L’Essentiel : Le 11 février 2021, Mme [R] [V] et M. [P] [V] ont acquis un Renault Trafic pour 9.400 euros. Rapidement, des problèmes de puissance et des voyants allumés sont apparus, rendant le véhicule impropre à son usage. En juillet 2022, après une mise en demeure restée sans réponse, les époux [V] ont assigné M. [S] [N]. L’expertise de novembre 2023 a confirmé des vices cachés antérieurs à la vente. Le tribunal a prononcé la résolution de la vente, condamnant M. [S] [N] à restituer le prix et à verser des dommages-intérêts pour préjudice moral et de jouissance.
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Exposé du litigeLe 11 février 2021, Mme [R] [V] et M. [P] [V] ont acheté un véhicule Renault Trafic Blanc auprès de la société CARSLIFT pour 9.400 euros. Après l’apparition de problèmes, une expertise a révélé des désordres rendant le véhicule impropre à son usage. En juillet 2022, Mme [R] [V] a mis en demeure M. [S] [N] de rembourser le prix de vente et d’indemniser ses préjudices. Faute de réponse, les consorts [V] ont assigné M. [S] [N] devant le juge des référés, qui a ordonné une expertise. Expertise et constatationsL’expert a déposé son rapport en novembre 2023, confirmant que le véhicule présentait des dysfonctionnements majeurs. Les époux [V] ont constaté des problèmes de puissance et des voyants allumés peu après l’achat. Malgré des réparations, le véhicule a continué à rencontrer des pannes. L’expertise a établi que les vices étaient antérieurs à la vente et que le véhicule était affecté de vices cachés. Demande de résolution de la venteLes consorts [V] ont demandé la résolution de la vente, invoquant la garantie des vices cachés. Ils ont sollicité la restitution du prix de vente, des dommages-intérêts pour préjudice moral et de jouissance, ainsi que le remboursement des frais d’expertise. Le tribunal a examiné la situation, tenant compte des éléments fournis par les expertises. Décision du tribunalLe tribunal a prononcé la résolution de la vente, condamnant M. [S] [N] à restituer 9.400 euros aux époux [V] et à récupérer le véhicule. Il a également accordé 1.000 euros pour le préjudice moral et 1.000 euros pour le préjudice de jouissance, tout en déboutant les époux [V] du surplus de leurs demandes. M. [S] [N] a été condamné aux dépens et à verser 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Exécution provisoire et dépensLa décision a été déclarée exécutoire de droit par provision, sans nécessité d’astreinte pour la restitution du véhicule. M. [S] [N] a été condamné à rembourser les frais d’expertise judiciaire, et le tribunal a statué sur les dépens conformément aux règles en vigueur. |
Q/R juridiques soulevées :
Sur la qualification du jugementLe jugement rendu dans cette affaire est réputé contradictoire en raison de l’absence de constitution d’avocat par M. [S] [N]. Conformément à l’article 474 du Code de procédure civile, « le jugement est réputé contradictoire lorsque le défendeur n’a pas constitué avocat et que la décision est susceptible d’appel ». De plus, l’article 472 du même code précise que « si le défendeur ne comparait pas, il est néanmoins statué sur le fond ; le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable, et bien fondée ». Ainsi, même en l’absence de défense, le tribunal a l’obligation d’examiner la recevabilité et le bien-fondé de la demande des consorts [V]. Sur la garantie des vices cachésLa garantie des vices cachés est régie par les articles 1641 et suivants du Code civil. L’article 1641 stipule que « le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui diminue tellement cet usage, que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’ils les avaient connus ». L’article 1642 précise que « le vendeur n’est pas tenu des vices apparents et dont l’acheteur a pu se convaincre lui-même ». Dans cette affaire, les époux [V] ont démontré que les vices étaient non seulement graves mais également cachés, car ils n’étaient pas visibles lors de l’achat et se sont manifestés peu après la transaction. Sur l’existence de vices cachésL’expertise a révélé plusieurs dysfonctionnements majeurs du véhicule, confirmant l’existence de vices cachés. L’expert a noté que « les dysfonctionnements rencontrés à l’usage du véhicule par l’acquéreur sont apparus dans les quelques dizaines de kilomètres après l’achat et au bout de 13 jours », ce qui indique que les vices étaient présents avant la vente. De plus, l’expert a souligné que le