Responsabilité liée aux désordres d’un bien immobilier en copropriété

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Responsabilité liée aux désordres d’un bien immobilier en copropriété

L’Essentiel : Madame [X] [L] et son frère Monsieur [E] [L] ont acquis un appartement en copropriété le 27 janvier 2012, qu’ils ont ensuite loué à Monsieur [Y] [T] en juillet 2018. En septembre 2019, un dégât des eaux a causé l’effondrement partiel du plafond de la salle de bain. Malgré les démarches auprès du syndic et de la mairie, aucune solution n’a été trouvée. La SCI AINI IMMOBILIER, propriétaire de l’appartement au-dessus, a également subi des dégâts. Après une expertise judiciaire, le tribunal a condamné la SCI à indemniser les consorts [L] pour les travaux nécessaires.

Acquisition de l’appartement

Madame [X] [L] et son frère Monsieur [E] [L] ont acquis un appartement au 1er étage d’un immeuble en copropriété le 27 janvier 2012. Ils ont ensuite donné cet appartement à bail à Monsieur [Y] [T] le 18 juillet 2018.

Dégâts des eaux

En septembre 2019, le locataire a signalé un dégât des eaux important, entraînant l’effondrement partiel du plafond de la salle de bain. Les propriétaires ont tenté de faire intervenir le syndic de copropriété et la mairie pour identifier l’origine des désordres, sans succès.

Intervention de la SCI AINI IMMOBILIER

La SCI AINI IMMOBILIER, propriétaire de l’appartement au-dessus, a déclaré avoir subi un dégât des eaux provenant de l’appartement du 3ème étage. Les consorts [L] ont alors décidé de saisir le tribunal pour ordonner une expertise judiciaire.

Expertise judiciaire

Le tribunal a ordonné une expertise judiciaire, et l’expert a remis son rapport définitif le 21 avril 2022. Les consorts [L] ont mis en demeure Monsieur [K] de les indemniser pour les préjudices subis.

Assignation en justice

Le 4 et 5 avril 2023, les consorts [L] ont assigné Monsieur [K] et la SCI AINI IMMOBILIER devant le tribunal pour obtenir une indemnisation. La SCI AINI IMMOBILIER a ensuite assigné en intervention forcée d’autres parties.

Conclusions des parties

Les consorts [L] ont demandé au tribunal de les déclarer recevables et fondés dans leurs demandes, tandis que Monsieur [K] a demandé à être débouté de toutes les demandes. La SCI AINI IMMOBILIER a soutenu avoir été diligente dans les travaux et a demandé le rejet des demandes des consorts [L].

Rapport d’expertise et responsabilités

Le rapport d’expertise a établi que les désordres dans l’appartement des consorts [L] provenaient de l’appartement de la SCI AINI IMMOBILIER. La responsabilité de cette dernière a été engagée en raison de l’absence d’étanchéité.

Préjudices et demandes d’indemnisation

Les consorts [L] ont réclamé des sommes pour le coût des travaux de reprise et des frais de procédure. Le tribunal a constaté que les travaux réalisés n’étaient pas conformes aux préconisations de l’expert.

Décision du tribunal

Le tribunal a condamné la SCI AINI IMMOBILIER à indemniser les consorts [L] pour les travaux de reprise, a débouté les demandes à l’encontre de Monsieur [K], et a également rejeté les demandes de la SCI AINI IMMOBILIER contre d’autres parties. Les dépens ont été mis à sa charge.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la responsabilité des propriétaires en cas de dégât des eaux dans un immeuble en copropriété ?

La responsabilité des propriétaires en cas de dégât des eaux est régie par l’article 544 du Code civil, qui stipule que « la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements. »

Cet article impose également une obligation aux propriétaires de ne pas causer de dommages à la propriété d’autrui, ce qui inclut les troubles anormaux de voisinage.

