Rétention administrative : évaluation des motifs et des droits individuels.

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Rétention administrative : évaluation des motifs et des droits individuels.

L’Essentiel : Le 31 décembre 2024, le préfet du Puy-de-Dôme a refusé le renouvellement du titre de séjour de [I] [H] [T], ordonnant une obligation de quitter le territoire français. Contestant cette décision, [I] [H] [T] a saisi le tribunal administratif. Le 7 janvier 2025, il a été placé en rétention administrative. Le juge des libertés a ensuite jugé irrégulière cette décision et ordonné sa remise en liberté. Cependant, le procureur a interjeté appel, soutenant la légitimité du placement. Lors de l’audience du 12 janvier, le tribunal a finalement infirmé l’ordonnance initiale, prolongeant la rétention de [I] [H] [T] pour vingt-six jours.

Refus de renouvellement de titre de séjour

Le 31 décembre 2024, le préfet du Puy-de-Dôme a refusé la demande de renouvellement de titre de séjour de [I] [H] [T] et a ordonné une obligation de quitter le territoire français sans délai, accompagnée d’une interdiction de retour pendant cinq ans. Cette décision a été notifiée le même jour, et [I] [H] [T] a contesté cette décision devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand.

Placement en rétention administrative

Le 7 janvier 2025, l’autorité administrative a décidé de placer [I] [H] [T] en rétention dans des locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire. Le 9 janvier 2025, [I] [H] [T] a déposé une requête pour contester cette décision de placement en rétention.

Demande de prolongation de la rétention

Le même jour, le préfet du Puy-de-Dôme a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon pour demander la prolongation de la rétention de [I] [H] [T] pour une durée de vingt-six jours.

Ordonnance du juge des libertés

Dans son ordonnance du 10 janvier 2025, le juge a ordonné la jonction des deux procédures, a déclaré recevable la requête de [I] [H] [T], a jugé irrégulière la décision de placement en rétention et a ordonné sa remise en liberté, tout en déclarant qu’il n’y avait pas lieu de statuer sur la demande de prolongation.

Appel du procureur de la République

Le procureur de la République a interjeté appel de cette ordonnance le 11 janvier 2025, soutenant que le placement en rétention était suffisamment motivé et qu’il n’y avait pas d’erreur manifeste d’appréciation. Il a demandé l’infirmation de l’ordonnance et l’acceptation de la requête en prolongation de la rétention.

Audience du 12 janvier 2025

Les parties ont été convoquées à l’audience du 12 janvier 2025. [I] [H] [T] n’a pas comparu, mais était représenté par son avocat. Le ministère public a soutenu l’appel, tandis que le préfet a également demandé l’infirmation de l’ordonnance.

Arguments de la défense

L’avocat de [I] [H] [T] a plaidé pour la confirmation de l’ordonnance, soulignant que son client réside en France depuis l’âge de 8 ans et a des liens familiaux stables. Il a également mentionné que la menace à l’ordre public était révolue.

Motivation de la décision

Le tribunal a examiné la recevabilité de l’appel et a constaté que la décision de placement en rétention était suffisamment motivée. Il a noté que le préfet avait pris en compte les antécédents judiciaires de [I] [H] [T] et les éléments de sa situation personnelle pour justifier le placement en rétention.

Conclusion de la procédure

En conséquence, l’ordonnance du juge des libertés a été infirmée, et la prolongation du maintien en rétention de [I] [H] [T] a été ordonnée pour une durée de vingt-six jours.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la base légale du placement en rétention administrative ?

Le placement en rétention administrative est régi par l’article L. 741-6 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA). Cet article stipule que :

« La décision de placement en rétention est écrite et motivée. Cette motivation doit retracer les motifs positifs de fait et de droit qui ont guidé l’administration pour prendre sa décision. »

Il est également précisé que l’autorité administrative doit expliciter les raisons pour lesquelles la personne a été placée en rétention, en tenant compte des éléments factuels pertinents liés à la situation individuelle de l’intéressé.

Ainsi, dans le cas de [I] [H] [T], le préfet du PUY DE DOME a justifié sa décision en se basant sur plusieurs condamnations pénales, l’absence de documents d’identité valides, et des éléments concernant sa situation familiale.

Ces éléments montrent que le préfet a pris en compte la situation personnelle de l’intéressé, ce qui est conforme aux exigences de l’article L. 741-6 du CESEDA.

