Prolongation de rétention : exigences de justification non respectées

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Prolongation de rétention : exigences de justification non respectées

L’Essentiel : Monsieur [G] [J] est en rétention administrative depuis le 16 novembre 2024, avec deux prolongations précédentes. La préfecture d’Ille-et-Vilaine a demandé une troisième prolongation de 15 jours, mais celle-ci doit être justifiée par des éléments concrets, conformément à l’article L.742-5 du Code de l’Entrée et du Séjour des Étrangers. La relance consulaire ne prouve pas que la délivrance de documents de voyage est imminente. De plus, les allégations de menace à l’ordre public manquent de preuves tangibles. En conséquence, le tribunal a décidé de ne pas prolonger la rétention, rendant sa décision le 11 janvier 2025.

Contexte de la rétention administrative

Monsieur [G] [J] est en rétention administrative depuis le 16 novembre 2024. Il a déjà bénéficié de deux prolongations de cette mesure, la première de 26 jours et la seconde de 30 jours, décidées par le magistrat du siège du tribunal judiciaire. La préfecture d’Ille-et-Vilaine a sollicité une troisième prolongation pour une durée de 15 jours.

Conditions de prolongation de la rétention

Selon l’article L.742-5 du Code de l’Entrée et du Séjour des Étrangers, une prolongation de la rétention ne peut être accordée que dans des cas exceptionnels, tels que l’obstruction à l’éloignement, une demande d’asile ou l’absence de délivrance de documents de voyage par le consulat. La préfecture doit justifier sa demande en fournissant des éléments concrets.

Analyse de la demande de prolongation

La préfecture a envoyé une relance consulaire, mais celle-ci ne mentionne pas spécifiquement Monsieur [G] [J] et ne prouve pas que la délivrance de documents de voyage interviendra rapidement. Par conséquent, il n’est pas démontré que la prolongation de la rétention puisse être fondée sur le troisième motif de l’article L.742-5.

Allégations de menace à l’ordre public

La préfecture a également allégué que Monsieur [G] [J] constitue une menace pour l’ordre public. Toutefois, il incombe à l’administration de fournir des preuves tangibles pour étayer cette affirmation, telles que des antécédents judiciaires. En l’absence de ces justificatifs, la demande de prolongation ne peut être acceptée.

Décision du tribunal

En raison du manque de preuves fournies par la préfecture, le tribunal a décidé de ne pas prolonger la rétention administrative de Monsieur [G] [J]. La décision a été rendue en audience publique le 11 janvier 2025, et le Procureur de la République a la possibilité de s’opposer à cette décision dans un délai de 24 heures. L’intéressé a également été rappelé à son obligation de quitter le territoire national.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions de prolongation de la rétention administrative selon le Code de l’Entrée et du Séjour des Étrangers ?

La prolongation de la rétention administrative est régie par l’article L.742-5 du Code de l’Entrée et du Séjour des Étrangers et du Droit d’Asile (CESEDA). Cet article stipule que, à titre exceptionnel, le magistrat du siège du tribunal judiciaire peut être saisi pour prolonger le maintien en rétention au-delà de la durée maximale prévue à l’article L.742-4, dans certaines situations spécifiques survenant dans les quinze derniers jours.

Ces situations incluent :

1. L’obstruction à l’exécution de la décision d’éloignement par l’étranger.

2. La présentation d’une demande de protection ou d’asile dans le but d’échapper à l’éloignement.

3. L’impossibilité d’exécuter la décision d’éloignement en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat.

Le juge peut également être saisi en cas d’urgence absolue ou de menace pour l’ordre public.

La durée de la prolongation ne peut excéder quinze jours, renouvelable une fois, et la durée maximale de rétention ne doit pas dépasser quatre-vingt-dix jours.

Quelles sont les obligations de la préfecture lors de la demande de prolongation de la rétention ?

Conformément à l’article 6 du Code de procédure civile, il incombe à la préfecture d’alléguer les faits justifiant sa demande de prolongation de la rétention administrative.

Cela signifie que la préfecture doit fournir des éléments concrets et des preuves pour étayer sa demande. En cas de prolongation fondée sur une menace à l’ordre public, la préfecture doit joindre des pièces justificatives pertinentes, telles que :

– Les antécédents judiciaires de l’intéressé.
– Une copie de son casier judiciaire.
– Des copies de ses actes de condamnation.

L’article R.743-2 du CESEDA précise que la requête doit être accompagnée de toutes pièces justificatives utiles, bien que cet article ne spécifie pas les documents exacts à fournir, à l’exception de la copie du registre prévu à l’article L.744-2.