La jurisprudence précise que la responsabilité pour trouble anormal de voisinage est une responsabilité qui ne repose pas sur la notion de faute. Ainsi, il appartient au juge d’apprécier si le trouble invoqué est normal ou anormal, et la charge de la preuve incombe à celui qui demande réparation.

Dans le cas présent, le rapport d’expertise judiciaire a établi que les désordres dans l’appartement des consorts [L] étaient causés par des défauts d’étanchéité dans l’appartement de la SCI AINI IMMOBILIER, ce qui engage la responsabilité de cette dernière.

Comment se détermine le préjudice matériel en cas de travaux nécessaires suite à des désordres ?

Le préjudice matériel est déterminé par l’article 1231-1 du Code civil, qui stipule que « le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure. »

Dans cette affaire, les consorts [L] ont justifié leur demande de réparation par la production de factures pour les travaux effectués, qui ont été validés par l’expert judiciaire.

Le tribunal a donc condamné la SCI AINI IMMOBILIER à payer la somme de 2.520 € pour couvrir le coût des travaux de reprise des désordres, en se basant sur les éléments fournis par les consorts [L] et le rapport d’expertise.

Quelles sont les conséquences des frais de procédure et des frais irrépétibles ?

Les frais de procédure et les frais irrépétibles sont régis par l’article 700 du Code de procédure civile, qui dispose que « le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. »

Dans cette affaire, les consorts [L] ont demandé le remboursement de frais de procédure s’élevant à 12.809,92 €. Le tribunal a statué sur ces frais en tenant compte des éléments fournis et a alloué des sommes spécifiques aux parties, en fonction de la situation économique et des circonstances de l’affaire.

Ainsi, la SCI AINI IMMOBILIER a été condamnée à payer 2.000 € aux consorts [L] au titre de l’article 700, ainsi que des sommes à d’autres parties impliquées dans le litige.

Quelles sont les implications de l’exécution provisoire dans ce type de litige ?

L’exécution provisoire est régie par l’article 514 du Code de procédure civile, qui stipule que « les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement. »

Dans le cas présent, le tribunal a décidé de ne pas écarter l’exécution provisoire, ce qui signifie que les condamnations prononcées, notamment le paiement des sommes dues par la SCI AINI IMMOBILIER, peuvent être exécutées immédiatement, même si un appel est interjeté.

Cette disposition vise à protéger les droits des créanciers et à assurer que les décisions de justice soient effectivement mises en œuvre, même en cas de contestation ultérieure.

TRIBUNAL JUDICIAIRE
de BOBIGNY

JUGEMENT CONTENTIEUX DU 13 JANVIER 2025

Chambre 6/Section 4
AFFAIRE: N° RG 23/03651 – N° Portalis DB3S-W-B7H-XRKD
N° de MINUTE : 25/00010

Madame [X] [L]
née le [Date naissance 2] 1978 à [Localité 17]
[Adresse 9]
[Localité 12]

Monsieur [E] [L]
né le [Date naissance 1] 1981 à [Localité 17]
[Adresse 5]
[Localité 14]

Ayant pour Avocat :
Maître Laurent LAGARDETTE de l’AARPI TERSOU LAGARDETTE ASSOCIÉS, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : E2140

DEMANDEURS

C/

Monsieur [N] [H] [B] [A] [K]
[Adresse 4]
[Localité 16]
représenté par Me Ahmed BELLO, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0986
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 93008-2023-3633 du 26/06/2023 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de BOBIGNY)

La S.C.I. AINI IMMOBILIER .
[Adresse 3]
[Localité 11]
représentée par Me Mathieu REBBOAH, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E 1740

Monsieur [V] [U]
[Adresse 8]
[Localité 13]
représenté par Me Stéphanie PARTOUCHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0854
Intervenant forcé

Monsieur [I] [F] [D]
[Adresse 6]
[Localité 10]
représenté par Me Joseph SUISSA, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1795
Intervenant forcé

DEFENDEURS

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Charlotte THIBAUD, statuant en qualité de Juge unique, conformément aux dispositions de l’article 812 du code de procédure civile, assistée aux débats de Madame Reine TCHICAYA, Greffier.