véhicule ne pouvait pas fonctionner normalement en raison de ces dysfonctionnements, ce qui constitue une forte diminution de son usage. Sur l’action rédhibitoireL’article 1644 du Code civil stipule que « en cas de vice caché, l’acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix ». Les consorts [V] ont choisi de demander la résolution de la vente, ce qui est leur droit en vertu de cet article. La résolution entraîne la restitution du prix de vente, conformément à l’article 1352 du Code civil, qui précise que « la restitution d’une chose autre que d’une somme d’argent a lieu en nature ou, lorsque cela est impossible, en valeur, estimée au jour de la restitution ». Sur les conséquences de la résolution et les demandes indemnitairesSelon les articles 1645 et 1646 du Code civil, « seul le vendeur de mauvaise foi qui connaissait les vices de la chose est tenu, outre la restitution du prix qu’il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l’acheteur ». Dans cette affaire, bien que M. [S] [N] ne soit pas présumé avoir connaissance des vices, les éléments de preuve indiquent qu’il avait connaissance des problèmes du véhicule, notamment en raison de l’attestation de vente trouvée dans le véhicule. Ainsi, il est tenu de restituer le prix de vente de 9.400 euros ainsi que les frais occasionnés par la vente. Sur l’exécution provisoireL’article 514 du Code de procédure civile dispose que « les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement ». Dans ce cas, le tribunal a décidé qu’il n’y avait pas lieu d’ordonner l’exécution provisoire, ce qui est conforme à la législation en vigueur. Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civileL’article 696 du Code de procédure civile stipule que « la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie ». M. [S] [N], ayant succombé dans l’instance, sera donc condamné aux dépens, y compris les frais d’expertise judiciaire. De plus, l’article 700 du même code prévoit que « le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ». Le tribunal a décidé d’allouer aux époux [V] la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700, tenant compte de l’équité et de la situation économique de M. [S] [N]. |
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Chambre 04
N° RG 24/00552 – N° Portalis DBZS-W-B7I-X4VE
JUGEMENT DU 13 JANVIER 2025
DEMANDEURS :
Mme [R] [V]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représentée par Me Emmanuel RIGLAIRE, avocat au barreau de LILLE
M. [P] [V]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représenté par Me Emmanuel RIGLAIRE, avocat au barreau de LILLE
DEFENDEUR :
M. [S] [N]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
défaillant
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Président : Ghislaine CAVAILLES, Vice-Présidente
Assesseur : Leslie JODEAU, Vice-présidente
Assesseur : Laurence RUYSSEN, Vice-Présidente
GREFFIER : Yacine BAHEDDI, Greffier
DEBATS :
Vu l’ordonnance de clôture en date du 21 Février 2024.
A l’audience publique du 04 Novembre 2024, date à laquelle l’affaire a été mise en délibéré,les avocats ont été avisés que le jugement serait rendu le 13 Janvier 2025.
Leslie JODEAU, Juge rapporteur qui a entendu la plaidoirie en a rendu compte au tribunal dans son délibéré
JUGEMENT : réputé contradictoire, en premier ressort, mis à disposition au Greffe le 13 Janvier 2025 par Ghislaine CAVAILLES, Président, assistée de Yacine BAHEDDI, greffier.
Le 11 février 2021, Mme [R] [V] et M. [P] [V], ci-après les consorts [V], ont commandé auprès de la société CARSLIFT, agissant comme intermédiaire de vente, un véhicule Renault Trafic Blanc, présentant 215.000 kilomètres, immatriculé [Immatriculation 4], pour un montant global de 9.400 euros.
Devant l’apparition de désordres, un premier examen du véhicule a été réalisé le 6 octobre 2021.
Puis, une expertise amiable a été réalisée par le cabinet Idea le 23 décembre 2021 mettant en évidence de nombreux désordres rendant le véhicule impropre à son usage.
Par courrier en date du 11 juillet 2022, invoquant la garantie des vices cachés, Mme [R] [V] a mis en demeure M. [S] [N] d’avoir à lui rembourser le prix de vente et les frais annexes et d’avoir à indemniser ses préjudices.
En l’absence de réponse, les consorts [V] ont fait assigné M. [S] [N] devant le juge des référés lequel a, par ordonnance du 23 mai 2023, ordonné une expertise du véhicule confiée à M. [O] [T].
L’expert a déposé son rapport le 27 novembre 2023.
