Consignation des loyers et troubles de jouissance : enjeux et perspectives

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Consignation des loyers et troubles de jouissance : enjeux et perspectives

L’Essentiel : La SCPI FRUCCTIPIERRE a signé un bail commercial avec la société POMPES FUNEBRES DE FRANCE en mai 2016. En juin 2021, la société QUINTET, nouvel acquéreur de l’immeuble, a exigé le paiement des loyers. En juin 2023, QUINTET a délivré un commandement de payer pour un arriéré de 29.430,30 euros. En réponse, POMPES FUNEBRES DE FRANCE a demandé la résiliation du bail pour troubles de jouissance. Le juge a rejeté la demande de consignation des loyers, estimant que les nuisances n’étaient pas prouvées. Une médiation a été proposée pour résoudre le litige à l’amiable.

Contexte du litige

La SCPI FRUCCTIPIERRE a conclu un bail commercial le 26 mai 2016 avec la société POMPES FUNEBRES DE FRANCE pour des locaux à Boulogne-Billancourt, avec un loyer annuel de 54.650 euros. Ce bail a pris effet le 1er juillet 2016 pour une durée de neuf ans.

Notification de changement de propriétaire

Le 14 juin 2021, la société QUINTET, ayant acquis l’immeuble le 3 juin 2021, a informé la société POMPES FUNEBRES DE FRANCE de l’obligation de lui adresser les paiements de loyer.

Commandement de payer

Le 2 juin 2023, QUINTET a délivré un commandement de payer à POMPES FUNEBRES DE FRANCE pour un arriéré de loyers de 29.430,30 euros, plus des pénalités et intérêts, en invoquant la clause résolutoire du bail.

Demande de résiliation du bail

En réponse, POMPES FUNEBRES DE FRANCE a assigné QUINTET le 27 octobre 2023, demandant la résiliation judiciaire du bail pour manquements à l’obligation de jouissance paisible, ainsi qu’un remboursement de 76.405,12 euros pour troubles de jouissance.

Incident de consignation des loyers

Le 20 décembre 2023, POMPES FUNEBRES DE FRANCE a demandé à consigner les loyers en attendant la décision sur le fond.

Réponse de QUINTET

Le 16 mai 2024, QUINTET a contesté la demande de consignation, arguant que les troubles de jouissance n’étaient pas prouvés et que POMPES FUNEBRES DE FRANCE n’avait pas démontré d’impossibilité d’exploitation des locaux.

Arguments des parties

POMPES FUNEBRES DE FRANCE a évoqué des nuisances causées par des travaux d’un autre locataire, tandis que QUINTET a soutenu que le preneur devait payer le loyer, sauf impossibilité totale d’exploitation, ce qui n’était pas le cas ici.

Décision du juge

Le juge a débouté POMPES FUNEBRES DE FRANCE de sa demande de consignation, considérant qu’aucun manquement évident de QUINTET n’était établi et que la société avait continué d’exploiter les locaux malgré les nuisances alléguées.

Proposition de médiation

Le juge a proposé aux parties de recourir à une médiation pour tenter de résoudre le litige de manière amiable, en leur permettant de trouver une solution commune.

Mesures accessoires et exécution provisoire

POMPES FUNEBRES DE FRANCE a été condamnée aux dépens de l’incident, et l’exécution provisoire de l’ordonnance a été ordonnée, avec un calendrier procédural fixé pour la suite de l’affaire.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les obligations du bailleur en matière de jouissance paisible des lieux loués ?

Le bailleur a des obligations précises en vertu de l’article 1719 du Code civil, qui stipule que :

« Le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu’il soit besoin d’aucune stipulation particulière, de délivrer au preneur la chose louée, d’entretenir cette chose en état de servir à l’usage pour lequel elle a été louée et d’en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail. »

Cela signifie que le bailleur doit garantir au locataire une jouissance paisible des lieux loués, ce qui inclut l’absence de troubles causés par des travaux ou des nuisances provenant d’autres locataires.

En cas de manquement à cette obligation, le locataire peut invoquer l’exception d’inexécution, comme le prévoit la jurisprudence. L’impossibilité de jouir des lieux loués doit être appréciée par le juge, qui examinera si les nuisances alléguées sont suffisamment graves pour justifier une telle exception.

Il est donc essentiel pour le bailleur de respecter ces obligations afin d’éviter des litiges avec le locataire.

Quelles sont les obligations du preneur en matière de paiement du loyer ?

