L’Essentiel : La SCI Moumi, dirigée par M. [P] [H], a subi des dégâts des eaux dans ses caves en mars 2019, causés par un copropriétaire. Malgré plusieurs notifications et mises en demeure au syndic, la SCI a été contrainte d’assigner le syndicat des copropriétaires en mars 2021 pour obtenir réparation. En juin 2023, elle a réclamé 29 128 euros pour la restauration de tableaux endommagés. Cependant, le tribunal a jugé que la SCI n’avait pas prouvé la responsabilité du syndicat, déboutant ainsi ses demandes d’indemnisation et la condamnant à payer les dépens. Le jugement a été rendu le 10 janvier 2025.
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Contexte de l’affaireLa SCI Moumi, dirigée par M. [P] [H], possède un local commercial et deux caves dans un immeuble situé à [Adresse 1] à [Localité 6]. En mars 2019, des dégâts des eaux ont été signalés par le syndic de copropriété, causés par un copropriétaire, entraînant des dégradations dans les caves de la SCI. Notifications et mises en demeureLe 10 mai 2019, la SCI Moumi a informé le syndic des infiltrations d’eau ayant endommagé des tableaux dans sa cave. Le 27 septembre 2019, elle a dénoncé officiellement les dégâts, les imputant aux parties privatives et communes de l’immeuble. En décembre 2020, la SCI a mis en demeure le syndic de contacter l’assureur pour obtenir une indemnisation. Assignation en justiceLe 22 mars 2021, la SCI Moumi, M. [P] [H] et M. [E] [H] ont assigné le syndicat des copropriétaires devant le tribunal judiciaire de Paris, demandant des réparations pour les dommages subis, y compris des frais de restauration et des dommages-intérêts pour préjudice moral. Demandes des partiesDans leurs conclusions de juin 2023, les demandeurs ont sollicité le paiement de 29 128 euros pour la restauration des tableaux, ainsi que la prise en charge des frais d’expertise judiciaire. Ils ont également demandé une expertise pour évaluer la valeur des œuvres d’art avant et après le sinistre. Réponse du syndicat des copropriétairesLe syndicat des copropriétaires a contesté la recevabilité des demandes, arguant que la SCI Moumi et ses gérants n’avaient pas justifié leur qualité de propriétaires des œuvres endommagées ni déclaré le sinistre à leur assureur. Ils ont également demandé à ce que la responsabilité soit examinée en cas de fuite dans les parties communes. Décision du tribunalLe tribunal a déclaré recevables les demandes de la SCI Moumi, mais a débouté celle-ci de toutes ses demandes indemnitaires, estimant qu’elle n’avait pas prouvé que les désordres provenaient des parties communes. La SCI Moumi a été condamnée à payer les dépens et des frais irrépétibles au syndicat des copropriétaires. ConclusionLe jugement a été rendu le 10 janvier 2025, confirmant que la SCI Moumi et ses gérants n’avaient pas réussi à établir la responsabilité du syndicat des copropriétaires dans les dommages subis, entraînant le rejet de leurs demandes d’indemnisation. |
Q/R juridiques soulevées :
Sur la recevabilité des demandesLa question de la recevabilité des demandes formulées par la SCI Moumi, M. [P] [H] et M. [E] [H] se pose en raison des fins de non-recevoir soulevées par le syndicat des copropriétaires. L’article 122 du code de procédure civile stipule que « constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée ». Il est important de noter que, selon l’article 789 du même code, « lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour : 6° Statuer sur les fins de non-recevoir ». Dans cette affaire, le syndicat des copropriétaires a demandé la déclaration d’irrecevabilité des demandeurs en raison de la non-justification de la qualité de propriétaire des œuvres d’art, de la déclaration de sinistre auprès de leur assureur, et de la mise en cause de Mme [L] [G] et/ou de son assureur. Cependant, il a été établi que ces questions ne constituent pas des fins de non-recevoir, mais plutôt des moyens de défense au fond. Ainsi, le tribunal a déclaré recevables les demandes formées par la SCI Moumi, M. [P] [H] et M. [E] [H]. Sur les demandes indemnitairesLes demandeurs sollicitent l’indemnisation des préjudices subis en raison des infiltrations d’eau survenues dans leurs caves, en se fondant sur l’article 14 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965. Cet