L’Essentiel : M. [D] [Y] a été engagé par Sanofi Pasteur en 2001 en tant qu’opérateur matériel. Après un accident de travail en 2016, il a été reclassé en 2017. Cependant, le 19 juin 2019, il a été licencié pour faute grave en raison de comportements agressifs envers son ancien manager et d’insultes envers le personnel. Contestant son licenciement, il a saisi le conseil de prud’hommes, qui a initialement jugé en sa faveur. Toutefois, la cour d’appel a infirmé cette décision, confirmant la légitimité du licenciement et condamnant M. [Y] aux dépens.
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Engagement et Accident de TravailM. [D] [Y] a été engagé par la société Sanofi Pasteur le 17 septembre 2001 en tant qu’opérateur matériel. Il a été affecté sur le site de [Localité 6] et ses relations contractuelles étaient régies par la convention collective de l’industrie pharmaceutique. Suite à un accident du travail survenu le 29 février 2016, il a été déclaré inapte à son poste par le médecin du travail le 2 octobre 2017. M. [Y] a été reclassé à un nouveau poste d’opérateur au service conditionnement-imprimerie le 16 novembre 2017. Licenciement pour Faute GraveLe 19 juin 2019, M. [Y] a été licencié pour faute grave après avoir été convoqué à un entretien préalable. Les motifs de son licenciement incluent un comportement agressif et des propos menaçants tenus lors d’un entretien avec son ancien manager, ainsi que des insultes proférées à l’encontre de plusieurs membres du personnel et de la direction. Malgré sa mise à pied conservatoire, la société a jugé que son maintien dans l’entreprise était impossible. Procédure JudiciaireM. [Y] a contesté son licenciement en saisissant le conseil de prud’hommes de Lyon le 8 juin 2020. Le jugement du 15 février 2022 a déclaré le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, condamnant Sanofi Pasteur à verser diverses indemnités à M. [Y]. En réponse, la société a interjeté appel du jugement le 2 mars 2022. Décision de la CourLa cour a examiné les éléments de preuve et a conclu que les faits reprochés à M. [Y] étaient avérés et constituaient une faute grave. Elle a infirmé le jugement de première instance, déclarant que le licenciement était fondé et déboutant M. [Y] de toutes ses prétentions. La cour a également condamné M. [Y] aux dépens de première instance et d’appel. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la nature de la faute grave dans le cadre d’un licenciement ?La faute grave est définie par le Code du travail comme un comportement ou des actes qui rendent impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. Selon l’article L.1234-1 du Code du travail, « la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise ». Cela signifie que la faute doit être d’une telle gravité qu’elle justifie une rupture immédiate du contrat de travail, sans préavis ni indemnité. Dans le cas de M. [Y], son comportement agressif et ses propos menaçants envers ses collègues et la direction ont été jugés suffisamment graves pour justifier un licenciement pour faute grave. Il est important de noter que la charge de la preuve de la faute grave incombe à l’employeur, qui doit démontrer que les faits reprochés sont réels et suffisamment graves pour justifier la rupture du contrat. Quelles sont les obligations de l’employeur en matière de licenciement ?L’employeur a des obligations précises lors d’un licenciement, notamment en ce qui concerne la procédure à suivre et la justification des motifs de licenciement. L’article L.1235-1 du Code du travail stipule que « en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties ». Cela signifie que l’employeur doit fournir des éléments concrets et vérifiables pour justifier le licenciement. Dans le cas de M. [Y], la cour a constaté que l’employeur avait respecté cette obligation en fournissant des témoignages et un constat d’huissier qui corroborent les faits reprochés au salarié. Si un doute subsiste sur la réalité des motifs, ce doute doit profiter au salarié, ce qui renforce la nécessité pour l’employeur de prouver la gravité des faits. Quels sont les droits du salarié en cas de licenciement pour faute grave ?En cas de licenciement pour faute grave, le salarié a des droits spécifiques, notamment en ce qui concerne les indemnités et la contestation du licenciement. L’article L.1234-9 du Code du travail précise que « le salarié licencié pour faute grave ne peut prétendre à aucune indemnité de préavis ni à une indemnité de licenciement ». Cependant, le salarié peut contester le licenciement devant le conseil de prud’hommes, comme l’a fait M. [Y]. Il a le droit de demander la requalification de son licenciement et de réclamer des dommages et intérêts s’il estime que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse. Dans le cas présent, le conseil de prud’hommes a initialement jugé que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, mais cette décision a été infirmée par la cour d’appel, qui a confirmé la validité du licenciement pour faute grave. Comment se déroule la procédure de licenciement pour faute grave ?La procédure de licenciement pour faute grave doit respecter certaines étapes, notamment la convocation à un entretien préalable et la notification du licenciement. L’article L.1232-2 du Code du travail stipule que « l’employeur doit convoquer le salarié à un entretien préalable, par lettre recommandée avec accusé de réception ». Cet entretien a pour but de permettre au salarié de s’expliquer sur les faits qui lui sont reprochés. Dans le cas de M. [Y], il a été convoqué à un entretien préalable, ce qui a respecté cette obligation légale. Après l’entretien, l’employeur doit notifier le licenciement par écrit, en précisant les motifs. La lettre de licenciement fixe les limites du litige, comme l’a rappelé la cour dans son jugement. Il est essentiel que l’employeur respecte cette procédure pour éviter que le licenciement ne soit requalifié en licenciement sans cause réelle et sérieuse. |
