Résiliation de bail pour abandon de domicile et occupation illégale

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Résiliation de bail pour abandon de domicile et occupation illégale

L’Essentiel : En août 2024, EPIC PARIS HABITAT OPH a assigné Madame [G] [V] et Monsieur [B] [D] pour résilier le bail de l’appartement, invoquant l’inoccupation du logement. Malgré les tentatives de constatation de l’huissier, Madame [G] [V] n’a pas répondu. En octobre 2023, sa belle-fille a signalé que Monsieur [B] [D] accédait au logement sans autorisation. Lors de l’audience de novembre 2024, le bailleur a maintenu ses demandes, tandis que Madame [G] [V] a contesté les accusations, affirmant avoir quitté le logement en raison de son divorce. Le tribunal a finalement prononcé la résiliation du bail et ordonné leur expulsion.

Contexte du litige

Par acte sous seing privé en date du 20 mai 2009, EPIC PARIS HABITAT OPH a donné à bail un appartement à Madame [G] [V] pour un loyer mensuel de 346,55 euros. Madame [G] [V] s’est mariée avec Monsieur [B] [D] en août 2007 sans contrat de mariage. En juillet 2020, le juge aux affaires familiales a attribué la jouissance du logement à Madame [G] [V] suite à leur divorce.

Inoccupation et mise en demeure

EPIC PARIS HABITAT OPH a constaté l’inoccupation du logement et a demandé à Madame [G] [V] de justifier de son occupation par courrier en juillet 2022, suivi d’une mise en demeure en décembre 2022. En janvier 2023, un huissier a tenté de constater l’abandon de domicile, mais n’a pas pu entrer en raison de l’absence de réponse de la locataire.

Intervention de la belle-fille

En octobre 2023, la belle-fille de Madame [G] [V], Madame [P] [Y], a informé le bailleur que Monsieur [B] [D] accédait régulièrement au logement sans autorisation. En février 2024, un commissaire de justice a constaté l’absence de Madame [G] [V] depuis au moins deux ans et l’occupation occasionnelle de Monsieur [B] [D].

Assignation en justice

En août 2024, EPIC PARIS HABITAT OPH a assigné Monsieur [B] [D] et Madame [G] [V] devant le juge des contentieux de la protection pour résilier le bail, ordonner leur expulsion et demander des indemnités. À l’audience de novembre 2024, le bailleur a maintenu ses demandes, affirmant que Madame [G] [V] n’occupait plus le logement.

Défense de Madame [G] [V]

Madame [G] [V] a déclaré qu’elle n’habitait plus le logement depuis 2020 en raison de son divorce et des menaces de son ex-époux. Elle a affirmé avoir abandonné ses effets personnels et a contesté les demandes du bailleur, tout en ayant réglé une partie de sa dette locative.

Décision du tribunal

Le tribunal a déclaré recevable la demande de résiliation du bail. Il a prononcé la résiliation judiciaire du bail à compter de l’assignation en août 2024, ordonné l’expulsion de Madame [G] [V] et de Monsieur [B] [D], et a fixé une indemnité d’occupation à leur charge. La demande de loyers impayés a été rejetée, et le tribunal a ordonné la capitalisation des intérêts dus.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la nature des obligations du locataire en vertu du bail ?

Le locataire a des obligations précises en vertu du bail, notamment celles énoncées dans l’article 7 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989. Cet article stipule que le locataire est tenu de :

1. Payer le loyer et les charges aux termes convenus.
2. User paisiblement des locaux loués suivant la destination qui leur a été donnée par le contrat de location.

En outre, l’article 1728 du code civil précise que le locataire doit user des lieux loués en bon père de famille et respecter les termes du contrat de bail.

Il est également important de noter que le locataire ne peut ni céder le contrat de location ni sous-louer le logement sans l’accord écrit du bailleur, ce qui est une obligation essentielle pour maintenir la validité du bail.

Ainsi, le non-respect de ces obligations peut entraîner des conséquences juridiques, y compris la résiliation du bail.

Quelles sont les conditions de résiliation judiciaire du bail ?

La résiliation judiciaire du bail est régie par plusieurs articles du code civil, notamment l’article 1224 qui stipule que la résolution d’un contrat peut résulter de l’application d’une clause résolutoire ou d’une décision de justice en cas d’inexécution suffisamment grave.