article dispose que « le syndicat des copropriétaires est responsable des dommages causés aux copropriétaires ou aux tiers ayant leur origine dans les parties communes, sans préjudice de toutes actions récursoires ». Il en résulte un régime de responsabilité objective pour le syndicat des copropriétaires, qui est responsable des dommages causés par un défaut d’entretien des parties communes, sans qu’une faute de sa part doive être prouvée. Les demandeurs ont produit des éléments de preuve, tels que des courriels, des photographies et des factures, attestant des dégâts causés par les infiltrations d’eau. Cependant, pour engager la responsabilité du syndicat, il leur incombe de prouver que les désordres trouvent leur origine dans les parties communes. Le tribunal a constaté que, bien que des infiltrations d’eau aient eu lieu, les demandeurs n’ont pas réussi à établir que ces infiltrations provenaient des parties communes. En conséquence, le tribunal a débouté les demandeurs de l’ensemble de leurs demandes indemnitaires. Sur les dépens et les frais non compris dans les dépensL’article 696 du code de procédure civile stipule que « la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie ». Étant donné que la SCI Moumi, M. [P] [H] et M. [E] [H] ont perdu le procès, ils ont été condamnés à payer les entiers dépens de l’instance. De plus, en application de l’article 700 du code de procédure civile, le juge a condamné la partie perdante à verser à l’autre partie une somme déterminée pour couvrir les frais exposés et non compris dans les dépens. Ainsi, la SCI Moumi, M. [P] [H] et M. [E] [H] ont été condamnés à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles. Sur l’exécution provisoireLes articles 514 et suivants du code de procédure civile précisent que « les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement ». Le juge peut écarter l’exécution provisoire s’il estime qu’elle est incompatible avec la nature de l’affaire. Dans cette affaire, le tribunal a décidé qu’il n’y avait pas lieu d’écarter l’exécution provisoire de droit, compte tenu de la nature des condamnations prononcées et de l’ancienneté du litige. Ainsi, l’exécution provisoire a été maintenue, permettant au syndicat des copropriétaires de récupérer les sommes dues sans délai. |
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
[1] Copies exécutoires
délivrées le:
à Me LEPOUTRE
Copies certifiées
conformes délivrées le:
à Me LEVI
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8ème chambre
3ème section
N° RG 21/04458
N° Portalis 352J-W-B7F-CUCXB
N° MINUTE :
Assignation du :
22 mars 2021
JUGEMENT
rendu le 10 janvier 2025
DEMANDEURS
S.C.I. Moumi
Monsieur [P] [H]
Monsieur [E] [H]
[Adresse 2]
[Localité 5]
représentés par Maître Pierre-Olivier LEVI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #G0815
DÉFENDEUR
Syndicat des copropriétaires du [Adresse 1], représenté par son syndic le Cabinet DEBIEVRE, S.A.R.L.
[Adresse 3]
[Localité 4]
représenté par Maître Ghislain LEPOUTRE du Cabinet CHAUCHARD LEPOUTRE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C128
Décision du 10 janvier 2025
8ème chambre 3ème section
N° RG 21/04458 – N° Portalis 352J-W-B7F-CUCXB
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Madame Marie-Charlotte DREUX, première vice-présidente adjointe
Madame Céline CHAMPAGNE, juge
Monsieur Cyril JEANNINGROS, juge
assistés de Madame Léa GALLIEN, greffière,
DÉBATS
A l’audience du 18 octobre 2024, tenue en audience publique devant Cyril JEANNINGROS, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seul l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du code de procédure civile.
JUGEMENT
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
Premier ressort
__________________________________
La SCI Moumi, dont le gérant est M. [P] [H], est propriétaire d’un local commercial à usage de bureaux et de deux caves dans un immeuble sis [Adresse 1] à [Localité 6].
En mars 2019, le syndic de copropriété a informé la SCI Moumi et son gérant que des dégâts des eaux ont été causés dans l’immeuble par l’un des copropriétaires. Dans un courriel du 10 mai 2019, ceux-ci ont indiqué au syndic que des infiltrations d’eau ont notamment dégradé des tableaux entreposés dans leur cave en sous-sol.