Suivant exploit délivré le 9 janvier 2024, Mme [R] [V] et M. [P] [V] ont fait assigner M. [S] [N] devant le tribunal judiciaire de Lille aux fins de :
Vu les articles 1641 et suivants du code civil,
prononcer la résolution de la vente du véhicule Renault Trafic immatriculé [Immatriculation 4],condamner M. [S] [N] à leur verser les sommes suivantes :* 9.400 euros au titre de la restitution du prix de vente
* 2.000 euros au titre du préjudice moral
* 7.538,80 euros au titre du préjudice de jouissance
* 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
condamner M. [S] [N] à récupérer à ses frais le véhicule Renault Trafic immatriculé [Immatriculation 4], et ce sous peine d’astreinte de 100 euros par jour de retard passé un délai de 8 jours à compter de la signification du jugement à intervenir,condamner M. [S] [N] aux dépens, en ce compris les frais d’expertise,ordonner l’exécution provisoire de la décision.
Cité dans les conditions de l’article 659 du code de procédure civil, M. [S] [N] n’a pas constitué avocat.
La clôture des débats est intervenue le 21 février 2024, et l’affaire fixée à l’audience du 4 novembre 2024.
Pour l’exposé des moyens du demandeur, il sera fait application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile et procédé au visa de son assignation.
Sur la qualification du jugement
M. [S] [N] n’ayant pas constitué avocat et la décision étant susceptible d’appel, il sera statué par jugement réputé contradictoire, conformément à l’article 474 du code de procédure civile.
Conformément à l’article 472 du code de procédure civile, si le défendeur ne comparait pas, il est néanmoins statué sur le fond ; le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable, et bien fondée.
Sur la garantie des vices cachés
Aux termes de l’article 1641 du Code civil, « le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui diminue tellement cet usage, que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’ils les avait connus ».
L’article 1642 de ce même code précise que « le vendeur n’est pas tenu des vices apparents et dont l’acheteur a pu se convaincre lui-même ».
L’acquéreur doit ainsi rapporter la preuve d’un défaut grave, compromettant l’usage de la chose, non apparent et antérieur à la vente.
Il est rappelé qu’en matière de vente de véhicules d’occasion, un vice d’une particulière gravité est exigé pour mettre en œuvre la garantie prévue à l’article 1641 du Code civil, l’acheteur devant s’attendre en raison même de l’usure dont il est averti, à un fonctionnement de qualité inférieure à celui d’un véhicule neuf, ce qui explique qu’un véhicule d’occasion subisse une décote importante avec le temps et le kilométrage.
Sur l’existence de vices cachés
Il ressort de l’expertise de M. [O] [T], au cours de laquelle le défendeur, pas plus que l’expert de son assureur, ne se sont présentés, les éléments suivants :
Lors de la commande du véhicule le 11 février 2021, le vendeur de la société CARSLIFT a indiqué aux époux [V] que le véhicule ferait l’objet d’une révision avant sa livraison avec remplacement de l’antibrouillard et remise en état du système de dépollution du filtre à particules.
Les époux [V] ont pris possession du véhicule le 20 février 2021. Il présentait un kilométrage de 215.000 unités.
Le 5 mars 2021, alors que le véhicule se trouve en circulation, M. [P] [V] a constaté un manque de puissance et l’allumage du voyant de gestion moteur.
Le véhicule a été confié à un concessionnaire de la marque pour établir un diagnostic et la lecture des codes défaut a fait apparaître un colmatage du FAP. Un devis de remise en état d’un montant de 1.059 euros a été transmis aux époux [V].
Le 28 mars 2021, les consorts [V] ont adressé un courrier à M. [S] [N] afin qu’il prenne en charge les réparations.
En l’absence de réponse et ne pouvant se passer du véhicule, les consorts [V] ont finalement pris en charge les réparations et ont fait remplacer le FAP.
Entre temps, l’assureur a mandaté le cabinet Idea aux fins d’expertise amiable. La première réunion d’expertise s’est tenue le 28 mai 2021. Il a été constaté que les voyants de gestion moteur, témoin de préchauffage et filtre à particules restaient allumés en permanence, et que le moteur fonctionnait en mode dégradé.
Le véhicule a été transférée dans le réseau de la marque afin d’effectuer une lecture des codes défaut. Le défaut DF 308 a été relevé en défaut permanent. Après effacement des codes défauts et essai dynamique sur 15 kilomètres, il a été constaté que le véhicule se mettait en fonctionnement dégradé et que le voyant de gestion moteur et FAP s’affichait.
