L’Essentiel : Mme [C] [R] [S], propriétaire à Neuilly-sur-Seine, a demandé la scission de la copropriété lors d’une assemblée générale le 8 juin 2023, mais sa résolution a été rejetée. En réponse, elle a assigné le syndicat des copropriétaires pour annuler l’assemblée et réclamer 100.000 euros en dommages et intérêts. Le syndicat a contesté sa qualité d’opposante, arguant qu’elle avait voté en faveur d’autres résolutions. Le tribunal a déclaré sa demande d’annulation irrecevable, mais a renvoyé la question de la résolution n°20. Mme [S] a été condamnée à verser 1.000 euros au syndicat pour les frais engagés.
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Contexte de l’affaireMme [C] [R] [S] est propriétaire de plusieurs lots dans un ensemble immobilier à Neuilly-sur-Seine, incluant un hôtel particulier. Une assemblée générale des copropriétaires a eu lieu le 8 juin 2023, où une demande de scission de la copropriété a été mise à l’ordre du jour à la demande de Mme [S]. La résolution concernant cette scission a été rejetée. Actions judiciairesSuite au rejet de la résolution n°20, Mme [S] a assigné le syndicat des copropriétaires, représenté par son syndic, devant le tribunal, demandant l’annulation de l’assemblée générale et, subsidiairement, l’annulation de la résolution n°20. Elle a également réclamé 100.000 euros en dommages et intérêts. En réponse, le syndicat a contesté la recevabilité de sa demande. Arguments du syndicat des copropriétairesLe syndicat a soutenu que Mme [S] n’avait pas la qualité d’opposante, car elle avait voté en faveur de plusieurs résolutions adoptées lors de l’assemblée. Il a également demandé que sa demande d’annulation soit déclarée irrecevable, invoquant des articles du code de procédure civile et de la loi sur la copropriété. Réponse de Mme [S]Mme [S] a contesté la compétence du juge de la mise en état pour statuer sur l’irrecevabilité de sa demande, arguant qu’elle avait découvert des erreurs dans le procès-verbal de l’assemblée après coup. Elle a insisté sur le fait que ces erreurs justifiaient une contestation de l’assemblée dans son ensemble. Décision du tribunalLe tribunal a déclaré la demande d’annulation de l’assemblée générale irrecevable, en raison du manque de qualité à agir de Mme [S]. En revanche, il a rejeté la fin de non-recevoir concernant la demande subsidiaire d’annulation de la résolution n°20, renvoyant les parties à mieux se pourvoir à ce sujet. Conséquences financièresMme [S] a été condamnée à verser 1.000 euros au syndicat des copropriétaires pour couvrir les frais de l’incident, et elle devra également supporter les dépens de l’instance. Le tribunal a également proposé une mesure de médiation pour tenter de résoudre le litige à l’amiable. Prochaines étapesL’affaire a été renvoyée à une audience de mise en état prévue pour le 19 juin 2025, avec un calendrier procédural établi pour les prochaines conclusions des parties. |
Q/R juridiques soulevées :
Sur la recevabilité de la demande d’annulation de l’assemblée générale dans son entierLe syndicat des copropriétaires a soulevé l’irrecevabilité de la demande d’annulation de l’assemblée générale du 8 juin 2023, en se fondant sur les articles 789 et 122 du code de procédure civile, ainsi que sur l’article 42 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1965. Selon l’article 789 du code de procédure civile, le juge de la mise en état est compétent pour statuer sur les fins de non-recevoir, notamment celles qui concernent la qualité à agir. L’article 122 précise que constitue une fin de non-recevoir tout moyen tendant à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande pour défaut de droit d’agir. L’article 42 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1965 stipule que les actions visant à contester les décisions des assemblées générales doivent être introduites par les copropriétaires opposants ou défaillants, dans un délai de deux mois suivant la notification des décisions. Il est établi que Mme [S] a voté en faveur de plusieurs résolutions lors de l’assemblée, ce qui ne lui confère pas la qualité d’opposante requise pour contester l’assemblée dans son entier. En effet, un copropriétaire qui a voté pour