L’article 1728 du Code civil précise les obligations du preneur, notamment :

« Le preneur est tenu de deux obligations principales :
1. D’user de la chose louée raisonnablement, et suivant la destination qui lui a été donnée par le bail, ou suivant celle présumée d’après les circonstances, à défaut de convention ;
2. De payer le prix du bail aux termes convenus. »

Ainsi, le preneur est tenu de payer le loyer convenu, même en cas de troubles de jouissance, sauf s’il peut prouver une impossibilité totale d’exploiter les locaux.

La jurisprudence a établi que le non-paiement des loyers ne peut être justifié que par des manquements graves du bailleur, rendant l’exploitation des lieux impossible.

Il est donc crucial pour le preneur de respecter cette obligation de paiement, sous peine de subir des conséquences juridiques, telles que des commandements de payer ou des résiliations de bail.

Quelles sont les conditions pour justifier la consignation des loyers ?

La consignation des loyers est régie par l’article 789 du Code de procédure civile, qui stipule que :

« Le juge de la mise en état peut ordonner toutes mesures provisoires, même conservatoires, à l’exception des saisies conservatoires et des hypothèques et nantissements provisoires. »

Pour qu’une demande de consignation soit acceptée, le preneur doit démontrer qu’il existe un trouble de jouissance suffisamment grave pour justifier cette mesure.

La jurisprudence a précisé que la consignation ne peut être ordonnée qu’en cas d’impossibilité totale d’exploiter les locaux, ce qui n’est pas le cas si le preneur continue d’exploiter les lieux malgré les nuisances.

Dans l’affaire en question, la société POMPES FUNEBRES DE FRANCE a invoqué des nuisances, mais le tribunal a constaté qu’elle avait continué à exploiter les locaux, ce qui a conduit à débouter sa demande de consignation.

Quel est le rôle de la médiation dans les litiges commerciaux ?

L’article 131-1 du Code de procédure civile dispose que :

« Le juge saisi d’un litige peut, après avoir recueilli l’accord des parties, désigner une tierce personne afin d’entendre les parties et de confronter leurs points de vue pour leur permettre de trouver une solution au conflit qui les oppose. »

La médiation est un processus qui permet aux parties de résoudre leurs différends de manière amiable, avec l’aide d’un tiers impartial.

Dans le cadre de litiges commerciaux, la médiation peut être particulièrement utile pour préserver les relations d’affaires et éviter des procédures judiciaires longues et coûteuses.

Le juge peut proposer la médiation lorsque le contexte du litige s’y prête, comme dans l’affaire en question, où le juge a suggéré aux parties de recourir à cette méthode pour trouver une solution durable à leur conflit.

Cela permet aux parties de travailler ensemble pour élaborer une solution qui répond à leurs besoins, plutôt que de laisser le tribunal imposer une décision.

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NANTERRE

8ème chambre

ORDONNANCE DE MISE EN ETAT

Rendue le 13 Janvier 2025

N° R.G. : N° RG 23/08609 – N° Portalis DB3R-W-B7H-Y5AX

N° Minute :

AFFAIRE

S.A.S. POMPES FUNEBRES DE FRANCE

C/

S.A.S. QUINTET

Copies délivrées le :

Nous, Elisette ALVES, Juge de la mise en état assistée de Maeva SARSIAT, Greffier ;

DEMANDERESSE

S.A.S. POMPES FUNEBRES DE FRANCE
12, rue Barthélémy Danjou
92100 BOULOGNE-BILLANCOURT

représentée par Me Stéphan DENOYES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0721

DEFENDERESSE

S.A.S. QUINTET
8 rue Barthélémy Danjou
92100 BOULOGNE-BILLANCOURT

représentée par Maître Julien DESCLOZEAUX de la SELARL LATOURNERIE WOLFROM AVOCATS, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : L 0199

ORDONNANCE

Par décision publique, rendue en premier ressort, contradictoire susceptible d’appel dans les conditions de l’article 795 du code de procédure civile, et mise à disposition au greffe du tribunal conformément à l’avis donné à l’issue des débats.

Les avocats des parties ont été entendus en leurs explications, l’affaire a été ensuite mise en délibéré et renvoyée pour ordonnance.

Avons rendu la décision suivante :

EXPOSÉ DU LITIGE

Suivant acte sous signature privée du 26 mai 2016, la SCPI FRUCCTIPIERRE a donné à bail commercial à la société POMPES FUNEBRES DE FRANCE, pour une durée de neuf années à compter de la prise d’effet intervenue le 1er juillet 2016, des locaux situés au rez-de-chaussée d’un immeuble sis 12, rue Barthélémy Danjou à BOULOGNE BILLANCOURT (92100), à usage exclusif de bureaux, et trois emplacements de stationnement n°116 à 118 situés au sous-sol moyennant notamment le règlement d’un loyer annuel fixé à la somme de 54.650 euros en principal, payable trimestriellement et d’avance.