RAPPORTEUR
N° RG 22/01728 – N° Portalis DBVX-V-B7G-OFCF
S.A. SANOFI PASTEUR
C/
[Y]
APPEL D’UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de LYON
du 15 Février 2022
RG : 20/01385
COUR D’APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE B
ARRÊT DU 10 JANVIER 2025
APPELANTE :
Société SANOFI PASTEUR
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Laurent LIGIER de la SELARL LIGIER & DE MAUROY, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant Me Christophe BIDAL de la SCP AGUERA AVOCATS, avocat au barreau de LYON,
INTIMÉ :
[D] [Y]
né le 05 Juin 1963 à [Localité 5]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représenté par Me Sandrine DEMORTIERE, avocat au barreau de LYON
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 14 Novembre 2024
Présidée par Béatrice REGNIER, Présidente magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Mihaela BOGHIU, Greffière.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
– Béatrice REGNIER, Présidente
– Catherine CHANEZ, Conseillère
– Régis DEVAUX, Conseiller
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 10 Janvier 2025 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Béatrice REGNIER, Présidente et par Mihaela BOGHIU, greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
M. [D] [Y] a été engagé dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée le 17 septembre 2001 par la société Sanofi Pasteur, spécialisée dans la fabrication de préparations pharmaceutiques, en qualité d’opérateur matériel et été affecté sur le site de [Localité 6].
Les relations contractuelles étaient régies par la convention collective de l’industrie pharmaceutique.
Faisant suite à un accident du travail en date du 29 février 2016 sur un poste localisé en laverie, au bâtiment V15 du site, M. [Y] a été déclaré inapte à son poste par le médecin du travail suivant déclaration du 2 octobre 2017. Il a été reclassé suivant avenant à son contrat de travail en date du 16 novembre 2017 à un poste d’opérateur au service conditionnement- imprimerie du bâtiment P.
Après avoir été convoqué le 27 mai 2019 à un entretien préalable fixé au 7 juin suivant et mis à pied à titre conservatoire, il a été licencié pour faute grave le 19 juin 2019.
Contestant le bien-fondé de cette mesure, il a saisi le 8 juin 2020 le conseil de prud’hommes de Lyon qui, par jugement du 15 février 2022, a :
– dit que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
– condamné la société Sanofi Pasteur à payer au salarié les sommes de :
– 8 347,58 euros brut, outre 834,76 euros brut de congés payés, à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
– 36 523,45 euros net à titre d’indemnité légale de licenciement,
– 58 433,06 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 600 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– ordonné le remboursement par la société Sanofi Pasteur des indemnités chômage éventuellement versées par Pôle Emploi à M. [Y] postérieurement à son licenciement, dans la limite de trois mois ;
– débouté les parties du surplus de leurs prétentions.
Par déclaration du 2 mars 2022, la société Sanofi Pasteur a interjeté appel du jugement.
Vu les conclusions transmises par voie électronique le 31 mai 2022 par la société Sanofi Pasteur ;
Vu les conclusions transmises par voie électronique le 30 août 2022 par M. [Y] ;
Vu l’ordonnance de clôture en date du 8 octobre 2024 ;
Pour l’exposé des moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux dernières conclusions déposées et transmises par voie électronique conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
Attendu qu’il convient de rappeler que la lettre de licenciement fixe les limites du litige ;
Que, selon l’article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d’instruction qu’il estime utiles ; que, si un doute subsiste, il profite au salarié ; qu’ainsi l’administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n’incombe pas spécialement à l’une ou l’autre des parties, l’employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables ;
Que par ailleurs la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et justifie la rupture immédiate de son contrat de travail, sans préavis, la charge de la preuve pesant sur l’employeur ;
Attendu qu’en l’espèce M. [Y] a été licencié pour faute grave par courrier recommandé du 19 juin 2019 pour les motifs suivants :
‘En date du vendredi 24 mai 2019, vous êtes venu au sein de notre établissement de [Localité 6] en vue d’un entretien concernant les opportunités de poste au sein du secteur V15 (Vrac-Virologie) avec Monsieur [B] [J], votre précédent manager et Responsable du Secteur LAP/Inactivation.
Cet entretien n’ayant pas été concluant, vous avez à son issue laissé un message vocal au ton particulièrement agressif et menaçant sur la messagerie du téléphone fixe professionnel de Monsieur [M] en déclarant « Bonjour [D] [Y] à l’appareil, rappelez-moi parce que là y en a plein le cul avec ces histoires à la con avec ce bâtiment V15, alors ou vous me rappelez maintenant ou alors ça va barder, ok ‘ Bonne journée ».