L’article 1229 précise que lorsque les prestations échangées ont trouvé leur utilité au fur et à mesure de l’exécution réciproque du contrat, il n’y a pas lieu à restitution pour la période antérieure à la dernière prestation n’ayant pas reçu sa contrepartie.

En application de l’article 1228, le juge peut constater ou prononcer la résolution ou ordonner l’exécution du contrat, en accordant éventuellement un délai au débiteur.

Il appartient à celui qui se prévaut de la résiliation judiciaire du contrat de prouver le manquement et sa gravité suffisante pour justifier la résiliation du bail.

Dans le cas présent, EPIC PARIS HABITAT OPH a démontré que Madame [G] [V] n’occupait plus le logement depuis plusieurs années, ce qui constitue un manquement grave à ses obligations contractuelles.

Quelles sont les conséquences de l’abandon de domicile par le locataire ?

L’abandon de domicile par le locataire a des conséquences juridiques significatives. Selon l’article L442-3-5 du code de la construction et de l’habitation, le locataire doit occuper les locaux loués au moins huit mois par an.

Le non-respect de cette obligation peut justifier la résiliation du bail. En effet, l’article 7 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 impose au locataire d’user paisiblement des locaux loués, ce qui inclut l’obligation d’y résider.

Dans le cas présent, il a été établi que Madame [G] [V] n’occupait plus le logement depuis trois ans, ce qui constitue un abandon de domicile. Cela a conduit à la résiliation judiciaire du bail, car son inoccupation a été jugée comme un manquement grave à ses obligations.

Quelles sont les implications de l’occupation sans droit ni titre ?

L’occupation sans droit ni titre est régie par l’article 1240 du code civil, qui stipule que tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Cela signifie que toute personne occupant un bien sans droit est tenue de verser une indemnité d’occupation au propriétaire. En l’espèce, Monsieur [B] [D] a été reconnu comme occupant sans droit ni titre du logement après la résiliation du bail.

L’indemnité d’occupation est calculée sur la base du loyer que le locataire aurait dû payer si le bail avait continué. Dans ce cas, Monsieur [B] [D] et Madame [G] [V] sont condamnés à payer une indemnité d’occupation à compter de la date de résiliation du bail.

Quelles sont les conditions de l’astreinte dans le cadre d’une expulsion ?

L’astreinte est régie par l’article L131-1 du code des procédures civiles d’exécution, qui permet au juge d’ordonner une astreinte pour assurer l’exécution de sa décision.

Cependant, dans le cas présent, le juge a décidé qu’il n’était pas nécessaire d’ordonner une astreinte, car le recours à la force publique était suffisant pour contraindre les occupants à quitter les lieux.

L’article L412-1 du même code précise que l’expulsion d’un local affecté à l’habitation principale ne peut avoir lieu qu’à l’expiration d’un délai de deux mois suivant le commandement de quitter les lieux, sauf en cas de mauvaise foi.

Dans cette affaire, le juge a constaté des circonstances particulières justifiant la suppression de ce délai, en raison de l’abandon du logement par la locataire et de sa demande de libération rapide des lieux.

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :
à : Madame [G] [V], Monsieur [B] [D], Monsieur Le Prefet de Paris

Copie exécutoire délivrée
le :
à : Me Pierre-Bruno GENON-CATALOT

Pôle civil de proximité

PCP JCP fond

N° RG 24/08335 – N° Portalis 352J-W-B7I-C5ZGL

N° MINUTE :
3/2024

JUGEMENT
rendu le mardi 14 janvier 2025

DEMANDERESSE
PARIS HABITAT OPH (anciennement OPAC de [Localité 3]),
dont le siège social est sis [Adresse 1]
représentée par Me Pierre-Bruno GENON-CATALOT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B 0096

DÉFENDEURS
Madame [G] [V], demeurant [Adresse 2]
comparante en personne assistée de Mme [P] [Y] (Belle-fille) muni d’un pouvoir spécial

Monsieur [B] [D], demeurant [Adresse 2]
non comparant, ni représenté

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Karine METAYER, Juge, juge des contentieux de la protection
assistée de Sirine BOUCHAOUI, Greffière,

DATE DES DÉBATS
Audience publique du 15 novembre 2024

JUGEMENT
réputé contradictoire, en premier ressort, prononcé par mise à disposition le 14 janvier 2025 par Karine METAYER, Juge des contentieux de la protection assistée de Sirine BOUCHAOUI, Greffière

Décision du 14 janvier 2025
PCP JCP fond – N° RG 24/08335 – N° Portalis 352J-W-B7I-C5ZGL

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé en date du 20 mai 2009, EPIC PARIS HABITAT OPH a donné à bail à Madame [G] [V] un appartement situé [Adresse 2], 4ème étage, porte 4D, pour un loyer mensuel initial de 346,55 euros, et des provisions sur charges.

