Exécution provisoire contestée : enjeux et conséquences pour une entreprise en difficulté

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Exécution provisoire contestée : enjeux et conséquences pour une entreprise en difficulté

L’Essentiel : Le 2 septembre 2024, le conseil de prud’hommes de Nîmes a jugé que la prise d’acte de rupture par le salarié équivalait à un licenciement sans cause réelle. La SAS HL Fibre a été condamnée à verser des sommes à M. [X] [S] [J] et à fournir des documents à Pôle emploi. En appel, la SASU HL Fibre a contesté cette décision, arguant que le salarié n’avait pas fourni d’éléments précis sur les heures non rémunérées. Toutefois, le premier président a rejeté sa demande d’arrêt de l’exécution provisoire, n’ayant pas prouvé de moyen sérieux d’annulation. La société a été condamnée aux dépens.

Exposé du litige

Le 2 septembre 2024, le conseil de prud’hommes de Nîmes a rendu un jugement de départage, déclarant que la prise d’acte de rupture du contrat de travail par le salarié équivalait à un licenciement sans cause réelle et sérieuse. La SAS HL Fibre a été condamnée à verser plusieurs sommes à M. [X] [S] [J], incluant des heures supplémentaires, des indemnités de licenciement, ainsi que des frais de justice. De plus, la société a été ordonnée à fournir des documents nécessaires à Pôle emploi et à son ancien salarié.

Appel de la SASU HL Fibre

Le 30 septembre 2024, la SASU HL Fibre a interjeté appel de la décision, contestant les condamnations prononcées. Par la suite, le 16 octobre 2024, elle a assigné M. [X] [J] devant le premier président de la cour d’appel, demandant l’arrêt de l’exécution provisoire du jugement du 2 septembre 2024. La société a soutenu que le jugement reposait sur des éléments contestables fournis par le salarié.

Arguments de la SASU HL Fibre

La SASU HL Fibre a fait valoir que le salarié n’avait pas présenté des éléments suffisamment précis concernant les heures non rémunérées, ce qui aurait permis à l’employeur de répondre de manière adéquate. Elle a également souligné que l’exécution du jugement, représentant un montant significatif, pourrait mettre en péril l’avenir de la société, notamment en raison de risques de procédures collectives.

Conditions pour l’arrêt de l’exécution provisoire

Selon l’article 514-3 du code de procédure civile, pour obtenir l’arrêt de l’exécution provisoire, il faut prouver l’existence d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation et que l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives. La SASU HL Fibre devait donc démontrer que ces deux conditions étaient remplies.

Décision du premier président

Le premier président a constaté que la SASU HL Fibre n’avait pas apporté la preuve d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation du jugement. En conséquence, la demande d’arrêt de l’exécution provisoire a été rejetée, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les conséquences manifestement excessives de l’exécution.

Charge des dépens

La SASU HL Fibre, ayant succombé dans sa demande, a été condamnée à supporter la charge des dépens de la procédure.

Conclusion

L’ordonnance a été signée par la Présidente de Chambre et la Greffière, confirmant le rejet de la demande de la SASU HL Fibre et la condamnation aux dépens.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions pour obtenir l’arrêt de l’exécution provisoire d’un jugement ?

La demande d’arrêt de l’exécution provisoire d’un jugement est régie par l’article 514-3 du code de procédure civile. Cet article stipule :

« En cas d’appel, le premier président peut être saisi afin d’arrêter l’exécution provisoire de la décision lorsqu’il existe un moyen sérieux d’annulation ou de réformation et que l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives.

La demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d’observations sur l’exécution provisoire n’est recevable que si, outre l’existence d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation, l’exécution provisoire risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance. »

Ainsi, pour qu’une partie obtienne l’arrêt de l’exécution provisoire, elle doit prouver deux conditions cumulatives :

1. L’existence d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation du jugement.
2. Que l’exécution de ce jugement risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives.

Si l’une de ces conditions n’est pas remplie, la demande d’arrêt de l’exécution provisoire sera rejetée.

Comment la SASU HL Fibre a-t-elle justifié sa demande d’arrêt de l’exécution provisoire ?

