Responsabilité du dirigeant et créance entre sociétés : enjeux de la liquidation

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Responsabilité du dirigeant et créance entre sociétés : enjeux de la liquidation

L’Essentiel : Monsieur [M] [R], dirigeant de la SCI Métalocéan, a vu sa société rachetée par Bertal développement, elle-même holding de Nemfa, qui a été liquidée en 2016. Après la cession d’un immeuble et des paiements perçus, M. [O], liquidateur, a convoqué une assemblée pour dissoudre la SCI, entraînant des actions en justice de M. [R]. En 2019, il a contesté cette dissolution, tandis que la société [T] [O] réclamait des prélèvements indus. En mai 2023, M. [R] a demandé l’irrecevabilité des actions de [T] [O], et en octobre, cette dernière a impliqué la SCI dans la procédure.

Contexte de l’affaire

Monsieur [M] [R] est le dirigeant de plusieurs sociétés, dont la SCI Métalocéan, qui a été rachetée par la société Bertal développement, elle-même holding de la société de métallerie-serrurerie Nemfa. La société Nemfa louait des locaux à la SCI Métalocéan. Suite à des difficultés financières, la société Nemfa a été placée en liquidation judiciaire le 16 novembre 2016, suivie par la société Bertal développement le 17 janvier 2018.

Transactions et liquidations

La SCI Métalocéan a cédé un immeuble à un tiers, et M. [R] a perçu des paiements totalisant 150 500 euros de la SCI. En tant que liquidateur judiciaire de Bertal développement, M. [O] a convoqué une assemblée générale de la SCI Métalocéan pour voter sa dissolution, ce qui a conduit à des actions en justice de la part de M. [R] pour contester cette décision.

Procédures judiciaires

Le 21 octobre 2019, M. [R] a assigné la société [T] [O] pour annuler la dissolution de la SCI Métalocéan. En parallèle, la société [T] [O] a assigné M. [R] pour récupérer les prélèvements indus. Les deux affaires ont été jointes, et le tribunal a annulé la dissolution de la SCI Métalocéan tout en reconnaissant la qualité d’action de M. [O] en tant que liquidateur judiciaire.

Développements récents

Le 2 mai 2023, M. [R] a demandé la déclaration d’irrecevabilité des actions de la société [T] [O] à son encontre. En octobre 2023, la société [T] [O] a fait intervenir la SCI Métalocéan dans la procédure pour obtenir un jugement commun. Le juge a ensuite rendu une ordonnance le 23 mai 2024, qui a été contestée par M. [R] et la SCI Métalocéan.

Décisions judiciaires

Le tribunal a infirmé l’ordonnance du 23 mai 2024, déclarant recevable la demande de la société [O] contre M. [R] au titre de l’article 1840 du code civil, mais a déclaré irrecevables les demandes fondées sur l’action ut singuli, l’action oblique et l’action paulienne. La société [O] a été condamnée aux dépens, tandis que la demande de M. [R] au titre de l’article 700 a été rejetée.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions de recevabilité des actions en justice selon le Code de procédure civile ?

La recevabilité des actions en justice est régie par plusieurs articles du Code de procédure civile, notamment les articles 31 et 32.

L’article 31 stipule que :

« Une partie ne peut agir en justice que si elle a qualité et intérêt à cette fin. »

Cela signifie qu’une personne doit avoir un droit d’agir pour pouvoir introduire une action en justice.

L’article 32 précise que :

« La prétention émise contre une personne dépourvue du droit d’agir est également irrecevable. »

Ainsi, si une partie n’a pas la qualité ou l’intérêt requis, sa demande sera déclarée irrecevable sans examen au fond.

Il est important de noter que l’existence du droit invoqué par le demandeur n’est pas une condition de recevabilité de l’action, mais une condition de son succès.

En résumé, pour qu’une action soit recevable, il faut que le demandeur ait la qualité et l’intérêt à agir, conformément aux articles 31 et 32 du Code de procédure civile.

Quelles sont les implications de l’article 1850 du Code civil concernant la responsabilité des gérants de sociétés ?

