L’Essentiel : Mr [Z] [Y] et Mme [S] [U] ont divorcé après 27 ans de mariage, avec un enfant, [T]. Le juge a prononcé le divorce pour altération définitive du lien conjugal, rejetant la demande de divorce pour faute de Mme [S] [U] en raison de preuves insuffisantes. Les effets patrimoniaux ont été fixés à la date de l’assignation, et une prestation compensatoire de 18 000 euros a été accordée à Mme [S] [U]. Les demandes des deux parties concernant la liquidation du régime matrimonial et les dommages et intérêts ont été majoritairement rejetées, et les dépens partagés.
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Exposé du litigeMr [Z] [Y] et Mme [S] [U] se sont mariés le 24 juin 1995 sans contrat de mariage. Ils ont un enfant, [T], né le 18 février 2002. Mr [Z] [Y] a demandé le divorce par assignation le 20 septembre 2022. Le juge a rendu une ordonnance le 14 février 2023, attribuant la jouissance du domicile à Mr [Z] [Y] et ordonnant à Mme [S] [U] de quitter le domicile dans un délai de trois mois. Des mesures concernant les véhicules et le remboursement des crédits ont également été prises. Les époux ont convenu de partager les frais d’entretien de leur enfant. Demandes des partiesMr [Z] [Y] a demandé le prononcé du divorce pour altération du lien conjugal, le déboutement de Mme [S] [U] de sa demande de divorce pour faute, ainsi que des dommages et intérêts. Il a également sollicité la liquidation du régime matrimonial et la répartition des biens. Mme [S] [U] a demandé le divorce pour faute, des dommages et intérêts, une prestation compensatoire, et la reprise de son nom de jeune fille. Motifs de la décisionLe juge a d’abord examiné la demande de divorce pour faute de Mme [S] [U], qui a allégué des faits d’adultère de la part de Mr [Z] [Y]. Cependant, les preuves fournies par Mme [S] [U] n’ont pas été jugées suffisantes pour établir la violation du devoir de fidélité. En conséquence, sa demande a été rejetée. Le divorce a été prononcé pour altération définitive du lien conjugal, conformément aux dispositions du Code civil. Dommages et intérêtsMme [S] [U] a demandé des dommages et intérêts, mais sa demande a été rejetée car elle avait formé une demande reconventionnelle en divorce. Le juge a constaté qu’elle n’était pas recevable à solliciter une indemnisation sur ce fondement. Conséquences du divorceMr [Z] [Y] a demandé que les effets du divorce soient reportés à la date de séparation, mais cette demande a été rejetée. Les effets patrimoniaux du divorce ont été fixés à la date de l’assignation, soit le 27 septembre 2022. Les demandes concernant la liquidation du régime matrimonial et l’attribution des véhicules ont été déclarées irrecevables. Prestation compensatoireLe juge a reconnu le principe d’une prestation compensatoire en faveur de Mme [S] [U], en raison de la disparité dans les conditions de vie résultant de la rupture du mariage. Le montant de la prestation compensatoire a été fixé à 18 000 euros, à verser sous forme de capital. Mesures accessoiresLes dépens de l’instance ont été partagés entre les deux parties. Les demandes d’exécution provisoire ont été rejetées, et les parties ont été déboutées de leurs demandes au titre de l’article 700 du Code de procédure civile. ConclusionLe jugement a prononcé le divorce pour altération définitive du lien conjugal, a fixé les effets patrimoniaux à la date de l’assignation, et a ordonné le versement d’une prestation compensatoire à Mme [S] [U]. Les demandes des deux parties ont été en grande partie rejetées. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les conditions de prononcé du divorce pour altération définitive du lien conjugal ?Le divorce pour altération définitive du lien conjugal est régi par l’article 237 du Code civil, qui stipule que « le divorce peut être demandé par l’un des époux lorsque le lien conjugal est définitivement altéré ». L’article 238 précise que « l’altération définitive du lien conjugal résulte de la cessation de la communauté de vie entre les époux, lorsqu’ils vivent séparés depuis un an lors de la demande en divorce ». Il est important de noter que si le demandeur n’indique pas les motifs de sa demande, le délai d’un an est apprécié au moment du prononcé du divorce. En cas de demandes concurrentes, le divorce peut être prononcé pour altération définitive du lien conjugal sans que le délai d’un an ne soit exigé. Dans cette affaire, le juge a constaté que les époux avaient cessé de vivre ensemble, ce qui a conduit à prononcer le divorce pour altération définitive du lien conjugal. Quelles