Quels sont les recours possibles contre la décision de non-prolongation de la rétention administrative ?

La décision de non-prolongation de la rétention administrative peut faire l’objet d’un recours. Selon les dispositions applicables, le Procureur de la République a la possibilité de s’opposer à cette décision dans un délai de 24 heures à partir de sa notification.

De plus, l’intéressé a le droit de contester la décision par la voie de l’appel, qui doit être interjeté dans les 24 heures suivant le prononcé de l’ordonnance. Cet appel doit être adressé au Premier Président de la Cour d’Appel d’Orléans.

Ces recours permettent de garantir le respect des droits de l’individu et d’assurer un contrôle judiciaire sur les décisions administratives concernant la rétention.

COUR D’APPEL
D’ORLEANS

TRIBUNAL JUDICIAIRE
D’ORLEANS

Rétention administrative

N° RG 25/00127 – N° Portalis DBYV-W-B7J-G7V7
Minute N°25/00053

ORDONNANCE
ORDONNANCE DE TROISIEME PROLONGATION DE LA RETENTION ADMINISTRATIVE

rendue le 11 Janvier 2025

Le 11 Janvier 2025

Devant Nous, Frédéric ALBAREDE, Juge au Tribunal judiciaire d’ORLEANS,

Assisté de Marie-Odile MORGADO, Greffier,

Etant en audience publique, au Palais de Justice,

Vu la requête motivée du représentant de 35 – PREFECTURE D’ILLE-ET-VILAINE en date du 10 Janvier 2025, reçue le 10 Janvier 2025 à 14h38 au greffe du Tribunal,

Vu l’ordonnance du magistrat du siège du Tribunal judiciaire d’ORLEANS en date du 17 novembre 2024 ordonnant la prolongation du maintien en rétention administrative de l’intéressé.

Vu l’ordonnance du magistrat du siège du Tribunal judiciaire d’ORLEANS en date du 13 décembre 2024 ordonnant la prolongation du maintien en rétention administrative de l’intéressé.

Vu les avis donnés à Monsieur [J] [G], à 35 – PREFECTURE D’ILLE-ET-VILAINE, au Procureur de la République, à Me Karima HAJJI, avocat choisi ou de permanence,

Vu notre note d’audience de ce jour,

COMPARAIT CE JOUR :

Monsieur [J] [G]
né le 27 Décembre 1988 à [Localité 2] (TUNISIE)
de nationalité Tunisienne

Assisté de Me Karima HAJJI, avocat commis d’office, qui a pu consulter la procédure, ainsi que l’intéressé.

En l’absence de 35 – PREFECTURE D’ILLE-ET-VILAINE, dûment convoqué.

En présence de [L] [W] , interprète en langue Arabe, inscrit sur la liste de la Cour d’appel d’Orléans.

En l’absence du Procureur de la République, avisé ;

Mentionnons que 35 – PREFECTURE D’ILLE-ET-VILAINE, le Procureur de la République dudit tribunal, l’intéressé et son conseil ont été avisés, dès réception de la requête, de la date et l’heure de la présente audience par le greffier.

Mentionnons que les pièces de la procédure ont été mises à la disposition de l’intéressé et du conseil.

Vu les dispositions des articles L.741-1 et suivants du Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile

Après avoir entendu :

Le représentant de 35 – PREFECTURE D’ILLE-ET-VILAINE en sa demande de prolongation de la rétention administrative,

Me Karima HAJJI en ses observations.

M. [J] [G] en ses explications.

MOTIFS DE LA DECISION

Aux termes de l’article L.742-5 du code de l’entré et du séjour des étrangers et du droit d’asile, « A titre exceptionnel, le magistrat du siège du tribunal judiciaire peut à nouveau être saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de la durée maximale de rétention prévue à l’article L. 742-4, lorsqu’une des situations suivantes apparait dans les quinze derniers jours :
1° L’étranger a fait obstruction à l’exécution d’office de la décision d’éloignement ;
2° L’étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d’éloignement :
a) une demande de protection contre l’éloignement au titre du 5° de l’article L. 631-3 ;
b) ou une demande d’asile dans les conditions prévues aux articles L. 754-1 et L. 754-3 ;
3° La décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé et qu’il est établi par l’autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai.
Le juge peut également être saisi en cas d’urgence absolue ou de menace pour l’ordre public.
L’étranger est maintenu en rétention jusqu’à ce que le juge ait statué.
Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l’expiration de la dernière période de rétention pour une nouvelle période d’une durée maximale de quinze jours.
Si l’une des circonstances mentionnées aux 1°, 2° ou 3° ou au septième alinéa du présent article survient au cours de la prolongation exceptionnelle ordonnée en application de l’avant-dernier alinéa, elle peut être renouvelée une fois, dans les mêmes conditions. La durée maximale de la rétention n’excède alors pas quatre-vingt-dix jours. »

En application de l’article 6 du code de procédure civile, il incombe à la préfecture d’alléguer les faits propres à fonder sa demande.