De retour dans les ateliers, il a été procédé à une nouvelle lecture des codes défaut laquelle a fait apparaître DF308 filtre à particules colmaté et DF 953 filtre à particule absent, ce qui a interrogé les experts présents puisque le filtre à particules avait été remplacé. Le filtre à particules remplacé n’étant pas une pièce d’origine Renault, les experts ont demandé que l’ancien filtre à particules d’origine du véhicule soit réinstallé et le véhicule a été restitué aux époux [V].
Le 28 juin 2021, le véhicule ne démarrait plus de sorte qu’il a été rapatrié au garage Renault de [Localité 3].
Le 12 juillet 2021, l’expert amiable est parvenu à démarrer le véhicule. En revanche, il a constaté que les voyants « service et préchauffage » restaient allumés au combiné de bord. L’interrogation de la mémoire du calculateur moteur a confirmé le code DF 10210 « dilution d’huile moteur », présent en défaut permanent. Il a été préconisé de procéder à une vidange moteur, ce qui a été fait.
Après vidange moteur et remplacement du filtre à huile, le véhicule est à nouveau tombé en panne et a été rapatrié au garage Renault de [Localité 3] le 15 septembre 2021 à cause d’un problème de boîte de vitesse.
Le 6 octobre 2021, lors d’une autre réunion d’expertise amiable, le moteur s’est mis en route et aucun témoin ne s’est affiché sur le tableau de bord. Toutefois, six codes défaut ont été mémorisés. Le technicien a confirmé que le calculateur de la boîte de vitesses automatique se met en défaut sporadiquement et qu’aléatoirement, la pression hydraulique de l’actionneur de boîte de vitesses est insuffisante.
Le véhicule est resté immobilisé depuis le 15 septembre 2021 de sorte que lorsque l’expert judiciaire a tenu sa réunion, le 13 septembre 2023, la batterie était totalement déchargée. Après branchement en série d’une batterie, des codes défauts ont pu être relevés dans les éléments d’injection et gestion moteur confirmant les relevés pris lors des opérations amiables. L’expert indiquera que ces codes défauts sont caractéristiques de dysfonctionnements importants au niveau de la gestion du moteur. En outre, des dysfonctionnement de pression interne ont été remontés dans la mémoire du calculateur de gestion de la boîte de vitesse.
Ces éléments, issus tant de l’expertise amiable que de l’expertise judiciaire, permettent d’établir que le véhicule acquis par les époux [V] présente des dysfonctionnements au niveau de la gestion de l’injection et de la dépollution de sa motorisation ainsi qu’au niveau des commandes hydrauliques de la boîte de vitesses robotisée.
S’agissant de l’antériorité des vices à la vente, l’expert judiciaire constate que les dysfonctionnements rencontrés à l’usage du véhicule par l’acquéreur sont apparus dans les quelques dizaines de kilomètres après l’achat et au bout de 13 jours, de sorte qu’il retient que les dysfonctionnements du circuit de dépollution existaient au moins en germe à la date de la transaction.
Concernant le dysfonctionnement au niveau du système hydraulique des commandes électroniques de la boîte de vitesses robotisée, l’expert judiciaire relève que le 30 octobre 2018, soit avant la vente, lorsque le véhicule totalisait 211.119 km, il a été procédé, dans le réseau Renault, au remplacement de l’huile de la boîte de vitesses, au remplacement des joints de transmission et, à la demande du propriétaire de l’époque, qui n’était pas M. [S] [N], à l’ajout d’un additif dans l’huile de la boîte de vitesses. Il explique que le réseau de la marque du véhicule ne met jamais d’additif dans l’huile de la boîte de vitesses car la qualité de l’huile préconisée par le constructeur suffit à elle seule au bon fonctionnement de la boîte. Il pense donc que cet additif, qui n’est pas une référence constructeur Renault, a été ajouté à la lubrification à la demande du propriétaire de l’époque pour tenter d’éliminer un dysfonctionnement.
Il ajoute que ce type d’additif n’est pas conseillé au bon usage de la lubrification des éléments hydrauliques des commandes robotisées de ce type de boîte car ils ont pour conséquence de laver et nettoyer de façon agressive les éléments en frottement et occasionnent à court terme des dysfonctionnements par grippage de certains éléments. L’expert précise que la poursuite des recherches nécessiterait des démontages importants et coûteux qui n’apporteraient aucun nouvel élément technique. En toute hypothèse, au vu de ces éléments, et du peu d’usage fait par les époux [V], il retient que les dysfonctionnements liés à la boîte de vitesse préexistaient à la transaction.