L’article 1850 du Code civil traite de la responsabilité des gérants de sociétés. Il stipule que :

« Les gérants de sociétés sont responsables des fautes qu’ils commettent dans l’exercice de leurs fonctions. »

Cela signifie qu’un gérant peut être tenu responsable des préjudices causés par des fautes commises dans le cadre de ses fonctions.

En cas de faute séparable de ses fonctions, le gérant peut être assigné en son nom personnel pour obtenir une indemnisation.

Cette responsabilité peut être engagée par les associés ou les créanciers de la société, qui peuvent demander réparation pour les préjudices subis.

Il est donc crucial pour les gérants de veiller à agir dans l’intérêt de la société et de ses associés pour éviter d’engager leur responsabilité personnelle.

Quelles sont les distinctions entre les actions ut singuli, oblique et paulienne selon le Code civil ?

Les actions ut singuli, oblique et paulienne sont des actions spécifiques prévues par le Code civil, chacune ayant des caractéristiques distinctes.

L’action ut singuli, régie par l’article 1843-5, permet à un associé d’agir en justice pour défendre les intérêts de la société. Elle vise à obtenir des dommages et intérêts au profit de la société elle-même.

L’action oblique, quant à elle, permet à un créancier d’agir au nom de son débiteur pour récupérer des sommes dues. Elle est fondée sur le principe que le créancier peut agir pour surmonter la négligence de son débiteur.

Enfin, l’action paulienne permet à un créancier d’annuler un acte frauduleux effectué par son débiteur qui aurait pour effet de diminuer le patrimoine de ce dernier.

Pour que l’action paulienne soit recevable, le créancier doit prouver que l’acte contesté a été réalisé dans l’intention de frauder ses droits.

Ces distinctions sont essentielles pour déterminer la nature de l’action à engager en fonction des circonstances et des objectifs visés.

Comment se prononce le tribunal sur la qualité à agir d’un liquidateur judiciaire ?

La qualité à agir d’un liquidateur judiciaire est régie par le Code de commerce, notamment l’article 1850.

Cet article précise que le liquidateur a qualité pour agir au nom de la société en liquidation.

Il peut ainsi intenter des actions en justice pour récupérer des créances au profit de la société, dans l’intérêt des créanciers.

Le tribunal a considéré que le liquidateur judiciaire a qualité pour agir contre tout débiteur dont il estime qu’il est redevable de sommes susceptibles de réintégrer le patrimoine de la société.

Cela signifie que le liquidateur peut poursuivre des actions en responsabilité contre les gérants ou associés pour des fautes ayant causé un préjudice à la société.

En résumé, le liquidateur judiciaire a une large capacité d’action pour défendre les intérêts de la société en liquidation et de ses créanciers, conformément aux dispositions du Code de commerce.

Quelles sont les conséquences d’une action déclarée irrecevable par le tribunal ?

Lorsqu’une action est déclarée irrecevable par le tribunal, cela signifie que la demande du demandeur ne peut pas être examinée au fond.

Les conséquences d’une telle décision sont multiples.

Tout d’abord, le demandeur ne pourra pas obtenir gain de cause, car le tribunal n’a pas examiné les arguments et preuves présentés.

Ensuite, l’irrecevabilité peut entraîner des frais de justice pour le demandeur, qui devra supporter les dépens de la procédure.

De plus, si l’irrecevabilité est fondée sur un défaut de qualité ou d’intérêt à agir, cela peut signifier que le demandeur ne pourra pas réintroduire la même action, sauf à modifier sa position ou à acquérir la qualité nécessaire.

Enfin, l’irrecevabilité peut également avoir un impact sur la réputation du demandeur, en laissant entendre qu’il n’avait pas de fondement juridique solide pour sa demande.

En somme, une action déclarée irrecevable entraîne des conséquences juridiques et financières significatives pour le demandeur.