Quelles sont les conditions de prolongation de la rétention administrative ?

La prolongation de la rétention administrative est également encadrée par le CESEDA, notamment par l’article L. 552-1. Cet article stipule que :

« La rétention peut être prolongée par le juge des libertés et de la détention, à la demande de l’autorité administrative, pour une durée maximale de vingt-six jours. »

Il est important de noter que cette prolongation doit être justifiée par des éléments factuels et doit respecter les droits de la personne retenue. Le juge doit examiner si les conditions de la rétention sont toujours remplies et si la prolongation est nécessaire.

Dans le cas présent, le préfet a demandé la prolongation de la rétention de [I] [H] [T] pour une durée de vingt-six jours, ce qui est conforme à la législation en vigueur. Le juge des libertés et de la détention a ensuite statué sur cette demande, en tenant compte des éléments présentés par le ministère public et la défense.

Quels sont les droits de la personne retenue en rétention administrative ?

Les droits des personnes en rétention administrative sont protégés par plusieurs dispositions légales, notamment l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, qui garantit le droit au respect de la vie privée et familiale. Cet article stipule que :

« Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. »

En outre, le CESEDA prévoit que les personnes retenues ont le droit d’être informées des raisons de leur rétention, de contester cette décision devant un juge, et d’être assistées par un avocat.

Dans le cas de [I] [H] [T], il a eu la possibilité de contester sa rétention devant le juge des libertés et de la détention, ce qui témoigne du respect de ses droits. De plus, sa situation familiale a été examinée, notamment en ce qui concerne ses enfants et sa compagne, ce qui est essentiel pour évaluer l’impact de la rétention sur sa vie familiale.

Quelles sont les conséquences d’une décision de placement en rétention irrégulière ?

Lorsqu’une décision de placement en rétention est déclarée irrégulière, comme cela a été le cas dans l’ordonnance initiale, cela entraîne des conséquences significatives. Selon le principe de droit administratif, une décision irrégulière doit être annulée, et la personne concernée doit être remise en liberté.

L’article L. 552-3 du CESEDA précise que :

« La personne retenue doit être remise en liberté si le juge des libertés et de la détention constate que la rétention est irrégulière. »

Dans le cas de [I] [H] [T], le juge a déclaré la décision de placement en rétention irrégulière, ce qui a conduit à son ordonnance de remise en liberté. Cependant, cette décision a été contestée par le procureur de la République, qui a interjeté appel, entraînant une nouvelle évaluation de la situation.

Ainsi, la reconnaissance d’une irrégularité dans le placement en rétention a des implications directes sur la liberté de l’individu et sur la légalité des actions de l’administration.

N° RG 25/00234 – N° Portalis DBVX-V-B7J-QDPU

Nom du ressortissant :

[I] [H] [T]

PREFET DU PUY DE DOME

PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE

C/

[T]

PREFET DU PUY DE DOME

COUR D’APPEL DE LYON

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

ORDONNANCE SUR APPEL AU FOND

EN DATE DU 12 JANVIER 2025

statuant en matière de Rétentions Administratives des Etrangers

Nous, Anne DU BESSET, conseiller à la cour d’appel de Lyon, déléguée par ordonnance de madame la première présidente de ladite Cour en date du 02 Janvier 2025 pour statuer sur les procédures ouvertes en application des articles L.342-7, L. 342-12, L. 743-11 et L. 743-21 du code d’entrée et de séjour des étrangers en France et du droit d’asile,

Assistée de Céline DESPLANCHES, greffier,

En présence du ministère public, représenté par Amélie CLADIERE, substitut général près la cour d’appel de Lyon,

En audience publique du 12 Janvier 2025 dans la procédure suivie entre :

APPELANT :

Monsieur le Procureur de la République

près le tribunal de judiciaire de Lyon

représenté par le parquet général de Lyon

ET

INTIMES :

M. [I] [H] [T]

né le 29 Janvier 1990 à [Localité 3] (ALGERIE)

de nationalité Algérienne

Actuellement retenu au CRA 2

Comparant assisté de Maître Julie IMBERT MINII, avocate au barreau de LYON, de permanence

M. PREFET DU PUY DE DOME

[Adresse 1]

[Localité 2]

Ayant pour avocat Maître Jean-Paul TOMASI, avocat au barreau de LYON,

Avons mis l’affaire en délibéré au 12 Janvier 2025 à 16H00 et à cette date et heure prononcé l’ordonnance dont la teneur suit :

FAITS ET PROCÉDURE

Par décision du 31 décembre 2024, le préfet du PUY DE DOME a refusé la demande de renouvellement de son titre de séjour formée par [I] [H] [T] et une obligation de quitter le territoire français sans délai avec interdiction de retour pendant 5 ans a été prise à son encontre, décision qui lui a été notifiée le jour même. [I] [H] [T] a contesté cette décision le même jour devant le tribunal administratif de Clermont Ferrand, recours qui est actuellement pendant.