DÉBATS

Audience publique du 04 Novembre 2024, à cette date l’affaire a été mise en délibéré au 13 Janvier 2025.

JUGEMENT

Rendu publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort, par Madame Charlotte THIBAUD, assistée de Madame Reine TCHICAYA, Greffier.

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte authentique en date du 27 janvier 2012, Madame [X] [L] et son frère Monsieur [E] [L] a acquis un appartement au 1er étage, escalier B du bâtiment B, au sein de l’immeuble en copropriété sis [Adresse 7] à [Localité 15] qu’ils ont donné à bail suivant contrat signé le 18 juillet 2018 avec Monsieur [Y] [T].

En septembre 2019, leur locataire les a informés de ce que l’appartement subissait un important dégât des eaux entraînant l’effondrement partiel du plafond de la salle de bain.

Les consorts [L] ont vainement sollicité l’intervention du syndic de copropriété, la société NEXITY LAMY et de la Direction de l’Habitat de la Mairie de [Localité 15], aux fins de déterminer l’origine des désordres et y mettre fin.

Contactée, la SCI AINI IMMOBILIER, propriétaire de l’appartement situé au 2ème étage au-dessus de celui des consorts [L], a indiqué avoir elle-même subi un dégât des eaux en provenant de l’appartement du 3ème étage et avoir acquis son bien auprès de Monsieur [N] [K], selon acte authentique en date du 21 octobre 2019.

Les désordres persistants et ne parvenant pas à en déterminer l’origine, les consorts [L] ont, par assignation en date du 18 février 2020, saisi le Président du tribunal judiciaire de Bobigny statuant en matière de référés aux fins de voir ordonner une expertise judiciaire.

Par ordonnance en date du 15 juillet 2020, il a été fait droit à cette demande et Monsieur [S] [O] a été désigné en qualité d’expert pour y procéder.

L’expert judiciaire a déposé son rapport définitif le 21 avril 2022.
Par courrier adressé en recommandé avec accusé de réception, reçu le 28 novembre 2022, les consorts [L] ont mis en demeure Monsieur [K] d’avoir à leur payer la somme de 11.399 € en indemnisation des préjudices subis.

C’est dans ces conditions que par actes d’huissier de justice en date des 04 et 05 avril 2023, Madame [X] [L] et Monsieur [E] [L] ont fait assigner Monsieur [N] [H] [B] [A] [K] et la SCI AINI IMMOBILIER devant le tribunal judiciaire de Bobigny aux fins d’obtenir leur condamnation solidaire à les indemniser des préjudices subis.

Par acte d’huissier de justice en date du 31 juillet 2023, la SCI AINI IMMOBILIER a fait assigner en intervention forcée Monsieur [I] [F] [D] et Monsieur [V] [U] devant le tribunal judiciaire de Bobigny.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 12 juin 2024 et l’affaire a été renvoyée pour être plaidée à l’audience du 04 novembre 2024.

***
Dans leurs dernières conclusions notifiées par RPVA le 06 mai 2024, les consorts [L] demandent au tribunal de :
« JUGER Madame [X] [L] et Monsieur [E] [L] recevables en leurs demandes et les y déclarer bien fondés,

JUGER que le dégât des eaux survenu durant le mois de septembre 2019 ainsi que les infiltrations dont a fait l’objet l’appartement de Madame [X] [L] et Monsieur [E] [L], tels que ces désordres ont été établis par le rapport d’expertise ayant été déposé par Monsieur l’Expert [S] [O] le 21 avril 2022, engagent la responsabilité de Monsieur [N] [H] [B] [A] [K] et de la société AINI IMMOBILIER,

Et en conséquence :