Par courrier recommandé avec demande d’avis de réception en date du 14 juin 2021, la société QUINTET a informé la société POMPES FUNEBRES DE FRANCE voir acquis le 3 juin 2021 l’immeuble objet du bail commercial du 26 mai 2016, l’invitant à lui adresser désormais le règlement des loyers dus en exécution de celui-ci.

Par exploit du 2 juin 2023, la société QUINTET a fait délivré à la société POMPES FUNEBRES DE FRANCE un commandement de payer la somme de 29.430,30 euros au titre de l’arriéré de loyers et charges impayé, outre 2.943,03 euros au titre de la clause pénale, ainsi que les intérêts échus et le coût de l’acte, visant la clause résolutoire du bail.

Invoquant des manquements à l’obligation de jouissance paisible des lieux loués en raison des travaux mis en œuvre dans l’immeuble et des modalités d’exploitation de leurs locaux par d’autres locataires, la société POMPES FUNEBRES DE FRANCE a fait assigner la société QUINTET devant ce tribunal par exploit du 27 octobre 2023, aux fins essentiellement de voir prononcer la résiliation judiciaire du bail commercial du 26 mai 2016 aux torts exclusifs de la bailleresse, à effet du 23 septembre 2023, et de la voir condamner à lui rembourser la somme de 76.405,12 euros correspondant à 50% des loyers versés entre les mois de septembre 2021 et septembre 2023, au titre de son trouble de jouissance.

Par voie de conclusions notifiées le 20 décembre 2023, la société POMPES FUNEBRES DE FRANCE a élevé un incident tendant à être autorisée à consigner les loyers jusqu’au prononcé au fond de la décision à intervenir, entre les mains du Bâtonnier de l’Ordre des Avocats de PARIS.

Aux termes de ses dernières conclusions sur incident notifiées par voie électronique le 16 janvier 2024, la société POMPES FUNEBRES DE FRANCE demande au juge de la mise en état, de :

REJETER toutes fins, moyens et conclusions contraires,

RECEVOIR la société POMPES FUNEBRES DE FRANCE en ses conclusions et l’y DECLARER bien fondée,

ORDONNER la consignation des loyers entre les mains du Bâtonnier de l’Ordre des Avocats de Paris, sur un compte séquestre, jusqu’au prononcé au fond de la décision à intervenir,

CONDAMNER la société Quintet aux entiers dépens,

CONDAMNER la société Quintet à payer à la Pompes Funèbres de France la somme de 2000 € au
titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

Selon conclusions en réponse sur l’incident, notifiées par voie électronique le 16 mai 2024, la société QUINTET demande au juge de la mise en état, de :

CONSTATER que les prétendues « trouble de jouissance » allégués ne sont ni établi, ni en tout état de cause, de nature à rendre impossible l’exploitation des locaux loués ;

CONSTATER qu’aux termes de l’assignation de la société POMPES FUNEBRES DE FRANCE, une telle impossibilité d’exploitation n’est pas même alléguée ;

DIRE ET JUGER que les conditions exigées pour justifier la suspension du paiement des loyers ne sont pas réunies, qu’une telle suspension soit ou non accompagnée d’une consignation des loyers impayés auprès d’un tiers ;

En conséquence :
REJETER l’ensemble des demandes, fins et conclusions de la société POMPES FUNEBRES DE FRANCE ;

RESERVER les dépens.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il conviendra de se référer aux conclusions précitées des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions.

Plaidé à l’audience du 21 novembre 2024, l’incident a été mis en délibéré au 13 janvier 2025.

MOTIFS

A titre liminaire

Il sera préalablement rappelé que les demandes tendant à voir « recevoir », « déclarer bien fondée », « constater » et « dire et juger » ne constituent pas des prétentions au sens de l’article 4 du code de procédure civile, en ce qu’elles ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert, ces demandes n’étant en réalité que la redite des moyens invoqués, et non des chefs de décision devant figurer dans la partie exécutoire du jugement, sur lesquelles il n’y a donc pas lieu de statuer.

Il n’y a pas davantage lieu de statuer sur la recevabilité des conclusions de la société POMPES FUNEBRES DE FRANCE, celle-ci n’étant pas contestée.

