Récupération de créance sur succession : enjeux et limites financières.

·

·

Récupération de créance sur succession : enjeux et limites financières.

L’Essentiel : La mère de M. [E] a été hébergée par la Ville de [Localité 2] jusqu’à son décès, entraînant des dépenses de 39 256,70 euros. À son décès, l’actif successoral était d’environ 20 000 euros, mais une donation de 100 000 euros à M. [E] en 2013 a été révélée. La Ville a demandé le remboursement, et après un jugement annulant la mise en recouvrement initiale, M. [E] a interjeté appel, reconnaissant la somme de 20 000 euros mais contestant le montant total. La cour a confirmé le jugement, autorisant la récupération de cette somme tout en rejetant la demande d’échéancier de remboursement.

Exposé du litige

La mère de M. [X] [E], [Y] [I], a été hébergée par la Ville de [Localité 2] du 30 novembre 2016 jusqu’à son décès le 28 novembre 2018, entraînant des dépenses de 39 256,70 euros. À son décès, l’actif net successoral était d’environ 20 000 euros, mais il a été découvert qu’elle avait fait une donation de 100 000 euros à son fils en 2013. La Ville a donc demandé le remboursement de 39 256,70 euros à M. [E] après avoir prononcé la récupération le 23 décembre 2021.

Recours et jugement

M. [E] a formé un recours administratif le 7 janvier 2022, resté sans réponse, puis a saisi le tribunal judiciaire de Paris le 14 septembre 2022. Par jugement du 13 janvier 2023, le tribunal a annulé la décision de mise en recouvrement de 39 250,76 euros, a limité la demande de la Ville à 20 000 euros, et a autorisé la récupération de cette somme sur l’actif successoral. M. [E] a été condamné aux dépens.

Appel de M. [E]

M. [E] a interjeté appel du jugement le 3 février 2022. L’affaire a été examinée le 7 mai 2024, où M. [E] a comparu en personne et a déposé ses conclusions. Il a reconnu la somme de 20 000 euros mais contesté le montant initial de 39 256,70 euros, affirmant que sa situation financière ne lui permettait pas de rembourser cette dette.

Prétentions des parties

M. [E] a demandé à la cour de reconnaître qu’il ne contestait pas le principe de la demande de la Ville, mais seulement le montant. Il a également sollicité un délai pour rembourser la somme de 20 000 euros en raison de sa situation financière difficile. De son côté, la Ville de [Localité 2] a demandé le maintien de sa récupération sur l’intégralité de l’actif successoral et le rejet de la requête de M. [E].

Motifs de la décision

La cour a constaté que M. [E] ne contestait pas le montant de 20 000 euros, mais se plaignait de son incapacité à le payer. Elle a noté que la Ville avait déjà renoncé à récupérer une partie des sommes dues. La cour a confirmé le jugement autorisant la Ville à récupérer la somme de 20 000 euros, tout en soulignant que M. [E] n’avait pas justifié de sa situation financière pour obtenir un échéancier de remboursement.

Dépens

M. [E], ayant perdu l’affaire, a été condamné à supporter les dépens d’appel.

Conclusion

La cour a confirmé le jugement du tribunal judiciaire de Paris en toutes ses dispositions, rejetant toute demande contraire et condamnant M. [X] [E] aux dépens.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la base légale de la récupération des frais d’hébergement par la Ville de [Localité 2] ?

La récupération des frais d’hébergement par la Ville de [Localité 2] repose sur les dispositions de l’article L. 123-1 du Code de l’action sociale et des familles, qui stipule que :

« Les dépenses d’aide sociale engagées par les départements et les communes peuvent être récupérées sur la succession du bénéficiaire, ainsi que sur les donations consenties par celui-ci dans les trois ans précédant la demande d’aide. »

Dans le cas présent, la Ville a engagé des frais d’hébergement pour Mme [I] et a le droit de récupérer ces frais sur l’actif successoral, qui s’élève à 20 000 euros.

Il est important de noter que la Ville a renoncé à récupérer la totalité de la créance, se limitant à la somme correspondant à l’actif successoral, ce qui est conforme à la législation en vigueur.