CONDAMNER Monsieur [N] [H] [B] [A] [K] au paiement, au profit de Madame [X] [L] et de Monsieur [E] [L] de la somme de 960 euros (soit les 600 euros TTC + 360 euros TTC de main d’oeuvre visés par la facture ayant été établie par la société BS BATIMENT le 18 juillet 2022) correspondant au montant des travaux de reprise de la salle d’eau de l’appartement de ces derniers sis au [Adresse 7], [Localité 15], Bâtiment A, 1er étage, escalier B,

CONDAMNER solidairement Monsieur [N] [H] [B] [A] [K] et la société AINI IMMOBILIER au paiement au profit de Madame [X] [L] et de Monsieur [E] [L] de la somme de 1.560 euros (soit les 1.200 euros TTC + 360 euros TTC de main d’oeuvre visés par la facture ayant été établie par la société BS BATIMENT le 18 juillet 2022) correspondant au montant des travaux de reprise de la chambre de l’appartement de ces derniers sis au [Adresse 7], [Localité 15], Bâtiment A, 1er étage, escalier B,

CONDAMNER solidairement Monsieur [N] [H] [B] [A] [K] et la société AINI IMMOBILIER à rembourser à Madame [X] [L] et Monsieur [E] [L] la somme de 12.809, 92 euros, correspondant aux frais de procédure, dépens et frais irrépétibles que ces derniers ont été contraints d’engager du fait desdits dégât des eaux et infiltrations dont leur appartement a fait l’objet et qui relèvent de la responsabilité exclusive de Monsieur [N] [H] [B] [A] [K] et de la société AINI IMMOBILIER,

DEBOUTER Monsieur [N] [H] [B] [A] [K] et la société AINI IMMOBILIER de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

CONDAMNER solidairement Monsieur [N] [H] [B] [A] [K] et la société AINI IMMOBILIER à verser à Madame [X] [L] et Monsieur [E] [L] la somme de 2.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.

CONDAMNER solidairement Monsieur [N] [H] [B] [A] [K] et la société AINI IMMOBILIER aux entiers dépens. ».

***

Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 21 novembre 2023, Monsieur [K] demande au tribunal de :
« A TITRE PRINCIPAL
– Débouter Monsieur et Madame [L] de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions à l’encontre de Monsieur [K] et les inviter à mieux se pourvoir ;

A TITRE SUBSIDIAIRE
– Constater la situation d’indigence de Monsieur [K] ;
– Condamner Monsieur et Madame [L] aux entiers dépens. »

***

Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 11 juin 2024, la SCI AINI IMMOBILIER demande au tribunal de :
« A TITRE PRINCIPAL :
– JUGER que la SCI AINI IMMOBILIER a été diligente pour effectuer les travaux préconisés par l’expert judiciaire

JUGER que la SCI AINI IMMOBILIER SCI AINI IMMOBILIER d’avoir volontairement fait perdurer la mission d’expertise et donc d’avoir fait augmenter le coût et les frais de l’expert judiciaire.
En conséquence,
– REJETER l’intégralité des demandes, fins et conclusions de Madame [X] [L] et de Monsieur [E] [L] à l’encontre de la SCI AINI IMMOBILIER

A TITRE SUBSIDIAIRE : SI le Tribunal venait à estimer que la responsabilité de la SCI AINI IMMOBILIER venait à être engagée :
– JUGER que les travaux de Monsieur [F] [D] (ENTREPRISE GOMES) et Monsieur [U] n’ont pas été réalisé dans les règles de l’art et n’ont pas été jugés conformes aux devis par l’expert judiciaire

– REJETER l’intégralité des demandes, fins et conclusions de Monsieur [F] [D] et de Monsieur [U] à l’encontre de la SCI AINI IMMOBILIER

En conséquence,
– DIRE ET JUGER que Monsieur [F] [D] (ENTREPRISE GOMES) et Monsieur [U] ont engagé leur responsabilité contractuelle à l’encontre de la SCI AINI IMMOBILIER.