Par lettre recommandée avec avis de réception postée le 27 septembre 2019, la SCI Moumi a dénoncé auprès du syndic la survenance de dégâts des eaux au sein de l’une de ses caves, qu’elle impute aux parties privatives situées au rez-de-chaussée ainsi qu’aux parties communes de l’immeuble.
Par lettre recommandée avec avis de réception postée le 2 décembre 2020, la SCI Moumi a reproché au syndic son inaction dans le traitement du sinistre, et mis en demeure ce dernier de contacter l’assureur du syndicat des copropriétaires afin qu’il soit procédé à l’indemnisation des préjudices qu’elle estime avoir subis.
Par courriers recommandés avec avis de réception remis aux destinataires le 8 mars 2021, M. [P] [H] a fait mettre en demeure la copropriétaire qu’il estime responsable des infiltrations (Mme [L] [G]) ainsi que le syndicat des copropriétaires de déclarer le sinistre à leurs assureurs, d’organiser une expertise amiable sur les lieux, et de lui verser une provision de 36 702,88 euros à valoir sur l’indemnisation de son préjudice.
Décision du 10 janvier 2025
8ème chambre 3ème section
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Par exploit d’huissier signifié le 22 mars 2021, la SCI Moumi, M. [P] [H] et M. [E] [H] ont fait assigner le syndicat des copropriétaires de l’immeuble devant le tribunal judiciaire de Paris.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Aux termes de leurs dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 13 juin 2023, et au visa de l’article 14 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965, la SCI Moumi, M. [P] [H] et M. [E] [H] demandent au tribunal de :
– condamner le Syndicat des copropriétaires de de l’immeuble sis [Adresse 1] à [Localité 6], représenté par son Syndic, le Cabinet DEBIEVRE, au paiement de la somme de 29 128 euros correspondant aux frais de restauration des tableaux engagés ;
– mettre à la charge exclusive du Syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 1] à [Localité 6], représenté par son Syndic, le Cabinet DEBIEVRE, les frais d’expertise judiciaire relative à la recherche de l’origine des désordres ;
Avant dire droit, sur l’indemnisation du préjudice lié à la perte vénale des œuvres d’art : ordonner une mesure d’expertise judiciaire et nommer tel expert spécialisé en évaluation des œuvres picturales qu’il plaira au Tribunal, avec pour mission de :
▪ Convoquer les parties à une réunion d’expertise contradictoire ;
▪ Se faire communiquer tous documents relatifs aux œuvres d’art litigieuses et en particulier les rapports de restauration des Cabinet RIOH et [M] [N] ;
▪ Entendre tous sachant que l’Expert jugera utile à l’accomplissement de sa mission ;
▪ Se rendre dans un lieu convenu entre les parties pour analyser l’état des œuvres suivantes :
o With winds, 1989 Peinture huileuse sur toile 130,2 x 162 X 3cm de [V]
o The Potatoes Eaters, 1988 Peinture huileuse sur toile 160 X 240 X 2 cm de [I] [A]
o Suite cinq lignes n°163, Peinture huileuse sur toile 247 x 46,5 x 2 cm de [U] [W]
o Autoportrait (à [O] [K]), 1930, Huile sur toile 73 x 60 cm de [R] [D].
o « sans titre – in silence » iron plate 120x100x0,5cm + stone 20x25x20cm Sculpture de [V]
o “Image XXIX” huile sur papier polyester 198x43x70cm de [C] [T]
o « Faceless », photographie noir et blanc et encre 87x135cm, [S]
o « sans titre », œuvre soisous plexiglass de 2040/1310mm de [X]
o « sans titre », œuvre en diptyque sous plexiglass de 2040/1900mm et 2040/360mm de [X]
▪ Décrire l’état des œuvres ;
▪ Estimer la valeur marchande des œuvres sur le marché de l’art avant le sinistre ;
▪ Estimer la valeur marchande des œuvres sur le marché de l’art après le sinistre ;
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▪ Dire que l’Expert devra déposer un pré-rapport au contradictoire des parties et déposer un rapport définitif dans les 6 mois suivant sa désignation ;
▪ Dire que la provision d’expertise sera exclusivement à la charge du syndicat des copropriétaires de de l’immeuble sis [Adresse 1] à [Localité 6], représenté par son Syndic, le Cabinet DEBIEVRE ;
– condamner le Syndicat des copropriétaires de de l’immeuble sis [Adresse 1] à [Localité 6], représenté par son Syndic, le Cabinet DEBIEVRE, au paiement de la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral causé par leur résistance abusive ;
– condamner le Syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 1] à [Localité 6], représenté par son Syndic, le Cabinet DEBIEVRE, au paiement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– dire n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire de la décision à intervenir ;
– condamner le Syndicat des copropriétaires de de l’immeuble sis [Adresse 1] à [Localité 6], représenté par son Syndic, le Cabinet DEBIEVRE aux entiers dépens.