ou s’est abstenu ne peut pas contester les décisions adoptées. Ainsi, la demande d’annulation de l’assemblée générale est déclarée irrecevable pour défaut de qualité à agir. Sur la recevabilité de la demande subsidiaire d’annulation de la résolution n°20Le syndicat des copropriétaires a également soulevé l’irrecevabilité de la demande subsidiaire d’annulation de la résolution n°20, en se basant sur les mêmes articles du code de procédure civile et de la loi du 10 juillet 1965. L’article 28 de la loi du 10 juillet 1965 précise que lorsque la division de la propriété est demandée, l’assemblée générale doit statuer sur le principe de la scission et sur les modalités de celle-ci. La résolution n°20, qui ne portait que sur le principe de la scission, ne constitue pas une décision définitive et ne peut donc pas faire l’objet d’une contestation. Il est admis que les décisions de principe, qui ne lient pas l’assemblée, ne sont pas susceptibles de recours. En l’espèce, la résolution n°20 n’a pas défini les modalités de la scission, ce qui la rend insusceptible de contestation. Cependant, le tribunal a rejeté la fin de non-recevoir soulevée par le syndicat, considérant que la demande subsidiaire d’annulation de la résolution n°20 doit être examinée au fond, car elle ne s’analyse pas en une simple exception de procédure. Sur la proposition de médiationConformément à l’article 127 du code de procédure civile, le juge peut proposer une mesure de médiation lorsque les parties ne justifient pas de diligences pour parvenir à une résolution amiable du litige. L’article 131-1 précise que le juge peut désigner une tierce personne pour aider les parties à trouver une solution. Dans le contexte de ce litige, il est jugé utile de proposer aux parties de recourir à une mesure de médiation. Cela leur permettrait d’élaborer ensemble une solution durable, avec l’aide d’un tiers. Les avocats des parties devront faire connaître leur accord ou non sur l’organisation de cette mesure de médiation avant le 31 janvier 2025. Sur les mesures accessoiresEn application de l’article 696 du code de procédure civile, Mme [S] qui succombe dans sa demande principale, supportera les dépens de l’incident. Sa demande fondée sur l’article 700 sera rejetée, et elle sera condamnée à verser une somme de 1.000 euros au syndicat des copropriétaires. L’article 699 du même code prévoit que les dépens peuvent être recouvrés par l’avocat du syndicat. L’équité commande que Mme [S] ne laisse pas le syndicat supporter l’intégralité des frais engagés pour faire valoir ses droits. Ainsi, le tribunal a statué en conséquence sur les dépens et les frais irrépétibles, en condamnant Mme [S] à verser une somme au syndicat des copropriétaires. |
8ème chambre
ORDONNANCE DE MISE EN ETAT
Rendue le 13 Janvier 2025
N° R.G. : N° RG 23/07626 – N° Portalis DB3R-W-B7H-YWFA
N° Minute :
AFFAIRE
[C] [R] [S]
C/
S.D.C. LE SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES DU 45 BIS, BOULEVA RD DU COMMANDANT CHARCOT À NEUILLY-SUR-SEINE représenté par son syndic, la société GERARD SAFAR SAS, société par actions simplifiée immatriculée au RCS de Paris sous le n° 318 174 315, dont le siège social est situé 23, rue de Berri à PARIS (75008), prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège.
Copies délivrées le :
Nous, Elisette ALVES, Juge de la mise en état assistée de Maeva SARSIAT, Greffier ;
DEMANDERESSE
Madame [C] [R] [S]
45 bis, boulevard du Commandant Charcot
92200 NEUILLY-SUR-SEINE
représentée par Maître Jean FOIRIEN de l’AARPI AARPI LGJF GABIZON-FOIRIEN, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : U0008
DEFENDERESSE
S.D.C. LE SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES DU 45 BIS, BOULEVA RD DU COMMANDANT CHARCOT À NEUILLY-SUR-SEINE représenté par son syndic, la société GERARD SAFAR
23, rue de Berri
92200 NEUILLY-SUR-SEINE
représentée par Me Norbert NAMIECH, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E0020
ORDONNANCE
Par décision publique, rendue en premier ressort, contradictoire susceptible d’appel dans les conditions de l’article 795 du code de procédure civile, et mise à disposition au greffe du tribunal conformément à l’avis donné à l’issue des débats.
