Prolongation de rétention : conditions et appréciation de la menace à l’ordre public

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Prolongation de rétention : conditions et appréciation de la menace à l’ordre public

L’Essentiel : M. [P] [B] [G], né le 17 février 1992 au Sénégal, est en rétention administrative au centre de [Localité 7]. Lors de l’audience du 10 janvier 2025, il conteste la prolongation de sa rétention, arguant qu’il ne représente pas une menace pour l’ordre public. La cour a examiné les preuves concernant la délivrance de documents de voyage, concluant que l’administration n’a pas justifié la prolongation. Finalement, l’appel a été déclaré recevable et l’ordonnance de prolongation infirmée, ordonnant sa remise en liberté immédiate, tout en lui rappelant son obligation de quitter le territoire.

Identité de l’Appelant

M. [P] [B] [G], né le 17 février 1992 à [Localité 6] au Sénégal, est de nationalité sénégalaise. Il se trouve actuellement en rétention administrative au centre de rétention d'[Localité 7], où il comparaît par visioconférence, assisté de son avocat, Me Chloé BEAUFRETON.

Contexte de l’Audience

L’audience publique s’est tenue le 10 janvier 2025 à 14h00 au Palais de Justice d’Orléans, conformément aux dispositions du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA). La préfecture de la Gironde n’était pas représentée, et le ministère public a été informé de la date et de l’heure de l’audience.

Ordonnance de Prolongation de Rétention

Le tribunal judiciaire d’Orléans a rendu une ordonnance le 8 janvier 2025, prolongeant la rétention de M. [P] [B] [G] pour un maximum de quinze jours. L’appel de cette ordonnance a été interjeté le 9 janvier 2025.

Arguments de l’Appelant

M. [P] [B] [G] conteste la prolongation de sa rétention, arguant qu’il ne représente pas une menace pour l’ordre public et que les conditions de l’article L. 742-5 du CESEDA ne sont pas remplies. Il remet en question l’analyse du premier juge concernant son comportement et l’obstruction à l’exécution de la décision d’éloignement.

Éléments de Preuve et Diligences Administratives

La cour a examiné les éléments de preuve concernant la délivrance des documents de voyage par le consulat sénégalais. Malgré des démarches entreprises, l’administration n’a pas pu prouver que la délivrance d’un laissez-passer était imminente, ce qui ne justifie pas la prolongation de la rétention.

Menace à l’Ordre Public

La préfecture a également invoqué une menace à l’ordre public. La cour a souligné que cette notion doit être caractérisée par des éléments concrets et actuels. Les antécédents judiciaires de M. [P] [B] [G], notamment une condamnation pour violences conjugales, ont été pris en compte, mais son comportement en détention et en rétention a été jugé stable.

Décision de la Cour

La cour a déclaré recevable l’appel de M. [P] [B] [G] et a infirmé l’ordonnance du tribunal judiciaire d’Orléans. Elle a décidé qu’il n’y avait pas lieu à prolongation de la rétention et a ordonné la remise en liberté immédiate de l’intéressé, tout en lui rappelant son obligation de quitter le territoire.

Notifications et Voies de Recours

L’ordonnance a été notifiée aux parties concernées, et il a été précisé que celle-ci n’est pas susceptible d’opposition. Un pourvoi en cassation est ouvert à l’étranger, à l’autorité administrative et au ministère public, avec un délai de deux mois pour le former.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions de prolongation de la rétention administrative selon l’article L. 742-5 du CESEDA ?

L’article L. 742-5 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) stipule que, à titre exceptionnel, le magistrat du siège du tribunal judiciaire peut être saisi pour prolonger le maintien en rétention au-delà de la durée maximale prévue à l’article L. 742-4, dans certaines situations survenant dans les quinze derniers jours de la rétention.

Ces situations incluent :

1. L’étranger a fait obstruction à l’exécution d’office de la décision d’éloignement.

2. L’étranger a présenté, dans le but de faire échec à la décision d’éloignement :

a) une demande de protection contre l’éloignement,

b) ou une demande d’asile.