– CONDAMNER solidairement Monsieur [F] [D] (ENTREPRISE GOMES) et Monsieur de toutes les condamnations qui pourraient être pris à son encontre dans le cadre de la présente procédure.

En tout état de cause
– CONDAMNER solidairement Madame [X] [L], Monsieur [E] [L], Monsieur [K], Monsieur [D] [F] et Monsieur [U], ou tout succombant, à lui verser la somme 5.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile

– CONDAMNER solidairement Madame [X] [L], Monsieur [E] [L], Monsieur [K], Monsieur [D] [F] et Monsieur [U], ou tout succombant, à lui verser la somme 5.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, ou tout succombant, aux entiers dépens de l’instance. ».

***

Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 11 juin 2024, Monsieur [F] [D] [I], entrepreneur individuel exerçant sous le nom ENTREPRISE GOMES, demande au tribunal de :
« DECLARER l’expertise judiciaire du 21 avril 2022 inopposable à Monsieur [F] [D] ;

DECLARER Monsieur [F] [D] irresponsable du préjudice subi par les Consorts [L] ;

DECLARER Monsieur [F] [D] irresponsable à l’encontre de la société AINI IMMOBILIER ;

DEBOUTER la société AINI IMMOBILIER de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions;

CONDAMNER la société AINI IMMOBILIER à payer à Monsieur [F] [D] la somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile;

CONDAMNER la société AINI IMMOBILIER aux dépens de la procédure. »

***
Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 21 novembre 2023, Monsieur [V] [U], entrepreneur individuel, demande au tribunal de :
« A titre principal :

DECLARER et JUGER inopposable le rapport d’expertise judiciaire rendu par Monsieur [O] le 21 avril 2022 à l’encontre de Monsieur [U], ce dernier n’ayant pas été partie auxdites opérations,

A titre subsidiaire :

DIRE et JUGER que la SCI AINI IMMOBILIER ne rapporte pas la preuve des manquements ni du lien de causalité entre les désordres allégués par les consorts [L] et les travaux réalisés par Monsieur [U],

En conséquence et en tout état de cause :

REJETER toutes les demandes et prétentions formulées par la SCI AINI IMMOBILIER à l’encontre de Monsieur [U],

Par ailleurs,

CONDAMNER la SCI AINI IMMOBILIER à verser la somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNER la SCI AINI IMMOBILIER aux entiers dépens de la présente procédure. »

***

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures visées ci-dessus conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

La décision a été mise en délibéré au 13 janvier 2025.

MOTIFS DE LA DÉCISION

À titre liminaire

Aux termes de l’article 768 du code de procédure civile, le tribunal ne doit statuer que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion. Or ne constituent pas des prétentions au sens de l’article 4 du code de procédure civile les demandes des parties tendant à voir « constater », « dire », « juger » ou « donner acte », en ce que, hors les cas prévus par la loi, elles ne sont pas susceptibles d’emporter de conséquences juridiques, mais constituent en réalité des moyens ou arguments, de sorte que le tribunal n’y répondra qu’à la condition qu’ils viennent au soutien de la prétention formulée dans le dispositif des conclusions et, en tout état de cause, pas dans son dispositif mais dans ses motifs, sauf à statuer sur les demandes des parties tendant à « dire et juger » lorsqu’elles constituent un élément substantiel et de fond susceptible de constituer une prétention (2ème Civ., 13 avril 2023, pourvoi n° 21-21.463).