Par décision du 7 janvier 2025, l’autorité administrative a ordonné le placement de [I] [H] [T] en rétention dans les locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire à compter du 7 janvier 2025.

Suivant requête du 9 janvier 2025, réceptionnée par le greffe du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon le 9 janvier 2025 à 16h46, [I] [H] [T] a contesté cette décision de placement en rétention administrative prise par le préfet du PUY DE DOME.

Suivant requête du 9 janvier 2025 reçue à 14h51, le préfet du PUY DE DOME a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon aux fins de voir ordonner la prolongation de la rétention pour une durée de vingt-six jours.

Le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon, dans son ordonnance du 10 janvier 2025 à 18h10, a :

‘ ordonné la jonction des deux procédures,

‘ déclaré recevable en la forme la requête de [I] [H] [T],

‘ déclaré irrégulière la décision de placement en rétention prononcée à son encontre et ordonné en conséquence sa remise en liberté,

‘ dit n’y avoir lieu à statuer sur la requête en prolongation de la rétention administrative.

Le procureur de la République a interjeté appel de cette ordonnance avec demande d’effet suspensif par déclaration au greffe le 11 janvier 2025 à 10h30, appel déclaré recevable et suspensif par ordonnance du 11 janvier 2025 à 15h, en faisant valoir notamment que le placement en rétention est suffisamment motivé en fait et en droit, et ne comporte pas d’erreur manifeste d’appréciation notamment sur l’existence d’une menace à l’ordre public qui est bien caractérisée, que le retenu n’a pas de passeport valide ni de domicile familial stable, vu la contradiction entre celui déclaré lors de son audition et lors de sa levée d’écrou ;

Le procureur de la République a demandé l’infirmation de l’ordonnance déférée et qu’il soit fait droit à la requête en prolongation de la préfecture.

Les parties ont été régulièrement convoquées à l’audience du 12 janvier 2025 à 10 heures 30.

[I] [H] [T] n’a pas comparu, ayant refusé de se présenter sans plus de précisions, mais il était représenté par son avocat.

Le ministère public a été entendu en ses réquisitions aux fins de soutenir son appel, soulignant notamment que la stabilité familiale alléguée n’est pas établie, le retenu s’étant vu retirer son autorité parentale avec interdiction de rencontre avec son ex-compagne.

Le préfet, représenté par son conseil, a demandé l’infirmation de l’ordonnance déférée et qu’il soit fait droit à sa requête en prolongation.

Le conseil de [I] [H] [T] a été entendu en sa plaidoirie aux fins de confirmation de l’ordonnance et que le retenu soit remis en liberté, soulignant que celui-ci réside en France depuis l’âge de 8 ans, a toujours eu jusque récemment un titre de séjour dont il avait demandé le renouvellement et qu’il a des garanties de représentation et une situation familiale stable avec sa compagne, [W] [D], qui l’héberge et venait le visiter en détention, le couple ayant trois enfants mineurs communs à charge ; que le domicile déclaré à la levée d’écrou était leur ancien domicile, avant déménagement ; qu’il a certes eu une aventure ‘extra-conjugale’ (dont est issu un enfant) avec une femme qui a porté plainte contre lui pour violence, mais que cela ne remet pas en cause sa situation conjugale qui reste stable ; que la menace à l’ordre public à supposer qu’elle ait existé serait révolue, le retenu s’étant amendé.

