Prolongation de rétention administrative et évaluation des menaces à l’ordre public.

·

·

Prolongation de rétention administrative et évaluation des menaces à l’ordre public.

L’Essentiel : Monsieur [H] [W] [X] [I], ressortissant sénégalais, a été placé en rétention suite à un arrêté préfectoral d’expulsion. Lors de l’audience, il a exprimé son désespoir, soulignant l’absence de liens au Sénégal. Son appel a été jugé recevable, sans irrégularité dans le dossier. Bien que les conditions pour une prolongation de la rétention n’aient pas été remplies, sa présence en France a été considérée comme une menace pour l’ordre public en raison de condamnations pénales récentes. En conséquence, l’ordonnance du magistrat a été confirmée, permettant le maintien de Monsieur [I] en rétention.

PROCÉDURE ET MOYENS

L’affaire concerne Monsieur [H] [W] [X] [I], un ressortissant sénégalais, qui a fait l’objet d’un arrêté préfectoral d’expulsion daté du 16 octobre 2024, notifié le 29 octobre 2024. Par la suite, le préfet des Bouches-du-Rhône a ordonné son placement en rétention le 11 novembre 2024, décision également notifiée le même jour. Le 11 janvier 2025, un magistrat a décidé de maintenir Monsieur [I] dans des locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire. Ce dernier a interjeté appel de cette décision le même jour.

Lors de l’audience, Monsieur [I] a exprimé son désespoir face à son expulsion, soulignant que ses parents sont français et qu’il n’a personne au Sénégal. Son avocate a également présenté les arguments de l’appel, tandis que le représentant de la préfecture n’était pas présent.

MOTIFS DE LA DÉCISION

L’appel contre l’ordonnance du magistrat a été jugé recevable, sans irrégularité dans le dossier. Concernant la requête préfectorale, il a été établi que le signataire de l’arrêté avait une délégation de signature valide. De plus, la requête était accompagnée des pièces justificatives requises, y compris une copie actualisée du registre des décisions de rétention.

Le juge a également examiné les conditions pour une troisième prolongation de la rétention. Bien que les conditions des articles L.742-5 n’aient pas été remplies, la présence de Monsieur [I] sur le territoire français a été considérée comme une menace pour l’ordre public, en raison de ses condamnations pénales récentes, notamment pour des faits de violence et de stupéfiants.

CONCLUSION

En conséquence, l’ordonnance du magistrat a été confirmée, permettant le maintien de Monsieur [I] en rétention. Les parties ont été informées de leur droit de se pourvoir en cassation dans un délai de deux mois suivant la notification de cette décision.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions de la recevabilité de l’appel contre l’ordonnance de rétention ?

La recevabilité de l’appel contre l’ordonnance du magistrat désigné pour le contrôle des mesures d’éloignement et de rétention est régie par les articles du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA).

L’article L 740-1 du CESEDA précise que les décisions relatives à la rétention administrative peuvent faire l’objet d’un recours.

Il est également stipulé que l’appel doit être formé dans un délai précis, et que les éléments du dossier doivent être en conformité avec les exigences légales.

Dans le cas présent, la recevabilité de l’appel n’est pas contestée, et les éléments du dossier ne révèlent aucune irrégularité.

Ainsi, l’appel interjeté par Monsieur [H] [W] [X] [I] est jugé recevable.

Quelles sont les exigences relatives à la délégation de signature pour l’arrêté préfectoral ?

L’article R 741-1 du CESEDA stipule que l’autorité compétente pour ordonner le placement en rétention administrative d’un étranger est le préfet de département.

Il est précisé que si le signataire d’un arrêté préfectoral n’est pas le préfet en personne, il doit avoir agi en vertu d’une délégation de signature.

Dans cette affaire, il a été établi que M. [G] [O] [E], signataire de la saisine, bénéficiait d’une délégation de signature en tant qu’attaché, adjoint à la cheffe du BECA.

Ainsi, le moyen tiré de l’absence de délégation de signature est rejeté, car il est prouvé que la délégation était en vigueur.

Quelles sont les conditions pour prolonger la rétention administrative au-delà de la durée maximale ?

L’article L.742-5 du CESEDA énonce que le juge des libertés et de la détention peut être saisi pour prolonger le maintien en rétention au-delà de la durée maximale prévue à l’article L. 742-4.

Cette prolongation est possible dans certaines situations, notamment si l’étranger a fait obstruction à l’exécution de la décision d’éloignement, ou s’il a présenté une demande de protection contre l’éloignement.

Il est également possible de prolonger la rétention si la décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage.

Dans le cas présent, le juge a constaté que les conditions pour la prolongation n’étaient pas remplies, mais a également noté que la menace à l’ordre public pouvait justifier une prolongation.

Comment la menace à l’ordre public est-elle évaluée dans le cadre de la rétention administrative ?

La menace à l’ordre public est évaluée en tenant compte des antécédents judiciaires de l’individu concerné.