Comment la donation antérieure affecte-t-elle la récupération des créances ?

La donation consentie par Mme [I] à son fils M. [E] le 26 septembre 2013 est pertinente dans le cadre de la récupération des créances. Selon l’article L. 123-1 précité, les donations effectuées dans les trois ans précédant la demande d’aide sociale peuvent être prises en compte pour la récupération des frais d’hébergement.

En l’espèce, bien que la Ville ait décidé de ne pas récupérer la totalité de la somme due, la donation de 100 000 euros est un élément qui aurait pu être pris en compte pour justifier une demande de remboursement plus élevée.

La Ville a donc agi dans le cadre de ses droits en limitant sa demande à 20 000 euros, correspondant à l’actif net successoral, tout en ayant la possibilité de revendiquer davantage en raison de la donation.

Quelles sont les implications de la situation financière de M. [E] sur la récupération de la créance ?

La situation financière de M. [E] est un facteur important dans l’évaluation de sa capacité à rembourser la créance. Selon l’article 1240 du Code civil, « Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. »

Dans ce contexte, bien que M. [E] ait exprimé son incapacité à rembourser la somme de 20 000 euros, cela ne constitue pas un motif d’annulation de la décision de récupération. La cour a constaté que M. [E] ne justifiait pas de la vente de biens ou d’une procédure de surendettement, ce qui aurait pu alléger sa situation.

Ainsi, la cour a confirmé que la Ville de [Localité 2] pouvait récupérer la somme de 20 000 euros, malgré les difficultés financières de M. [E], car la loi ne prévoit pas d’exemption en raison de la situation personnelle du débiteur.

Quels sont les effets de la décision de la cour sur les dépens ?

La décision de la cour a des implications directes sur les dépens, conformément à l’article 696 du Code de procédure civile, qui stipule que :

« La partie qui succombe est condamnée aux dépens. »

Dans ce cas, M. [E] a été débouté de ses demandes, ce qui signifie qu’il a perdu le litige. Par conséquent, il est condamné à supporter les dépens d’appel, ce qui inclut les frais engagés par la Ville de [Localité 2] pour sa défense.

Cette disposition vise à garantir que la partie qui a raison dans un litige ne supporte pas les frais de la procédure, et elle est appliquée de manière systématique dans les décisions judiciaires.

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 12

ARRÊT DU 10 Janvier 2025

(n° , 4 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : S N° RG 23/01208 – N° Portalis 35L7-V-B7H-CHD4U

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 13 Janvier 2023 par le Pole social du TJ de PARIS RG n° 22/02418

APPELANT

Monsieur [X] [E]

[Adresse 1]

[Localité 3]

comparant en personne

INTIME

VILLE DE [Localité 2] – DIRECTION DE L’ACTION SOCIALE, DE L’ENFANCE ET DE LA SANTE

[Adresse 4]

[Localité 2]

représenté par Mme [H] [L] en vertu d’un pouvoir général

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 07 Mai 2024, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Marie-Odile DEVILLERS, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Marie-Odile DEVILLERS, présidente de chambre

Monsieur Gilles BUFFET, conseiller

Monsieur Christophe LATIL, conseiller

Greffier : Madame Claire BECCAVIN, lors des débats

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– prononcé

par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, initialement prévu le 21 juin 2024, prorogé au 20 septembre 2024, 20 décembre 2024 et 10 janvier 2025, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

-signé par Madame Marie-Odile DEVILLERS, présidente de chambre et par Madame Agnès Allardi, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

La mère de M. [X] [E], [Y] [I], a été prise en charge, pour son hébergement, par la Ville de [Localité 2] au titre de l’aide sociale, du 30 novembre 2016 au 28 novembre 2018, date de son décès. La Ville a ainsi exposé des dépenses pour un montant total de 39 256,70 euros.

L’actif net successoral de cette dame s’est élevé à environ 20 000 euros, mais la ville a découvert qu’elle avait effectué en le 26 septembre 2013 une donation en faveur de son fils d’un montant de 100 000 euros.