3. La décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat, et il est établi que cette délivrance doit intervenir à bref délai.

Le juge peut également être saisi en cas d’urgence absolue ou de menace pour l’ordre public. Si le juge ordonne la prolongation, celle-ci court pour une nouvelle période maximale de quinze jours.

Il est important de noter que si l’une des circonstances mentionnées survient durant la prolongation, celle-ci peut être renouvelée une fois, sans que la durée maximale de rétention n’excède quatre-vingt-dix jours.

Comment le tribunal a-t-il évalué la menace pour l’ordre public dans le cas de M. [P] [B] [G] ?

Le tribunal a examiné la notion de menace pour l’ordre public en se basant sur le septième alinéa de l’article L. 742-5 du CESEDA, qui a été introduit par la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024. Cette notion vise à prévenir les agissements dangereux de personnes en situation irrégulière sur le territoire national.

Le Conseil d’État a établi que cette notion doit faire l’objet d’un contrôle normal par le juge administratif, qui doit apprécier la caractérisation de la menace pour l’ordre public en tenant compte d’un faisceau d’indices. Cela inclut :

– La réalité, la gravité et l’actualité de la menace,
– La récurrence ou la réitération des faits reprochés,
– L’ancienneté des faits.

Le tribunal a également pris en compte l’attitude positive de l’intéressé, son comportement en détention, ainsi que ses projets de réinsertion.

Dans le cas de M. [P] [B] [G], bien que des antécédents judiciaires aient été relevés, le tribunal a constaté qu’il n’avait pas persisté dans un comportement troublant l’ordre public depuis sa condamnation.

Ainsi, la menace à l’ordre public n’a pas été jugée suffisamment caractérisée pour justifier une prolongation de la rétention.

Quelles sont les implications de l’absence de délivrance des documents de voyage par le consulat ?

L’article L. 742-5 du CESEDA précise que la prolongation de la rétention peut être justifiée si la décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat.

Il est nécessaire que l’autorité administrative prouve que cette délivrance doit intervenir à bref délai.

Dans le cas de M. [P] [B] [G], l’administration a fourni des éléments indiquant qu’une demande de laissez-passer avait été faite au consulat du Sénégal, mais il n’a pas été démontré que la délivrance de ce document était imminente.

Les courriels échangés avec le consulat ont montré que la procédure d’authentification du passeport nécessitait une étude approfondie, et malgré des relances, aucune réponse n’avait été obtenue.

Ainsi, l’absence de preuve de délivrance à brève échéance d’un laissez-passer a conduit le tribunal à conclure qu’il n’y avait pas de fondement pour une prolongation exceptionnelle de la rétention.

Quels sont les droits de M. [P] [B] [G] suite à la décision du tribunal ?

Suite à la décision du tribunal, M. [P] [B] [G] a été ordonné à être remis en liberté immédiate.

Il est rappelé à l’intéressé qu’il a l’obligation de quitter le territoire.

Cette décision est conforme aux droits des étrangers en matière de rétention administrative, qui stipulent que la rétention ne peut être prolongée que dans des conditions strictement définies par la loi.

Le tribunal a également précisé que l’ordonnance n’est pas susceptible d’opposition, mais qu’un pourvoi en cassation est ouvert à l’étranger, à l’autorité administrative ayant prononcé le maintien de la rétention, et au ministère public.

Le délai pour former ce pourvoi est de deux mois à compter de la notification de la décision.

M. [P] [B] [G] a donc la possibilité de contester la décision par les voies légales prévues, tout en étant informé de ses obligations en matière de séjour sur le territoire français.