sont les conséquences du divorce sur les dommages et intérêts ?L’article 266 du Code civil stipule que « l’attribution de dommages et intérêts à un époux en réparation des conséquences d’une particulière gravité qu’il subit du fait de la dissolution du mariage » est possible dans deux cas : lorsque l’époux était défendeur à un divorce pour altération définitive du lien conjugal sans avoir formé de demande en divorce, ou lorsque le divorce est prononcé aux torts exclusifs de l’autre conjoint. Dans le cas présent, Mme [S] [U] a formé une demande reconventionnelle en divorce, ce qui la rend irrecevable à solliciter des dommages et intérêts selon l’article 266. De plus, elle a été déboutée de sa demande de divorce pour faute, ce qui renforce l’absence de fondement pour sa demande de dommages et intérêts. Ainsi, le juge a débouté Mme [S] [U] de sa demande de dommages et intérêts. Comment se déroule la liquidation du régime matrimonial après le divorce ?La liquidation du régime matrimonial est régie par l’article 267 du Code civil, qui stipule que « le juge aux affaires familiales statue sur les demandes de liquidation et de partage des intérêts patrimoniaux, dans les conditions fixées aux articles 1361 à 1378 du code de procédure civile ». Pour que le juge puisse statuer, il doit être justifié des désaccords subsistants entre les parties, notamment par une déclaration commune d’acceptation d’un partage judiciaire ou un projet établi par le notaire. L’article 1116 du Code de procédure civile précise que les demandes de liquidation ne sont recevables que si les parties justifient de leurs désaccords. Dans cette affaire, les demandes de liquidation et d’attribution de véhicules ont été déclarées irrecevables, car les éléments requis par les articles 267 et 1116 n’étaient pas fournis. Le juge a donc conclu qu’il n’avait pas compétence pour se prononcer sur ces demandes. Quelles sont les conditions d’attribution d’une prestation compensatoire ?L’article 270 du Code civil énonce que « l’un des époux peut être tenu de verser à l’autre une prestation destinée à compenser, autant qu’il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives ». Le juge peut refuser d’accorder une telle prestation si l’équité le commande, notamment en tenant compte des critères de l’article 271, qui inclut la durée du mariage, l’âge et l’état de santé des époux, ainsi que leurs ressources respectives. Dans cette affaire, le juge a constaté une disparité dans les conditions de vie des époux, en raison des revenus et des charges respectives. Il a donc décidé d’accorder une prestation compensatoire de 18 000 euros à Mme [S] [U], en tenant compte de la durée du mariage et des éléments financiers présentés. Quelles sont les implications de la révocation des avantages matrimoniaux ?L’article 265 du Code civil stipule que « le divorce emporte révocation de plein droit des avantages matrimoniaux qui ne prennent effet qu’à la dissolution du régime matrimonial ou au décès de l’un des époux ». Cette révocation s’applique également aux dispositions à cause de mort accordées par un époux envers son conjoint pendant l’union, sauf volonté contraire de l’époux qui les a consentis. Dans le cas présent, les demandes relatives à la révocation des avantages matrimoniaux ont été considérées comme des effets de plein droit de la loi, ne nécessitant pas de décision spécifique du juge. Ainsi, il n’y avait pas lieu de statuer sur ces demandes, car elles résultent automatiquement de la dissolution du mariage. |
JUGEMENT : Contradictoire
DU : 10 Janvier 2025
AFFAIRE : [Y] / [U]
DOSSIER : N° RG 22/02336 – N° Portalis DBXV-W-B7G-FZKA / 2EME CH CABINET 3
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE CHARTRES
LE JUGE AUX AFFAIRES FAMILIALES
Juge : Anne-Catherine PASBECQ
Greffier : Gwenaelle MADEC
LES PARTIES :
DEMANDEUR :
Monsieur [Z] [J] [K] [Y]
né le 09 Août 1966 à ILLIERS COMBRAY (28)
de nationalité Française
Profession : Commerçant
6 rue du Moulin – 28120 BAILLEAU LE PIN
représenté par Me Mathilde PUYENCHET, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : T 14
DÉFENDEUR :
Madame [S] [E] [L] [G] [U] épouse [Y]
née le 18 Octobre 1962 à CHARTRES (28000)
de nationalité Française
Profession : Adjoint Administratif
1 rue de Boisville – 28300 MAINVILLIERS
représentée par Me Sandra RENDA, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire :
T 35
DÉBATS :
A l’audience en Chambre du Conseil du 08 Novembre 2024. A l’issue des débats, il a été indiqué que la décision serait prononcée par mise à disposition au greffe le 10 Janvier 2025.