Madame [G] [V] s’est mariée le 25 août 2007 avec Monsieur [B] [D] devant l’officier d’état civil de la mairie de [Localité 4] (Oise), sans avoir conclu préalablement de contrat de mariage.

Par jugement du 8 juillet 2020, le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de PARIS a prononcé le jugement des époux Monsieur [B] [D] et Madame [G] [V] et a attribué la jouissance du logement familial, objet du présent litige, à Madame [G] [V].

Ayant été informée de l’inoccupation des locaux par un tiers, EPIC PARIS HABITAT OPH a a adressé un courrier le 27 juillet 2022, puis mis en demeure le 9 décembre 2022 Madame [G] [V] de justifier de l’occupation du logement.

Suspectant l’utilisation du logement par un tiers, le 18 janvier 2023, l’huissier de Justice Maitre [T] [I], après avoir tenté un procès verbal de constat d’abandon de domicile, a sursis à ses opérations de constat, après avoir frappé à la porte d’entrée du logement, en raison de l’absence de réponse de la locataire.

Par courriel en date du 25 octobre 2023, la belle-fille de Madame [G] [V], Madame [P] [Y], a adressé un courrier au bailleur social, précisant que Monsieur [B] [D] s’introduisait régulièrement dans le logement objet du présent litige, sans autorisation.

Puis, suite à l’ordonnance en date du 26 février 2024 rendue par le juge des contentieux de la protection de Paris autorisant de procéder à tout constat de vérification des conditions d’occupation des lieux, le commissaire de justice Maitre [K] [N] PARGADE a dressé un procès-verbal qui mentionnant les déclarations du gardien de l’immeuble sur l’absence de Madame [G] [V] depuis au moins 2 ans et l’occupation occasionnelle de Monsieur [B] [D] dudit logement, la dernière fois il y a un mois et demi. L’auxiliaire de justice constate par ailleurs que le logement est meublé bien que poussiereux et qu’il ne contient que très peu d’effets personnels.

C’est dans ces circonstances que, par acte de commissaire de justice en date du 16 août 2024, EPIC PARIS HABITAT OPH a fait assigner Monsieur [B] [D] et Madame [G] [V] devant le juge des contentieux de la protection de Paris aux fins de :
– prononcer la résiliation judiciaire du bail aux torts exclusifs de Madame [G] [V] pour abandon du logement et inoccupation personnelle et cession du logement ;
– dire et juger que Monsieur [B] [D] occupant sans droit ni titre dudit logement ;
– ordonner l’expulsion de Monsieur [B] [D] et Madame [G] [V] ainsi que de tout occupant de leur chef, avec au besoin l’assistance de la force publique, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
– dire et juger que l’astreinte courra pendant un délai de trois mois, et que passé ce délai elle sera liquidée et qu’il sera à nouveau fait droit ;
– réserver la compétence du juge de céans pour liquider l’astreinte ;
– autoriser le transport et la séquestration des meubles et objets mobiliers se trouvant dans les lieux dans tel lieu qu’il plaira au bailleur aux frais des défendeurs dans les conditions du code des procédures civiles d’exécution ;
– supprimer le délai de deux mois pour quitter les lieux ;
– condamner solidairement ou, à défaut, in solidum Monsieur [B] [D] et Madame [G] [V] au paiement des sommes suivantes :
o une indemnité d’occupation mensuelle égale au montant du loyer mensuel et des charges locatives, à compter de la résiliation du bail jusqu’à libération effective des lieux majorée de 30% ;
o la somme de 1200 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile
o les dépens ;
– ordonner la capitalisation des intérêts ;
– dire n’y avoir lieu d’écarter l’exécution provisoire.