Les avocats des parties ont été entendus en leurs explications, l’affaire a été ensuite mise en délibéré et renvoyée pour ordonnance.
Avons rendu la décision suivante :
Mme [C] [R] [S] est propriétaire de différents lots au sein de l’ensemble immobilier soumis au statut de la copropriété situé 45 bis, boulevard du Commandant Charcot à NEUILLY-SUR-SEINE (92200), dont « un hôtel particulier au fond du jardin, dit BATIMENT C et constituant le lot 101 » de l’état descriptif de division.
Une assemblée générale des copropriétaires s’est tenue le 8 juin 2023, en perspective de laquelle différentes résolutions relative à une demande de scission de la copropriété ont été mises à l’ordre du jour à la demande de Mme [S].
La résolution n°20 portant sur le principe de ladite scission ayant été rejetée par les copropriétaires, Mme [S] a fait assigner le syndicat des copropriétaires de cet ensemble immobilier représenté par son syndic, la société GERARD SAFAR devant ce tribunal, suivant exploit du 4 août 2023, aux fins essentiellement de voir annuler l’assemblée générale du 8 juin 2023 en son entier, subsidiairement, de voir annuler la résolution n°20 de cette assemblée et, en tout état de cause, de le voir condamner à lui régler une somme de 100.000 euros à titre de dommages et intérêts en application de l’article 1240 du code civil.
Le syndicat des copropriétaires a notifié des conclusions d’incident le 26 février 2024 tendant à voir déclarer Mme [S] irrecevable en sa demande d’annulation de l’assemblée générale des copropriétaires en son entier, ainsi qu’en sa demande subsidiaire d’annulation de la résolution n°20 de l’assemblée tenue le 8 juin 2023.
Aux termes de ses dernières conclusions d’incident notifiées le 18 novembre 2024, le syndicat des copropriétaires demande au juge de la mise en état, de :
DECLARER irrecevable, sur le fondement des articles 789 et 122 du code de procédure civile et 42 de la loi du 10 juillet 1965 la demande de Madame [R] [S] de voir annuler l’ensemble de l’assemblée générale du 8 juin 2023 du syndicat des copropriétaires du 45 bis, boulevard Charcot à Neuilly-sur-Seine :
DECLARER irrecevable, sur le fondement des articles 789 et 122 du code de procédure civile et 42 de la loi du 10 juillet 1965 la demande de Madame [R] [S] de voir annuler la résolution n° 20 de l’assemblée générale du 8 juin 2023 du syndicat des copropriétaires du 45 bis, boulevard Charcot à Neuilly-sur-Seine :
CONDAMNER Madame [R] [S] à payer au syndicat des copropriétaires du 45 bis, boulevard Charcot à Neuilly-sur-Seine, une somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNER Madame [R] [S] à supporter les entiers dépens de l’instance dont distraction au profit de Me Norbert NAMIECH, sur le fondement de l’article 699 du code de procédure civile.
Selon dernières conclusions d’incident notifiées le 14 mai 2024, Mme [S] demande au juge de la mise en état, de :
DÉBOUTER le syndicat des copropriétaires du 45 bis, boulevard du Commandant Charcot, 92200 NEUILLY-SUR-SEINE de ses demandes,
CONDAMNER le syndicat des copropriétaires du 45 bis, boulevard du Commandant Charcot, 92200 NEUILLY-SUR-SEINE à verser à Madame [C] [R] [S] la somme de 1.500 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux dépens de l’instance.
Ainsi que le permet l’article 455 du code de procédure civile, il conviendra de se référer aux dernières conclusions précitées des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions.
L’incident a été fixé à l’audience du 21 octobre 2024, et mis en délibéré au 13 janvier 2025.