copie certifiée conforme le :
à : M. [Z] [Y] / Mme [S] [U]
grosse le :
à : Me Mathilde PUYENCHET – Me Sandra RENDA
Mr [Z] [Y] et Mme [S] [U] se sont mariés le 24 juin 1995 à Illiers-Combray (28) devant l’officier de l’état-civil de la commune de Bailleau-le-Pin (28), sans avoir fait précéder leur union d’un contrat de mariage.
De cette union est issu :
[T], né le 18 février 2002
En suite de l’assignation en divorce délivrée le 20 septembre 2022 à la demande de Mr [Z] [Y] à Mme [S] [U], sans énonciation du fondement du divorce, le juge aux affaires familiales a, par ordonnance du 14 février 2023, au titre des mesures provisoires :
attribué à titre onéreux à Mr [Z] [Y], la jouissance du logement du ménage sis 6 rue du Moulin 28120 Bailleau-le-Pin, à charge pour lui de s’acquitter des charges et frais d’occupation y afférents ;dit que Mme [S] [U] devra quitter le domicile conjugal au plus tard dans un délai de trois mois à compter de la présente décision ;attribué à Mme [S] [U] la jouissance du véhicule de marque Renault Scenic et à Mr [Z] [Y] la jouissance du véhicule de marque Renault Kangoo ;dit que Mr [Z] [Y] prendra en charge le remboursement des crédits suivants :Le crédit Caisse d’Epargne n°182705E/14505 à échéances mensuelles de 415,46 euros,Le crédit Caisse d’Epargne n°8422931/14505 à échéances mensuelles de 486,65 euros,Le crédit immobilier Caisse d’Epargne n°7708706/14505 à échéances mensuelles de 864,83 euros,Le prêt de 77 200 euros consenti par Mr et Mme [N],Le prêt de 22 800 euros restant dus consenti par Mme [I] [Y],Et que Mme [S] [U] prendra en charge le paiement des loyers DIAC à échéances mensuelles de 519, 08 euros ;
débouté Mr [Z] [Y] de sa demande tendant à percevoir seul la somme de 1 200 euros à titre de loyers,désigné Maître [C], notaire à Saint Georges sur Eure, sur le fondement de l’article 255 10° du code civil, avec pour mission d’élaborer un projet de liquidation du régime matrimonial des époux et de composition des lots à partager ;fixé à la somme de deux milles euros (2 000€) la provision à valoir sur la rémunération du notaire, qui devra être versée directement entre les mains de celui-ci par moitié par le mari d’une part et l’épouse d’autre part, au plus tard le 02 mai 2023 ;dit que le notaire devra adresser son projet définitif de liquidation du régime matrimonial et de composition des lots à chaque partie et au greffe de la juridiction saisie de l’action en divorce dans un délai de six mois après le versement de la provision et au plus tard le 02 octobre 2023 ;constaté l’accord de Mme [S] [U] et Mr [Z] [Y] pour prendre en charge par moitié les frais liés à l’entretien et à l’éducation de [T] à hauteur de 450€ chacun, à verser directement entre les mains de l’enfant majeur ;
Par ses dernières conclusions signifiées par RPVA le 11 juillet 2024, auxquelles il convient de se reporter pour un complet exposé de ses moyens et prétentions par application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, Mr [Z] [Y] sollicite de :
prononcer le divorce de Mme [S] [U] et Mr [Z] [Y] en application de l’article 237 du Code Civil,débouter Mme [S] [U] de sa demande fondée sur l’article 242 du Code Civil et la déclarer irrecevable,dire en conséquence que le dispositif du jugement à intervenir sera mentionné en marge des actes d’état civil,débouter Mme [S] [U] de sa demande de dommages et intérêts fondée sur l’article 266 du Code Civil,commettre Mr le Président de la Chambre des Notaires avec faculté de délégation afin de procéder à la liquidation du régime matrimonial ayant existé entre les époux,dire que les Juge et Notaire ainsi commis seront, en cas d’empêchement ou de refus, remplacés par ordonnance du Président du Tribunal rendue en simple requête,dire et juger que les effets du divorce seront fixés à la date du 27 septembre 2021,dire que Mme [S] [U] reprendra l’usage de son nom de jeune fille,dire, sur le fondement de l’article 265 du Code civil, que la décision à intervenir emportera révocation de plein droit des avantages