S’agissant de la gravité des vices, l’expert retient que le véhicule présente une forte diminution d’usage à tout le moins non conforme à celui légitimement attendu puisqu’il ne peut fonctionner de manière normale en raison des dysfonctionnements moteur qui trouvent leurs causes dans la ruine annoncée a minima du débit d’air, des injecteurs, du filtre à particules. Il ajoute que le dysfonctionnement électrohydraulique au niveau de la boîte de vitesses robotisée annihile totalement l’usage du véhicule.
S’agissant du caractère caché des vices, si les époux [V] indiquent que le témoin FAP s’est allumé au moment de la commande, il leur a été dit par le vendeur de la société CARSLIFT qu’il serait procédé à son remplacement avant la vente, de sorte qu’ils ont pu considérer que les réparations avaient été efficaces. Pour le reste, les désordres et leur ampleur n’ont pu être constatés qu’après la vente et après lecture des codes défaut au sein du garage. Il doit donc être retenu qu’ils étaient cachés aux yeux des acquéreurs lors de la vente.
Il est ainsi établi que le véhicule acquis par les époux [V] est affecté de vices répondant à la définition de l’article 1641 du code civil, de sorte qu’ils sont fondés à invoquer la garantie des vices cachés à l’encontre de leur vendeur.
Sur l’action rédhibitoire
L’article 1644 du Code civil dispose qu’en cas de vice caché, l’acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix, étant précisé que cette option entre l’action rédhibitoire et l’action estimatoire est ouverte au seul acquéreur, sans qu’il ait à en justifier.
Au sens des articles 1304-3 alinéa 2 et 1304-7 du Code civil, la résolution d’un acte juridique consiste dans l’anéantissement rétroactif des effets de celui-ci et a pour conséquence de remettre les parties dans l’état dans lequel elles se trouvaient à la date de sa conclusion, sans remettre en cause, le cas échéant, les actes conservatoires et d’administration.
L’article 1352 du Code civil dispose que la restitution d’une chose autre que d’une somme d’argent a lieu en nature ou, lorsque cela est impossible, en valeur, estimée au jour de la restitution.
En l’espèce, l’expert judiciaire a chiffré à environ 13.300 euros le coût de la remise en état du véhicule de sorte que les époux [V] ont fait le choix de solliciter la résolution de la vente du véhicule litigieux.
En conséquence, il y a lieu de prononcer la résolution de la vente intervenue entre les époux [V] et M. [S] [N] le 20 février 2021.
Sur les conséquences de la résolution et les demandes indemnitaires
Conformément à une lecture combinée des articles 1645 et 1646 du Code civil, seul le vendeur de mauvaise foi qui connaissait les vices de la chose est tenu, outre la restitution du prix qu’il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l’acheteur ; dans le cas contraire, il n’est tenu qu’à la restitution du prix et au remboursement à l’acquéreur des frais occasionnés par la vente.
Le vendeur professionnel est présumé avoir connaissance des vices de la chose.
En l’espèce, rien ne permet d’affirmer que M. [S] [N] était un vendeur professionnel de sorte qu’il n’est pas présumé avoir eu connaissance des vices affectant le véhicule.
Toutefois, il a été trouvé, lors de la réunion d’expertise amiable du 28 mai 2021, dans la boîte à gants du véhicule, une attestation de vente manuscrite entre M. [M] et M. [N] mentionnant “véhicule vendu en panne ne démarrant plus et sans contrôle technique le 4 mars 2020 pour la somme de 2.400 euros”. Si l’expert judiciaire indique que M. [S] [N] a procédé au remplacement du turbocompresseur, l’expert amiable indique que la remise en état avant la vente aux époux [V] a été sommaire. Faute d’avoir constitué avocat, M. [S] [N] n’apporte aucune explication quant aux réparations qu’il aurait effectuées ou fait effectuer alors qu’il a acquis un véhicule en panne de sorte qu’il doit être considéré qu’il avait connaissance des vices.
Par suite de la résolution, M. [S] [N] sera tenu de restituer aux époux [V] le prix de vente du véhicule ainsi que les frais occasionnés par la vente.
