Suspension des effets d’une clause résolutoire en matière de bail commercial

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Suspension des effets d’une clause résolutoire en matière de bail commercial

L’Essentiel : La société Régie Immobilière de la Ville de Paris a signé un bail commercial avec Monsieur [O] [S] le 30 novembre 2017, pour un local de 64,7 m², avec un loyer annuel de 16 486,08 euros HT. En mars 2024, elle a assigné Madame [G] [H] [L] en référé pour faire constater la clause résolutoire et demander son expulsion pour loyers impayés. Le juge a constaté l’acquisition de cette clause, mais a accordé des délais de paiement de 18 mois. Finalement, Madame [G] [H] [L] a été condamnée à verser 19 682,57 euros, avec des mesures d’exécution en cas de non-paiement.

Contexte du bail commercial

La société Régie Immobilière de la Ville de Paris a conclu un bail commercial avec Monsieur [O] [S] le 30 novembre 2017, pour un local de 64,7 m², avec un loyer annuel de 16 486,08 euros HT. Ce bail a débuté le 15 novembre 2017 et avait une durée de 9 ans. En juillet 2021, Monsieur [O] [S] a cédé son fonds libéral à Madame [G] [H] [L].

Assignation en référé

Le 15 mars 2024, la société Régie Immobilière de la Ville de Paris a assigné Madame [G] [H] [L] en référé pour faire constater l’acquisition de la clause résolutoire du bail et demander son expulsion, ainsi que le paiement de diverses sommes dues, incluant des loyers impayés et des indemnités d’occupation.

Réouverture des débats

Le 28 juin 2024, le juge des référés a réouvert les débats et a invité les parties à rencontrer un conciliateur. Lors de l’audience du 13 décembre 2024, la société Régie Immobilière a maintenu ses demandes, augmentant le montant réclamé à 19 682,57 euros, tandis que Madame [G] [H] [L] a demandé des délais de paiement de 18 mois.

Acquisition de la clause résolutoire

Le juge a constaté que la clause résolutoire était acquise, car le commandement de payer délivré le 26 janvier 2024 n’avait pas été suivi d’effet. La résiliation du bail était donc justifiée, conformément aux dispositions du Code de commerce.

Accord sur les délais de paiement

Les parties ont convenu d’accorder des délais de paiement de 18 mois, suspendant ainsi les effets de la clause résolutoire. En cas de non-respect de ces délais, la clause résolutoire reprendrait son plein effet, entraînant l’expulsion de Madame [G] [H] [L].

Décision finale

Le tribunal a condamné Madame [G] [H] [L] à payer une provision de 19 682,57 euros, avec intérêts, et a ordonné la capitalisation des intérêts. Les modalités de paiement ont été fixées, et des mesures ont été prises pour garantir l’exécution de la décision, y compris l’expulsion en cas de non-paiement.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions d’application de la clause résolutoire dans un bail commercial ?

La clause résolutoire dans un bail commercial est régie par l’article L. 145-41 du Code de commerce, qui stipule que :

« Toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai. »

Ainsi, pour que la clause résolutoire soit applicable, il est nécessaire qu’un commandement de payer ait été délivré au locataire, et que ce dernier n’ait pas réglé la somme due dans le délai d’un mois.

De plus, selon la jurisprudence, le juge des référés peut constater la résiliation de plein droit du bail si :

– Le défaut de paiement est manifestement fautif,
– Le bailleur invoque de bonne foi la mise en jeu de cette clause,
– La clause résolutoire est claire et ne nécessite pas d’interprétation.

Dans l’affaire en question, la société Régie Immobilière de la Ville de Paris a délivré un commandement de payer le 26 janvier 2024, et le locataire n’a pas réglé la créance dans le délai imparti, ce qui permet de constater l’acquisition de la clause résolutoire.

Quels sont les effets de la suspension de la clause résolutoire ?

L’article L. 145-41 alinéa 2 du Code de commerce précise que :

« Les juges saisis d’une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l’article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n’est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l’autorité de la chose jugée. »

Cela signifie que si le juge accorde des délais de paiement au locataire, les effets de la clause résolutoire sont suspendus pendant cette période.

