre public ;
2° Lorsque l’impossibilité d’exécuter la décision d’éloignement résulte de la perte ou de la destruction des documents de voyage de l’intéressé, de la dissimulation par celui-ci de son identité ou de l’obstruction volontaire faite à son éloignement ;
3° Lorsque la décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison :
a) du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé ou lorsque la délivrance des documents de voyage est intervenue trop tardivement pour procéder à l’exécution de la décision d’éloignement ;
b) de l’absence de moyens de transport.
L’étranger peut être maintenu à disposition de la justice dans les conditions prévues à l’article L. 742-2.
Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l’expiration de la précédente période de rétention et pour une nouvelle période d’une durée maximale de trente jours. La durée maximale de la rétention n’excède alors pas soixante jours ».

Il appartient au juge judiciaire d’apprécier concrètement au regard des données de chaque situation à la date où il statue, si la mesure de rétention et sa poursuite sont justifiées par des perspectives raisonnables de mise à exécution de la mesure d’éloignement, étant précisé que ces perspectives doivent s’entendre comme celles qui peuvent être réalisées dans le délai maximal de rétention applicable à l’intéressé, soit 90 jours, la démonstration par l’administration d’un éloignement à bref délai n’étant exigée que pour les troisième et quatrième prolongations de la rétention. Les diligences de l’administration doivent présenter un caractère suffisant.

En l’espèce, la défense soutient que l’administration aurait manqué à ses diligences depuis l’audition de X se disant [W] [Z] le 8 janvier 2025.

Il ressort de la lecture des pièces au soutien de la requête du préfet du Var que X se disant [W] [Z], se déclarant de nationalité algérienne, a été placé en rétention par décision notifiée le 14 décembre 2024. Il n’est pas contesté par la défense que les autorités consulaires étrangères ont été saisies en vue d’une demande d’identification et de laissez-passer suffisamment rapidement (courrier au consul daté du jour même de l’arrêté, dès le 14 décembre 2024) et valablement (avec les pièces jointes suivantes : photos d’identité, fiche décadactylaire, PV d’audition de l’étranger), ce qui fait que les autorités consulaires algériennes ont répondu favorablement à la demande de l’administration par courrier du 19 décembre 2024.

Suite à la décision judiciaire du 19 décembre 2024, confirmée en appel le 23 décembre 2024, il est inexact de soutenir que l’administration a manqué à ses diligences, alors que l’intéressé a été entendu le 8 janvier 2025 par le consul d’Algérie de [Localité 3], ce qui permet d’établir la perspective d’un éloignement, l’absence de relance depuis cette date (audition la semaine dernière) étant indifférente puisque l’autorité administrative française n’a aucun pouvoir de contrainte sur l’autorité étrangère.

Ainsi, dans la mesure où les diligences effectuées par l’administration permettent d’envisager un éloignement dans les semaines à venir, avant la fin du délai maximal prévu par la loi, les conditions légales d’une seconde prolongation sont réunies et il sera fait droit à la requête aux fins de prolongation de la rétention de X se disant [W] [Z], pour une durée de 30 jours.

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement en premier ressort, par décision assortie de l’exécution provisoire,

ORDONNONS la prolongation de la rétention de X se disant [W] [Z], pour une durée de trente jours à l’expiration du précédent délai de vingt-six jours imparti par l’ordonnance prise le 19 décembre 2024 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire territorialement compétent, confirmée par la décision de la cour d’appel du 23 décembre 2024.

Le greffier
Le 13 Janvier 2025 à

Le Vice-président

Les parties soussignées ont reçu notification de la présente décision.
Disons avoir informé l’étranger des possibilités et des délais de recours contre toutes les décisions le concernant.
Rappelons que cette décision est susceptible d’appel dans un délai de 24 heures à compter de son prononcé par déclaration motivée transmise par tous moyens au greffe de la Cour d’appel de Toulouse et de manière privilégiée sur la boîte structurelle [Courriel 1] en l’absence de télécopieur disponible.

L’intéressé L’interprète

la présente ordonnance a été notifiée ce jour par voie électronique au représentant de la préfecture et au conseil du retenu
le greffier


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