Le bon de commande mentionne un prix global de 9.400 euros incluant 8.671 euros pour le prix de véhicule, 179 euros pour les frais de gestion et de carte grise, 300 euros pour la mise en relation clientèle et 250 euros pour les frais divers. S’il est exact que M. [S] [N] n’a perçu de la société CARSLIFT que la somme de 7.500 euros, il n’en demeure pas moins qu’il est tenu de restituer non seulement le prix de vente mais également les frais occasionnés par la vente laquelle est résolue. Il devra donc restituer la somme de 9.400 euros.
La restitution du véhicule par les époux [V] sera en outre ordonnée, à charge pour M. [S] [N] de récupérer le véhicule, à l’endroit où il se trouve et dans son état. Il n’est pas justifié de prévoir que la restitution du véhicule devra avoir lieu sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé un délai de 8 jours à compter de la signification du jugement.
Les époux [V] réclament en outre l’indemnisation de leur préjudice moral à hauteur de 2.000 euros faisant valoir l’attitude dilatoire de leur vendeur les contraignant à solliciter une expertise judiciaire. Sur ce point, il est acquis que seulement 13 jours après leur acquisition, le véhicule a présenté des dysfonctionnements majeurs qui ont nécessité des allers retours au garage et la réalisation d’une première expertise amiable en 2021. A l’issue de cette expertise, et alors que M. [S] [N] avait fait savoir qu’il était disposé à accepter une résolution de vente à condition de restituer uniquement la somme de 7.500 euros perçue de son vendeur, aucune solution amiable n’a finalement pu être trouvée contraignant les époux [V] a saisir le juge des référés aux fins d’expertise judiciaire. Ces démarches ont nécessairement généré du tracas et sont à l’origine d’un préjudice moral qui, en l’absence de tout élément permettant une évaluation affinée de son montant, sera indemnisé à hauteur de 1.000 euros.
Les époux [V] réclament enfin l’indemnisation de leur préjudice de jouissance à hauteur de 7.538,80 euros tel qu’évalué par l’expert sur une base journalière de 9,40 euros par jour. S’il est exact que le véhicule est immobilisé depuis le 15 septembre 2021, les époux [V] n’expliquent ni ne justifient de l’usage qu’ils faisaient du véhicule et de l’impact que son immobilisation a eu sur leur quotidien. Le tribunal n’entend donc pas retenir la somme sollicitée et évalue le préjudice de jouissance à la somme de 1.000 euros.
Sur l’exécution provisoire
En application de l’article 514 du code de procédure civile, en vigueur depuis le 1er janvier 2020 dans sa rédaction issue du décret 2019-1333 du 11 décembre 2019 :
“ Les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement.”
Il n’y a pas lieu d’ordonner l’exécution provisoire, laquelle assortit le jugement par l’effet de ce décret.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile
L’article 696 du Code de procédure civile dispose : « la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie ».
Par ailleurs, il résulte des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile que“Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer :
1° A l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; […]
Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations. […]”.
Succombant en l’instance, M. [S] [N] sera condamné aux dépens, en ce compris les frais d’expertise judiciaire.
L’équité commande d’allouer aux époux [V] la somme réclamée de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Le tribunal statuant publiquement par jugement réputé contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe et en premier ressort,
Prononce la résolution de la vente intervenue entre Mme [R] [V] et M. [P] [V] d’une part et M. [S] [N] d’autre part le 20 février 2021 portant sur le véhicule Renault Trafic immatriculé [Immatriculation 4],
Condamne M.[S] [N] à verser à Mme [R] [V] et M. [P] [V] la somme de 9.400 euros au titre de la restitution du prix de vente et des frais occasionnés par la vente,
Ordonne la restitution du véhicule Renault Trafic immatriculé [Immatriculation 4] par Mme [R] [V] et M. [P] [V] à M. [S] [N] à charge pour ce dernier de récupérer le véhicule à l’endroit où il se trouve et dans son état,
Condamne M. [S] [N] à payer à Mme [R] [V] et M. [P] [V]
1.000 euros au titre du préjudice de jouissance,1.000 euros au titre du préjudice moral,
Déboute Mme [R] [V] et M. [P] [V] du surplus de leurs demandes,
Condamne M. [S] [N] aux dépens, en ce compris les frais d’expertise judiciaire,
Condamne M. [S] [N] à payer à Mme [R] [V] et M. [P] [V] la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Rappelle que la présente décision est exécutoire de droit par provision.
Le greffier, Le président,
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