Dans le cas présent, les parties ont convenu d’un délai de paiement de 18 mois, ce qui entraîne la suspension des effets de la clause résolutoire. Si Madame [G] [H] [L] respecte les modalités de paiement, la clause résolutoire sera réputée n’avoir jamais joué.

En revanche, en cas de non-respect des délais, la clause résolutoire reprendra son plein effet, entraînant l’expulsion du locataire et la mise en œuvre des conséquences juridiques associées.

Quelles sont les conditions pour obtenir une provision en référé ?

L’article 835 du Code de procédure civile stipule que :

« Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le président peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire. »

Pour qu’une provision soit accordée, il faut que l’obligation du débiteur soit clairement établie et non contestable.

Dans l’affaire en question, le décompte locatif a démontré que Madame [G] [H] [L] devait 19 682,57 euros à la société Régie Immobilière de la Ville de Paris, montant qui n’était pas sérieusement contesté.

Ainsi, le juge a condamné Madame [G] [H] [L] à verser cette somme à titre provisionnel, avec intérêts au taux légal, et a ordonné la capitalisation des intérêts conformément à l’article 1343-2 du Code civil.

Quelles sont les conséquences d’une résiliation de bail sur l’indemnité d’occupation ?

En cas de résiliation de bail, le locataire est tenu de payer une indemnité d’occupation. Cette indemnité est généralement équivalente au montant du loyer et des charges normalement dus.

Dans le jugement, il est précisé que :

« Madame [G] [H] [L] devra payer à la société Régie Immobilière de la Ville de Paris une indemnité mensuelle d’occupation provisionnelle égale au montant du loyer et des charges normalement dus. »

Cela signifie que si la clause résolutoire est acquise et que le locataire ne quitte pas les lieux, il sera redevable d’une indemnité d’occupation à compter de la date de résiliation jusqu’à son départ effectif.

Cette indemnité vise à compenser le préjudice subi par le bailleur du fait de l’occupation sans droit ni titre du locataire.

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

N° RG 24/52209 – N° Portalis 352J-W-B7I-C4JZS

N° : 6-CH

Assignation du :
15 Mars 2024

[1]

[1] 2 Copies exécutoires
délivrées le:

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
rendue le 10 janvier 2025

par Maïté FAURY, Première vice-présidente adjointe au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal,

Assistée de Célia HADBOUN, Greffière.
DEMANDERESSE

La S.A. LA REGIE IMMOBILIERE DE LA VILLE DE PARIS
[Adresse 1]
[Localité 4]

représentée par Maître Catherine HENNEQUIN de la SELAS LHUMEAU GIORGETTI HENNEQUIN & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS – #P0483

DEFENDERESSE

Madame [G] [H] [L]
[Adresse 2]
[Localité 3]

représentée par Maître Grégoire DUCONSEIL, avocat au barreau de PARIS – #K131

DÉBATS

A l’audience du 13 Décembre 2024, tenue publiquement, présidée par Maïté FAURY, Première vice-présidente adjointe, assistée de Célia HADBOUN, Greffière,

Nous, Président,

Après avoir entendu les conseils des parties,

Suivant acte sous seing privé en date du 30 novembre 2017, la société Régie Immobilière de la Ville de Paris a donné à bail commercial à Monsieur [O] [S] pour une durée de 9 années à compter du 15 novembre 2017, un local situé [Adresse 2], consistant en un local de 64,7 m2, moyennant un loyer annuel de 16 486, 08 euros HT, payablem mensuellement et d’avance.

Suivant acte sous seing privé à effet au 1er juillet 2021, Monsieur [O] [S] a cédé son fonds libéral à Madame [G] [H] [L].

Par acte de commissaire de justice en date du 15 mars 2024, la société Régie Immobilière de la Ville de Paris a assigné Madame [G] [H] [L] en référé devant le président du tribunal judiciaire de Paris aux fins de constater l’acquisition de la clause résolutoire insérée au bail liant les parties et d’obtenir:

– l’expulsion de Madame [G] [H] [L] ainsi que celle de tous occupants de son chef des lieux loués, si besoin avec le concours de la force publique et d’un serrurier, sous astreinte de 200 euros par jour de retard,

– le transport des meubles garnissant les lieux loués dans un garde-meubles désigné par le bailleur en garantie des sommes dues, au frais de Madame [G] [H] [L] ,

– la condamnation de Madame [G] [H] [L] à payer à la requérante à titre provisionnel, la somme de 14.614,14 euros avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation et capitalisation des intérêts

– la condamnation de Madame [G] [H] [L] au paiement, à titre provisionnel, d’une indemnité d’occupation trimestrielle d’un montant égal au loyer normalement exigible, majorations incluses,

– la condamnation de Madame [G] [H] [L] au paiement de la somme de 1000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.

