Divorce et conséquences patrimoniales : enjeux de la séparation conjugale

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Divorce et conséquences patrimoniales : enjeux de la séparation conjugale

L’Essentiel : Madame [W] [T] et Monsieur [F] [T] se sont mariés en 1989 en Algérie sans contrat. Ils ont eu quatre enfants, aujourd’hui majeurs. En février 2022, Monsieur [F] [T] a assigné Madame [W] [T] en divorce, sans en préciser le fondement. Le juge a reconnu la compétence française et a constaté leur séparation. En janvier 2023, Monsieur [F] [T] a demandé le divorce pour altération du lien conjugal, tandis que Madame [W] [T] a demandé le divorce aux torts exclusifs de son époux. Le juge a prononcé le divorce, attribuant à Madame [W] [T] le droit au bail et condamnant Monsieur [F] [T] à une prestation compensatoire.

Contexte du mariage

Madame [W] [T] et Monsieur [F] [T] se sont mariés le [Date mariage 6] 1989 en Algérie sans contrat de mariage. Ils ont eu quatre enfants, tous majeurs aujourd’hui, nés entre 1993 et 1999.

Procédure de divorce

Monsieur [F] [T] a assigné Madame [W] [T] par exploit d’huissier le 23 février 2022, sans préciser le fondement du divorce. Le juge a statué sur des mesures provisoires le 31 mai 2022, déclarant la compétence de la juridiction française et constatant la résidence séparée des époux.

Demandes des parties

Dans ses conclusions du 29 janvier 2023, Monsieur [F] [T] a fondé sa demande de divorce sur les articles 237 et 238 du Code civil, demandant le prononcé du divorce pour altération du lien conjugal. Madame [W] [T], dans ses conclusions du 12 octobre 2023, a demandé le divorce aux torts exclusifs de Monsieur [F] [T] et a formulé des demandes de prestations compensatoires.

Décision du juge

Le juge a prononcé le divorce pour altération du lien conjugal, fixant la date des effets au 1er août 2021. Il a attribué à Madame [W] [T] le droit au bail du domicile conjugal et a condamné Monsieur [F] [T] à verser une prestation compensatoire de 8 000 euros.

Conséquences du divorce

Le jugement a rappelé que les parties perdent l’usage du nom de leur conjoint et a déclaré irrecevable la demande de liquidation et de partage des intérêts patrimoniaux. Monsieur [F] [T] a été condamné aux dépens, et la décision est susceptible d’appel.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la compétence du juge français dans cette affaire de divorce ?

La compétence du juge français dans cette affaire est établie par l’ordonnance sur mesures provisoires du 31 mai 2022, qui a déclaré que « le juge français est compétent et la loi française applicable ».

Cette compétence est renforcée par le Règlement (UE) n°1259/2010, qui précise les règles de compétence en matière de divorce.

En vertu de l’article 3 de ce règlement, la compétence est déterminée par la résidence habituelle des époux.

Ainsi, si l’un des époux réside en France, le juge français est compétent pour statuer sur le divorce.

De plus, l’article 14 du Code civil français stipule que « les lois françaises régissent les actes et les faits qui se produisent sur le territoire de la République ».

Cela signifie que les décisions prises par le juge français doivent respecter les lois françaises, ce qui inclut les dispositions relatives au divorce.

Quels sont les fondements juridiques du divorce invoqués par Monsieur [F] [T] ?

Monsieur [F] [T] a fondé sa demande en divorce sur les articles 237 et 238 du Code civil.

L’article 237 dispose que « le divorce peut être demandé en raison de l’altération du lien conjugal ».

Cela signifie qu’un époux peut demander le divorce si la vie commune est devenue impossible, ce qui est le cas ici, puisque les époux vivent séparément depuis le 1er août 2021.

L’article 238 précise que « l’altération du lien conjugal est constatée lorsque les époux ont cessé de vivre ensemble depuis plus de deux ans ».

Dans cette affaire, la séparation a duré plus de deux ans, ce qui justifie la demande de divorce pour altération du lien conjugal.

Quelles sont les conséquences du divorce sur les biens des époux ?

Les conséquences du divorce sur les biens des époux sont régies par l’article 262 du Code civil, qui stipule que « le divorce emporte révocation de plein droit des avantages matrimoniaux ».