La ville de [Localité 2] donc a réclamé le remboursement de 39 256,70 euros à M. [E] après en avoir, le 23 décembre 2021, prononcé la récupération

Le 7 janvier 2022, M. [E] a formé un recours administratif, lequel est resté sans réponse.

Le 14 septembre 2022, M. [E] a saisi le tribunal judiciaire de Paris en contestation de la décision de la Ville de Paris.

Par jugement en date du 13 janvier 2023, le tribunal judiciaire de Paris a notamment :

– reçu M. [E] en son recours ;

– annulé la décision de mise en recouvrement de la somme de 39 250,76 euros ;

– donné acte à la Ville de [Localité 2] de ce qu’elle limitait sa demande à la somme de

20 000 euros correspondant à l’actif successoral de [Y] [I] ;

– dit que la Ville de [Localité 2] pourra récupérer sa créance sur l’actif successoral de [Y] [I] ;

– rejeté toute demande, fin ou conclusion plus ample ou contraire ;

– condamné M. [E] aux dépens.

Ce jugement a été notifié par lettre recommandée avec accusé de réception, signé par M. [E].

Par acte en date du 3 février 2022, M. [E] a relevé appel de ce jugement.

L’affaire a été examinée à l’audience du 7 mai 2024, date à laquelle les parties ont déposé leur dossier, leurs conclusions respectives étant visées par le greffe, M. [E] comparant en personne.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par dernières conclusions déposées à l’audience le 7 mai 2024, M. [E] demande à la cour de (les écrits de l’appelant ont été reformulés pour traduire au mieux ses prétentions) :

– constater qu’il ne « conteste pas le bien fondé de la demande de la Mairie de [Localité 2], en revanche (qu’il en) contestai(t) le montant qui était à l’origine de 39.256,70 euros au lieu des 27.072,83 euros réellement dûs et finalement ramener (sic) à la somme de 20.000 euros par (le tribunal) ainsi que la Mairie de [Localité 2] lors de la procédure en première instance » ;

– constater que sa « situation financière ne lui permet absolument (pas) de régler cette dette pour le moment » ;

– lui accorder la clémence en lui « permettant de la rembourser ces 20.000 euros lors d’un retour à meilleur fortune, sachant (qu’il est) disposé à (s’)engager formellement et par écrit devant cette Cour ».

Par dernières conclusions déposées à l’audience, la Ville de [Localité 2] sollicite de la cour :

– maintenir le recours exercé par la Ville de [Localité 2] sur l’intégralité de l’actif net successoral en présence ;

– rejeter la requête présentée par M. [E].

EXPOSE DES MOTIFS

M. [X] [E] fait en particulier valoir que:

– s’il ne conteste pas la somme de 20 000 euros déterminée, la somme que la Ville de [Localité 2] pouvait lui réclamer n’était pas de 39 256,70 euros mais de 27 072,83 euros, ses ressources actuelles ne lui permettent en aucune manière de payer la somme de 20 000 euros déterminée par le premier juge.

– La donation par sa mère de 100 000 euros a été effectuée en 2013, donc il y a plus de 11 ans, et il ne reste rien de cette somme « au vu du Tsunami que nous avons dû traverser entre temps ».

Sa femme était sans emploi depuis 2005, elle a dû affronter trois cancers. Elle perçoit désormais, depuis juillet 2023, une retraite d’un montant mensuel de 680 euros. Lui-même est sans ressources depuis huit ans. Il a créé courant 2023 une micro-entreprise mais dont le chiffre d’affaires est encore très faible (1 900 euros annuels à la date des conclusions). Son épouse et lui ont ainsi dû contracter des dettes auprès d’amis ou de membres de la famille pour plus de 30 000 euros et un crédit ‘revolving’ à la consommation de

2 000 euros, toujours en cours.

Ils ne disposent plus d’aucun bien mobilier ou immobilier, ayant même dû vendre leurs alliances.

Ils ne paient plus leur loyer depuis plus d’un an et ne peuvent rester dans les lieux que grâce à la générosité de leur propriétaire.