Sur les demandes des consorts [L]

Sur les désordres, leurs origines et leurs causes

Il résulte du rapport d’expertise judiciaire en date du 21 avril 2022, qui n’a été contesté par aucune des parties, les éléments suivants :

dans l’appartement des consorts [L] :

– dans la chambre : il y a des traces d’humidité au plafond et sur le mur contre la salle de bain, en partie haute ; l’expert mesure une première fois au plafond en un point 90% d’humidité et 60% autour et une seconde fois 84 % d’humidité sur le mur et 46 % d’humidité au plafond ;

– dans la salle d’eau : il y a un trou dans le plafond, au-dessus de la cabine de douche, un effondrement partiel du plafond s’est produit ; tout est sec, l’expert mesure 17 % d’humidité sur la structure bois, ce qu’il qualifie de tout à fait normal ; la solive est un peu abîmée en partie supérieure, un tout petit peu en partie inférieure et un tout petit peu dans l’empochement ; lors d’une seconde visite le 9 décembre 2021, l’expert mesure 74 % d’humidité sur le plafond et constate de la condensation et de l’eau qui coule du dessus ;

– dans le séjour : le mur de façade est humide ; l’expert mesure 68 % d’humidité en surface et 38 % en profondeur et constate la présence de moisissures.
dans l’appartement de la SCI AINI IMMOBILIER :

dans la salle de bain : le joint autour du bac à douche est ouvert, il n’y a pas de cabine de douche, il n’y a pas de grille sur la trappe de visite, le carrelage de la douche n’est pas étanche et il conclut que toute l’étanchéité est à refaire.

La matérialité des désordres dont se plaignent les consorts [L] est donc établie.

Sur les responsabilités

L’article 544 du code civil dispose que la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou pas les règlements.

Ce droit est toutefois limité par l’obligation qu’a tout propriétaire de ne causer à la propriété d’autrui aucun dommage excédant les inconvénients normaux du voisinage. La responsabilité pour trouble anormal de voisinage est une responsabilité étrangère à la notion de faute et il appartient au juge saisi d’une demande en réparation sur ce fondement d’apprécier le caractère normal ou anormal du trouble invoqué, la charge de la preuve incombant à celui qui en demande réparation.

Il appartient donc à la partie demanderesse de rapporter la preuve d’un trouble qui excède les inconvénients normaux du voisinage et de son caractère permanent ou récurrent.

L’action fondée sur un trouble anormal du voisinage est une action en responsabilité civile extracontractuelle qui, indépendamment de toute faute, permet à la victime de demander réparation au propriétaire de l’immeuble à l’origine du trouble, responsable de plein droit. Lorsqu’il est constaté que le trouble de voisinage subsiste après la vente du fonds à l’origine des désordres, la responsabilité en pèse sur les acquéreurs, peu important que les infiltrations aient commencé à se produire avant la vente (3e Civ., 16 mars 2022, pourvoi n° 18-23.954).

En l’espèce, aux termes de rapport du 21 avril 2022, l’expert judiciaire explique en page 25, que les désordres constatés dans l’appartement des consorts [L] trouvent leur origine dans la salle de bain de l’appartement situé au 2ème étage.

Aucune des parties n’a produit d’élément permettant de remettre en cause les constats et analyses de l’expert judiciaire.

Ainsi il s’agit d’une humidité importante, entre 46% et 90%, qui affecte les murs de deux pièces de vie, en particulier la salle de bain dont une partie du plafond s’est effondré, de manière permanente, toute la journée et toute la nuit, et ce entre septembre 2019, date d’effondrement du plafond de la salle de bain et juillet 2022, date de réalisation des travaux, soit plus de deux ans.

Dès lors, ces troubles dépassent par leur répétition, leur intensité, et leur durée les inconvénients normaux ou ordinaires de voisinage et doivent être qualifié de troubles anormaux du voisinage.

Selon acte authentique de vente en date du 21 octobre 2019, Monsieur [N] [H] [B] [A] [K] a vendu à la SCI AINI IMMOBILIER l’appartement situé 2ème étage, escalier B du bâtiment B de l’immeuble en copropriété sis [Adresse 7] à [Localité 15].

Aucune des parties n’allègue, ni ne justifie que l’absence d’étanchéité des pièces d’eaux de l’appartement de Monsieur [K] ferait suite à des travaux dont il aurait été le maître d’ouvrage.

