Droit à l’environnement et recours des associations : enjeux de la recevabilité des demandes

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Droit à l’environnement et recours des associations : enjeux de la recevabilité des demandes

L’Essentiel : Le 5 mai 2022, le juge des libertés a ordonné à la communauté d’agglomération du Puy-en-Velay de remédier à une pollution d’un cours d’eau, sous peine d’une astreinte de 1 000 euros par jour. Le 20 mars 2023, l’association a demandé la liquidation de cette astreinte, mais sa requête a été déclarée irrecevable. En appel, la Cour a confirmé cette décision, précisant que seule une personne concernée ou le procureur pouvait faire appel. L’association n’ayant pas la qualité de partie, ses arguments ont été écartés, soulignant l’absence de fondement juridique pour sa demande.

Contexte de l’affaire

Le procureur de la République a été saisi par une association dénonçant des faits de pollution d’un cours d’eau, liés à des dysfonctionnements d’un système d’épuration. Cette saisine a conduit à une procédure de référé en vertu de l’article L. 216-13 du code de l’environnement.

Décision du juge des libertés

Le 5 mai 2022, le juge des libertés a ordonné à la communauté d’agglomération du Puy-en-Velay de prendre des mesures d’urgence pour remédier à la pollution, avec un délai d’un mois et une astreinte de 1 000 euros par jour en cas de retard.

Requête en liquidation de l’astreinte

Le 20 mars 2023, l’association a déposé une requête pour la liquidation de l’astreinte, mais celle-ci a été déclarée irrecevable par le juge des libertés et de la détention. L’association a alors décidé de faire appel de cette décision.

Arguments de l’association

L’association a soulevé plusieurs moyens pour contester l’irrecevabilité de son appel, notamment l’absence de mise à disposition du dossier et le droit d’une association à agir pour la protection de l’environnement. Elle a également fait valoir qu’elle avait qualité pour demander la liquidation de l’astreinte.

Réponse de la Cour d’appel

La Cour d’appel a déclaré l’appel de l’association irrecevable, précisant que seul le procureur de la République ou la personne concernée par les mesures pouvait faire appel. Elle a souligné que les astreintes étaient des mesures à caractère réel, liquidées par le juge pénal, et que l’association n’avait pas la qualité de partie dans cette procédure.

Conclusion de la Cour

La Cour a conclu que l’association ne pouvait pas saisir le juge des libertés pour la liquidation de l’astreinte, car aucun texte ne lui conférait cette qualité. Les moyens soulevés par l’association ont été écartés, le premier étant inopérant en raison de son absence de qualité de partie.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions de recevabilité de l’appel en matière de référé environnemental selon l’article L. 216-13 du code de l’environnement ?

L’article L. 216-13 du code de l’environnement stipule que :

« En cas de non-respect des prescriptions imposées au titre des articles L. 211-2, L. 211-3 et L. 214-1 à L. 214-6, toute mesure utile, y compris l’interdiction d’exploiter l’ouvrage ou l’installation en cause, peut être ordonnée pour faire cesser le trouble, soit sur réquisition du ministère public, soit d’office par le juge d’instruction ou par le tribunal correctionnel. »

Cet article précise que le droit d’appel est ouvert de manière restrictive au procureur de la République ou à la personne concernée par les mesures.

Il est important de noter que cet appel se rapporte à la décision sur le fond prise par le juge des libertés et de la détention, mais ne prévoit pas de contrôle de l’exécution des mesures, notamment en ce qui concerne la liquidation d’une astreinte.

Ainsi, pour qu’un appel soit recevable, il faut que la partie qui interjette appel soit expressément désignée par la loi, ce qui n’est pas le cas pour la [1] dans cette situation.

Comment l’article 710 du code de procédure pénale influence-t-il la compétence en matière d’exécution des décisions judiciaires ?

L’article 710 du code de procédure pénale dispose que :

« Tous incidents contentieux relatifs à l’exécution sont portés devant le tribunal ou la cour qui a prononcé la sentence. »

Cet article établit que les incidents relatifs à l’exécution d’une décision pénale doivent être portés devant la juridiction qui a rendu la décision. Cependant, il ne précise pas qui peut saisir cette juridiction pour un incident contentieux.

Dans le cas présent, la cour d’appel a interprété que seul le procureur de la République était compétent pour saisir le juge des libertés et de la détention concernant l’exécution des mesures ordonnées.

Cette interprétation repose sur le fait que le procureur est le seul habilité à agir dans le cadre de la procédure de référé environnemental, ce qui limite la capacité d’autres parties, comme la [1], à intervenir dans la liquidation de l’astreinte.

Quels sont les droits des parties intéressées en matière de mesures d’exécution selon le code de procédure pénale ?