matrimoniaux qui ne prennent effet qu’à la dissolution du régime matrimonial ou au décès de l’un des conjoints et des dispositions à cause de mort que l’époux aura pu accorder à Mme [S] [U] pendant l’union,lui donner acte de sa proposition de règlement des intérêts pécuniaires et patrimoniaux,dire que le véhicule de marque RENAULT KANGOO, immatriculé DL-503-PT au nom de Mr [Z] [Y], évalué à 8.000 €, sera attribué à Mme [S] [U],dire que le véhicule de marque RENAULT SCENIC, immatriculé FM-345-RH au nom de DIAC LOCATIONS, évalué à 12.720 €, sera attribué à Mr [Z] [Y] à charge pour lui d’assumer le prêt DIAC d’un montant de 12.720 € arrêté à la date du 27 septembre 2021,débouter Mme [S] [U] de sa demande de prestation compensatoire, la débouter de ses demandes plus amples ou contraire,condamner Mme [S] [U] au paiement de la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, en raison des frais irrépétibles que Mr [Z] [Y] a dû engager pour les besoins de la présente instance,ordonner de ces chefs l’exécution provisoire du jugement à intervenir, nonobstant toutes voies de recours,dire que les dépens seront supportés par la défenderesse.
Aux termes de ses dernières conclusions signifiées par RPVA le 23 juillet 2024, auxquelles il convient de se reporter pour un complet exposé de ses moyens et prétentions par application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, Mme [S] [U] demande de :
débouter Mr [Z] [Y] de sa demande en divorce pour altération du lien conjugal,la juger recevable en sa demande reconventionnelle en divorce pour faute aux torts exclusifs de Mr [Z] [Y],prononcer le divorce de Mme [S] [U] et de Mr [Z] [Y] aux torts exclusifs de Mr [Z] [Y],condamner Mr [Z] [Y] à lui payer la somme de 30.000 € à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l’article 266 du Code Civil,juger que les effets du divorce seront fixés à la date du 27 septembre 2022,juger qu’elle reprendra l’usage de son nom de jeune fille,condamner Mr [Z] [Y] à lui payer la somme de 45.000 € à titre de prestation compensatoire,dire sur le fondement de l’article 265 du Code Civil que la décision à intervenir emportera révocation de plein droit des avantages matrimoniaux qui ne prennent effet qu’à la dissolution du régime matrimonial ou au décès de l’un des conjoints et des dispositions à cause de mort que l’épouse aura pu accorder à Mr [Z] [Y],condamner Mr [Z] [Y] à lui payer la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile,ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir,condamner Mr [Z] [Y] aux dépens.
La clôture de la procédure a été prononcée le 13 septembre 2024 et l’affaire évoquée à l’audience du 08 novembre 2024.
La décision a été mise en délibérée au 10 janvier 2025, par mise à disposition au greffe.
Sur les demandes visant à constater, rappeler ou à donner acte
Ces demandes ne visent pas à constituer un droit, et ne sont donc pas des prétentions au sens de l’article 4 du code de procédure civile ; il n’y a dès lors pas lieu de statuer à leur égard, et elles ne seront pas mentionnées au dispositif de la présente décision.
Sur le divorce :
Mme [S] [U] allègue des faits d’adultère de la part de son époux en lui faisant grief d’avoir entretenu une relation extra-conjugale avec son employée, Mme [X].
Mr [Z] [Y] réfute cette accusation et soutient que la relation entretenue avec Mme [X] relève d’une relation « père-fille », qui était également considérée comme telle par son épouse.
Selon les dispositions de l’article 242 du code civil, le divorce peut être demandé par l’un des époux lorsque des faits constitutifs d’une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage sont imputables à son conjoint et rendent intolérable le maintien de la vie commune.
L’article 245 du code civil énonce par ailleurs que les fautes de l’époux qui a pris l’initiative du divorce n’empêchent pas d’examiner sa demande ; elles peuvent, cependant, enlever aux faits qu’il reproche à son conjoint le caractère de gravité qui en aurait fait une cause de divorce.