À l’audience du 15 novembre 2024, EPIC PARIS HABITAT OPH, représenté par son conseil, a maintenu ses demandes contenues dans son acte introductif d’instance.
Au soutien de ses prétentions, il fait valoir que Madame [G] [V] a obtenu l’attribution de la jouissance du domicile conjugal suite à son divorce le 8 juillet 2020. Il avance que la locataire n’occupe plus personnellement le logement. A l’origine, le bailleur envisageait une procédure pour abandon des lieux par la locataire. Toutefois, il a été informé de l’occupation du logement par Monsieur [B] [D], son ex-conjoint. En conséquence, EPIC PARIS HABITAT OPH sollicite la résiliation judiciaire du bail aux torts exclusifs de la locataire pour manquement à ses obligations contractuelles essentielles, en l’espèce, cédant de manière prohibée son bail. Par ailleurs, le bailleur précise qu’une dette de loyer s’est constituée s’élevant à la somme de 664,80 euros au 12 novembre 2024 et en demande la condamnation solidaire par la locataire et son ex-conjoint.

Madame [G] [V], comparante en personne et assistée de sa belle-fille, Madame [P] [Y], expose qu’elle ne réside plus dans le logement depuis 2020 et qu’elle n’y a plus aucun effet personnel. Elle a tout abandonné. Elle soutient avoir adressé un courrier au bailleur en 2020 suite au divorce. Elle confirme l’attribution du bail à son profit.
Elle soutient que Monsieur [B] [D] s’est vu remettre par le bailleur des badges d’accès à la résidence en février 2023. Elle déclare être revenue résider occasionnellement dans le logement mais le quittait régulièrement pour se protéger de son ex-époux, ce dernier la harcelant.
Elle précise que Monsieur [B] [D] a changé les serrures et qu’elle ne peut donc plus pénétrer dans le logement. Elle fait valoir qu’elle s’acquitte du paiement des loyers mais n’a plus accès au logement. Elle communique la nouvelle adresse du défendeur.
Elle déclare n’avoir jamais donné congé mais vivre actuellement dans sa famille.
Elle souligne enfin avoir réglé une partie de la dette locative le 8 octobre 2024 par chèque de 477,75 euros, le reliquat étant réglé directement auprès du bailleur.
Elle conteste enfin les demandes du bailleur au titre des dépens et les frais.

Monsieur [B] [D], régulièrement assigné selon les dispositions de l’article 659 du code de procédure civile n’a pas comparu et ne s’est pas fait représenter, de sorte que le jugement sera réputé contradictoire.

L’affaire a été mise en délibéré au 14 janvier 2025 par mise à disposition au greffe du tribunal.

Par note en délibéré, dument autorisée, reçue le 18 décembre 2024, EPIC PARIS HABITAT OPH a transmis un décompte actualisé de la dette locative.

Par note en délibéré, Madame [G] [V] a été autorisée à transmettre tous éléments sur sa situation personnelle.

MOTIFS DE LA DECISION :

Aux termes de l’article 472 du code de procédure civile, si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée.

En application de l’article 469 du code de procédure civile, si, après avoir comparu, l’une des parties s’abstient d’accomplir les actes de la procédure dans les délais requis, le juge statue par jugement contradictoire au vu des éléments dont il dispose.

Sur les demandes principales :

Sur la demande de résiliation judiciaire du bail :

L’article 1103 du code civil dispose que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

Aux termes de l’article 1224 du code civil, la résolution résulte soit de l’application d’une clause résolutoire soit, en cas d’inexécution suffisamment grave, d’une notification du créancier au débiteur ou d’une décision de justice. L’article 1229 du même code précise que lorsque les prestations échangées ont trouvé leur utilité au fur et à mesure de l’exécution réciproque du contrat, il n’y a pas lieu à restitution pour la période antérieure à la dernière prestation n’ayant pas reçu sa contrepartie et que, dans ce cas, la résolution est qualifiée de résiliation.

En application de l’article 1228 du code civil, le juge peut, selon les circonstances, constater ou prononcer la résolution ou ordonner l’exécution du contrat, en accordant éventuellement un délai au débiteur, ou allouer seulement des dommages et intérêts.

Il appartient à celui qui se prévaut de la résiliation judiciaire du contrat de rapporter la preuve du manquement et de justifier de sa gravité suffisante à entraîner la résiliation du contrat de bail aux torts du locataire et son expulsion des lieux.

Les articles 7 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 et 1728 du code civil font notamment obligation au preneur d’user paisiblement des locaux loués suivant la destination qui leur a été donnée par le contrat de location.

En application de ces textes, le preneur ne peut ni céder le contrat de location ni sous-louer le logement sauf avec l’accord écrit du bailleur, y compris sur le prix du loyer.

