L’Essentiel : M. [F] [U] [D], né le 03 avril 1996 à [Localité 1], de nationalité sénégalaise, a été placé en rétention administrative par un arrêté préfectoral le 26 octobre 2024. Il a interjeté appel de la prolongation de sa rétention, arguant que les critères de l’article L.742-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers n’étaient pas remplis. La cour a constaté l’absence de preuves établissant une menace à l’ordre public, notant qu’aucune poursuite n’avait été engagée suite à un unique signalement. En conséquence, elle a infirmé l’ordonnance de prolongation et rejeté la requête de la préfecture.
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Identité de l’AppelantM. [F] [U] [D], né le 03 avril 1996 à [Localité 1], de nationalité sénégalaise, a été retenu au centre de rétention administrative. Il a été assisté par Me Hervé Boukobza, avocat de permanence au barreau de Paris, et par Mme [I] [S] [N], interprète en woloff, tout au long de la procédure. Contexte de la RétentionL’appelant a été placé en rétention administrative par un arrêté préfectoral en date du 26 octobre 2024, fondé sur un arrêté portant Obligation de Quitter le Territoire Français (OQTF). Cette mesure a été prolongée pour la quatrième fois par le magistrat du siège le 09 janvier 2025, ordonnant un maintien jusqu’au 24 janvier 2025. Motif de l’AppelM. [F] [U] [D] a interjeté appel de cette décision, arguant que les critères de l’article L.742-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile n’étaient pas remplis. Il a demandé l’infirmation de l’ordonnance de prolongation de sa rétention. Arguments de la CourLa cour a rappelé que le magistrat doit vérifier les diligences de l’administration pour que la rétention ne dure que le temps strictement nécessaire. Elle a précisé que l’administration n’a pas de pouvoir de contrainte sur les autorités consulaires et que le juge ne peut pas imposer des actes sans effectivité. Les critères pour prolonger la rétention ne sont pas cumulatifs, et il suffit que l’administration établisse l’un d’eux. Évaluation de la Menace à l’Ordre PublicConcernant la menace à l’ordre public, la cour a noté qu’il n’y avait eu qu’un unique signalement lié à une garde à vue, sans poursuites engagées. L’absence de nouvelles gardes à vue durant la rétention a également été soulignée. De plus, l’administration n’a pas produit de bulletin n°2 du casier judiciaire, ce qui aurait pu éclairer la situation. Conclusion de la CourLa cour a conclu qu’aucun des critères de l’article L.742-5 n’était établi et qu’aucune obstruction n’avait été démontrée. Par conséquent, elle a infirmé l’ordonnance de prolongation de la rétention et a rejeté la requête de la préfecture. M. [F] [U] [D] a été rappelé à son obligation de quitter le territoire français. |
Q/R juridiques soulevées :
Quels sont les critères de prolongation de la rétention administrative selon l’article L.742-5 ?L’article L.742-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, dans sa rédaction en vigueur depuis le 28 janvier 2024, énonce les conditions dans lesquelles un magistrat peut être saisi pour prolonger le maintien en rétention d’un étranger. Cet article stipule que, à titre exceptionnel, le magistrat peut être saisi pour prolonger la rétention au-delà de la durée maximale prévue à l’article L.742-4, lorsque l’une des situations suivantes apparaît dans les quinze derniers jours : 1° L’étranger a fait obstruction à l’exécution d’office de la décision d’éloignement ; 2° L’étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d’éloignement : a) une demande de protection contre l’éloignement au titre du 5° de l’article L.631-3 ; b) ou une demande d’asile dans les conditions prévues aux articles L.754-1 et L.754-3 ; 3° La décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé, et il est établi par l’autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai. Le juge peut également être saisi en cas d’urgence absolue ou de menace pour l’ordre public. Il est important de noter que les critères énoncés ne sont pas cumulatifs, ce qui signifie qu’il suffit à l’administration d’établir l’un d’eux pour justifier une prolongation de la rétention. Quelle est la portée de l’appréciation de la menace pour l’ordre public ?L’appréciation de la menace pour l’ordre public, qui peut être invoquée par l’administration lors des prolongations de la mesure de rétention, doit être fondée sur des éléments objectifs et démontrés. La jurisprudence a établi que la menace pour l’ordre public doit faire l’objet d’une appréciation in concreto, c’est-à-dire qu’elle doit être évaluée au regard d’un faisceau d’indices permettant d’établir la réalité des faits, la gravité, la récurrence ou la réitération, et l’actualité de la menace selon le comportement de l’intéressé. Il est également précisé que la commission d’une infraction pénale, à elle seule, ne suffit pas à établir que le comportement de l’intéressé constitue une menace pour l’ordre public. Ainsi, la cour a rappelé que l’administration doit produire des éléments concrets pour justifier la prolongation de la rétention sur ce fondement, et que l’absence de poursuites ou d’éléments nouveaux durant la rétention peut