Sur la recevabilité de la demande d’annulation de l’assemblée générale dans son entier
Le syndicat des copropriétaires excipe de l’irrecevabilité de la demande d’annulation de l’assemblée générale tenue le 8 juin 2023, dans son entier, introduite par Mme [S], en application des articles 789 et 122 du code de procédure civile, ainsi que de l’article 42 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1965 et de la jurisprudence. Il fait essentiellement valoir qu’elle ne justifie pas de la qualité d’opposant requise à toutes les résolutions adoptées ou rejetées pour être recevable en sa demande d’annulation de l’assemblée générale en son entier dès lors que la demanderesse a voté dans le même sens que la majorité des copropriétaires concernant un grand nombre de résolutions. Il soutient que les critiques de Mme [S] fondées sur le nombre de scrutateurs désignés, le décompte erroné des voix et l’absence de réserves concernant la résolution n°20 ne sont pas de nature à pallier son absence de qualité à agir.
Mme [S] conteste la compétence du juge de la mise en état pour statuer sur l’incident élevé à son encontre sur la base, selon elle, de contestations de fond. Elle affirme que la jurisprudence invoquée par le syndicat des copropriétaires n’est pas applicable en l’espèce, n’ayant pas été rendue dans les mêmes circonstances. Elle ajoute qu’il ne peut être tiré argument du fait qu’elle a voté dans le même sens que la majorité des autres copropriétaires dans la mesure où elle a découvert, à la réception du procès-verbal de l’assemblée du 8 juin 2023, des erreurs portant notamment sur le décompte des voix, ou encore l’absence de réserves portant sur le vote de la résolution n°20 relative à son projet de scission. Elle en conclut que le débat doit être tranché au fond par le tribunal, la fin de non-recevoir élevée n’ayant pas pour effet de mettre un terme à l’instance.
Selon l’article 789 6° du code de procédure civile lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour […] statuer sur les fins de non-recevoir.
En application de l’article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
Aux termes de l’article 31 du code de procédure civile, l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.
L’article 42 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1965 dispose que les actions qui ont pour objet de contester les décisions des assemblées générales doivent, à peine de déchéance, être introduites par les copropriétaires opposants ou défaillants, dans un délai de deux mois à compter de la notification desdites décisions qui leur est faite à la diligence du syndic, dans un délai de deux mois à compter de la tenue de l’assemblée générale.
Toutes les irrégularités des décisions des assemblées générales, quelle que soit leur gravité, entrent dans le champs d’application de cet article.
L’article 17 du décret du 17 mars 1967 précise quant à lui que le procès-verbal comporte :
– l’intitulé de chaque question inscrite à l’ordre du jour,
– sous chaque intitulé, le résultat du vote,
– les noms des copropriétaires ou associés qui se sont opposés à la décision et leur nombre de voix, ainsi que les noms des copropriétaires ou associés qui se sont abstenus et leur nombre de voix,
– les réserves éventuellement formulées par les copropriétaires ou associés opposants sur la régularité des décisions.
Est considéré comme opposant celui qui a voté dans le sens contraire de celui de la majorité, en votant pour ou contre. Le défaillant est le copropriétaire absent lors de l’assemblée générale sans même y être représenté ou avoir remis un formulaire de vote par correspondance.
Il est constant que le copropriétaire qui a voté en faveur de certaines résolutions ou s’est abstenu, n’est pas admis à les contester, ni à contester l’assemblée générale dans son entier.
Il est en outre de droit que bien qu’ayant voté contre une résolution, un copropriétaire ne peut demander l’annulation d’une résolution rejetée, son vote s’analysant en réalité en un vote favorable au rejet de ladite résolution.
En l’espèce, contrairement à ce que soutient Mme [S], le juge de la mise en état est compétent en application des articles 789 6° et 122 du code de procédure civile pour statuer sur les fins de non-recevoir, au rang desquelles figure la question de la qualité à agir du demandeur à l’instance.