Vous vous êtes ensuite rendu très énervé dans le bureau de Monsieur [M] (bâtiment A5 ‘ bureau 115).
Vous avez alors hurlé que vous iriez « défoncer ce gros fils de pute » et « qu’il ne fallait pas se foutre de [votre] gueule car c’est dangereux ».
Vos vociférations ont alerté le personnel présent dans le bâtiment, de sorte que Monsieur [K] [N], Responsable Sûreté du site, est intervenu pour vous faire signe de vous calmer.
Malgré cela, vous avez poursuivi avec virulence en insultant l’ancien Directeur des Ressources Humaines du site, notamment le fait que vous « n’aviez jamais vu un DRH avec des couilles aussi molles ».
Alarmé par la violence de votre attitude et de vos propos, Monsieur [M] vous a demandé de quitter son bureau et a tenté de vous raisonner dans le couloir du bâtiment A5. Vous avez néanmoins poursuivi les affronts, en vous répandant en invectives contre le Comité de Direction de [Localité 6], vos collègues du bâtiment P et votre précédent manager. Notamment : « Si vous me refoutez au bâtiment P je vais les défoncer, j’aime la castagne, je monterai sur le ring sans problèmes », « [X] [A] c’est un mauvais manager », « [G] [U] [V] c’est un cowboy », « quand j’étais dans le couloir du V15, j’ai hésité à y retourner pour lui [[B] [J]] démonter la gueule et lui arracher tout, les dents, les yeux, mais j’ai pas envie qu’on porte plainte contre moi et d’aller en prison ».
Vous avez alors quitté le bâtiment A5 en soulignant que « de toutes façons, il me reste encore 6 ans, donc continuez à me laisser au P et je me prolongerai, je vais vous pourrir la vie, j’ai un excellent psy qui me prolongera ».
Au cours de l’entretien préalable, vous avez reconnu vous être emporté et avoir proféré de nombreuses insultes. Vous avez néanmoins indiqué que vous assumiez vos propos, dus à votre caractère et que vous ne mâchiez pas vos mots dans la vie.
Ce comportement agressif et ces propos insultants et menaçants vis-à-vis de nombreux membres du personnel et de la Direction, qui dénigrent nos services et collaborateurs, sont parfaitement inacceptables. Ils nous font par ailleurs craindre pour leur sécurité.
Compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, votre maintien dans l’entreprise est impossible, y compris pendant la durée du préavis. Votre licenciement pour faute grave prend donc effet immédiatement à la date du 19 juin 2019, sans indemnité de préavis ni de licenciement.’ ;
Attendu que la réalité des faits reprochés à M. [Y] ressort des témoignages de MM. [J], [M], responsable des ressources humaines, et [N] ainsi que du procès-verbal de constat d’huissier du 12 juin 2019 et n’est au demeurant pas contestée ;
Attendu que ces faits sont fautifs, la circonstance que M. [Y] était lors de leur commission en arrêt de travail pour maladie étant sans incidence dès lors que l’intéressé a failli à son obligation de loyauté envers son employeur, et ce au demeurant au sein même de l’entreprise ;
Attendu que le comportement agressif dont a fait preuve M. [Y] ainsi que les propos gravement insultants et menaçants qu’il a tenus à plusieurs reprises et en indiquant au surplus les assumer justifiaient la rupture immédiate, sans préavis, de son contrat de travail ;
Que M. [Y] ne peut valablement soutenir que M. [J] n’aurait accepté de le recevoir, le 24 mai 2019, qu’à dessein de provoquer un différend, une telle affirmation, au demeurant fantaisiste, n’étant fondée sur aucune pièce ; qu’aucune provocation n’est caractérisée ;
Qu’il ne peut pas davantage utilement soutenir que la protection dont il bénéficiait en sa qualité de représentant du personnel délégué syndical avait pris fin le 6 mai 2019 et que par ailleurs il a intenté une action tendant à voir reconnaître la faute inexcusable de son employeur suite à l’accident du travail dont il a été victime le 29 février 2016, action qui a prospéré, ces circonstances étant sans incidence sur les faits commis, alors même que, sur le premier point, le salarié ne prétend pas que son licenciement serait en lien avec ses anciennes activités syndicales ;
Qu’il ne peut également invoquer l’absence de témoins extérieurs des faits pour prétendre qu’ils ne seraient pas graves ;
Qu’il ne peut enfin excuser son attitude par son ancienneté ou encore son état de santé, le seul certificat médical – daté du 4 juin 2019 – selon lequel son état peut le conduire à un comportement inadapté étant à cet égard insuffisant ; que d’ailleurs, lors de son entretien préalable, M. [Y] a affirmé assumer les propos tenus – dus selon lui à son caractère ;
Attendu que, par suite, et par infirmation, la cour retient que le licenciement pour faute grave est fondé et déboute M. [Y] de l’ensemble de ses prétentions ;
LA COUR,
Infirme le jugement déféré,
Statuant à nouveau et ajoutant,
Dit que le licenciement pour faute grave est fondé,
Déboute M. [D] [Y] de ses prétentions,
Le condamne aux dépens de première instance et d’appel.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,
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