L’article 711 du code de procédure pénale précise que :

« Toute personne visée par une mesure d’exécution d’une décision pénale est recevable à présenter une requête soulevant des incidents relatifs à cette exécution. »

Cet article élargit la notion de parties intéressées aux associations de protection de l’environnement et aux fédérations agréées, leur permettant de soulever des incidents relatifs à l’exécution des décisions.

Cependant, dans le cas de la [1], la cour d’appel a jugé qu’elle n’avait pas la qualité de partie à la procédure de référé, ce qui l’a rendue irrecevable à agir et à interjeter appel.

Ainsi, même si la [1] était bénéficiaire des mesures prises pour la qualité de l’eau, cela ne lui conférait pas automatiquement le droit d’intervenir dans la liquidation de l’astreinte, selon l’interprétation des juges.

N° Z 23-85.490 F-B

N° 00024

ODVS
14 JANVIER 2025

REJET

M. BONNAL président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 14 JANVIER 2025

La [1], partie civile, a formé un pourvoi contre l’arrêt de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Riom, en date du 29 août 2023, qui a déclaré irrecevable son appel du jugement du juge des libertés et de la détention déclarant irrecevable sa requête en liquidation d’astreinte.

Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.

Sur le rapport de M. Samuel, conseiller, les observations de la SCP Delamarre et Jehannin, avocat de la [1], les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et associés, avocat de la communauté d’agglomération du Puy-en Velay, et les conclusions de M. Bigey, avocat général, après débats en l’audience publique du 3 décembre 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Samuel, conseiller rapporteur, M. Sottet, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Le procureur de la République a, sur requête de la [1] (la [1]) dénonçant des faits de pollution d’un cours d’eau en lien avec les dysfonctionnements d’un système d’épuration, saisi le juge des libertés et de la détention dans le cadre de la procédure de référé prévue par l’article L. 216-13 du code de l’environnement.

3. Par décision du 5 mai 2022, ce juge a ordonné à la communauté d’agglomération du Puy-en-Velay de mettre en oeuvre en urgence diverses mesures destinées à remédier aux faits dénoncés, et ce dans le délai d’un mois à compter de la notification de l’ordonnance, sous astreinte de 1 000 euros par jour calendaire de retard.

4. Le 20 mars 2023, la [1] a déposé une requête en liquidation de l’astreinte auprès du juge des libertés et de la détention qui l’a déclarée irrecevable.

5. La [1] a relevé appel de cette décision.

Examen des moyens

Sur les premier et deuxième moyens

Enoncé des moyens

6. Le premier moyen critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a déclaré irrecevable l’appel de la [1], alors « que fait grief à la partie intéressée et entraine la nullité de la procédure, l’absence de mise à disposition du dossier comprenant les réquisitions du ministère public au profit de son conseil pendant un délai de cinq jours francs avant l’audience, dans les matières autres que la détention provisoire ; que dès lors qu’il ne résulte pas des dispositions de l’arrêt que le dossier ait été mis à disposition des parties, la chambre de l’instruction a méconnu l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ensemble les articles préliminaire, 197, alinéa 3, et 802 du code de procédure pénale. »

7. Le deuxième moyen critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a déclaré irrecevable l’appel de la [1], alors :

« 1°/ que toute personne a le devoir de prendre part à la préservation et à l’amélioration de l’environnement ; que selon l’article L. 216-13 du code de l’environnement, en cas de non-respect des prescriptions imposées au titre des articles L. 211-2, L. 211-3 et L. 214-1 à L. 214-6 dudit code, toute mesure utile, y compris l’interdiction d’exploiter l’ouvrage ou l’installation en cause, peut être ordonnée pour faire cesser le trouble, soit sur réquisition du ministère public agissant à la requête de l’autorité administrative ou d’une association remplissant les conditions fixées par l’article L. 142-2, soit même d’office par le juge d’instruction saisi des poursuites ou par le tribunal correctionnel ; qu’en l’absence de dispositions contraires et de caractère pénal de l’astreinte, mesure à caractère réel, et pour garantir l’effet utile des mesures prononcées, une association, recevable, en vertu dudit texte, à formuler une requête auprès du ministère public aux fins de prononcé desdites mesures, l’est également à solliciter la liquidation de l’astreinte destinée à garantir leur exécution auprès du juge de libertés et de la détention et à interjeter appel de sa décision ; que, pour déclarer irrecevable l’appel de la [1], la chambre de l’instruction a énoncé que « si les astreintes ainsi prononcées constituent des mesures à caractère réel destinées à faire cesser une situation illicite, et non des sanctions pénales, elles sont prononcées et liquidées par le juge pénal » et que « le procureur de la République, seul compétent pour saisir le juge des libertés et de la détention pour prendre « toute mesure utile » était, par conséquent, également seul compétent pour le saisir de tout problème d’exécution lié à ces mesures » ; qu’en statuant ainsi, la chambre de l’instruction a méconnu l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ensemble les articles 1er et 2 de la Charte de l’environnement et l’article L. 216-13 du code de l’environnement ;