La lecture du procès-verbal de l’assemblée générale du 8 juin 2023 établit que Mme [S] a voté en faveur des résolutions n°1, 2, 3, 7, 9, 13.1.a, 13.1.b, 13.2, 14.1, 16, 19, 25 qui ont été adoptées à la majorité des copropriétaires et s’est abstenue concernant les résolutions n°9, 10, 11, 12, 14.2, 14.4, 15, 17.A, 17.B, 18, et 24.
Il en résulte que Mme [S], dont il n’est pas contesté qu’elle a saisi le tribunal dans le délai de deux mois suivant la notification du procès-verbal de l’assemblée du litigieuse, n’a pas la qualité d’opposante requise pour poursuivre l’annulation de l’assemblée générale dans son entier, les arguments de fond qu’elle développe concernant le nombre de scrutateurs désignés, l’absence de réserves concernant la résolution n°20 et même le décompte erroné des voix étant sans effet à cet égard. En effet, elle n’allègue pas ni ne démontre que l’erreur alléguée dans le décompte des voix résultant de l’arrivée en cours d’assemblée de certains copropriétaires serait de nature à changer le sens du vote de chacune des résolutions concernées. En outre, ces circonstances ne lui permettent pas de changer le sens de son vote après coup.
En conséquence, il convient de rejeter l’exception de compétence au profit du tribunal et de déclarer irrecevable la demande principale formée par Mme [S] tendant à voir annuler l’assemblée générale tenue 8 juin 2023 en son entier pour défaut de qualité à agir.
Sur la recevabilité de la demande subsidiaire d’annulation de la résolution n°20
Le syndicat des copropriétaires excipe de l’irrecevabilité de la demande subsidiaire d’annulation de la résolution n°20 de l’assemblée générale tenue le 8 juin 2023, formée par Mme [S], en application des articles 789 et 122 du code de procédure civile, ainsi que de l’article 42 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1965 et de la jurisprudence selon laquelle, pour pouvoir être contestée, une décision d’assemblée générale implique une prise de position explicite sur un sujet déterminé et le vote d’une simple décision de principe sans en préciser les modalités ne peut faire l’objet d’une action en contestation. Il fait valoir que la résolution n°20 contestée consiste en une simple décision de principe non susceptible de recours, n’ayant porté que sur le principe même de la scission de la copropriété à la demande expresse de Mme [S] sans en définir les modalités objet d’autres résolutions qui, elles, n’ont pas donné lieu à un vote en raison du rejet par la majorité des copropriétaires de ladite résolution n°20. Il en conclut que la demande subsidiaire d’annulation de cette résolution est également irrecevable, invoquant un arrêt qui a retenu une fin de non-recevoir de ce chef (cour d’appel de PARIS RG : 08/16661).
Mme [S] résiste à ce moyen en soutenant qu’il se heurte aux dispositions de l’article 28 de la loi du 10 juillet 1965 qui prévoit l’organisation d’un double vote, le premier sur la demande de division et le second sur les conditions matérielles, juridiques et financières nécessitées par celle-ci. Elle explique que la résolution n°20 portait, conformément à ce texte, sur le principe de la scission et les autres résolutions non examinées du fait de son rejet portant sur ses modalités. Elle estime que sa contestation doit être examinée par le tribunal car elle ne s’analyse ni en une exception de procédure, ni en une fin de non-recevoir, contrairement à ce qu’a retenu la cour d’appel de PARIS dans l’arrêt du 14 octobre 2009 évoqué par le syndicat des copropriétaires.
Selon l’article 789 6° du code de procédure civile lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour […] statuer sur les fins de non-recevoir.
En application de l’article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
Aux termes de l’article 42 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1965 les actions qui ont pour objet de contester les décisions des assemblées générales doivent, à peine de déchéance, être introduites par les copropriétaires opposants ou défaillants, dans un délai de deux mois à compter de la notification desdites décisions qui leur est faite à la diligence du syndic, dans un délai de deux mois à compter de la tenue de l’assemblée générale.
Il est admis que la décision « de principe » n’est pas une véritable décision lorsqu’il apparaît que l’assemblée n’a pas entendu se lier par un accord irréversible dont les incidences peuvent être immédiatement tirées.