Par ordonnance du 28 juin 2024, le juge des référés a réouvert les débats et invité les parties à rencontrer un conciliateur.

Lors de l’audience du 13 décembre 2024, la société Régie Immobilière de la Ville de Paris, représenté par son Conseil, maintient oralement ses demandes, portant sa demande en paiement à la somme de 19 682,57 euros.

Elle fait part de son accord avec la défenderesse quant à des délais de paiement sur 18 mois, avec suspension de la clause résolutoire dans l’attente.

Madame [G] [H] [L] , représentée par son Conseil, ne conteste pas le montant réclamé mais sollicite des délais de paiement à hauteur de 18 mois et la suspension des effets de la clause résolutoire dans l’attente. Elle sollicite en outre le débouté de la demande sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

A l’issue des débats, la décision a été mise en délibéré au 10 ja nvier 2025.

Conformément à l’article 446-1 du code de procédure civile, pour plus ample informé de l’exposé et des prétentions, il est renvoyé à l’assignation introductive d’instance et aux écritures déposées et développées oralement à l’audience.

MOTIFS

1/ Sur l’acquisition de la clause résolutoire et ses conséquences

Sur le principe

L’article 834 du Code de procédure civile dispose que, dans tous les cas d’urgence, le président du tribunal judiciaire peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend.

La juridiction des référés n’est toutefois pas tenue de caractériser l’urgence, au sens de l’article 834 du code de procédure civile, pour constater l’acquisition de la clause résolutoire et la résiliation de droit d’un bail.

L’article L. 145-41 du Code de commerce dispose que toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.

Selon jurisprudence constante le juge des référés peut constater la résiliation de plein droit du bail au titre d’une clause contenue à l’acte à cet effet, à condition que :

– le défaut de paiement de la somme réclamée dans le commandement de payer visant la clause résolutoire soit manifestement fautif,
– le bailleur soit, de toute évidence, en situation d’invoquer de bonne foi la mise en jeu de cette clause,
– la clause résolutoire soit dénuée d’ambiguïté et ne nécessite pas interprétation ; en effet, la clause résolutoire d’un bail doit s’interpréter strictement.

En l’espèce, la soumission du bail au statut des baux commerciaux ne donne lieu à aucune discussion.

Aux termes de l’article 8.3 du contrat de bail commercial, le bail sera résilié de plein droit à défaut de paiement d’un seul terme de loyer, un mois après un commandement de payer demeuré sans effet ou une sommation d’avoir à exécuter demeurée sans effet.

Par acte d’huissier du 26 janvier 2024, la société Régie Immobilière de la Ville de Paris a fait délivrer au preneur un commandement de payer les loyers visant la clause résolutoire insérée au bail et reproduisant les dispositions de l’article L 145-41 du code de commerce. Ce commandement est régulier en la forme et détaille le montant de la créance.

Il est établi que les causes du commandement de payer n’ont pas été réglées dans le mois de sa délivrance.

Il y a lieu en conséquence de constater le principe de l’acquisition de la clause résolutoire.

Sur les délais

Aux termes de l’article L145-41 alinéa 2 du Code de commerce, les juges saisis d’une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l’article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n’est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l’autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.

En l’espèce, les parties font part de leur accord quant à l’octroi de délais.

Il convient par conséquent d’accorder les délais de paiement sollicités et de suspendre les effets de la clause résolutoire comme suit au présent dispositif.

En cas de non respect, la clause résolutoire reprendra son plein effet et l’expulsion sera ordonnée avec toutes ses conséquences de droit. La défenderesse sera alors réputée occupante sans droit ni titre, causant ainsi un préjudice au bailleur qui ne peut disposer du bien à son gré et une indemnité d’occupation sera mise à sa charge depuis l’acquisition de la clause résolutoire et jusqu’à la libération effective des lieux par la remise des clés, fixée à titre provisionnel au montant du loyer contractuel, outre les charges, taxes et accessoires. Aucune circonstance ne justifie le prononcé d’une astreinte.