3ème Chambre Commerciale

ARRÊT N°20

N° RG 24/03686 – N° Portalis DBVL-V-B7I-U5BE

(Réf 1ère instance : 19/05393)

M. [M] [R]

S.C.I. METALOCEAN

C/

S.E.L.A.R.L. [T] [O] ET ASSOCIES

Copie exécutoire délivrée

le :

à : Me RINEAU

Me PROCUREUR

Copie certifiée conforme délivrée

le :

à : TJ de NANTES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 14 JANVIER 2025

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre,

Assesseur : Madame Fabienne CLÉMENT, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Sophie RAMIN, Conseiller, Rapporteur

GREFFIER :

Madame Frédérique HABARE, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 12 Novembre 2024

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 14 Janvier 2025 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANTS :

Monsieur [M] [R]

dirigeant de sociétés

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représenté par Me Thomas BEAUCHAMPS substituant Me Bernard RINEAU de la SELARL RINEAU & ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES

S.C.I. METALOCEAN

société civile immobilière immatriculée au RCS d’Angers sous le N° 439 306 564 Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Thomas BEAUCHAMPS substituant Me Bernard RINEAU de la SELARL RINEAU & ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES

INTIMÉE :

S.E.L.A.R.L. [T] [O] ET ASSOCIES (anciennement dénommée SCP [T] [O]) prise en la personne de Maître [T] [O], ès qualités de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de la société BERTAL DEVELOPPEMENT

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me François PROCUREUR de la SCP CALVAR & ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES

La société Bertal développement, holding de la société de métallerie-serrurerie Nemfa, a racheté les titres de la SCI Métalocéan.

La société Nemfa louait les locaux de la société Métalocéan.

La société Bertal développement est l’associée unique de la société Métalocéan.

Le représentant légal des trois sociétés est M. [R].

Le 16 novembre 2016, la société Nemfa a été placée en liquidation judiciaire et M. [O] a été nommé liquidateur judiciaire.

La société Métalocéan a cédé à un tiers l’immeuble dans lequel la société Nemfa exerçait anciennement son activité.

M. [R] a bénéficié directement et indirectement de plusieurs paiements de la SCI Métalocéan pour un montant total de 150 500 euros.

Le 17 janvier 2018, la société Bertal développement a été placée en liquidation judiciaire et la SCP [T] [O], prise en la personne de M. [O], a été nommé liquidateur judiciaire.

En cette qualité, M. [O] a convoqué une assemblée générale de la société Métalocéan pour voter la dissolution de celle-ci et a été désigné liquidateur amiable.

Le 21 octobre 2019, M. [R], en sa qualité de représentant de la société Bertal développement, pour l’exercice de ses droits propres, a assigné devant le tribunal judiciaire de Nantes la société [T] [O] prise en la personne de M. [O], mandataire liquidateur de la société Bertal développement et en sa qualité de liquidateur amiable de la société Métalocéan aux fins d’annulation de la délibération du procès-verbal du 27 juin 2019 qui a prononcé la dissolution de la société Métalocéan et a désigné M. [T] [O] en qualité de liquidateur amiable.

Parallèlement, le 20 août 2020, la société [T] [O] en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Bertal Developpement et en sa qualité de liquidateur amiable de la société Métalocéan a assigné M. [R] devant le tribunal judiciaire de Nantes, au visa de l’article 1850 du code civil, aux fins de voir joindre les deux dossiers et de condamner M. [R] à rembourser des prélèvements indus versés à son profit par la société Métalocéan et à payer par provision à M. [O] ès qualités le montant cumulé de ces prélèvements soit la somme de 150 500 euros.

Le 10 novembre 2020, les deux instances ont été jointes.

Par jugement du 3 mars 2022, la formation de jugement du tribunal judiciaire de Nantes, statuant sur saisine du juge de la mise en état a notamment :

– annulé les décisions de l’assemblée générale de la SCI Métalocéan issues du procès-verbal des décisions de l’associé unique du 27 juin 2019 en ce qu’elles ont prononcé la dissolution de la société Métalocéan et ont désigné M. [O] en qualité de liquidateur amiable,

– a déclaré M. [O] irrecevable à agir en qualité de liquidateur amiable de la société Métalocéan,

– a rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir de M. [O] en qualité de liquidateur judiciaire de la société Bertal développement en considérant qu’il « a qualité pour agir à l’encontre

de tout débiteur dont il estime qu’il est redevable de sommes susceptibles de réintégrer le patrimoine de la société dont il a la charge de procéder à la liquidation ». Le tribunal a relevé qu’aucun « motif juridique au soutien de cette fin de non recevoir n’était développé par M. [R] ».

L’affaire a été renvoyée devant le juge de la mise en état.