Dans cette affaire, il a été relevé que Monsieur [I] avait plusieurs condamnations récentes, dont des faits de menace de crime et de violences aggravées.

L’article L.742-5 permet au juge de considérer la présence de l’individu comme une menace pour l’ordre public, en fonction de la gravité et de la récurrence des infractions.

Ainsi, les condamnations de Monsieur [I] ont été jugées suffisamment graves pour justifier le maintien de sa rétention, confirmant ainsi l’ordonnance du magistrat.

Quelles sont les voies de recours possibles après l’ordonnance de rétention ?

Après l’ordonnance de rétention, les parties ont la possibilité de se pourvoir en cassation.

Le délai pour former ce pourvoi est de deux mois à compter de la notification de l’ordonnance, comme le précise le Code de procédure civile.

Le pourvoi doit être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation et doit être signé par un avocat au Conseil d’État ou de la Cour de cassation.

Dans cette affaire, il a été clairement indiqué aux parties qu’elles pouvaient exercer ce droit de recours, garantissant ainsi le respect des procédures légales.

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

CHAMBRE 1-11, Rétention Administrative

ORDONNANCE

DU 13 JANVIER 2025

N° RG 25/00073

N° Portalis DBVB-V-B7J-BOGV3

Copie conforme

délivrée le 13 Janvier 2025 par courriel à :

-l’avocat

-le préfet

-le CRA

-le JLD/TJ

-le retenu

-le MP

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance rendue par le magistrat désigné pour le contrôle des mesures d’éloignement et de rétention de Marseille en date du 11 Janvier 2025 à 13h10.

APPELANT

Monsieur [H] [W] [X] [I]

né le 18 Septembre 2001 à [Localité 5] (SENEGAL)

de nationalité Sénégalaise

comparant en visioconférence depuis le centre de rétention administrative de [Localité 6] en application des dispositions de la loi n°2024-42 du 26 janvier 2024.

Assisté de Maître Olivia STROZZI, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, commis d’office.

INTIMÉ

LE PRÉFET DES BOUCHES DU RHONE

Avisé et non représenté

MINISTÈRE PUBLIC

Avisé et non représenté

******

DÉBATS

L’affaire a été débattue en audience publique le 13 Janvier 2025 devant M. Pierre LAROQUE, président de chambre à la cour d’appel délégué par le premier président par ordonnance, assisté de M. Corentin MILLOT, Greffier,

ORDONNANCE

Réputée contradictoire,

Prononcée par mise à disposition au greffe le 13 Janvier 2025 à 13H45,

Signée par M. Pierre LAROQUE, président de chambre et M. Corentin MILLOT, Greffier,

PROCÉDURE ET MOYENS

Vu les articles L 740-1 et suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) ;

Vu l’arrêté préfectoral d’expulsion pris le 16 octobre 2024 et notifié le 29 octobre 2024 à 15h00;

Vu la décision de placement en rétention prise le 11 novembre 2024 par le préfet des Bouches du Rhône notifiée le même jour à 12 novembre 2024 à 11h09 ;

Vu l’ordonnance du 11 Janvier 2025 rendue par le magistrat désigné pour le contrôle des mesures d’éloignement et de rétention décidant le maintien de Monsieur [H] [W] [X] [I] dans des locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire ;

Vu l’appel interjeté le 11 Janvier 2025 à 16h47 par Monsieur [H] [W] [X] [I];

Monsieur [H] [W] [X] [I] a comparu et a déclaré que ‘mes parents sont français, il n’y a que moi qui ne suis pas français. Personne ne m’attend au Sénégal, cela va juste bousiller ma vie. Ma requête de suspension de l’arrêté d’expulsion est en cours et je devrais avoir la réponse d’ici une semaine.

Son avocate a été entendue et a développé oralement les termes de sa déclaration d’appel.

Le représentant de la préfecture n’a pas comparu.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La recevabilité de l’appel contre l’ordonnance du magistrat désigné pour le contrôle des mesures d’éloignement et de rétention n’est pas contestée et les éléments du dossier ne font pas apparaître d’irrégularité.

– Sur le moyen tiré de l’irrecevabilité de la requête préfectorale :

L’article R 741-1 du CESEDA dispose que l’autorité compétente pour ordonner le placement en rétention administrative d’un étranger est le préfet de département et, à [Localité 8], le Préfet de police.

Il en résulte que le signataire d’un arrêté préfectoral, s’il n’est le préfet en personne, doit avoir agi en vertu d’une délégation de signature.

En l’espèce, il résulte du recueil des actes administratifs spécial n°13-2024-005 publié le 4 janvier 2025 que M. [G] [O] [E], qui est le signataire de la saisine du juge délégué du tribunal judiciaire de Marseille, bénéficie bien d’une délégation de signature à cette fin en sa qualité d’attaché, adjoint à la cheffe du BECA.

Il s’ensuit que le moyen tiré de l’absence de délégation de signature manque en fait.