2/ Sur la provision

Aux termes de l’article 835 du Code de procédure civile, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le président peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.

Il résulte du décompte locatif produit que l’obligation du preneur au titre des loyers, charges, taxes, accessoires et indemnités d’occupation dus à la société Régie Immobilière de la Ville de Paris n’est pas sérieusement contestable à hauteur de 19 682,57 euros au terme de décembre 2024 inclus.

Madame [G] [H] [L] sera donc condamnée à titre provisionnel à payer la somme de 19 682,57 euros avec intérêts au taux légal à compter de la présente ordonnance.

Il convient d’ordonner la capitalisation des intérêts en application de l’article 1343-2 du Code civil.

3/ Sur les autres demandes

Conformément aux dispositions de l’article 696 du Code de procédure civile, Madame [G] [H] [L] qui succombe supportera le poids des dépens.

Il n’est pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais exposés et non compris dans les dépens.

L’exécution provisoire est de droit.

PAR CES MOTIFS,

Statuant en référé par mise à disposition au greffe, par ordonnance contradictoire et en premier ressort,

Condamnons Madame [G] [H] [L] à payer à la société Régie Immobilière de la Ville de Paris une provision de 19 682,57 euros (dix neuf mille six cent quatre vingt deux euros cinquante sept centimes) correspondant aux loyers et charges impayés au terme du mois de décembre 2024 inclus, outre les intérêts au taux légal à compter de la présente ordonnance ;

Ordonnons la capitalisation des intérêts;

Accordons à Madame [G] [H] [L] un délai de grâce pour se libérer et dit qu’elle devra s’en acquitter par 18 paiements mensuels successifs d’un montant de 1 093 euros (mille quatre vingt treize euros) en sus du loyer et des charges en cours, payables le 10 de chaque mois, le premier règlement devant intervenir le 10 octobre 2024, la dernière échéance étant majorée du solde de la dette ;

Rappelons que, pendant le cours du délai accordé, les effets de la clause résolutoire insérée au bail conclu entre les parties sont suspendus et que, si les modalités du paiement précité sont intégralement respectées par la défenderesse, la clause résolutoire sera réputée n’avoir jamais joué ;

Disons qu’à défaut de paiement d’une seule mensualité ou du loyer courant, la clause résolutoire reprendra son plein effet ;

En tant que de besoin, dans l’hypothèse du non respect des délais de paiement,

Constatons l’acquisition de plein droit de la clause résolutoire insérée au bail au 26 février 2024 et disons que la Madame [G] [H] [L] devra quitter les lieux et rendre libre de toute occupation les lieux loués sis [Adresse 2], en satisfaisant aux obligations des locataires sortants, notamment par la remise des clefs ;

Ordonnons, à défaut, l’expulsion de la locataire ainsi que celle de tous occupants de son chef et ce au besoin avec le concours de la force publique, avec le cas échéant la séquestration des meubles et objets mobiliers pouvant se trouver dans les lieux et leur transfert au garde meuble aux frais avancés par la défenderesse ;

Condamnons en cas de résiliation Madame [G] [H] [L] à payer à la société Régie Immobilière de la Ville de Paris une indemnité mensuelle d’occupation provisionnelle égale au montant du loyer et des charges normalement dus en cas de continuation des baux à compter du 1er janvier 2025 et jusqu’à la date de son départ effectif ;

Déboutons la société Régie Immobilière de la Ville de Paris de sa demande d’astreinte ;

Condamnons Madame [G] [H] [L] , aux dépens qui comprendront le coût du commandement de payer du 26 janvier 2024;

Déboutons la société Régie Immobilière de la Ville de Paris de sa demande d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile;

Rappelons que la présente ordonnance bénéficie de droit de l’exécution provisoire en vertu des dispositions de l’article 514 du Code de procédure civile .

Fait à Paris le 10 janvier 2025

La Greffière, La Présidente,

Célia HADBOUN Maïté FAURY


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