La Ville de Paris soutient notamment, pour sa part, que les moyens avancés par M. [E] ne sauraient justifier une annulation de la décision du tribunal judiciaire qui a déjà fait partiellement droit à la requête.

Elle rappelle que l’aide sociale est une avance permettant de financer les frais d’hébergement du demandeur si ses ressources sont insuffisantes mais que, au décès de l’intéressée, les prestations ainsi réglées feront l’objet d’une récupération sur la succession, les donations ou assurance-vie composant le patrimoine du défunt.

Elle fait valoir qu’en l’espèce, la récupération a été limitée à la somme de 20 000 euros « et la récupération du solde de la créance sur la donation consentie en 2013 a été écartée », que « Par conséquence, le requérant a perçu une somme de 100 000 euros ce qui a nécessairement amélioré sa situation financière personnelle ».

Enfin, elle prétend que contrairement à ce que M. [E] affirme, il était représenté par un conseil en première instance et que sa situation a donc bien été examiné par le tribunal.

Pour un exposé complet des prétentions et moyens des parties, et en application du deuxième alinéa de l’article 446-2 et de l’article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie à leurs conclusions écrites visées par le greffe le 7 mai 2024.

Sur ce,

Sur la récupération de créance sur l’actif successoral de Mme [I]

La cour ne peut que constater qu’il importe peu que la Ville de [Localité 2] ait commis une erreur sur le montant des sommes qu’elle pouvait revendiquer auprès de M. [X] [E], dès lors que celui-ci ne conteste pas le principe de la récupération.

De fait, M. [E] ne conteste pas le montant de 20 000 euros dont le premier juge a dit que la Ville de [Localité 2] pourrait le récupérer sur l’actif successoral de Mme [I]

La cour souligne que cette somme est celle à laquelle la Ville de [Localité 2] a proposé de limiter la récupération sur les frais d’hébergement qu’elle a exposés pour Mme [I]

Cette somme correspond exactement à l’actif net successoral, mais M. [X] [E] a bénéficié, le 26 septembre 2013, d’une donation d’un montant de 100 000 euros, alors que sa mère était âgée de 73 ans, et avant qu’elle ne soit placée en établissement et prise en charge par l’aide sociale. En droit, la Ville de [Localité 2] aurait été fondée à faire valoir que cette somme devait être prise en compte également, puisque la donation a été consentie moins de trois ans avant la demande d’aide sociale, et a donc déjà renoncé à récupérer une partie des sommes qu’elle était en droit de réclamer .

Il résulte par ailleurs expressément des écritures de M. [X] [E] qu’il ne conteste pas le montant de la somme due mais qu’il estime se trouver dans l’incapacité de la régler, compte tenu du caractère limité de ses ressources.

Le jugement ne peut qu’être confirmé en ce qu’il a autorisé la ville de [Localité 2] à récupérer la somme de 20.000 euros.

Sur la demande de délais, la cour ne peut que constater que M. [X] [E] ne justifie ni de la vente de biens mobiliers ou immobiliers qu’il allègue ou suggère, ni des sommes empruntées auprès de tiers, il ne mentionne pas avoir engagé une procédure de surendettement ou de faillite personnelle.

Il produit cependant les avis d’imposition sur le revenu sur les cinq dernières années, qui font état d’une imposition nulle, il justifie du crédit ‘revolving’ invoqué.

Et en l’état de ces considérations, et alors qu’il ne soumet aucune perspective temporelle pour le remboursement de sa dette, la cour se trouve dans l’impossibilité d’envisager un quelconque échéancier en faveur de M. [E], pouvant seulement l’inviter à se rapprocher de la Ville de [Localité 2] dans cette perspective.

Le jugement sera confirmé.

Sur les dépens

M. [E], qui succombe, supportera les dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement par arrêt contradictoire,

CONFIRME le jugement du tribunal judiciaire de Paris en date du 13 janvier 2023 (RG 22/02418) en toutes ses dispositions ;

DÉBOUTE les parties de toute demande autre, plus ample ou contraire ;

CONDAMNE M. [X] [E] aux dépens.

La greffière La présidente


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Chat Icon