L’article 28 de la loi du 10 juillet 1965 dispose par ailleurs que :
« I.-Lorsque l’immeuble comporte plusieurs bâtiments et que la division de la propriété du sol est possible :
a) Le propriétaire d’un ou de plusieurs lots correspondant à un ou plusieurs bâtiments peut demander que ce ou ces bâtiments soient retirés du syndicat initial pour constituer une propriété séparée. L’assemblée générale statue sur la demande formulée par ce propriétaire à la majorité des voix de tous les copropriétaires ;
b) Les propriétaires dont les lots correspondent à un ou plusieurs bâtiments peuvent, réunis en assemblée spéciale et statuant à la majorité des voix de tous les copropriétaires composant cette assemblée, demander que ce ou ces bâtiments soient retirés du syndicat initial pour constituer un ou plusieurs syndicats séparés. L’assemblée générale du syndicat initial statue à la majorité des voix de tous les copropriétaires sur la demande formulée par l’assemblée spéciale.
II.-Dans les deux cas, l’assemblée générale du syndicat initial statue à la même majorité sur les conditions matérielles, juridiques et financières nécessitées par la division.
L’assemblée générale du ou des nouveaux syndicats, sauf en ce qui concerne la destination de l’immeuble, procède, à la majorité de l’article 24, aux adaptations du règlement initial de copropriété et de l’état de répartition des charges rendues nécessaires par la division.
La répartition des créances et des dettes est effectuée selon les principes suivants :
1° Les créances du syndicat initial sur les copropriétaires anciens et actuels et les hypothèques du syndicat initial sur les lots des copropriétaires sont transférées de plein droit aux syndicats issus de la division auquel le lot est rattaché, en application de l’article 1346 du code civil;
2° Les dettes du syndicat initial sont réparties entre les syndicats issus de la division à hauteur du montant des créances du syndicat initial sur les copropriétaires transférées aux syndicats issus de la division.
III.-Si l’assemblée générale du syndicat initial décide de constituer une union de syndicats pour la création, la gestion et l’entretien des éléments d’équipements communs qui ne peuvent être divisés, cette décision est prise à la majorité de l’article 24.
Le règlement de copropriété du syndicat initial reste applicable jusqu’à l’établissement d’un nouveau règlement de copropriété du syndicat ou de chacun des syndicats selon le cas.
La division ne prend effet que lorsque sont prises les décisions mentionnées aux alinéas précédents. Elle emporte la dissolution du syndicat initial.
IV.- La procédure prévue au présent article peut également être employée pour la division en volumes d’un ensemble immobilier complexe comportant soit plusieurs bâtiments distincts sur dalle, soit plusieurs entités homogènes affectées à des usages différents, pour autant que chacune de ces entités permette une gestion autonome.
La procédure ne peut en aucun cas être employée pour la division en volumes d’un bâtiment unique.
En cas de division en volumes, la décision de constituer une union de syndicats pour la création, la gestion et l’entretien des éléments d’équipements à usage collectif est prise à la majorité mentionnée à l’article 25.
Par dérogation au troisième alinéa de l’article 29, les statuts de l’union peuvent interdire à ses membres de se retirer de celle-ci. »
En l’espèce, alors que les parties sont contraires sur ce point, il n’entre pas dans les pouvoirs du juge de la mise en état de procéder à l’interprétation de la résolution n°20 de l’assemblée générale du 8 juin 2023 en tenant compte des dispositions de l’article 28 de la loi du 10 juillet 1965, pour en déduire qu’il s’agirait d’une décision « de principe » insusceptible de recours.
La fin de non-recevoir élevée par le syndicat des copropriétaires concernant la demande subsidiaire d’annulation de la résolution n°20 de l’assemblée générale du 8 juin 2023 sera donc rejetée.
Sur la proposition de médiation
En application de l’article 127 du code de procédure civile, le juge peut proposer aux parties qui ne justifieraient pas de diligences entreprises pour parvenir à une résolution amiable du litige une mesure de conciliation ou de médiation.