Le magistrat du siège du tribunal judiciaire peut ainsi, à titre exceptionnel et dans les seules hypothèses précitées, ordonner une nouvelle prolongation de la rétention pour un délai maximal de 15 jours, renouvelable une fois.

Monsieur [G] [J] est en rétention administrative depuis le 16 novembre 2024 et a déjà fait l’objet d’une première prolongation de cette rétention pour une durée de 26 jours par décision du magistrat du siège du tribunal judiciaire en date du 17 novembre 2024 et d’une deuxième prolongation de la rétention pour un délai de 30 jours par une décision en date du 13 décembre 2024.
Conformément aux dispositions de l’article L.742-5 précité, une troisième prolongation de la rétention administrative ne peut être sollicitée par la préfecture et ordonnée par le magistrat du siège du tribunal judiciaire qu’à titre exceptionnel et uniquement dans les cas limitativement énumérés par cet article.

La préfecture sollicite une troisième prolongation de la mesure de rétention pour une durée de 15 jours.

Or, il apparait que la seule relance consulaire intervenu depuis la dernière décision du 13 décembre 2024 est un mail de la préfecture du 9 janvier 2025 sans aucune référence spécifique à Monsieur [G] [J] dont le nom n’est même pas mentionné dans ce mail.

La préfecture a donc adressé une relance au service compétent mais elle n’établit aucunement que la délivrance d’un document de voyage interviendra à bref délai.

Dès lors, il n’est nullement démontré que la délivrance des documents de voyages par un consulat devrait intervenir à bref délai.

La prolongation ne saurait donc être ordonnée sur le fondement du 3° de l’article susvisé.

Si l’administration allègue que l’intéressé constitue une menace à l’ordre public, il lui incombe de justifier de la réalité de ces allégations. En outre, il est rappelé qu’en application de l’article R.743-2 du CESEDA, la requête formée par l’autorité administrative doit être accompagnée de toutes pièces justificatives utiles.

Les dispositions de cet article ne précisent pas quelles pièces doivent accompagner la requête préfectorale sollicitant la prolongation de la rétention administrative de l’intéressé, à l’exception de la copie du registre prévu à l’article L.744-2 du CESEDA.

Ainsi, le juge se livre à une appréciation in concreto du caractère utile des pièces devant être jointes à ladite requête.

Il s’en déduit que dans le cadre d’une prolongation fondée exclusivement sur la menace que représente le comportement du retenu pour l’ordre public, il appartient à la préfecture de joindre les justificatifs portant sur les antécédents de l’intéressé, notamment sa fiche pénale, une copie de son casier judiciaire, ou des copies de ses actes de condamnations (voir en ce sens CA d’Orléans, 22 mai 2024, n° 24/01106).

Tel n’est pas le cas en l’espèce. En effet, la préfecture ne fait qu’affirmer dans sa saisine que Monsieur [G] [J] serait une menace pour l’ordre public.

Ainsi il sera ordonné main levée de la mesure.

PAR CES MOTIFS

Disons n’y avoir lieu à prolongation de la rétention administrative de l’intéressé .

Disons que le Procureur de la République a la possibilité dans un délai de 24 heures à partir de la notification de la présente ordonnance de s’y opposer et d’en suspendre les effets.

Notifions que la présente décision est susceptible d’être contestée par la voie de l’appel interjeté dans les 24 heures du prononcé de la présente ordonnance, devant le Premier Président de la Cour d’Appel d’ORLEANS ([Courriel 1]).

Rappelons à l’intéressé son obligation de quitter le territoire national.

Décision rendue en audience publique le 11 Janvier 2025 à

Le Greffier Le Juge

Reçu notification et copie de la présente ordonnance le 11 Janvier 2025 à ‘ORLEANS

L’INTERESSE L’AVOCAT L’INTERPRETE

REPRESENTANT de 35 – PREFECTURE D’ILLE-ET-VILAINE

Copie de la présente décision est transmise par courriel au procureur de la République, au Tribunal Administratif d’Orléans, à la Préfecture de35 – PREFECTURE D’ILLE-ET-VILAINE et au CRA d’[Localité 3].


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