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL D’ORLÉANS

Rétention Administrative

des Ressortissants Étrangers

ORDONNANCE du 10 JANVIER 2025

Minute N° 34

N° RG 25/00095 – N° Portalis DBVN-V-B7J-HEJQ

(1 pages)

Décision déférée : ordonnance du tribunal judiciaire d’Orléans en date du 08 janvier 2025 à 12h05

Nous, Cécile DUGENET, juge placée auprès de la Première présidente de la Cour d’appel d’Orléans, déléguée à la cour d’appel d’Orléans pour y exercer les fonctions de conseillère affectée à la chambre des urgences, par ordonnance n° 439/2024 de Madame la Première Présidente de la cour d’appel d’Orléans, en date du 18 décembre 2024 assistée de Odalene DE AZEVEDO ALCANTARA, greffier aux débats et au prononcé de l’ordonnance,

APPELANT :

M. [P] [B] [G]

né le 17 Février 1992 à [Localité 6] (SENEGAL), de nationalité sénégalaise,

actuellement en rétention administrative au centre de rétention administrative d'[Localité 7] dans des locaux ne dépendant pas de l’administration pénitentiaire,

comparant par visioconférence, assisté de par Me Chloé BEAUFRETON, avocat au barreau d’ORLEANS,

n’ayant pas solliciter l’assistance d’un interprète.

INTIMÉE :

LA PREFECTURE DELA GIRONDE

non comparante, non représentée ;

MINISTÈRE PUBLIC : avisé de la date et de l’heure de l’audience ;

À notre audience publique tenue en visioconférence au Palais de Justice d’Orléans le 10 janvier 2025 à 14 H 00, conformément à l’article L. 743-7 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), aucune salle d’audience attribuée au ministère de la justice spécialement aménagée à proximité immédiate du lieu de rétention n’étant disponible pour l’audience de ce jour ;

Statuant en application des articles L. 743-21 à L. 743-23 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), et des articles R. 743-10 à R. 743-20 du même code ;

Vu l’ordonnance rendue le 08 janvier 2025 à 12h05 par le tribunal judiciaire d’Orléans ordonnant la prolongation du maintien de M. [P] [B] [G] dans les locaux non pénitentiaires pour un délai maximum de quinze jours à compter du 08/01/2025 ;

Vu l’appel de ladite ordonnance interjeté le 09 janvier 2025 à 09h04 par M. [P] [B] [G] ;

Après avoir entendu :

– Me Chloé BEAUFRETON, en sa plaidoirie,

– M. [P] [B] [G], en ses observations, ayant eu la parole en dernier ;

AVONS RENDU ce jour l’ordonnance publique et contradictoire suivante :

Aux termes de l’article L. 742-5 du CESEDA : « A titre exceptionnel, le magistrat du siège du tribunal judiciaire peut à nouveau être saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de la durée maximale de rétention prévue à l’article L. 742-4, lorsqu’une des situations suivantes apparait dans les quinze derniers jours :

1° L’étranger a fait obstruction à l’exécution d’office de la décision d’éloignement ;

2° L’étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d’éloignement :

a) une demande de protection contre l’éloignement au titre du 5° de l’article L. 631-3 ;

b) ou une demande d’asile dans les conditions prévues aux articles L. 754-1 et L. 754-3 ;

3° La décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé et qu’il est établi par l’autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai.

Le juge peut également être saisi en cas d’urgence absolue ou de menace pour l’ordre public.

L’étranger est maintenu en rétention jusqu’à ce que le juge ait statué.

Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l’expiration de la dernière période de rétention pour une nouvelle période d’une durée maximale de quinze jours.

Si l’une des circonstances mentionnées aux 1°, 2° ou 3° ou au septième alinéa du présent article survient au cours de la prolongation exceptionnelle ordonnée en application de l’avant-dernier alinéa, elle peut être renouvelée une fois, dans les mêmes conditions. La durée maximale de la rétention n’excède alors pas quatre-vingt-dix jours ».

Selon l’article L. 741-3 du CESEDA, « Un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L’administration exerce toute diligence à cet effet ».

Il convient de considérer que c’est par une analyse circonstanciée et des motifs pertinents qu’il y a lieu d’adopter que le premier juge a statué sur l’ensemble des moyens de nullité et de fond soulevés devant lui et repris devant la cour, étant observé, au vu des termes de la déclaration d’appel du retenu du 9 janvier 2025 et des moyens repris lors des débats de ce jour :

Sur la violation de l’article L. 742-5 du CESEDA, M. [P] [B] [G] conteste l’analyse retenue par le premier juge, qui a prolongé sa rétention pour une durée exceptionnelle de 15 jours. Il soutient que son comportement ne représente pas une menace pour l’ordre public et conclut ainsi à l’absence des conditions formelles de l’article L. 742-5 du CESEDA.