Plus spécifiquement, s’agissant des habitations à loyer modéré mentionnés au premier alinéa de l’article L. 441-1 du code de la construction et de l’habitation, l’article L442-3-5 de ce même code prévoit que dans les logements mentionnés, le locataire doit occuper les locaux loués au moins huit mois par an, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986.
Il est interdit au locataire de sous-louer son logement, meublé ou non, en dehors des cas mentionnés à l’article L. 442-8-1 du présent code, de céder son bail et de procéder contractuellement avec un tiers à un échange de son logement sauf dans le cas prévu à l’article 9 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 précitée.
En cas de non-respect des deux premiers alinéas du présent article, le bailleur peut saisir le juge aux fins de résiliation du bail.

Il est constant que le preneur d’un logement d’une habitation à loyer modéré s’oblige occuper personnellement et continuellement son logement, qui doit ainsi constituer son obligation principale et qu’un hébergement cédé à un tiers au bail, alors que le preneur n’occupe plus le logement, est assimilable à une cession prohibée justifiant la résiliation du bail.

En l’espèce, le contrat de bail signé le 18 mai 2009 par Madame [G] [V] et versé à la procédure dispose que  » le preneur qui accepte les locaux ci-après désignés, s’engage à occuper exclusivement le logement pour son habitation principale « .
Les conditions générales de la location précisent par ailleurs que « la présente location n’est transmissible que dans les cas limitativement précisés par la loi « .

EPIC PARIS HABITAT OPH a, à deux reprises, sollicité Madame [G] [V] afin de justifier de l’occupation du logement, une première fois le 27 juillet 2022, une seconde fois par mise en demeure le 9 décembre 2022, sans réponse de la part de la locataire.

Il n’est pas contesté que Madame [G] [V] ne réside plus dans le logement depuis 3 années, qu’elle réside dans sa famille depuis son divorce et qu’elle n’a pas donné congé dudit logement. Elle reconnait ce départ à l’audience, confirmé par sa belle-fille Madame [P] [Y], qui l’assiste. Elle précise qu’elle a abandonné tous ses meubles dans le logement, expliquant qu’elle n’a pu se maintenir dans les lieux suite à son divorce, aux menaces et au harcèlement de son ex-époux.
Par note en délibéré reçue le 6 janvier 2025 par courriel, Madame [G] [V] déclare ne plus vouloir se maintenir dans l’appartement. Elle précise vivre actuellement chez son père au regard des menaces et de l’intrusion de son ex-époux dans le logement.

Concernant la cession illicite du bail invoquée par le bailleur, il apparait que Madame [G] [V] n’a jamais autorisé son ex conjoint à loger dans l’appartement. Il n’est pas contesté que ce dernier y vient régulièrement et s’y introduit manifestement la nuit. Il n’est par ailleurs pas contesté que Monsieur [B] [D] a été destinataire d’un jeu de badges d’accès par le bailleur alors même que les époux étaient divorcés depuis le 8 juillet 2020. Il n’est enfin pas contesté que ce dernier a changé les serrures dudit logement et qu’il y réside occasionnellement suivant procès-verbal de constat de commissaire de justice du 16 mai 2024 et les déclarations du gardien de l’immeuble. Enfin, un courriel de Madame [P] [Y] en date du 25 octobre 2023 versé à la procédure confirme que l’ex-époux possède les clés du logement et a joint le jugement de divorce et qu’en dépit d’une demande auprès du bailleur que ce dernier sollicite Monsieur [B] [D] aux fins de restitution des clés du logement en sa possession, force est de constater de ce dernier a continué à se rendre dans le logement suivant les déclarations du conciège de l’immeuble le 16 mai 2024.

Il ressort de ces éléments que le bailleur ne rapporte pas la preuve que Madame [G] [V] a volontairement cédé son droit au bail, et que ce dernier est en partie fautif de l’intrusion de Monsieur [B] [D] dans le logement. En conséquence, la demande de résiliation judiciaire en raison de la cession illicite du bail sera rejetée.

Il ressort néanmoins de l’ensemble de ces éléments que l’abandon de domicile par Madame [G] [V] seule titulaire du bail et ayant obtenu l’attribution de la jouissance du domicile au moment de son divorce est caractérisé et qu’il constitue un manquement grave de la locataire à ses obligations qui empêche la poursuite du contrat.