Cela signifie que les époux perdent les droits et avantages liés à leur mariage, y compris les dispositions à cause de mort.

L’article 265 précise que « les effets du divorce sur les biens des époux sont fixés par le juge ».

Dans cette affaire, le juge a fixé la date des effets du divorce au 1er août 2021, ce qui a des implications sur la liquidation des biens.

Il est également rappelé que les époux doivent liquider et partager leur communauté, soit amiablement, soit judiciairement, conformément à l’article 815 du Code civil.

Quelles sont les demandes de prestation compensatoire et leur fondement juridique ?

Madame [W] [T] a demandé une prestation compensatoire, qui est régie par l’article 270 du Code civil.

Cet article stipule que « le juge peut accorder une prestation compensatoire à l’un des époux lorsque le divorce crée une disparité dans les conditions de vie respectives ».

La prestation compensatoire vise à compenser la perte de revenus ou de niveau de vie suite au divorce.

Dans cette affaire, Madame [W] [T] a demandé une somme de 30 000 € à titre de prestation compensatoire, tandis que le juge a finalement condamné Monsieur [F] [T] à verser 8 000 €.

L’article 271 précise que « la prestation compensatoire peut être versée sous forme de capital ou de rente ».

Le juge a donc la possibilité de déterminer la forme de la prestation compensatoire en fonction des circonstances de l’affaire.

Quelles sont les implications de la décision de divorce sur le nom des époux ?

La décision de divorce a des implications sur le nom des époux, conformément à l’article 225-1 du Code civil.

Cet article stipule que « chacun des époux peut reprendre son nom de naissance à l’issue du divorce ».

Dans cette affaire, il est rappelé que les parties perdent l’usage du nom de leur conjoint à compter du divorce.

Cela signifie que Madame [W] [T] pourra reprendre son nom de naissance après le prononcé du divorce.

Il est important de noter que cette disposition vise à protéger l’identité personnelle des époux après la dissolution du mariage.

Ainsi, le juge a ordonné que Madame [W] [T] reprenne son nom de naissance à l’issue du divorce, conformément à sa demande.

N° de minute :

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE VERSAILLES
AFFAIRES FAMILIALES
JAF CABINET 7

JUGEMENT RENDU LE 10 Janvier 2025

N° RG 22/02335 – N° Portalis DB22-W-B7G-QN6T

DEMANDEUR :

Monsieur [F] [T]
né le [Date naissance 7] 1966 à [Localité 11]
domicilié : chez MR [T]
[Adresse 5]
[Localité 9]
représenté par Me Philippe LIENARD, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 256

DEFENDEUR :

Madame [W] [T] épouse [T]
née le [Date naissance 10] 1966 à [Localité 14]
[Adresse 8]
[Localité 14]
représentée par Me Christophe SCOTTI, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 474

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Magistrat : Madame Jeanne GARNIER
Greffier : Mme Marion MONEL

Copie exécutoire à : Me LIENARD, Me SCOTTI
Copie certifiée conforme à l’original à : service des impôts
délivrée(s) le :

EXPOSÉ DU LITIGE

Madame [W] [T] et Monsieur [F] [T] se sont mariés le [Date mariage 6] 1989 devant l’officier d’état civil de la commune de [Localité 12] (Algérie) sans avoir fait précéder leur union d’un contrat de mariage.

De cette union sont issus 4 enfants, aujourd’hui majeurs :
– [Y] [T], née le [Date naissance 2] 1993 à [Localité 12] (Algérie),
– [R] [T], née le [Date naissance 4] 1994 à [Localité 12] (Algérie),
– [X] [T], née le [Date naissance 3] 1996 à [Localité 12] (Algérie),
– [K] [T], né le [Date naissance 1] 1999 à [Localité 14] (Yvelines).

Par exploit d’huissier en date du 23 février 2022, Monsieur [F] [T] a fait assigner Madame [W] [T] et l’a fait citer à comparaître à l’audience d’orientation et sur mesures provisoires du 25 mai 2022, sans préciser le fondement du divorce. L’huissier de justice requis dressant à cette occasion un procès-verbal remis à personne.