Ces fautes peuvent aussi être invoquées par l’autre époux à l’appui d’une demande reconventionnelle en divorce. Si les deux demandes sont accueillies, le divorce est prononcé aux torts partagés.
Même en l’absence de demande reconventionnelle, le divorce peut être prononcé aux torts partagés des deux époux si les débats font apparaître des torts à la charge de l’un et de l’autre.
D’après l’article 246 du code civil, si une demande pour altération définitive du lien conjugal et une demande pour faute sont concurremment présentées, le juge examine en premier lieu la demande pour faute.S’il rejette celle-ci, le juge statue sur la demande en divorce pour altération définitive du lien conjugal.
En l’espèce, il convient en application de ces dernières dispositions d’examiner en premier lieu la demande en divorce pour faute formée par Mme [S] [U].
Au soutien de ses propos, Mme [S] [U] produit des photographies montrant son époux enlaçant Mme [X]. Elle ne produit aucun autre élément venant corroborer ses allégations.
De son côté, Mr [Z] [Y] produit des photographies où tant lui que Mme [S] [U] enlacent Mme [X].
Il verse une lettre d’anniversaire en déclarant qu’elle a été écrite par son épouse à l’attention de Mme [X]. Toutefois, il apparaît que cette lettre est dactylographiée et n’est pas signée.
Il joint une attestation sur l’honneur de Mme [X] attestant que la relation entretenue avec Mr [Z] [Y] n’est pas extra-conjugale mais qu’il a été d’un grand soutien à son égard, notamment après la naissance de son enfant. Elle déclare dans cette lettre avoir rencontré Mme [S] [U] et avoir noué des liens avec elle ainsi que leur fils, [T].
Enfin, il produit un dépôt de plainte daté du 14 février 2022 concernant des faits de violence de la part de son épouse ainsi qu’un comportement harcelant.
Il ressort de ces éléments que les éléments versés par l’épouse ne permettent pas d’établir avec certitude la violation du devoir de fidélité qu’elle allègue, de sorte qu’elle défaille dans la preuve qui lui incombe d’une faute au sens de l’article 242 précité.
En conséquence, Mme [S] [U] sera déboutée de sa demande en divorce pour faute aux torts de son époux.
Selon l’article 237 du code civil, le divorce peut être demandé par l’un des époux lorsque le lien conjugal est définitivement altéré.
L’article 238 du même code dispose que l’altération définitive du lien conjugal résulte de la cessation de la communauté de vie entre les époux, lorsqu’ils vivent séparés depuis un an lors de la demande en divorce.
Si le demandeur a introduit l’instance sans indiquer les motifs de sa demande, le délai caractérisant l’altération définitive du lien conjugal est apprécié au prononcé du divorce.
Toutefois, sans préjudice des dispositions de l’article 246, dès lors qu’une demande sur ce fondement et une autre demande en divorce sont concurremment présentées, le divorce est prononcé pour altération définitive du lien conjugal sans que le délai d’un an ne soit exigé.
En application de ce dernier alinéa, il y a lieu de prononcer le divorce des époux pour altération définitive du lien conjugal.
Sur les dommages et intérêts :
L’article 266 du Code civil dispose que l’attribution de dommages et intérêts à un époux en réparation des conséquences d’une particulière gravité qu’il subit du fait de la dissolution du mariage soit lorsqu’il était défendeur à un divorce pour altération définitive du lien conjugal et qu’il n’avait lui-même formé aucune demande en divorce, soit lorsque le divorce est prononcé aux torts exclusifs de l’autre conjoint.
En l’espèce, Mme [S] [U], défendeur à une demande de divorce fondée sur l’article 237 du code civil, a formé une demande reconventionnelle en divorce, de sorte qu’elle n’est pas recevable à solliciter une indemnisation sur le fondement de l’article 266 du code civil.
Par ailleurs, Mme [S] [U] a été déboutée de sa demande reconventionnelle en divorce pour faute.
Dès lors, faute d’établir les conditions prévues à cet article, elle sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts sur le fondement de l’article 266 du code civil.