Par nouvelles conclusions d’incident du 2 mai 2023, M. [R] a saisi le juge de la mise en état aux fins de déclarer la société [T] [O] et associés ès qualités, irrecevable en ses actions dirigées contre M. [R] à titre personnel.

Au cours de l’instruction de l’incident, par acte d’huissier en date du 9 octobre 2023, la société [T] [O] et associés en qualité de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Bertal développement a fait attraire en intervention forcée la société Métalocéan, prise en la personne de ses représentants légaux, aux fins de jonction et de dire le jugement commun et opposable à la société Métalocéan, outre de sa condamnation à lui payer la somme de 15 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

La jonction de cette procédure, enregistrée au tribunal judiciaire de Nantes sous le numéro RG 23-4359, a été ordonnée par mention au dossier.

Par ordonnance du 23 mai 2024, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Nantes a :

– dit n’y avoir lieu à incident,

– débouté les parties de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– réservé les dépens,

– renvoyé l’affaire devant le juge de la mise en état à l’audience de mise en état du 10 septembre 2024 pour les conclusions au fond du conseil de la société [O].

Pour ce faire, il a considéré que « la question du bien fondé et de la pertinence des fondements juridiques » présentés par la société [T] [O] à l’appui de sa demande en paiement à l’encontre de M. [R], « assigné uniquement à titre personnel », relève d’une question de fond.

Le 21 juin 2024, M. [R] et la société Métalocéan ont interjeté appel de l’ordonnance.

L’avis de fixation à bref délai a été émis le 1er juillet 2024.

Le 10 juillet 2024, les appelants ont signifié la déclaration d’appel et l’avis de fixation à la Selarl [T] [O] ès qualités.

Les dernières conclusions de l’appelant sont du 25 juillet 2024. Elles ont été signifiées à l’intimée, alors non constituée, le 6 août 2024.

L’intimée a constitué avocat le 12 septembre 2024 mais n’a pas conclu.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 17 octobre 2024.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

M. [R] et la société Métalocéan demandent à la cour de :

– infirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance rendue le 23 mai 2024 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Nantes (RG n° 19/05393) ;

Statuant à nouveau,

– déclarer la société [T] [O] et associés ès qualités irrecevable en son action sociale ut singuli dirigée contre M. [R] à titre personnel,

– déclarer la société [T] [O] et associés ès qualités irrecevable en son action individuelle dirigée contre M. [R] à titre personnel,

– déclarer la société [T] [O] et associés ès qualités irrecevable en son action oblique dirigée contre M. [R] à titre personnel,

– déclarer la société [T] [O] et associés ès qualités irrecevable en son action individuelle dirigée contre M. [R],

– condamner la société [T] [O] et associés ès qualités à payer à M. [R] la somme de 8 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la société [T] [O] et associés ès qualités aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Il est renvoyé aux dernières conclusions d’incident ci-dessus pour l’exposé complet des moyens et prétentions de M. [R] et de la société Métalocéan.

DISCUSSION

La société [T] [O] et associés ès qualités n’ayant pas conclu au fond est réputée s’approprier les motifs de l’ordonnance dont appel en application de l’article 954 dernier alinéa du code de procédure civile.

Il est relevé que la société Métalocéan n’a été attraite à la procédure en première instance qu’afin de lui rendre jugement commun et non aux fins de condamnation. Aucune demande n’a été formée contre elle par la société [T] [O] ès qualités.

Dans le dernier état des conclusions au fond avant l’ordonnance dont appel, les demandes des parties sont les suivantes :

Par conclusions du 3 février2023, la société [O] ès qualités demande au tribunal de :

– débouter M. [R] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

– dire et juger M. [O] en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Bertal développement recevable et bien fondé en ses demandes,

– constater que M. [R] ne justifiait pas de la régularité des prélèvements par chèque n°6655542 débité le 04/01/2018 pour un montant de 100 000 euros, chèque n°6655543 débité le 04/01/2018 pour un montant de 45 000 euros et chèque n°6655546 débité le 20/02/2018 pour un montant de 5 500 euros et encore d’une autorisation de prélèvement par l’associé unique ;

– dire que ces prélèvements sont intervenus en fraude des droits de la société Bertal développement de sorte qu’ils doivent lui être déclarés inopposables,

En conséquence,

– condamner M. [R] à rembourser ces prélèvements indus et à payer à M. [T] [O], ès qualités, le montant cumulé de ces prélèvements soit la somme de 150 500 euros,

– condamner M. [R] à payer à M. [O] la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive,

– condamner M. [R] à payer Maître [T] [O] la somme de 15 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner M. [R] en tous les dépens ;

– dire n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire.