En réponse à ce moyen, il convient donc de vérifier le bien-fondé de la requête en prolongation de la préfecture de la Gironde, étant précisé qu’il n’y a pas lieu de cumuler les situations prévues par les dispositions de l’article L. 742-5 du CESEDA.

S’agissant en premier lieu de l’obstruction à l’exécution d’office de la décision d’éloignement, il convient de rappeler au préalable que le législateur a, dans le cadre des dispositions de l’article L. 742-4 2°, distingué ce cas de figure de la perte ou de la destruction des documents de voyage de l’intéressé, et de la dissimulation par celui-ci de son identité. Par conséquent, ces deux dernières catégories de situations ne sont pas de nature à fonder une troisième ou une quatrième prolongation de rétention.

Par ailleurs, il ne saurait être fait application d’une notion « d’obstruction continue », sans méconnaitre les dispositions de l’article L. 742-5 du CESEDA, qui impliquent que l’obstruction à l’exécution d’office de la mesure d’éloignement doit être constatée dans les quinze derniers jours de la rétention administrative de l’étranger (en ce sens, 1ère Civ., 5 juin 2024, pourvoi n° 22-24.003).

En l’espèce, il n’est pas démontré que M. [P] [B] [G] ait, dans les quinze derniers jours de sa rétention, fait obstruction à l’exécution d’office de la décision d’éloignement dont il fait l’objet, ou qu’il ait, dans ce même dessein, présenté une demande de protection contre l’éloignement ou une demande d’asile. Il n’y a donc pas lieu d’autoriser la prolongation de sa rétention administrative sur ce fondement.

S’agissant de la preuve de délivrance à brève échéance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé, il convient de vérifier la réalité de cette situation en appliquant la méthode du faisceau d’indices. Ainsi, la Cour pourra notamment étudier les éléments suivants :

L’absence de variations, s’agissant de la nationalité revendiquée par l’étranger ;

La présence d’éléments d’identification, susceptibles de confirmer sa nationalité ;

La présence d’anciens accords consulaires pour la délivrance d’un laissez-passer, ou d’un laissez-passer expiré ;

Les échanges entre l’administration et les autorités consulaires, dont il pourrait résulter une volonté du consulat ou de l’ambassade de délivrer ce document de voyage ;

Les procédures diligentées par les autorités consulaires en vue d’identifier l’étranger, et notamment la prévision d’auditions consulaires ;

Il est également pertinent d’apprécier ces indices au regard de l’évolution, dans le temps, de la situation auprès du consulat ou de l’ambassade. Ainsi, des démarches figées, sans aucune évolution favorable auprès des autorités consulaires, auront nécessairement pour effet de durcir l’appréciation des conditions de l’article L. 742-5 3° du CESEDA.

En l’espèce, l’administration est en possession de la copie du passeport sénégalais n° [Numéro identifiant 1] de M. [P] [B] [G] revêtu du visa n° 503850905, et a transmis cette pièce, ainsi que l’audition du 5 juin 2024, la mesure d’éloignement, la photographie et les empreintes SBNA de l’intéressé au consulat du Sénégal de [Localité 5]. Ce dernier est saisi d’une demande de laissez-passer depuis le 30 octobre 2024.

Par courriel du 25 novembre 2024, il a indiqué que la copie du passeport nécessitait une étude approfondie auprès des autorités sénégalaises compétentes, et que les résultats de la procédure d’authentification seraient communiqués dès que possible.

Malgré deux courriels de relance adressés le 6 décembre 2024 et le 6 janvier 2025, restés sans réponse, l’administration est toujours en attente du résultat de cette authentification.