Sur les conséquences du divorce entre les époux :
Sur le report des effets du divorce
Aux termes de l’article 262-1 du code civil, le jugement de divorce prend effet dans les rapports entre les époux, en ce qui concerne leurs biens, lorsqu’il est prononcé pour acceptation du principe de la rupture du mariage, pour altération définitive du lien conjugal ou pour faute, à la date de la demande en divorce. A la demande de l’un des époux, le juge peut fixer les effets du jugement à la date à laquelle ils ont cessé de cohabiter et de collaborer. Cette demande ne peut être formée qu’à l’occasion de l’action en divorce.
En l’espèce, Mr [Z] [Y] sollicite que la date du divorce soit fixée à celle de la séparation, soit le 27 septembre 2021. Il verse au soutien de sa demande, un acte de liquidation et de partage avec jouissance divise à cette date.
Or, Mr [Z] [Y] a déclaré vivre sous le même toit que Mme [S] [U] dans son dépôt de plainte daté du 14 février 2022, de sorte que la cohabitation était encore effective.
En conséquence, sa demande de report des effets du divorce à cette date sera rejetée et les effets patrimoniaux du divorce maintenus au 27 septembre 2022, date de l’assignation.
Sur l’usage du nom du conjoint :
L’article 264 du code civil dispose qu’à la suite du divorce, chacun des époux perd l’usage du nom de son conjoint. L’un des époux peut néanmoins conserver l’usage du nom de l’autre, soit avec l’accord de celui-ci, soit avec l’autorisation du juge, s’il justifie d’un intérêt particulier pour lui ou pour les enfants.
En l’espèce, les demandes correspondent à l’effet de plein droit de la loi, et ne constituent dès lors pas une prétention au sens de l’article 4 du code de procédure civile sur laquelle il conviendrait de statuer.
Sur la révocation des avantages matrimoniaux :
En application des dispositions de l’article 265 du code civil, le divorce emporte révocation de plein droit des avantages matrimoniaux qui ne prennent effet qu’à la dissolution du régime matrimonial ou au décès de l’un des époux et des dispositions à cause de mort, accordés par un époux envers son conjoint par contrat de mariage ou pendant l’union, sauf volonté contraire de l’époux qui les a consentis.
Cette volonté est constatée par le juge au moment du prononcé du divorce et rend irrévocables l’avantage ou les dispositions maintenues.
En l’espèce, les demandes correspondent à l’effet de plein droit de la loi de sorte qu’elles ne constituent pas des prétentions au sens de l’article 4 du code de procédure civile et qu’il n’y a pas lieu de statuer.
Sur la liquidation du régime matrimonial et sur la demande d’attribution des véhicules automobiles
Selon l’article 267 alinéa 2 du code civil, le juge aux affaires familiales statue sur les demandes de liquidation et de partage des intérêts patrimoniaux, dans les conditions fixées aux articles 1361 à 1378 du code de procédure civile, s’il est justifié par tous moyens des désaccords subsistants entre les parties, notamment en produisant :
– une déclaration commune d’acceptation d’un partage judiciaire, indiquant les points de désaccord entre les époux ;
– le projet établi par le notaire désigné sur le fondement du 10° de l’article 255. Il peut, même d’office, statuer sur la détermination du régime matrimonial applicable aux époux.
L’article 1116 du code de procédure civile précise que les demandes visées au deuxième alinéa de l’article 267 du code civil ne sont recevables que si les parties justifient par tous moyens de leurs désaccords subsistants.
Le juge aux affaires familiales statuant sur le divorce n’a pas compétence, en dehors de ces dispositions, pour statuer sur des demandes afférentes au partage et à la liquidation du régime matrimonial.
En l’absence des éléments requis par les articles 267 et 1116 précités, les demandes visant à voir ordonner la liquidation du régime matrimonial tout comme celles d’attribution de véhicules automobiles, qui ont trait à la liquidation des intérêts patrimoniaux des époux, seront déclarées irrecevables, étant ici relevé de manière surabondante que le juge aux affaires familiales n’a en tout état de cause pas compétence pour se prononcer sur les attributions dans le cadre d’un partage judiciaire.
Sur la prestation compensatoire :
Il convient d’apprécier l’existence du principe d’une prestation compensatoire, avant d’en apprécier ensuite et le cas échéant, le montant au regard des critères non exhaustifs de l’article 271 du code civil.
Sur le principe de la prestation compensatoire
L’article 270 du code civil énonce que l’un des époux peut être tenu de verser à l’autre une prestation destinée à compenser, autant qu’il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives.