*
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 12 décembre 2022 par voie électronique, le syndicat des copropriétaires demande au tribunal de :
A titre principal,
– déclarer irrecevables la SCI MOUMI et Messieurs [E] et [P] [H], dans l’attente de la justification :
– de la qualité du propriétaire des œuvres d’art prétendument sinistrées ;
– de leur déclaration de sinistre auprès de leur assureur multirisque habitation ;
– de la mise en cause de Madame [G] et/ou de son assureur ;
– constater la carence des demandeurs suite à la sommation de communiquer qui leur a été dénoncée par acte du Palais le 12 avril 2021, et tirer toute conséquence et attention ;
– en tout état de cause, les débouter de toutes leurs demandes, fins et conclusions, y compris la désignation d’un Expert Judiciaire ;
Infiniment subsidiairement, dans l’hypothèse où il serait néanmoins fait droit à cette demande d’expertise,
– adjoindre à la mission de l’Expert qu’il plaira au Tribunal de désigner :
1) la recherche d’une éventuelle fuite en parties communes ayant pu être à l’origine du dégât des eaux du 29 mars 2019, sachant que depuis cette date le syndic n’a été saisi ni d’une réclamation d’un propriétaire ou occupant, ni n’a mandaté de plombier pour colmater une éventuelle fuite sur parties communes ;
2) la recherche de la réalité d’un lien de causalité entre le sinistre du 29 mars 2019 et l’endommagement des œuvres d’art ;
3) la recherche des conditions de stockage desdites œuvres d’art au regard de leur valeur alléguée ;
4) la recherche des justificatifs de propriété des œuvres d’art prétendument endommagées.
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En tout état de cause,
– condamner la SCI MOUMI et Messieurs [E] et [P] [H] à verser au syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] à [Localité 6] représente par son syndic le Cabinet DEBIEVRE, la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
* * *
Le juge de la mise en état a ordonné la clôture de l’instruction le 4 octobre 2023, et l’affaire a été appelée à l’audience de plaidoiries (juge rapporteur à la collégialité) du 18 octobre 2024. A l’issue des débats, la décision a été mise en délibéré au 10 janvier 2025.
1 – Sur la recevabilité
L’article 122 du code de procédure civile dispose que « constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée ».
L’article 789 du même code, dans sa version applicable aux instances introduites à compter du 1er janvier 2020, dispose que « lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour : 6° Statuer sur les fins de non-recevoir ; ».
*
En l’espèce, le syndicat des copropriétaires demande au tribunal de déclarer la SCI Moumi, M. [P] [H] et M. [E] [H] irrecevables « dans l’attente de la justification : de la qualité du propriétaire des œuvres d’art prétendument sinistrées ; de leur déclaration de sinistre auprès de leur assureur multirisque habitation ; de la mise en cause de Madame [G] et/ou de son assureur ».
Il doit tout d’abord être relevé que dans la mesure où la présente instance a été introduite postérieurement au 1er janvier 2020, toute fin de non-recevoir devait être soulevée devant le juge de la mise en état par voie de conclusions distinctes, et non uniquement devant le tribunal.
Par ailleurs, si la question de la propriété des œuvres d’art peut effectivement avoir une incidence sur la qualité à agir des demandeurs, et donc leur droit d’agir, le fait qu’ils aient ou non déclaré le sinistre auprès de leur assureur de responsabilité civile ou encore qu’ils aient ou non mis en cause Mme [L] [G] et/ou son assureur constitue un moyen de défense au fond, mais aucunement une fin de non-recevoir.