Ainsi, malgré les diligences effectuées, la preuve de délivrance à brève échéance d’un laissez-passer n’est pas rapportée et ne peut justifier une prolongation exceptionnelle de quinze jours.

Toutefois, la préfecture de la Gironde a également invoqué, dans sa requête en prolongation, la menace que représente l’intéresse pour l’ordre public.

Pour l’application du septième alinéa de l’article L. 742-5 du CESEDA, créé par la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, il appartient à l’administration de caractériser l’urgence absolue ou la menace pour l’ordre public.

Dans le cadre adopté par le législateur, la notion de menace à l’ordre public a pour objectif manifeste de prévenir, pour l’avenir, les agissements dangereux commis par des personnes en situation irrégulière sur le territoire national.

En matière de police des étrangers, le Conseil d’Etat juge de manière constante que cette notion donne lieu à un contrôle entier ou normal du juge administratif ; celui de l’erreur d’appréciation (CE Sect., 17 octobre 2003, n° 249183, M. [N], A ; CE, 12 février 2014, ministre de l’intérieur, n° 365644, A).

Ce contrôle se situe entre l’erreur manifeste d’appréciation, et le contrôle de proportionnalité résultant de la jurisprudence [T] (CE, 19 mai 1933, n° 17413-17250). Il y a lieu, dans un souci de sécurité juridique, d’appliquer ce même contrôle à l’examen des conditions de troisième et de quatrième prolongation telles que résultant de la loi n° 2024-42 précitée.

Ainsi, le juge doit apprécier in concreto la caractérisation de la menace pour l’ordre public, au regard d’un faisceau d’indices prenant en compte la réalité, la gravité, et l’actualité de la menace, compte-tenu notamment de la récurrence ou de la réitération, et de l’ancienneté des faits reprochés.

Ces éléments doivent également être mis balance avec l’attitude positive de l’intéressé, traduisible notamment par son positionnement sur les faits, son comportement en détention, sa volonté d’indemniser les victimes ou encore ses projets de réinsertion ou de réhabilitation.

Enfin, le comportement du retenu dans le cadre de sa rétention administrative doit également être pris en compte avec le cas échéant, une analyse des circonstances ayant mené à un placement à l’isolement, ou à toute autre remontée d’incident le concernant.

En l’espèce, il résulte des pièces transmises en procédure que M. [P] [B] [G] s’est rendu coupable de violence sans incapacité par une personne étant ou ayant été conjoint, concubin ou partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité et de port sans motif légitime d’arme blanche ou incapacitante de catégorie D, ayant entraîné une condamnation le 7 juin 2024, dans le cadre d’une comparution immédiate devant le tribunal correctionnel de Bordeaux, à une peine de six mois d’emprisonnement avec maintien en détention.

La préfecture de la Gironde a également produit l’audition du 5 juin 2024 durant laquelle M. [P] [B] [G] a été entendu sur ces faits de violences conjugales. Il en ressort qu’il a nié avoir commis des violences sur sa compagne, Mme [E] [V], en présentant les faits comme une dispute de couple, et en évoquant également sa consommation d’alcool à compter de 17 ou 18 heures ce jour-là, en l’espèce cinq ou six bières 86.

Au cours de ces mêmes investigations, les policiers ont effectué une consultation du Fichier Automatisé des Empreintes Digitales dont il est ressorti que l’intéressé était défavorablement connu des services de police, pour un total de dix signalisations, dont quatre en 2023, concernant des faits de recel de bien provenant d’un vol, de vol à l’étalage, de soustraction à l’exécution d’une obligation de quitter le territoire, de vol avec destruction ou dégradation, de dégradation ou détérioration d’un bien appartenant à autrui, de violence avec usage ou menace d’une arme sans incapacité, de détention non autorisée de stupéfiants, et de maintien irrégulier sur le territoire français après placement en rétention ou assignation à résidence d’un étranger ayant fait l’objet d’une interdiction judiciaire du territoire.