L’article 131-1 du même code dispose que le juge saisi d’un litige peut, après avoir recueilli l’accord des parties, désigner une tierce personne afin d’entendre les parties et de confronter leurs points de vue pour leur permettre de trouver une solution au conflit qui les oppose.
En l’espèce, compte tenu de l’objet du litige et du contexte dans lequel il s’inscrit, il apparaît utile de proposer aux parties de recourir à une mesure de médiation dans l’optique de leur offrir la possibilité d’élaborer elles-mêmes, en commun et de manière pérenne la solution à leur litige, avec l’aide d’un tiers qui, après les avoir entendues, les aidera à confronter leurs points de vue pour leur permettre de trouver une solution. Les avocats devront faire connaître l’accord, ou non, de chacune des parties sur l’organisation d’une telle mesure avant le 31 janvier 2025 par un message électronique (RPVA).
Sur les mesures accessoires
Mme [S], qui succombe principalement, supportera la charge des dépens du présent incident en application de l’article 696 du code de procédure civile. Sa demande fondée sur l’article 700 du même code sera donc rejetée. En outre, les dépens de l’incident pourront être recouvrés directement par Maître Robert NAMIECH, avocat, dans les conditions prévues à l’article 699 du code de procédure civile.
L’équité commande en outre de ne pas laisser à la charge du syndicat des copropriétaires la totalité des frais irrépétibles qu’il a été contraint d’exposer pour faire valoir ses droits dans le cadre du présent incident. Mme [S] sera donc condamnée à lui verser une somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
En application de l’article 514 du code de procédure civile, l’exécution provisoire de la présente ordonnance est de droit. Compatible avec la nature de l’affaire, il n’y a pas lieu de l’écarter.
Le Juge de la mise en état, statuant en application des articles 789 et suivants du code de procédure civile, par ordonnance contradictoire susceptible de recours dans les conditions prévues par l’article 795 du code de procédure civile,
SE DECLARE compétent pour statuer sur la demande d’annulation de l’assemblée générale du 8 juin 2023 dans son entier,
DECLARE la demande d’annulation de l’assemblée générale du 8 juin 2023 dans son entier formée par Mme [C] [R] [S] irrecevable, faute de qualité à agir,
DEBOUTE le syndicat des copropriétaires de l’ensemble immobilier situé 45 bis, boulevard du Commandant Charcot à NEUILLY-SUR-SEINE (92200), représenté par son syndic, de sa fin de non-recevoir contre la demande subsidiaire tendant à l’annulation de la résolution n°20 de l’assemblée générale du 8 juin 2023,
RENVOIE les parties à mieux se pourvoir de ce chef devant le tribunal,
CONDAMNE Mme [C] [R] [S] à payer au syndicat des copropriétaires de l’ensemble immobilier situé 45 bis, boulevard du Commandant Charcot à NEUILLY-SUR-SEINE (92200), représenté par son syndic, la somme de 1.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile au titre de l’incident,
CONDAMNE Mme [C] [R] [S] aux dépens de l’incident, qui pourront être recouvrés dans les conditions prévues à l’article 699 du code de procédure civile, par Maître Robert NAMIECH, avocat au Barreau de PARIS,
DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
RAPPELLE que l’exécution provisoire est de droit,
RENVOIE l’affaire à l’audience de mise en état du 19 juin 2025 à 9h30 pour clôture de la procédure avec fixation du calendrier procédural suivant :
– avis des parties sur leur accord, ou non, sur l’organisation d’une mesure de médiation par MESSAGE ELECTRONIQUE SOUS QUINZAINE,
– conclusions récapitulatives en demande avant le 31 mars 2025,
– conclusions récapitulatives en défense avant le 31 mai 2025.
Signée par Elisette ALVES, Vice-Président, chargée de la mise en état, et par Maeva SARSIAT, Greffier présent lors du prononcé.
LE GREFFIER
Maeva SARSIAT
LE JUGE DE LA MISE EN ETAT
Elisette ALVES
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