La disparité visée à cet article est appréciée au jour où le juge statue sur le divorce.
Ce même article précise que le juge peut refuser d’accorder une telle prestation si l’équité le commande, soit en considération des critères prévus à l’article 271 du code civil, soit lorsque le divorce est prononcé aux torts exclusifs de l’époux qui demande le bénéfice de cette prestation, au regard des circonstances particulières de la rupture.
En l’espèce, la situation des parties est la suivante :
Il est relevé que Mme [S] [U] ne verse pas la déclaration sur l’honneur prévue à l’article 272 du code civil.
En 2023, elle a perçu un revenu mensuel moyen de 2 227 euros (26 728 / 12), selon son avis d’imposition de 2024. Elle verse un courrier du 16 mai 2022 du service de gestion des carrières de la ville de Chartres mentionnant qu’elle peut bénéficier d’un droit à la retraite mensuel de 1 563 euros à compter du 1er novembre 2024.
Outre les charges de la vie courante, elle justifie s’acquitter d’un loyer de 693 euros selon quittance de loyer datée d’avril 2023.
Elle ne fait état d’aucun patrimoine propre.
Mr [Z] [Y] ne verse également pas la déclaration sur l’honneur prévue à l’article 272 du code civil. Pour l’année 2022, il a déclaré fiscalement des bénéfices industriels et commerciaux à hauteur de 16 346 euros, soit un revenu mensuel moyen de 1 362 euros, selon la déclaration d’impôt de 2023 versée par Mme [S] [U].
Il ne verse pas d’élément actualisé sur sa situation, notamment aucun document comptable permettant de déterminer son revenu et de répondre aux allégations de son épouse quant à une dissimulation de ces derniers.
Il est relevé que Mme [S] [U] verse divers tableaux de comptes dont la provenance et l’auteur ne sont pas précisés, dont documents intitulés livres de caisse pour les années 2017, 2019, 2020 et 2021 ainsi qu’un tableau pour 2020 reprenant les dépenses et recettes et mentionnant un revenu de 1 000 euros par mois pour Mr [Z] [Y], avec l’apposition de D et ND pour les recettes (pour déclarées et non-déclarées selon Mme [S] [U]), ainsi qu’un tableau de dépenses personnelles reprenant les salaires des époux pour 2020 mentionnant 22 228 euros pour l’épouse et 39 909 euros pour l’époux. Mr [Z] [Y] ne formule aucune observation sur ces pièces.
Il résulte d’un projet d’état liquidatif établi par Me [P], notaire, sans précision de date, que Mr [Z] [Y] a bénéficié d’une donation de ses parents durant le mariage investie dans le bien immobilier commun, ouvrant droit à récompense à son profit selon ce projet, à hauteur de 85 200 euros.
Les charges dont Mr [Z] [Y] dit s’acquitter (trois crédits immobiliers à échéances de 415 euros, 486 euros et 864 euros, un crédit à la consommation à hauteur de 61 euros) ainsi que les dettes souscrites auprès de proches (sa mère et Mr [N]) n’ont pas à être prises en compte dans l’appréciation de la disparité dans les conditions de vie des époux, dès lors qu’il s’agit de dettes communes et ayant ainsi vocation à être acquittées par moitié entre les époux.
Il ressort de ces constatations que Mr [Z] [Y] manque particulièrement de transparence, notamment en n’apportant aucun explication sur les documents produits par son épouse et venant étayer ses allégations d’une comptabilité parallèle avec revenus non déclarés aux services fiscaux ; également, il ne justifie pas de sa situation financière depuis 2021, venant encore accréditer les allégations de Mme [S] [U] quant à une dissimulation de sa situation réelle.
En outre, l’avantage procuré par la récompense à laquelle il peut prétendre contribue à la disparité dans les conditions de vie des époux telle qu’elle ressort des éléments qui précèdent, de sorte que la preuve d’une disparité dans les conditions de vie respectives des époux au détriment de Mme [S] [U] est rapportée, et que le principe d’une prestation compensatoire au profit de cette dernière apparaît acquis.
Sur le montant de la prestation compensatoire
Selon l’article 271 du code civil, la prestation compensatoire est fixée selon les besoins de l’époux à qui elle est versée et les ressources de l’autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l’évolution de celle-ci dans un avenir prévisible.
Ce même article énumère une liste, non exhaustive, d’éléments pris en compte par le juge pour fixer la prestation compensatoire.