Les six autres signalisations sont toutefois plus anciennes, avec des faits de violence aggravée par deux circonstances suivies d’incapacité n’excédant pas huit jours le 20 octobre 2017, d’offre ou cession non autorisée de stupéfiants le 6 juin 2019, de conduite de véhicule sous l’empire d’un état alcoolique le 21 décembre 2018 et le 20 avril 2019, de conduite sans permis le 21 décembre 2018, et de violences avec arme le 28 mai 2016.

Ces signalisations, qui ne constituent pas une preuve de culpabilité, n’en demeurent pas moins un élément à prendre en compte dans le faisceau d’indices et le premier juge en a fait mention à juste titre. Il se déduit de l’ensemble des éléments précités, eu égard notamment aux faits de violences conjugales du 4 juin 2024, que le comportement de l’intéressé était bel et bien constitutif d’une menace à l’ordre public au jour de sa condamnation par le tribunal correctionnel de Bordeaux le 7 juin 2024.

Depuis cette date, l’intéressé a suivi une période d’incarcération du 1er août 2024 au 9 novembre 2024, étant précisé qu’il a bénéficié, par décision du 17 octobre 2024, d’une remise de peine de 84 jours. À sa levée d’écrou, il a été placé en rétention administrative au centre d'[Localité 7].

A ce jour, la cour constate qu’il n’a pas persisté à adopter un comportement troublant l’ordre public et qu’en prévision de sa sortie du centre, il peut être hébergé au [Adresse 2] à [Localité 4] chez Mme [O]. Il n’a pas évoqué un retour avec Mme [E] [V], victime des faits de violences conjugales pour lesquels il a été condamné, à l’Hôtel [8] à [Localité 3].

Au regard de ces éléments, compte-tenu de la période de temps écoulée depuis la seule condamnation pénale évoquée par la préfecture, et du comportement stable de l’intéressé en détention puis en rétention, la menace à l’ordre public n’est pas suffisamment caractérisée et n’est pas suffisamment actuelle pour justifier une troisième prolongation, sur le fondement du septième alinéa de l’article L. 742-5 du CESEDA.

En l’absence de toute illégalité susceptible d’affecter les conditions découlant du droit de l’Union, de la légalité de la rétention et à défaut d’autres moyens présentés en appel, il y a lieu de confirmer l’ordonnance attaquée.

PAR CES MOTIFS,

DÉCLARONS recevable l’appel de M. [P] [B] [G] ;

INFIRMONS l’ordonnance du tribunal judiciaire d’Orléans du 8 janvier 2025 ayant ordonné la prolongation de la rétention administrative de l’intéressé pour une durée de quinze jours à compter du 8 janvier 2025 ;

Statuant à nouveau :

DISONS n’y avoir lieu à prolongation ;

ORDONNONS la remise en liberté immédiate de M. [P] [B] [G] ;

RAPPELONS à l’intéressé qu’il a l’obligation de quitter le territoire.

LAISSONS les dépens à la charge du Trésor ;

ORDONNONS la remise immédiate d’une expédition de la présente ordonnance à LA PREFECTURE DELA GIRONDE, à M. [P] [B] [G] et son conseil, et au procureur général près la cour d’appel d’Orléans ;

Et la présente ordonnance a été signée par Cécile DUGENET, juge placée, et Odalene DE AZEVEDO ALCANTARA, greffier, présent lors du prononcé.

Fait à Orléans le DIX JANVIER DEUX MILLE VINGT CINQ, à heures

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

Odalene DE AZEVEDO ALCANTARA Cécile DUGENET

Pour information : l’ordonnance n’est pas susceptible d’opposition.

Le pourvoi en cassation est ouvert à l’étranger, à l’autorité administrative qui a prononcé le maintien la rétention et au ministère public. Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification. Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l’avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.

NOTIFICATIONS, le 10 janvier 2025 :

LA PREFECTURE DELA GIRONDE, par courriel

M. le procureur général près la cour d’appel d’Orléans, par courriel

M. [P] [B] [G] , copie remise par transmission au greffe du CRA

Me Chloé BEAUFRETON, avocat au barreau d’ORLEANS, copie remise en main propre contre récépissé / par PLEX

L’interprète L’avocat de l’intéressé


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