Il est enfin relevé que chacun des coauteurs d’un même dommage, conséquence de leurs fautes respectives, doit être condamné in solidum à la réparation de 1’entier dommage dès lors que chacune des fautes a concouru à le causer tout entier. La question connexe du partage de responsabilité entre les coauteurs du dommage n’a aucune incidence au stade de l’obligation à la dette, et ne peut donc être opposée au créancier.
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A supposer même que des parties privatives aient contribué à la survenance des désordres, ceci n’a pas d’incidence sur la responsabilité du syndicat des copropriétaires car les demandeurs peuvent librement rechercher l’indemnisation de leurs préjudices auprès de l’un des co-responsables du sinistre, à charge pour ce dernier d’exercer une action contre celui avec qui il estime partager une part de responsabilité.
Il ne peut donc être reproché aux demandeurs de ne pas justifier de la mise en cause de Mme [L] [G] ou de son assureur, pas plus qu’il ne peut leur être reproché un éventuel défaut de déclaration du sinistre auprès de leur propre assureur.
Pour ces motifs, il conviendra de déclarer recevables les demandes formées par la SCI Moumi, M. [P] [H] et M. [E] [H].
2 – Sur les demandes indemnitaires
L’article 14 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965, dans sa rédaction applicable au litige, dispose notamment que le syndicat des copropriétaires « est responsable des dommages causés aux copropriétaires ou aux tiers ayant leur origine dans les parties communes, sans préjudice de toutes actions récursoires ».
Il résulte de ces dispositions un régime de responsabilité objective, propre au syndicat des copropriétaires, qui rend ce dernier responsable de tout dommage causé par un défaut d’entretien d’une partie commune, sans qu’une faute de sa part ne doive être caractérisée. S’il incombe au copropriétaire agissant à l’encontre du syndicat des copropriétaires de démontrer un lien de causalité entre le défaut d’entretien et les préjudices subis, la copropriété ne peut s’exonérer de sa responsabilité qu’en rapportant la preuve d’une faute de celui-ci ou d’un tiers.
*
Sur le fondement de ces dispositions, les demandeurs sollicitent l’indemnisation des chefs de préjudice qu’ils disent avoir subis en raison d’infiltrations d’eau survenues dans les caves de l’immeuble à compter de mars 2019, qu’ils imputent à un copropriétaire – non attrait à l’instance – ainsi qu’au syndicat des copropriétaires.
A titre liminaire, alors que la SCI Moumi, M. [P] [H] et M. [E] [H] demandent à la juridiction de « mettre à la charge exclusive du Syndicat des copropriétaires (…) les frais d’expertise judiciaire relative à la recherche de l’origine des désordres », il apparaît cependant qu’aucune mesure d’instruction judiciaire n’a été ordonnée à propos des désordres faisant l’objet du présent litige. Ils seront ainsi déboutés de cette demande.
A – Sur les désordres
Il est constant que des infiltrations d’eau se sont produites dans l’une des caves appartenant à la SCI Moumi en mars 2019, dans la mesure où le syndic lui-même l’en a informée.
Afin d’établir la matérialité des désordres, les demandeurs versent aux débats :
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– un courriel adressé au syndic par M. [P] [H] le 10 mai 2019, dans lequel celui-ci dénonce la dégradation de plusieurs tableaux de valeur, et auquel est joint dix photographies révélant l’existence de dégâts des eaux dans une cave (moisissures et taches d’humidité sur les parois ; tableau dégradé par l’humidité) ;
– un jeu de 42 photographies révélant la présence d’eau sur le plancher de la cave, ainsi que sur divers objets qui y étaient entreposés (tableaux, boîtes en carton), outre les éléments caractéristiques des dégâts des eaux figurant sur les clichés précédemment évoqués ;
– une facture établie le 30 juin 2019 par une société RIOH ainsi qu’un devis accepté le 17 juin 2019 auprès de M. [M] [N], portant tous deux sur des prestations de restauration de neuf œuvres picturales affectées par des projections d’eau.