La SASU HL Fibre a avancé plusieurs arguments pour justifier sa demande d’arrêt de l’exécution provisoire. Elle a soutenu que le jugement du 2 septembre 2024 reposait sur des éléments contestables, notamment :

– Le manque de précision et de véracité des pièces fournies par le salarié.
– Des incohérences dans les relevés d’heures et des photos de chantier.

Elle a également rappelé que c’est au salarié de fournir des éléments suffisamment précis pour permettre à l’employeur de répondre utilement.

Enfin, la SASU HL Fibre a fait valoir que l’exécution du jugement, qui s’élevait à 44 840 euros, aurait des conséquences manifestement excessives pour une petite structure, mettant en péril son avenir, notamment en raison d’une possible procédure collective.

Cependant, pour que ces arguments soient recevables, la SASU HL Fibre devait prouver l’existence d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation, ce qui n’a pas été établi dans le cadre de la décision rendue.

Quelles sont les conséquences de l’absence de moyen sérieux d’annulation ou de réformation ?

L’absence de moyen sérieux d’annulation ou de réformation a des conséquences directes sur la demande d’arrêt de l’exécution provisoire. Comme le stipule l’article 514-3 du code de procédure civile, si la partie appelante ne parvient pas à prouver l’existence d’un moyen sérieux, sa demande sera rejetée.

Dans le cas présent, la SASU HL Fibre n’a pas réussi à démontrer que les critiques formulées à l’encontre du jugement du 2 septembre 2024 revêtaient un caractère suffisamment pertinent pour justifier une réformation.

Ainsi, même si des conséquences manifestement excessives pouvaient être envisagées, l’absence de preuve d’un moyen sérieux d’annulation suffisait à justifier le rejet de la demande d’arrêt de l’exécution provisoire.

Cela souligne l’importance de la charge de la preuve qui incombe à la partie qui conteste un jugement, notamment dans le cadre d’une exécution provisoire.

COUR D’APPEL

DE NÎMES

REFERES

ORDONNANCE N°

AFFAIRE : N° RG 24/00157 – N° Portalis DBVH-V-B7I-JMC6

AFFAIRE : S.A.S.U. HL FIBRE C/ [J]

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ RENDUE LE 10 Janvier 2025

A l’audience publique des RÉFÉRÉS de la COUR D’APPEL DE NÎMES du 22 Novembre 2024,

Nous, S. DODIVERS, Présidente de Chambre à la Cour d’Appel de NÎMES, spécialement désignée pour suppléer le Premier Président dans les fonctions qui lui sont attribuées,

Assistée de Madame Véronique PELLISSIER, Greffière, lors des débats et lors du prononcé,

Après avoir entendu en leurs conclusions et plaidoiries les représentants des parties, dans la procédure introduite

PAR :

S.A.S.U. HL FIBRE

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Adresse 4]

[Localité 2]

représentée par Me David CARAMEL de la SCP MARCE ANDRIEU CARAMEL, avocat au barreau de NIMES, substitué par Me Yasmin TANOUYAT, avocat au barreau de NIMES

DEMANDERESSE

Monsieur [X] [S] [J]

assigné le 16 octobre 2024 par procès-verbal de recherches infructueuses article 659 du code de procédure civile

[Adresse 3]

[Localité 1]

non comparant

DÉFENDEUR

Avons fixé le prononcé au 10 Janvier 2025 et en avons ensuite délibéré conformément à la loi ;

A l’audience du 22 Novembre 2024, les conseils des parties ont été avisés que l’ordonnance sera rendue par sa mise à disposition au Greffe de la Cour le 10 Janvier 2025.

EXPOSE DU LITIGE

Par jugement de départage en date du 2 septembre 2024, assorti de l’exécution provisoire, le conseil de prud’hommes de Nîmes a :

Dit que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail à l’initiative du salarié produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Condamné la SAS HL Fibre à payer à M. [X] [S] [J] les sommes suivantes :

-3 435,91 € au titre des heures supplémentaires,

-343,60 € au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés y afférente,

-1 350,69 € au titre du repos compensateur,

-960,64 € au titre de l’indemnité légale de licenciement,

-1 213,33 € au titre de l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-2 669,33 € au titre du préavis et congés payés afférents,

-1 500 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamné la SAS HL Fibre à remettre à M. [X] [S] [J] une attestation destinée à pôle emploi, le certificat de travail et le certificat justificatif de ses droits à congés conformes au présent jugement ;

Ordonné l’exécution provisoire de la présente décision en application de l’article 515 du code de procédure civile ;

Débouté les parties de leurs demandes, plus amples ou contraires ;

Condamné la SAS HL Fibre aux dépens.