En l’espèce, le juge aux affaires familiales relève que le mariage a duré 29 ans dont 28 ans de vie commune.
Mme [S] [U] est âgée de 62 ans et Mr [Z] [Y] est âgé de 58 ans.
Les deux époux ne font part d’aucun problème de santé.
La situation professionnelle actuelle des époux a été exposée ci-dessus.
Mr [Z] [Y] ne produit de son côté aucun élément sur ses droits à la retraite ou sa carrière.
Les époux n’ont plus d’enfant à charge.
Dès lors, en considération des divers éléments ainsi exposés, il convient de compenser la disparité créée par la rupture du lien matrimonial dans les conditions de vie respectives des époux par le paiement d’une prestation compensatoire par Mr [Z] [Y] à Mme [S] [U] d’un montant de 18 000 euros, qui sera acquittée sous la forme d’un capital.
Sur les mesures accessoires :
En application de l’article 1127 du Code de procédure civile, dans un divorce pour altération définitive du lien conjugal, les dépens de l’instance sont à la charge de l’époux qui en a pris l’initiative, à moins que le juge n’en dispose autrement.
En l’espèce, les deux époux concluant tous deux au prononcé du divorce, les dépens seront partagés et supportés par moitié entre les parties.
L’équité ne commande pas de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, de sorte que les parties se verront débouter des demandes formées à ce titre.
Enfin, les conditions de l’article 1079 du code de procédure civile quant à l’existence de conséquences manifestement excessives pour le créancier en cas de recours sur la prestation compensatoire ne sont ni alléguées ni établies, de sorte qu’il n’y a pas lieu d’assortir la condamnation à une prestation compensatoire de l’exécution provisoire.
Pour le surplus, l’exécution provisoire étant incompatible avec la nature du litige, elle ne sera pas ordonnée
Le juge aux affaires familiales,
Statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort, après débats non publics ;
DEBOUTE Mme [S] [U] de sa demande en divorce pour faute ;
PRONONCE pour altération définitive du lien conjugal le divorce de :
Mr [Z] [J] [K] [Y], né le 09 août 1966 à Illiers-Combray (28)
Et de
N° RG 22/02336 – N° Portalis DBXV-W-B7G-FZKA
Mme [S] [E] [L] [G] [U], née le 18 octobre 1962 à Chartres (28),
Lesquels se sont mariés le 24 juin 1995, devant l’Officier de l’État-Civil de la mairie de Bailleau-le-Pin (28) ;
ORDONNE la publicité de cette décision en marge des actes de l’état civil des époux détenus par un officier de l’état civil français conformément aux dispositions de l’article 1082 du code de procédure civile ;
DEBOUTE Mme [S] [U] de sa demande de dommages et intérêts sur le fondement de l’article 266 du code civil ;
DEBOUTE Mr [Z] [Y] de sa demande de report des effets du divorce en ce qui concerne les biens des époux, qui demeureront fixés à la date du 27 septembre 2022 ;
DECLARE irrecevable les demandes visant à voir désigner un notaire pour procéder aux opérations de liquidation et partage des intérêts patrimoniaux des époux ainsi que d’attribution des véhicules RENAULT SCENIC et RENAULT KANGOO ;
CONDAMNE Mr [Z] [Y] à verser à Mme [S] [U], la somme de DIX HUIT MILLE euros (18 000 €) à titre de prestation compensatoire, sous forme de capital ;
DEBOUTE les parties de leurs demandes formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
DIT que les dépens seront partagés par moitié entre les deux parties ;
DIT n’y avoir lieu à exécution provisoire ;
RAPPELLE que la présente décision étant prononcée après débats en chambre du conseil, la protection des données personnelles à caractère privé impose que seul le dispositif (partie du jugement commençant par « PAR CES MOTIFS ») accompagné de la première page de la décision, peut être demandée aux parties, notamment pour justifier de leur situation auprès des organismes sociaux;
RAPPELLE que le jugement peut être frappé d’appel dans le délai d’un mois suivant la signification de la présente décision, auprès du greffe de la cour d’appel de VERSAILLES ;
DIT que la présente décision sera signifiée par commissaire de justice par la partie la plus diligente.
LE GREFFIER LE JUGE AUX AFFAIRES FAMILIALES
Gwenaelle MADEC Anne-Catherine PASBECQ
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