2°/ que si l’article 710 du code de procédure pénale prévoit que tous incidents contentieux relatifs à l’exécution sont portés devant le tribunal ou la cour qui a prononcé la sentence, il ne précise aucunement qui peut saisir la juridiction d’un incident contentieux ; qu’en énonçant néanmoins que « le procureur de la République, seul compétent pour saisir le juge des libertés et de la détention pour prendre « toute mesure utile » était, par conséquent, également seul compétent pour le saisir de tout problème d’exécution lié à ces mesures », la chambre de l’instruction a méconnu l’article 710 du code de procédure pénale ;

3°/ que l’ordonnance du président de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Riom du 10 mai 2022 ayant prononcé des mesures sous astreinte avait énoncé que celle-ci avait été « Saisie par la [1] (43), L’autorité judiciaire était donc parfaitement fondée à mettre en œuvre ce dispositif » ; qu’il en résulte que l’exposante avait, comme partie au litige, qualité à solliciter la liquidation de ladite astreinte ; qu’en déclarant néanmoins l’exposante irrecevable à agir et à interjeter appel, la chambre de l’instruction a méconnu l’article L. 216-13 du code de l’environnement, ensemble les articles 710 et 711 du code de procédure pénale ;

4°/ en toute hypothèse, que le tribunal ou la cour d’appel statue sur les incidents contentieux relatifs à l’exécution sur requête du ministère public ou de la partie intéressée ; que toute personne visée par une mesure d’exécution d’une décision pénale est recevable à présenter une requête soulevant des incidents relatifs à cette exécution ; que sont des parties intéressées au sens de l’article 711 du code de procédure pénale, les associations de protection de l’environnement agréées au titre de l’article L. 141-1 dudit code ainsi que les fédérations départementales des associations agréées de pêche et de protection du milieu aquatique et les associations agréées de pêcheurs professionnels; qu’en l’espèce, l’exposante était bénéficiaire des mesures prises pour la qualité de l’eau dans l’ordonnance du président de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Riom du 10 mai 2022 ce qui en faisait une partie intéressée au sens de l’article 711 du code de procédure pénale, qu’en déclarant néanmoins l’exposante irrecevable à agir et à interjeter appel, la chambre de l’instruction a méconnu les articles 710 et 711 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

8. Les moyens sont réunis.

9. Pour déclarer irrecevable l’appel de la [1], l’arrêt attaqué énonce que le cinquième alinéa de l’article L. 216-13 du code de l’environnement, qui ouvre le droit de faire appel, de façon restrictive, au procureur de la République ou à la personne concernée par les mesures, se rapporte à la décision sur le fond prise par le juge des libertés et de la détention, mais que ce texte ne prévoit aucun contrôle de l’exécution des mesures ainsi ordonnées, en particulier sur la liquidation d’une astreinte.

10. Les juges ajoutent que, si la procédure dite de référé environnemental n’est pas subordonnée à la caractérisation d’une faute de la personne concernée de nature à engager sa responsabilité pénale, il n’en demeure pas moins que seul le procureur de la République peut saisir le juge des libertés et de la détention de la requête visée à l’article L. 216-13 précité et que lui seul, ou la personne concernée par les mesures, peut faire appel de la décision prise à titre principal.

11. Ils précisent que si les astreintes ainsi prononcées constituent des mesures à caractère réel destinées à faire cesser une situation illicite, et non des sanctions pénales, elles sont prononcées et liquidées par le juge pénal.

12. Les juges relèvent encore qu’il résulte de la combinaison de ces dispositions avec celles de l’article 710 du code de procédure pénale que seul le procureur de la République est compétent pour saisir le juge des libertés et de la détention afin de prendre toute mesure utile et régler toute difficulté d’exécution y afférente, éventuellement à la demande de la partie requérante.

13. La cour d’appel en conclut que la [1], à laquelle aucun texte ne confère la qualité de partie à la procédure de référé, n’est pas plus recevable à saisir le juge des libertés et de la détention en liquidation de l’astreinte qu’elle ne l’aurait été à le faire sur le fondement des dispositions de l’article L. 216-13 du code de l’environnement.

14. En statuant ainsi, la cour d’appel n’a méconnu aucun des textes visés au deuxième moyen.

15. En effet, toute action relevant de la procédure engagée sur le fondement de l’article L. 216-13 du code de l’environnement ne peut être poursuivie que par le procureur de la République ou la personne concernée, qui est celle à l’encontre de laquelle il a été demandé au juge des libertés et de la détention d’ordonner toute mesure utile.

16. Dès lors, les moyens doivent être écartés, le premier étant inopérant, faute pour la [1] d’avoir la qualité de partie.


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