Ainsi, Monsieur [K] n’a plus la qualité de voisin des consorts [L].

Dans ces conditions, seule la responsabilité de la SCI AINI IMMOBILIER est engagée de plein droit dès lors qu’il a été établi que le défaut d’étanchéité de l’appartement, dont elle est l’actuel propriétaire, est à l’origine des troubles anormaux du voisinage que subissent les consorts [L].

Sur les préjudices

Sur le préjudice matériel

Les consorts [L] réclament les sommes de 960 € et 1.560 € au titre du coût des travaux de reprise et en justifient par la production de la facture n°012 émise le 18 juillet 2022 par la société BS BATIMENT suivant devis du 13 novembre 2022 lequel a été validé par l’expert judiciaire au terme de son rapport du 21 avril 2022.

En conséquence, il y a lieu de condamner la SCI AINI IMMOBILIER à payer aux consorts [L] la somme de 2520 € (960 € + 1.560 €) au titre du coût des travaux de reprise des désordres.

Sur les frais de procédure et frais irrépétibles

Les consorts [L] sollicitent la somme de 12.809,92 € correspondant aux frais de procédure, dépens et frais irrépétibles qu’ils ont été contraints d’engager du fait desdits dégâts des eaux.

Ainsi qu’ils l’indiquent eux-mêmes, il s’agit de dépens relevant de l’article 696 du code de procédure civile et de frais irrépétibles relevant de l’article 700 du code de procédure civil, sur lesquels il sera statué ci-après.

Sur les appels en garantie de la SCI AINI IMMOBILIER à l’encontre de Monsieur [F] [D] [I] et de Monsieur [V] [U]

En application des articles 1103 et 1104 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits ; ils doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.

Selon l’article 1231-1 du même code, le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure.

En l’espèce, il résulte de la facture émise le 24 décembre 2020 par Monsieur [F] [D] exerçant sous le nom Entreprises GOMES et des propres énonciations de ce dernier que la SCI AINI IMMOBILIER lui a confié dans l’appartement situé [Adresse 7] à [Localité 15], les travaux de réfection de la salle de bain suivants :
« Dépose et pose d’une vanne de sécurité ;
Pose d’une cabine de douche. »

Il ressort du devis n°28 émis le 08 octobre 2021 par Monsieur [U] et de la facture n°50 émise par Monsieur [U] que la SCI AINI IMMOBILIER lui a confié dans la salle de bain de l’appartement situé [Adresse 7] à [Localité 15] les travaux de réfection suivants :
«- Dépose de la paroi de douche + receveur de douche
-Dépose du wc
-Dépose du carrelage dans la salle de bain au sol
-Repose de la paroi de douche + receveur + wc
-Rhabillage sous bac à douche
FOURNITURE
– Colle à carrelage
– Joint
– Silicone
– Pied de réglage
– Receveur de douche ».

La SCI AINI IMMOBILIER fait valoir que l’expert judiciaire a relevé que ces travaux n’étaient pas conformes à ceux qu’il avait préconisé et que les désordres avaient perdurés en dépit de ces travaux, de sorte qu’il est établi que Monsieur [F] [D] et Monsieur [U] ont manqué à leurs obligations contractuelles à son égard et doivent la garantir des condamnations intervenues à son encontre au bénéfice des consorts [L].

Or, il n’est pas contesté que le rapport d’expertise judiciaire du 21 avril 2022 dont l’inopposabilité est soulevée tant par Monsieur [F] [D] que par Monsieur [U] a été diligenté sans que ces défendeurs aient été parties ou même seulement appelés à participer aux opérations d’expertise.