En conséquence, il convient de prononcer la résiliation judiciaire du bail à compter 16 août 2024, date de l’assignation et d’ordonner l’expulsion de Madame [G] [V] ainsi que de tous les occupants du logement, notamment Monsieur [B] [D].

Sur la demande d’astreinte :

Aux termes de l’article L131-1 du code des procédures civiles d’exécution, tout juge peut, même d’office, ordonner une astreinte pour assurer l’exécution de sa décision.
En l’espèce, le recours à la force publique se révélant une mesure suffisante pour contraindre Monsieur [B] [D] et Madame [G] [V] à quitter les lieux, il n’y a pas lieu d’ordonner une astreinte.

Sur la demande de suppression du délai de l’article L412-1 du code des procédures civiles d’exécution :

Il résulte de l’article L412-1 du code des procédures civiles d’exécution que l’expulsion d’un local affecté à l’habitation principale de la personne expulsée ou de tout occupant de son chef, ne peut avoir lieu qu’à l’expiration d’un délai de deux mois qui suit le commandement de quitter les lieux.
Ce texte dispose d’une part, que le juge peut, notamment lorsque la procédure de relogement effectuée en application de l’article L442-4-1 du code de la construction et de l’habitation n’a pas été suivie d’effet du fait du locataire, réduire ou supprimer ce délai.
D’autre part, ce délai prévu ne s’applique pas lorsque le juge qui ordonne l’expulsion constate la mauvaise foi de la personne expulsée ou que les personnes dont l’expulsion a été ordonnée sont entrées dans les locaux à l’aide de manœuvres, de menaces, de voies de fait ou de contrainte.

En l’espèce, compte tenu de la situation des parties, et de l’abandon du logement par la locataire et de sa demande de libérer le logement dans les meilleurs délais, il est démontré une circonstance particulière justifiant la suppression du deux mois.
Il convient donc d’accueillir la demande du bailleur et de supprimer le délai de deux mois.

Le sort des meubles sera régi conformément aux dispositions des articles L433-1 et L433-2 du code des procédures civiles d’exécution.

Sur la demande en paiement :

Selon l’article 7a) de la loi du 6 juillet 1989, le locataire est obligé de payer les loyers et charges aux termes convenus.

Aux termes de l’article 4 p) de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989, est réputée non écrite toute clause qui fait supporter au locataire des frais de relance ou d’expédition de la quittance ainsi que les frais de procédure en plus des sommes versées au titre des dépens et de l’article 700 du code de procédure civile. Il résulte de ces dispositions que le bailleur ne peut mettre à la charge du locataire les frais relatifs au recouvrement amiable ou contentieux de sa créance au titre de l’arriéré locatif.

En application de l’article 1353 du code civil, il appartient à celui qui demande l’exécution d’une obligation d’en rapporter la preuve.

En l’espèce, PARIS HABITAT OPH fait état à l’audience d’une dette de 664,80 euros au 12 novembre 2024. Le décompte actualisé du bailleur produit par note en délibéré en date du 7 décembre 2024 laisse apparaitre un solde débiteur de 317,27 euros. Toutefois, il comprend le loyer de décembre 2024, non exigible au jour de l’audience du 25 novembre 2024.

La locataire reconnait la dette ancienne à l’audience et précise avoir réglé la somme de 477,75 euros par chèque le 8 octobre 2024. Le versement de ce chèque apparait bien au décompte à la date du 15 octobre 2024.

Il s’ensuit que la locataire a apuré l’intégralité de sa dette et que la demande de PARIS HABITAT OPH à ce titre sera rejetée.

Sur la fixation de l’indemnité d’occupation due par Monsieur [B] [D] et Madame [G] [V] :

Selon l’article 1730 du code civil, à l’expiration du bail le locataire doit restituer les locaux. La restitution des lieux implique la remise des clefs.

Aux termes de l’article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. Il résulte de ce texte que l’occupant sans droit ni titre d’un local est tenu d’une indemnité d’occupation envers le propriétaire. L’indemnité d’occupation, dont la nature mixte, compensatoire et indemnitaire, constitue la contrepartie de l’occupation du bien après résiliation du bail et de son indisponibilité pour le bailleur.