Par ordonnance sur mesures provisoires du 31 mai 2022 réputée contradictoire, le juge de la mise en état a notamment :
– Dit que le juge français est compétent et la loi française applicable,
– Constaté la résidence séparée des époux comme suit :
* Mme [W] [T] : [Adresse 8] à [Localité 14] (Yvelines),
* M. [F] [T] : chez Monsieur [E] [T] [Adresse 5] [Localité 9] ;
– Débouté M. [F] [T] de sa demande d’attribution de la jouissance du logement du ménage et des meubles meublants à Mme [W] [T], à charge pour elle d’en assumer les loyers et les charges ;
– Débouté M. [F] [T] de sa demande d’attribution de la jouissance du véhicule du couple ;
– Fixé la date d’effet des mesures provisoires au jour de l’assignation introductive d’instance soit le 23 février 2022.

Par conclusions du 29 janvier 2023, Monsieur [F] [T] a indiqué fonder sa demande en divorce sur les articles 237 et 238 du Code civil.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie du RPVA le 5 janvier 2024, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des motifs développés ci-après, Monsieur [F] [T] demande à la juridiction de :
– « Débouter Madame [T] de sa demande en divorce pour faute,
– Recevoir Monsieur [T] en toutes ses demandes, fins et conclusions
– Constater que les époux [F] [T] – [W] [T] vivent séparément depuis le 1er août 2021,
– Prononcer le divorce des époux [T] sur le fondement de l’altération du lien conjugal,
– Ordonner la mention du dispositif du jugement à intervenir en marge de l’acte de mariage de :
* Monsieur [F] [T] né le [Date naissance 7] 1966 à [Localité 11] (Algérie) et de
* Madame [W] [T] née le [Date naissance 10] 1966 à [Localité 14] (Yvelines),
ainsi qu’en marge de l’acte de naissance de chacun d’eux,
– Déclarer recevable la demande en divorce de Monsieur [T] pour avoir satisfait à l’obligation de proposition de liquidation des intérêts pécuniaires et patrimoniaux des époux, prévue à l’article 252 du code civil,
– Fixer la date des effets du divorce à la date du 1er août 2021,
– Débouter Madame [T] de ses demandes de prestation compensatoire, de dommages et intérêts et de frais fondés sur l’article 700 du C.P.C.,
– Dire que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens ».

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie du RPVA le 12 octobre 2023, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des motifs développés ci-après, Madame [W] [T] demande à la juridiction de :
– « PRONONCER le divorce des époux [T] en application de l’article 242 du Code Civil aux torts exclusifs de Monsieur [T] [F] ;
– ORDONNER la mention du jugement en marge de l’acte de mariage célébré le [Date mariage 6] 1989 à [Localité 12] (Algérie) ainsi qu’en marge des actes de naissance de Madame [T] [W] et de Monsieur [T] [F].
– FIXER les mesures accessoires au divorce comme suit ;
MESURES RELATIVES AUX EPOUX
– ATTRIBUER le droit au bail concernant la jouissance du domicile conjugal et des meubles meublants situé à [Localité 14] (78) [Adresse 8] à Madame [T] [W] à charge pour elle de régler les loyers et charges y afférents.
– Madame [T] reprendra son nom de naissance à l’issue du divorce à savoir [T] ;
– PRONONCER la date des effets du divorce au 1er août 2021 ;
– ORDONNER la liquidation du régime matrimonial dans les formes prévues par la loi ;
MESURES RELATIVES AUX ENFANTS
– Il n’y a pas lieu à statuer sur ce point, les enfants étant majeurs et indépendants financièrement,
– CONDAMNER Monsieur [T] [F] à verser à Madame [T] [W] une somme de TRENTE MILLE EUROS (30 000 €) à titre de prestation compensatoire ;
– CONDAMNER Monsieur [T] [F] à verser à Madame [T] [W] une somme de CINQ MILLE EUROS (5000 €) au titre du préjudice subi par celle-ci au visa de l’article 1240 du Code Civil ;
– CONDAMNER Monsieur [T] [F] à verser à Madame [T] [W] une somme de TROIS MILLE EUROS (3000 €) au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;
– CONDAMNER Monsieur [T] [F] aux entiers dépens ;
– ORDONNER l’Exécution Provisoire de la décision à intervenir ».