Par ailleurs, l’article R 743-2 du CESEDA dispose que ‘A peine d’irrecevabilité, la requête est motivée, datée et signée, selon le cas, par l’étranger ou son représentant ou par l’autorité administrative qui a ordonné le placement en rétention. Lorsque la requête est formée par l’autorité administrative, elle est accompagnée de toutes pièces justificatives utiles, notamment une copie du registre prévu à l’article L744-2.’

La jurisprudence exige que les requêtes préfectorales sollicitant les prolongations successives de l’étranger placé en situation administrative soient accompagnées d’une copie du registre actualisé.

En l’espèce, la copie actualisée du registre est produite aux débats puisqu’elle mentionne l’ensembles des décisions rendues lors des deux premières prolongations de la rétention administrative de M. [I] ainsi la présentation de ce dernier devant les autorités consulaires sénégalaises le 19 décembre 2024, outre sa prise en charge à l’hôpital le 27 décembre 2024.

Il en résulte que ce registre a été actualisé conformément aux exigences jurisprudentielles exposées par le requérant.

Le moyen, qui manque en fait, sera donc rejeté.

– Sur le moyen tiré de l’absence des conditions de la troisième prolongation :

Aux termes de l’article L.742-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, à titre exceptionnel, le juge des libertés et de la détention peut à nouveau être saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de la durée maximale de rétention prévue à l’article L. 742-4, lorsqu’une des situations suivantes apparaît dans les quinze derniers jours :

1° L’étranger a fait obstruction à l’exécution d’office de la décision d’éloignement ;

2° L’étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d’éloignement :

a) une demande de protection contre l’éloignement au titre du 9° de l’article L. 611-3 ou du 5° de l’article L. 631-3 ;

b) ou une demande d’asile dans les conditions prévues aux articles L. 754-1 et L. 754-3 ;

3° La décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé et qu’il est établi par l’autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai.

Le juge peut également être saisi en cas d’urgence absolue ou de menace à l’ordre public.

En l’espèce, le juge des libertés et de la détention a considéré que les conditions des 1, 2° et 3° dudit article n’étaient pas remplies dès lors que les autorités préfectorales n’avaient pas justifié de la réalisation de l’un de ces hypothèses dans les 15 jours précédents.

Pour autant, il convient de relever que s’agissant d’une demande de troisème prolongation,cette dernière peut être justifiée en cas ‘de menace à l’ordre public’.

En l’espèce, il ressort du casier judiciaire de M. [I] que celui-ci a fait l’objet de trois condamnations relativement récentes, la première ayant été prononcée le 30 mars 2021 pour des faits notamment de menace de crime, et de violences aggravées et les deux suivantes pour faits d’infractions à la législation sur les stupéfiants, la dernière condamnation ayant consisté en une peine de deux ans d’emprisonnement prononcée par le tribunal correctionnel d’Aix-en-Provence le 19 août 2022, laquelle a été assortie de la délivrance d’un mandat de dépôt et de la révocation totale du sursis simple de six mois d’emprisonnement qui avait prononcé par cette même juridiction le 11 janvier précédent.

En l’état de ces condamnations relativement récentes, réitérées, et particulièrement importante s’agissant de la dernière, il sera considéré que la présence de M. [I] sur le territoire français est constitutive d’une menace pour l’ordre public réelle, actuelle et suffisamment grave, au regard du risque de réitération des faits.

Il convient en conséquence de confirmer l’ordonnance dont appel.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement par décision réputée contradictoire en dernier ressort, après débats en audience publique,

Confirmons l’ordonnance du magistrat désigné pour le contrôle des mesures d’éloignement et de rétention en date du 11 Janvier 2025.

Les parties sont avisées qu’elles peuvent se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de cette notification, le pourvoi devant être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation, signé par un avocat au conseil d’Etat ou de la Cour de cassation.

Le greffier Le président

Reçu et pris connaissance le :

Monsieur [H] [W] [X] [I]

Assisté d’un interprète

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-11, Rétentions Administratives

[Adresse 7]

Téléphone : [XXXXXXXX02] – [XXXXXXXX03] – [XXXXXXXX01]

Courriel : [Courriel 4]

Aix-en-Provence, le 13 Janvier 2025

À

– LE PREFET DES BOUCHES DU RHONE

– Monsieur le directeur du centre de rétention administrative de [Localité 6]

– Monsieur le procureur général

– Monsieur le greffier du Juge des libertés et de la détention de MARSEILLE

– Maître Olivia STROZZI

NOTIFICATION D’UNE ORDONNANCE

J’ai l’honneur de vous notifier l’ordonnance ci-jointe rendue le 13 Janvier 2025, suite à l’appel interjeté par :

Monsieur [H] [W] [X] [I]

né le 18 Septembre 2001 à [Localité 5] (SENEGAL)

de nationalité Sénégalaise

Je vous remercie de m’accuser réception du présent envoi.

Le greffier,

VOIE DE RECOURS

Nous prions Monsieur le directeur du centre de rétention administrative de bien vouloir indiquer au retenu qu’il peut se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de cette notification, le pourvoi devant être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation.


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Chat Icon