affaiblir cette justification. Quelles sont les conséquences de l’absence de réponse des autorités consulaires ?Dans le cas présent, l’absence de réponse des autorités consulaires sénégalaises, saisies depuis le début de la rétention de M. [F] [U] [D], a des conséquences significatives sur la décision de prolongation de la rétention. L’article L.742-5 stipule que la décision d’éloignement ne peut être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat, et que l’administration doit établir que cette délivrance doit intervenir à bref délai. En l’absence de preuve que les documents de voyage seront disponibles rapidement, la cour a conclu qu’il n’était pas justifié de prolonger la rétention. Cela souligne l’importance pour l’administration de démontrer non seulement l’absence de coopération des autorités consulaires, mais aussi la possibilité d’une issue rapide à la situation de l’étranger. Quels sont les recours possibles après l’ordonnance de la cour ?Suite à l’ordonnance rendue par la cour, plusieurs voies de recours sont ouvertes. L’ordonnance n’est pas susceptible d’opposition, mais le pourvoi en cassation est accessible à l’étranger, à l’autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d’attente ou la rétention, ainsi qu’au ministère public. Le délai pour former un pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification de l’ordonnance. Le pourvoi doit être formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l’avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur. Ces dispositions garantissent un contrôle judiciaire sur les décisions de rétention administrative, permettant ainsi de protéger les droits des étrangers concernés. |
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
L. 742-1 et suivants du Code de l’entrée et du séjour
des étrangers et du droit d’asile
ORDONNANCE DU 13 JANVIER 2025
(1 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général et de décision : B N° RG 25/00165 – N° Portalis 35L7-V-B7J-CKTDC
Décision déférée : ordonnance rendue le 09 janvier 2025, à 15h45, par le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Paris
Nous, Elise Thevenin-Scott, conseillère à la cour d’appel de Paris, agissant par délégation du premier président de cette cour, assistée de Roxanne Therasse, greffière aux débats et au prononcé de l’ordonnance,
M. [F] [U] [D]
né le 03 avril 1996 à [Localité 1], de nationalité sénégalaise
RETENU au centre de rétention : [2]
assisté de Me Hervé Boukobza, avocat de permanence au barreau de Paris et de Mme [I] [S] [N] (Interprète en woloff) tout au long de la procédure devant la cour et lors de la notification de la présente ordonnance, serment préalablement prêté
INTIMÉ :
LE PREFET DE POLICE
représenté par Me Nicolas Suarez Pedroza du cabinet Actis Avocats, avocat au barreau du Val-de-Marne
MINISTÈRE PUBLIC, avisé de la date et de l’heure de l’audience
ORDONNANCE :
– contradictoire
– prononcée en audience publique
– Vu le décret n° 2024-799 du 2 juillet 2024 pris pour l’application du titre VII de la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, relatif à la simplification des règles du contentieux ;
Constatant qu’aucune salle d’audience attribuée au ministère de la justice spécialement aménagée à proximité immédiate du lieu de rétention n’est disponible pour l’audience de ce jour ;
– Vu l’ordonnance du 09 janvier 2025 du magistrat du siège du tribunal judiciaire de Paris rejetant les moyens soulevés et ordonnant la prolongation du maintien de M. [F] [U] [D], dans les locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire, pour une durée maximale de 15 jours, soit jusqu’au 24 janvier 2025 ;
– Vu l’appel motivé interjeté le 10 janvier 2025, à 14h16 complété à 14h28, par M. [F] [U] [D] ;
– Après avoir entendu les observations :
– de M. [F] [U] [D], assisté de son avocat, qui demande l’infirmation de l’ordonnance ;
– du conseil du préfet de police tendant à la confirmation de l’ordonnance ;
Monsieur [F] [U] [D], né le 03 avril 1996 à [Localité 1] (Sénégal), a été placé en rétention administrative par arrêté préfectoral en date du 26 octobre 2024, sur le fondement d’un arrêté préfectoral portant OQTF en date du même jour.
La mesure a été prolongée pour la quatrième fois par le magistrat du siège en charge du contrôle des mesures restrictives et privatives de liberté de Paris le 09 janvier 2025.
Monsieur [F] [U] [D] a interjeté appel de cette décision au motif que, selon lui, aucun des critères de l’article L.742-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ne serait rempli.
Réponse de la cour :
S’il appartient au magistrat du siège, en application de l’article L. 741-3 du même code, de rechercher concrètement les diligences accomplies par l’administration pour permettre que l’étranger ne soit maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ, ce qui requiert dès le placement en rétention, une saisine effective des services compétents pour rendre possible le retour, en revanche, l’administration française ne dispose d’aucun pouvoir de contrainte sur les autorités consulaires (1re Civ., 9 juin 2010, pourvoi n° 09-12.165) et le juge ne saurait imposer à l’administration la réalisation d’acte sans véritable effectivité.