Par déclaration en date du 30 septembre 2024, la SASU HL Fibre a interjeté appel de l’ensemble des chefs de condamnation de cette décision.

Par exploit de commissaire en date du 16 octobre 2024, la SASU HL Fibre a fait assigner M. [X] [J] devant le premier président de cette cour d’appel, au visa de l’article 514-3 du code de procédure civile, aux fins de voir ordonner l’arrêt de l’exécution provisoire du jugement du 2 septembre 2024 rendu par le Conseil de prud’hommes de Nîmes.

La SASU HL Fibre fait valoir, à l’appui de sa demande, que le juge départiteur a motivé sa décision en prenant appui uniquement sur les pièces du salarié qui sont contestables en raison du manque de précision, du manque de véracité, des incohérences dans les relevés d’heure et des photos de chantier tirées d’un network dont l’horaire peut être modifié.

Elle rappelle qu’il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rénumérées afin de permettre à l’employeur d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Elle fait valoir enfin que l’exécution du jugement contesté à hauteur de 44 840 euros caractérise des conséquences manifestement excessives pour une structure de petite taille dont l’avenir risque d’être en péril, notamment par une procédure collective.

Par référence à l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé aux conclusions déposées par chacune des parties pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions.

SUR CE,

-Sur l’arrêt de l’exécution provisoire :

En l’espèce, le jugement du 2 septembre 2024 dont appel est assorti de l’exécution provisoire de droit. A ce titre, l’article 514-3 du code de procédure civile dispose :

‘En cas d’appel, le premier président peut être saisi afin de d’arrêter l’exécution provisoire de la décision lorsqu’il existe un moyen sérieux d’annulation ou de réformation et que l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives.

La demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d’observations sur l’exécution provisoire n’est recevable que si, outre l’existence d’un moyen sérieux d’annulation de réformation, l’exécution provisoire risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance. »

Ainsi, pour obtenir gain de cause devant le premier président, l’appelante doit rapporter la preuve que les deux conditions cumulatives du premier alinéa de l’article précité sont réunies.

Moyen sérieux d’annulation de réformation du jugement

La SASU HL Fibre fait valoir un certain nombre de moyens critiquant la décision déférée, cependant il a été répondu dans le cadre de la décision déférée à ce qui est soulevé et, sans présumer de la décision au fond, il y a lieu de considérer que dans le cadre de la présente procédure, la preuve de l’existence d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation qui se doit de revêtir un caractère très pertinent qui sera nécessairement pris en compte par la juridiction d’appel avec des chances suffisamment raisonnables de succès n’est pas rapportée.

Dans la mesure où la preuve de l’existence de moyens sérieux d’annulation ou de réformation du jugement rendu le 2 septembre 2024 par le conseil de prud’hommes de Nîmes n’est pas rapportée et sans qu’il soit nécessaire de s’intéresser à l’existence de conséquences manifestement excessives attachées à l’exécution de la décision déférée, dès lors qu’une des deux conditions exigées par l’article 514-3 du code de procédure civile fait défaut, la demande d’arrêt de cette exécution provisoire doit être rejetée.

Sur la charge des dépens

La SASU HL Fibre succombant sera tenue de supporter la charge des entiers dépens.

PAR CES MOTIFS :

Nous S. Dodivers statuant sur délégation du premier président de la cour d’appel de Nîmes, en référé, par ordonnance rendue par défaut, en dernier ressort et mise à disposition au greffe,

DEBOUTONS la SASU HL Fibre de sa demande visant à voir suspendre l’exécution provisoire de la décision en date du 2 septembre 2024 rendue par le conseil de prud’hommes de Nîmes,

Condamnons la SASU HL Fibre aux dépens de la présente procédure.

Ordonnance signée par Madame S. DODIVERS, Présidente de Chambre, et par Madame Véronique PELLISSIER, Greffière, présente lors du prononcé.

LA GREFFIERE

LA PRÉSIDENTE


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