Par conclusions au fond du 2 mai 2023, M. [R] demande de :

– débouter la société [T] [O] et associés en qualités de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Bertal développement de toutes ses demandes, fins et conclusions,

– ordonner la suppression du propos diffamatoire figurant à l’avant-dernier paragraphe de la page 4 des conclusions sur incident n°1 du 2 juin 2021 la société [T] [O] et associés en qualités de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Bertal développement,

– condamner en conséquence la société [T] [O] et associés en qualités de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Bertal développement, à payer à M. [R] la somme de 5 000 euros de dommages et intérêts à titre de préjudice moral,

– condamner la société [T] [O] et associés en qualités de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Bertal développement à payer à M. [R] la somme de 10 000 euros de dommages et intérêts au titre de la procédure abusive,

– condamner la société [T] [O] et associés en qualités de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Bertal développement, à payer à M. [R] la somme de 30 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la société [T] [O] et associés en qualités de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Bertal développement aux entiers dépens.

Selon l’article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

En application des articles 31 et 32 du code de procédure civile, une partie ne peut agir en justice que si elle a qualité et intérêt à cette fin. Une prétention émise contre une personne dépourvue du droit d’agir est également irrecevable.

En revanche, l’existence du droit invoqué par le demandeur n’est pas une condition de recevabilité de l’action mais est une condition de son succès.

Sur l’intérêt à défendre de M. [R]

Un gérant de société peut être assigné en son nom personnel pour des fautes commises à l’occasion des fonctions qu’il exerce.

Lorsqu’il est assigné en qualité de gérant d’une société, il n’est alors attrait que comme l’organe représentant la société contre laquelle les prétentions sont formées et non comme partie au litige.

M. [R], gérant de la société Métalocéan et de la société Bertal développement, a été assigné en son nom, pour des fautes commises à l’occasion des fonctions qu’il exerce ; les demandes à son encontre tendent au recouvrement de dettes propres ou au paiement de dommages et intérêts.

Il a bien intérêt à défendre.

Sur l’intérêt et la qualité à agir de la société [O] et associés ès qualités

– sur la qualité de créancière de la société Bertal développement à l’encontre de la société Métalocéan

Il ressort des écritures au fond du liquidateur judiciaire qu’il agit au nom de la société Bertal développement en sa qualité d’associée unique de la société Métalocéan, considérant que la société Bertal développement est créancière de son associée, via un compte courant à concurrence de 423 203 euros. Les sommes réclamées à l’encontre de M. [R] correspondent à celles qui auraient été prélevées par celui-ci, dans la société Métalocéan qu’il gère, au préjudice de son associée unique.

Le principe de la créance de la société Bertal développement sur son associée résulte de la mention de l’existence du « compte courant SCI » au titre des actifs de la société Bertal développement lors de la demande d’ouverture de la liquidation judiciaire par M. [R] (page 4).

La vérification de la créance restant due de la société Bertal développement, contestée par M. [R] qui assure qu’elle a été intégralement remboursée, relève de l’appréciation au fond du tribunal judiciaire.

A ce stade, la qualité de créancière alléguée de la société Bertal développement suffit à établir son intérêt, voire sa qualité à agir, en fonction des distinctions ci-après.

Il ressort des conclusions au fond de la société [O] et associés ès qualités qu’elle demande la condamnation de M. [R] à son profit sur le fondement de l’action en responsabilité contre le gérant d’une société civile (article 1850 du code civil), de l’action ut singuli (article 1850-5 du code civil), de l’action oblique et de l’action paulienne.