MOTIVATION

Sur la recevabilité de l’appel

Attendu que l’appel du ministère public a déjà été déclaré recevable ;

Sur le moyen pris de l’insuffisance de la motivation de la décision de placement en rétention administrative et du défaut d’examen de la situation individuelle et de l’erreur manifeste d’appréciation

Attendu qu’il résulte de l’article L. 741-6 du CESEDA que la décision de placement en rétention est écrite et motivée ;

Que cette motivation se doit de retracer les motifs positifs de fait et de droit qui ont guidé l’administration pour prendre sa décision, ce qui signifie que l’autorité administrative n’a pas à énoncer, puis à expliquer pourquoi elle a écarté les éléments favorables à une autre solution que la privation de liberté ;

Que pour autant, l’arrêté doit expliciter la raison ou les raisons pour lesquelles la personne a été placée en rétention au regard d’éléments factuels pertinents liés à la situation individuelle et personnelle de l’intéressé, et ce au jour où l’autorité administrative prend sa décision en fonction des éléments dont elle a connaissance, sans avoir à relater avec exhaustivité l’intégralité des allégations de la personne concernée ;

Attendu que l’arrêté de placement de [I] [H] [T] en rétention par le préfet du PUY DE DOME apparaît suffisamment motivé en droit et en fait, en ce que :

– il reprend précisément 5 condamnations pénales prononcées à son encontre entre 2019 et pour la dernière le 15 juin 2023 à 8 mois d’emprisonnement, interdiction de rencontrer la victime, interdiction de détenir ou porter une arme soumise à autorisation pour une durée de 5 ans et retrait de l’autorité parentale, pour violence sans incapacité en présence d’un mineur par conjoint ou ex-conjoint, et fait état de l’incarcération consécutive en exécution de l’intéressé du 13 juillet 2023 au 7 janvier 2025, ce dont il déduit que la menace à l’ordre public qu’il représente est caractérisée ;

– il énonce que les carte nationale d’identité et passeport algérien de l’intéressé n’ont pas été remis, mais seulement leur copie, et que le retenu a donné une adresse différente à sa levée d’écrou de celle de sa compagne ;

– il fait état de ce que le retenu a fait état lors de son audition du 23 décembre 2024 de son concubinage avec [W] [D], de nationalité française, et être le père de trois filles mineures de nationalité française, dont les noms et date de naissance (entre 2017 et 2021) sont précisés, alors qu’il résulte du jugement précité du 15 juin 2023 qu’il s’est vu retirer l’autorité parentale sur un de ses enfants et qu’il a l’interdiction de rencontrer son ex-compagne ; qu’il n’est pas justifié que ses oncle, grand-mère, tante neveux et nièces résideraient en France et qu’il n’aurait plus d’attaches en Algérie où il est retourné en 2018, de sorte qu’il n’y aurait pas d’atteinte disproportionnée à son droit à la vie familiale protégé par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme ;

Attendu qu’il n’apparaît pas, compte tenu de l’ensemble de ces éléments qui atteste notamment que le retenu souhaite rester en France, que l’examen du préfet ait manqué de sérieux, même s’il est indiqué par la défense du retenu sans contradiction avec cette motivation que celui-ci vit en France depuis 2001 et que la femme objet des violences ne serait pas [W] [D], la compagne habituelle de [I] [H] [T], mais une relation passagère et que l’enfant en présence de qui les violences ont eu lieu qui a fait l’objet d’un retrait de l’autorité parentale serait un quatrième enfant de l’intéressé, issu de cette liaison (enfant dont au demeurant l’intéressé n’avait pas fait état lors de son audition par la PAF le 23 décembre 2024) ;

Attendu qu’il convient de retenir que le préfet du PUY DE DOME a pris en considération les éléments de la situation personnelle de [I] [H] [T] pour motiver son arrêté de manière suffisante et circonstanciée et qu’il n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation sur les conséquences à en tirer, à savoir son placement en rétention ;

Que le moyen tiré de l’insuffisance de motivation et de l’erreur manifeste d’appréciation ne pouvait être accueilli ;

Attendu qu’en conséquence, l’ordonnance entreprise est infirmée et il sera fait droit à la requête du préfet ;

PAR CES MOTIFS

Vu l’ordonnance déclarant l’appel du ministère public recevable et suspensif ;

Infirmons l’ordonnance déférée, excepté en ce qu’elle déclare les requêtes recevables ;

Statuant de nouveau,

Déclarons la procédure régulière ;

Ordonnons la prolongation du maintien en rétention de [I] [H] [T] dans les locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire pour une durée de vingt-six jours ;

Le greffier, Le conseiller délégué,

Céline DESPLANCHES Anne DU BESSET


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