Ces divers éléments permettent de rapporter la preuve que des infiltrations d’eau ont endommagé les parties privatives de la SCI Moumi, ainsi que neuf tableaux appartenant à M. [P] [H] et M. [E] [H] qui y étaient entreposés.
B – Sur la responsabilité
Afin d’engager la responsabilité de la copropriété au titre des désordres précédemment caractérisés, les demandeurs sont tenus de rapporter la preuve du fait que ceux-ci trouveraient leur origine dans les parties communes de l’immeuble.
Les pièces versées aux débats démontrent la survenance d’infiltrations d’eau dans la cave des demandeurs, ainsi que dans des parties communes (couloir commun reliant les caves en sous-sol).
Toutefois, alors que les demandeurs imputent également la survenance des désordres à l’un de leurs voisins, il n’est aucunement démontré que le sinistre trouverait son origine, en tout ou partie, dans les parties communes de l’immeuble.
Si les demandeurs font valoir que « M. [P] [H] a pris soin de prendre en photo l’origine de la fuite qui semblait provenir d’une canalisation située dans les parties communes de l’immeuble », et produisent la photographie d’une canalisation fixée au plafond du sous-sol, ces simples affirmations et cet unique élément non probant ne peuvent à l’évidence suffire à démontrer que les infiltrations ayant causé les désordres auraient pour origine les parties communes.
Il ne peut en outre être reproché au syndicat des copropriétaires de ne pas verser aux débats le rapport d’intervention d’un plombier, dont il n’est pas démontré qu’il en serait à l’origine ou même qu’il serait en sa possession. C’est au demandeur à l’indemnisation qu’incombe la preuve de l’origine commune des désordres, au besoin en sollicitant la réalisation d’une expertise judiciaire, devant l’échec des pourparlers et l’impossibilité d’effectuer un constat amiable des dégâts.
Pour l’ensemble de ces motifs, et dès lors que la SCI Moumi, M. [P] [H] et M. [E] [H] ne rapportent pas la preuve que les désordres trouveraient leur origine dans une partie commune de l’immeuble, ceux-ci seront déboutés de l’ensemble de leurs demandes indemnitaires envers le syndicat des copropriétaires, ainsi que de leur demande d’expertise judiciaire avant dire droit devenue sans objet.
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3 – Sur les demandes accessoires
– Sur les dépens
Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.
La SCI Moumi, M. [P] [H] et M. [E] [H], parties perdant le procès, seront condamnés au paiement des entiers dépens de l’instance.
– Sur les frais non compris dans les dépens
En application de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou la partie perdante à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a lieu à condamnation.
Tenus aux dépens, la SCI Moumi, M. [P] [H] et M. [E] [H] seront condamnés à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 3 000,00 euros au titre des frais irrépétibles.
– Sur l’exécution provisoire
Aux termes des articles 514 et suivants du code de procédure civile, dans leur rédaction issue du décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019 et applicable aux instances introduites à compter du 1er janvier 2020, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement.
Le juge peut écarter l’exécution provisoire de droit, en tout ou partie, s’il estime qu’elle est incompatible avec la nature de l’affaire. Il statue, d’office ou à la demande d’une partie, par décision spécialement motivée.
En l’espèce, au regard de la nature des condamnations prononcées et de la particulière ancienneté du litige, il n’y a pas lieu d’écarter l’exécution provisoire de droit.
Le tribunal, statuant par un jugement contradictoire, en premier ressort, après débats en audience publique et par mise à disposition au greffe,
DÉCLARE recevables les demandes formées par la SCI Moumi, M. [P] [H] et M. [E] [H] ;
DÉBOUTE la SCI Moumi, M. [P] [H] et M. [E] [H] de l’ensemble de leurs demandes ;
CONDAMNE la SCI Moumi, M. [P] [H] et M. [E] [H] au paiement des entiers dépens de l’instance ;
CONDAMNE la SCI Moumi, M. [P] [H] et M. [E] [H] à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 3 000,00 euros au titre des frais irrépétibles ;
DIT n’y avoir lieu d’écarter l’exécution provisoire de droit.
Fait et jugé à Paris, le 10 janvier 2025.
La greffière La présidente
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