Pour un exposé plus détaillé des moyens et prétentions des parties, le tribunal renvoie à leurs écritures conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 27 mai 2024 et l’affaire fixée pour être plaidée le 18 novembre 2024 et avancée au 12 novembre 2024. A l’issue des débats, la décision a été mise en délibéré pour être rendue par mise à disposition au greffe le 10 janvier 2025.

[DÉBATS NON PUBLICS – Motivation de la décision occultée]
PAR CES MOTIFS

Le juge aux affaires familiales statuant publiquement, après débats en chambre du conseil, par décision contradictoire, susceptible d’appel, mise à disposition au greffe,

Vu le Règlement (UE) n°1259/2010 du Conseil du 20 décembre 2010 mettant en œuvre une coopération renforcée dans le domaine de la loi applicable au divorce et à la séparation de corps,

DIT la juridiction française compétente et la loi française applicable à tous les chefs du litige ;

Vu l’assignation en date du 23 février 2022,

Vu l’ordonnance sur mesures provisoires du 31 mai 2022,

PRONONCE le divorce pour altération du lien conjugal de :

Madame [W] [T], née le [Date naissance 10] 1966 à [Localité 14] (78),

et de

Monsieur [F] [T], né [Date naissance 7] 1966 à [Localité 11] (ALGERIE),

lesquels se sont mariés le [Date mariage 6] 1989 à [Localité 12] (ALGERIE) ;

ORDONNE la publicité, conformément aux dispositions de l’article 1082 du Code de procédure civile, de la présente décision en marge de l’acte de mariage des époux, de l’acte de naissance de chacun des époux et, en tant que de besoin, sur les registres du Service du ministère des Affaires Etrangères à [Localité 13] ;

Sur les conséquences entre les époux

RAPPELLE qu’à compter du divorce, les parties perdent l’usage du nom de leur conjoint ;

FIXE au 1er août 2021 la date des effets du divorce entre les époux quant à leurs biens;

RAPPELLE que le divorce emporte révocation de plein droit des avantages matrimoniaux qui ne prennent effet qu’à la dissolution du régime matrimonial ou au décès de l’un des époux et des dispositions à cause de mort, accordées par un époux envers son conjoint par contrat de mariage ou pendant l’union ;

DÉCLARE IRRECEVABLE la demande de Madame [W] [T] tendant à ce que soient ordonnés la liquidation et le partage de leurs intérêts patrimoniaux ;

RAPPELLE aux époux qu’il leur appartient, le cas échéant, de liquider et partager amiablement leur communauté et, à défaut, judiciairement en saisissant le juge de céans par une nouvelle assignation ;

ATTRIBUE, sous réserve du droit du propriétaire, à Madame [W] [T] le droit au bail du logement ayant constitué le domicile conjugal situé [Adresse 8] – [Localité 14] et les meubles meublants ;

CONDAMNE Monsieur [F] [T] à verser à Madame [W] [T], à titre de prestation compensatoire, la somme en capital de HUIT MILLE EUROS (8.000 €) ;

DÉBOUTE Madame [W] [T] de sa demande de dommages-intérêts ;

DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

DÉBOUTE Madame [W] [T] de sa demande sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNE Monsieur [F] [T] au paiement des dépens ;

DIT que la présente décision doit faire l’objet d’une signification par commissaire de justice à l’initiative de la partie la plus diligente, faute de quoi elle ne sera pas susceptible d’exécution forcée ;

DIT que, le cas échéant, les conseils des parties recevront copie de la présente décision, par les soins du greffe, préalablement à la notification aux parties effectuée en application des dispositions de l’article 1074-3 du code de procédure civile ;

DIT n’y avoir lieu à exécution provisoire ;

RAPPELLE que la présente décision est susceptible d’appel, lequel doit être interjeté auprès du greffe de la cour d’appel de Versailles, et ce dans un délai d’un mois à compter de sa notification ;

Prononcé par mise à disposition au greffe le 10 janvier 2025 par Jeanne GARNIER, juge placée déléguée aux fonctions de juge aux affaires familiales, assistée de Marion MONEL, greffière présente lors du prononcé, lesquelles ont signé la minute du présent jugement.

LA GREFFIERE LA JUGE AUX AFFAIRES FAMILIALES


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