En application de l’article L.742-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile dans sa rédaction en vigueur depuis le 28 janvier 2024 :
« A titre exceptionnel, le magistrat du siège peut à nouveau être saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de la durée maximale de rétention prévue à l’article L. 742-4, lorsqu’une des situations suivantes apparait dans les quinze derniers jours :
1° L’étranger a fait obstruction à l’exécution d’office de la décision d’éloignement ;
2° L’étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d’éloignement :
a) une demande de protection contre l’éloignement au titre du 5° de l’article L. 631-3 ;
b) ou une demande d’asile dans les conditions prévues aux articles L. 754-1 et L. 754-3 ;
3° La décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé et qu’il est établi par l’autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai.
Le juge peut également être saisi en cas d’urgence absolue ou de menace pour l’ordre public.
L’étranger est maintenu en rétention jusqu’à ce que le juge ait statué.
Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l’expiration de la dernière période de rétention pour une nouvelle période d’une durée maximale de quinze jours.
Si l’une des circonstances mentionnées aux 1°, 2° ou 3° ou au septième alinéa du présent article survient au cours de la prolongation exceptionnelle ordonnée en application de l’avant-dernier alinéa, elle peut être renouvelée une fois, dans les mêmes conditions. La durée maximale de la rétention n’excède alors pas quatre-vingt-dix jours. »
Les critères énoncés ci-dessus n’étant pas cumulatifs, il suffit à l’administration d’établir l’un d’eux pour justifier d’une prolongation de la rétention.
Pour l’application du dernier alinéa de l’article précité à la requête en quatrième prolongation, créé par la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024, il appartient à l’administration de caractériser l’urgence absolue ou la menace pour l’ordre public établie dans les 15 jours qui précèdent la saisine du juge.
S’agissant de la menace à l’ordre public, critère pouvant être mobilisé par l’administration à l’occasion des troisième et quatrième prolongations de la mesure de rétention elle impose, compte tenu du caractère dérogatoire et exceptionnel de ces ultimes prolongations, une vigilance particulière sur les conditions retenues pour qualifier ladite menace qui doit se fonder sur des éléments positifs, objectifs et démontrés par l’administration. Elle a pour objectif manifeste de prévenir, pour l’avenir, les agissements dangereux commis par des personnes en situation irrégulière sur le territoire national.
La menace pour l’ordre public doit faire l’objet d’une appréciation in concreto, au regard d’un faisceau d’indices permettant, ou non, d’établir la réalité des faits, la gravité, la récurrence ou la réitération, et l’actualité de la menace selon le comportement de l’intéressé.
La commission d’une infraction pénale n’est pas de nature, à elle seule, à établir que le comportement de l’intéressé présenterait une menace pour l’ordre public (CE, 16 mars 2005, n° 269313, Mme X., A ; CE, 12 février 2014, ministre de l’intérieur, n° 365644, A).
L’appréciation de cette menace doit prendre en considération les risques objectifs que l’étranger en situation irrégulière fait peser sur l’ordre public (CE, Réf. N°389959, 7 mai 2015, ministre de l’intérieur, B).
En l’espèce, en l’absence de réponse des autorités consulaires sénégalaises saisies depuis le début du placement en rétention de Monsieur [F] [U] [D], et alors que la mesure prendra fin dans quinze jours, il n’est pas établi par la préfecture qu’elle sera en mesure de disposer de documents de voyage à bref délai.
S’agissant de la menace à l’ordre public, Monsieur [F] [U] [D] a fait l’objet d’un unique signalement au FAED relatif à la mesure de garde à vue ayant immédiatement précédé la mesure de rétention. Aucune poursuite n’a été engagée à l’issue, si l’enquête semble toujours en cours, force est de constater que durant toute la mesure de rétention aucune nouvelle garde à vue aux fins d’audition du retenu n’a été ordonnée et aucune poursuite n’a été diligentée.
Enfin, la cour observe que l’administration s’abstient de la production d’un bulletin n°2 du casier judiciaire alors même qu’elle a la possibilité d’en solliciter un en application des article 776 et R.79-1° du code de procédure pénale, pièce qui serait de nature à établir avec certitude les antécédents pénaux du retenu, et donc à apprécier la menace à l’ordre public alléguée.
En définitive, aucun de critères de l’article 742-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile n’étant établi, aucune obstruction n’étant démontrée, c’est à tort que le premier juge à fait droit à la demande de quatrième prolongation. La décision sera donc infirmée et la requête de la préfecture rejetée.
INFIRMONS l’ordonnance
Statuant à nouveau,
REJETONS la requête
DISONS n’y avoir lieu à prolongation de la rétention administrative de M. [F] [U] [D] ,
RAPPELONS à M. [F] [U] [D] qu’il a l’obligation de quitter le territoire français,
ORDONNONS la remise immédiate au procureur général d’une expédition de la présente ordonnance.
Fait à Paris le 13 janvier 2025 à
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
REÇU NOTIFICATION DE L’ORDONNANCE ET DE L’EXERCICE DES VOIES DE RECOURS : Pour information : L’ordonnance n’est pas susceptible d’opposition.
Le pourvoi en cassation est ouvert à l’étranger, à l’autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d’attente ou la rétention et au ministère public.
Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification.
Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l’avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.
Le préfet ou son représentant L’intéressé L’interprète L’avocat de l’intéressé
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