Ce rapport ne peut être pris en considération, le principe du contradictoire résultant de l’article 16 du code de procédure civile n’ayant pas été respecté, puisque s’il est régulièrement versé aux débats et soumis à la discussion des parties, en revanche, les constatations qu’il opère s’agissant de l’absence de conformité des premiers travaux entrepris par la SCI AINI IMMOBILIER dans son appartement pour mettre fin aux troubles anormaux de voisinage, ne sont corroborées par aucune autre pièce versée aux débats.

Dans ces conditions la SCI AINI IMMOBILIER ne rapporte pas la preuve qui pourtant lui incombe, d’un manquement contractuel de la part de Monsieur [F] [D] et de Monsieur [U].

En conséquence, elle sera déboutée de ses demandes à leur égard.

Sur les demandes accessoires

Sur les dépens

Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

Succombant, la SCI AINI IMMOBILIER sera condamnée aux dépens de la présente instance, en ce compris les frais d’expertise judiciaire avancés par les consorts [L] (RG n°20/485, 20/1499 et 20/2790).

Sur les frais irrépétibles

Aux termes de l’article 700 1° du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Par principe, le tribunal alloue à ce titre une somme correspondant aux frais réellement engagés, à partir des justificatifs produits par les parties, ou, en l’absence de justificatif, à partir des données objectives du litige (nombre de parties, durée de la procédure, nombre d’écritures échangées, complexité de l’affaire, incidents de mise en état, mesure d’instruction, etc.).

Par exception et de manière discrétionnaire, le tribunal peut, considération prise de l’équité ou de la situation économique des parties, allouer une somme moindre, voire dire qu’il n’y a lieu à condamnation.

En l’espèce, en l’absence de tout justificatif, l’équité commande de condamner la SCI AINI IMMOBILIER à payer au titre de l’article 700 du code de procédure civile :
– aux consorts [L] la somme de 2.000 €
– à Monsieur [F] [D] la somme de 1.000 € ;
– à Monsieur [U] la somme de 1.000 €.

Eu égard aux circonstances, à la solution du litige et à l’équité, la SCI AINI IMMOBILIER et Monsieur [K] seront déboutés de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Sur l’exécution provisoire
Aux termes de l’article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement.

En l’espèce, compte tenu des circonstances, de la nature de l’affaire et de l’issue du litige, il n’apparaît pas nécessaire d’écarter l’exécution provisoire de la présente décision.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant par jugement contradictoire rendu en premier ressort et par mise à disposition au greffe,

CONDAMNE la SCI AINI IMMOBILIER à payer à Madame [X] [L] et Monsieur [E] [L] la somme de 2520 € (deux mille cinq cent vingt euros) au titre du coût des travaux de reprise des désordres ;

DÉBOUTE Madame [X] [L] et Monsieur [E] [L] de leurs demandes à l’encontre de Monsieur [N] [H] [B] [A] [K] ;

DÉBOUTE la SCI AINI IMMOBILIER de ses demandes à l’encontre de Monsieur [F] [D] [I] et de Monsieur [V] [U] ;

CONDAMNE la SCI AINI IMMOBILIER aux dépens de la présente procédure en ce compris les frais d’expertise judiciaire avancés par Madame [X] [L] et Monsieur [E] [L] (RG n°20/485, 20/1499 et 20/2790) ;

CONDAMNE la SCI AINI IMMOBILIER à payer à Madame [X] [L] et Monsieur [E] [L] la somme de 2.000 € (deux mille euros) sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SCI AINI IMMOBILIER à payer à Monsieur [I] [F] [D] la somme de 1.000 € (mille euros) sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile;

CONDAMNE la SCI AINI IMMOBILIER à payer à Monsieur [V] [U] la somme de 1.000 € (mille euros) sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

RAPPELLE que l’exécution provisoire est de droit et DIT n’y avoir lieu à l’écarter ;

DÉBOUTE les parties de l’ensemble de leurs autres fins, moyens, demandes et prétentions.

La minute a été signée par Madame Charlotte THIBAUD, Vice-Présidente, et par Madame Reine TCHICAYA, Greffier.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


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