En l’espèce, le bail se trouve résilié depuis le 16 août 2024, Monsieur [B] [D] et Madame [G] [V] sont occupants sans droit ni titre depuis cette date. Il n’est pas contesté que Monsieur [B] [D] occupe occasionnelment le logement. Il convient donc de fixer une indemnité d’occupation à compter de cette date, égale au montant du loyer révisé augmenté des charges qui auraient été dus si le bail s’était poursuivi, et de condamner in solidum Monsieur [B] [D] et Madame [G] [V] à son paiement à compter de 16 août 2024 jusqu’à la libération effective des lieux.
La majoration de 30% du montant de l’indemnité d’occupation sera rejetée, cette dernière apparaissant disproportionnée à la résolution du litige et du caractère indemnitaire de l’indemnité d’occupation.

Sur la demande de capitalisation des intérêts :

Aux termes de l’article 1343-2 du code civil, les intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts, ou par une demande judiciaire, ou par une convention spéciale, pourvu que, soit dans la demande, soit dans la convention, il s’agisse d’intérêts dus au moins pour une année entière. Il convient dès lors, conformément à la demande et compte tenu des circonstances du litige, d’ordonner la capitalisation des intérêts dus pour une année entière.

Sur les demandes accessoires :

En application des dispositions des articles 696 et suivants du code de procédure civile, il convient de condamner Monsieur [B] [D] et Madame [G] [V], parties perdantes, in solidum aux dépens de l’instance uniquement pour les frais de mise en demeure du 9 décembre 2022.

Il n’apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de EPIC PARIS HABITAT OPH les frais irrépétibles qu’il a exposé dans le cadre de cette instance. Il convient donc de rejeter la demande formulée au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Conformément à l’article 514 du code de procédure civile, le présent jugement est assorti de l’exécution provisoire, de droit.

PAR CES MOTIFS

Le juge des contentieux de la protection, statuant en audience publique, par jugement réputé contradictoire en premier ressort, rendu par mise à disposition au greffe le jour de son délibéré,

DECLARE recevable la demande de EPIC PARIS HABITAT OPH aux fins de de résiliation judiciaire du bail ;

PRONONCE la résiliation judiciaire du bail conclu le 20 mai 2009 entre EPIC PARIS HABITAT OPH d’une part, et Madame [G] [V] d’autre part, concernant les locaux situés [Adresse 2], ESC 10, 4ème étage, porte 4D, au jour de l’assignation, le 16 août 2024 ;

DIT que Madame [G] [V] est occupante sans droit ni titre ;

ORDONNE, à défaut de départ volontaire des lieux, l’expulsion de Madame [G] [V] ainsi que de tout occupant de son chef, notamment de Monsieur [B] [D], et à compter de la signification d’un commandement d’avoir à libérer les lieux, avec l’assistance de la force publique si besoin est,

DIT que le transport des meubles laissés dans les lieux loués sera régi conformément aux dispositions des articles L433-1 et L433-2 du code des procédures civiles d’exécution ;

DIT n’y avoir lieu d’assortir la condamnation d’une astreinte ;

ORDONNE la suppression du délai de deux mois prévu par l’article L412-1 du code des procédures civiles d’exécution ;

REJETTE la demande d’EPIC PARIS HABITAT OPH au titre des loyers et charges impayés ;

FIXE le montant de l’indemnité d’occupation mensuelle due in solidum par Monsieur [B] [D] et Madame [G] [V] à compter du 16 août 2024, date de la résiliation du bail, et jusqu’à la libération définitive des lieux, à une somme égale au montant mensuel du loyer indexé et des charges qui auraient été dus si le bail s’était poursuivi ;

CONDAMNE in solidum Monsieur [B] [D] et Madame [G] [V] à payer à EPIC PARIS HABITAT OPH l’indemnité d’occupation mensuelle à compter du 10 novembre 2024, et jusqu’à complète libération des lieux, avec intérêts au taux légal à compter de l’exigibilité de chacune des échéances ;

ORDONNE la capitalisation des intérêts dus pour au moins une année entière ;

CONDAMNE in solidum Monsieur [B] [D] et Madame [G] [V] aux dépens de l’instance comprenant uniquement la mise en demeure en date du 9 décembre 2022 ;

REJETTE la demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE EPIC PARIS HABITAT OPH de ses autres demandes et prétentions ;

RAPPELLE que le présent jugement est assorti de l’exécution provisoire de droit ;

ORDONNE la communication à Monsieur LE PREFET DE PARIS de la présente décision ;

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition du jugement au greffe du tribunal judiciaire, le 14 janvier 2025, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

La greffière, La juge des contentieux de la protection.


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