– quant à l’action fondée sur l’article 1850 du code civil

La société [O] et associés ès qualités a qualité et intérêt à agir contre M. [R], sur le fondement de l’article 1850 du code de commerce afin de rechercher sa responsabilité délictuelle pour une faute séparable de ses fonctions en vue d’obtenir directement de sa part une indemnisation du préjudice, résultant, à ses dires, de la privation du remboursement de sa créance sur la société Métalocéan en raison de détournements qu’il aurait opérés.

M. [R] a qualité à défendre. La demande en paiement formée contre M. [R] au titre de l’action fondée sur l’article 1840 du code civil est recevable.

– quant à l’action fondée sur l’article 1850-5 du code civil,

M. [R] soutient que la société [O] et associés ès qualités ne peut présenter une demande pour le compte de la société Bertal développement, en ce que l’action prévue par l’article 1843-5 al.1 du code civil ne peut avoir pour objet que de condamner le gérant à verser des dommages et intérêts à la société directement lésée, à savoir la société Métalocéan.

La société [O] et associés ès qualités, en tant qu’associée de la société Métalocéan, a, par principe, qualité et intérêt pour exercer l’action ut singuli fondée sur l’article 1843-5 du code civil. Toutefois, cette action ne peut tendre au paiement de dommages et intérêts qu’au profit de la société Métalocéan, laquelle, au demeurant, compte tenu du conflit d’intérêts avec son représentant légal, ne peut être représentée à l’instance que par un mandataire ad hoc.

La demande formée contre M. [R], par la société [O] et associés ès qualités à son propre profit, sur ce fondement, est irrecevable.

– quant à l’action oblique

Lorsque le créancier agissant sur le fondement de l’action oblique réclame en même temps le paiement de sa créance, il doit nécessairement mettre le débiteur en cause : il ne s’agit plus seulement de surmonter la négligence de celui-ci et de faire entrer dans son patrimoine les sommes devant y figurer, ce qui est l’objet exclusif de l’action oblique, mais de se faire payer sur ce patrimoine reconstitué. Seul le débiteur peut défendre à cette action qui est distincte, et complémentaire, de l’action oblique.

La société [O] et associés ès qualités n’a pas qualité ni intérêt à agir à l’encontre de M. [R] afin qu’il lui verse directement les sommes éventuellement détournées à la société Métalocéan. Son action oblique implique, dans cette hypothèse, une demande à l’encontre de la société Métalocéan de paiement des sommes qui seraient réintégrées par M. [R] à la suite de l’action oblique.

La demande de condamnation de M. [R] par la société [O] et associés ès qualités en paiement de dommages et intérêts sur le fondement de l’action oblique est irrecevable.

– quant à l’action paulienne

De la même manière, si le liquidateur qui représente l’intérêt collectif des créanciers a qualité pour exercer l’action paulienne contre un acte frauduleux ayant pour effet de soustraire une somme d’argent du patrimoine de son débiteur, il doit agir contre ce débiteur.

La société [O] et associés ès qualités n’a pas qualité ni intérêt à agir à l’encontre de M. [R] en paiement des sommes détournées à la société Métalocéan. Son action implique qu’il forme sa demande en paiement consécutive à l’encontre de la société Métalocéan, qu’il considère être la débitrice de la société Bertal développement.

L’ordonnance du juge de la mise en état sera infirmée.

Dépens et frais irrépétibles

Succombant principalement, la société [O] et associés ès qualités sera condamnée aux dépens lesquels seront pris en frais privilégiés de procédure collective.

L’équité commande de ne pas faire droit à la demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme l’ordonnance du juge de la mise en état du 23 mai 2024 du tribunal judiciaire de Nantes (RG n°19/05393),

Déclare recevable la demande en paiement de dommages et intérêts de la société [O] et associés en qualité de liquidateur judiciaire de la société Bertal développement formée contre M. [M] [R] au titre de l’action fondée sur l’article 1840 du code civil,

Déclare irrecevable la demande de la société [O] et associés en qualité de liquidateur judiciaire de la société Bertal développement en paiement de dommages et intérêts ou en paiement d’une créance formée contre M. [M] [R] au titre de l’action ut singuli, de l’action paulienne et de l’action oblique,

Condamne la société [O] et associés en qualité de liquidateur judiciaire de la société Bertal développement aux dépens qui seront pris en frais privilégiés de procédure collective,

Rejette la demande de M. [R] au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Le Greffier, Le Président,


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