Sur la demande de consignation des loyers

La société POMPES FUNEBRES DE France demande au juge de la mise en état d’ordonner la consignation des loyers sur le compte séquestre du Bâtonnier de l’Ordre des avocats de PARIS, jusqu’au prononcé au fond de la décision à intervenir. Elle fonde sa demande sur les dispositions des articles 789 du code de procédure civile et 1719 du code civil et la jurisprudence relative à l’exception d’inexécution. Elle indique que les travaux mis en œuvre par une autre locataire, la société REWORLD, lui ont occasionné et occasionnent encore des nuisances notamment sonores perturbant son exploitation. Elle fait aussi grief à cette société de dégrader et d’encombrer les parties communes à l’occasion desdits travaux qui engendrent de la poussière. Elle souligne que la durée de ces travaux n’est d’ailleurs pas connue. Elle lui reproche encore ses conditions d’exploitation de la cour à l’origine de nuisances olfactives, . Elle estime caractériser ces nuisances notamment par la production des procès-verbaux de constat dressés les 23 septembre 2023, 27 novembre 2023 et 20 décembre 2023, ainsi que par ses courriers de réclamation à la bailleresse en date des 27 novembre 2023, 12 et 20 décembre 2023 et les différents clichés communiqués. Selon elle, les bruits et vibrations occasionnés par ces travaux rendent les locaux impropres à leur usage. Elle fait état d’un véritable préjudice de jouissance. Elle déplore également un quasi-doublement de ses charges locatives. En l’absence de réponse de la bailleresse à ses réclamations, elle affirme que celle-ci ne satisfait pas à l’obligation légale à laquelle elle est tenue de lui assurer une jouissance paisible des lieux loués, justifiant que soit ordonnée la consignation des loyers demandée.

La société QUINTET résiste à cette prétention en faisant valoir que le preneur est tenu, en application de l’article 1728 du code civil, de procéder au paiement du loyer en contrepartie de l’exploitation des lieux loués. Elle ajoute que, selon la jurisprudence constante, cette obligation essentielle du preneur ne cesse qu’en cas de démonstration d’une impossibilité totale d’exploiter les locaux propre à fonder une exception d’inexécution (cour d’appel de CHAMBERY RG : 22/02010, cour d’appel de CAEN RG : 18/02015, cour d’appel de REIMS RG : 18/01846 et cour d’appel de PARIS RG : 13/17750). Elle soutient que le preneur ne peut, de même, être autorisé judiciairement à suspendre le paiement des loyers ou à les consigner qu’en cas d’impossibilité totale d’exploiter les lieux loués. Elle se prévaut notamment d’un arrêt récent de la cour de cassation en date du 6 juillet 2023, rendu alors que le preneur invoquait des infiltrations dans ses locaux (Pourvoi n°22-15923). Elle rappelle que le preneur a saisi le tribunal d’une action en résiliation judiciaire du bail aux torts de la bailleresse arguant d’un trouble excessif occasionné par des travaux réalisés dans l’immeuble, hors de la surface des lieux loués, sans invoquer d’impossibilité d’exploiter ses locaux. Elle déclare que les nuisances listées (occupation des espaces extérieurs et intérieurs des parties communes, par la société REWORLD MEDIA, implantation de sa marque au-dessus de la porte d’entrée de l’immeuble, installation de tables de pique-nique dans la cour à l’origine de nuisances olfactives, utilisation des WC destinés aux PMR comme garage à vélo, présence de cartons et déchets sous ses fenêtres durant plusieurs jours, privation du système de climatisation en juin 2023 et partiellement en juillet, présence dans la cour d’un foodtruck les jeudi et mise en place d’un baby-foot dans le hall d’accueil à l’origine de rires et de cris) ne caractérisent aucune impossibilité d’exploitation de ses locaux par la demanderesse, à supposer même que des troubles puissent être retenus de ces chefs. Elle insiste sur l’absence de valeur probatoire du constat 23 septembre 2023, le commissaire de justice instrumentaire faisant état d’enregistrements réalisés unilatéralement par la société POMPES FUNEBRES DE FRANCE depuis 2021. Elle estime que les courriers émanant du preneur ne sont pas davantage probants. Elle souligne aussi que si le commissaire de justice a pu évoquer des « nuisances sonores excessives », ses constatations n’ont pas la portée d’un technicien ou homme de l’art. Elle considère encore qu’en demandant un remboursement de 50% des loyers devant le tribunal, la demanderesse a implicitement reconnu l’absence d’impossibilité totale d’exploiter ses locaux. Enfin, elle fait état des clauses de souffrance stipulées au bail, aux termes desquelles le preneur a accepté de supporter, sans indemnité ni diminution de loyer, tous travaux de réparations ou d’améliorations ou modification voire extension ou surélévation que la bailleresse serait amenée à diligenter dans les lieux loués et dans les parties ou éléments à usage commun quelle qu’en soit la nature ou la durée, sans recours contre elle, par dérogation aux articles 1723 et 1724 du code civil. Elle en déduit que la demande de consignation des loyers doit être rejetée.

L’article 1961 alinéa 3 du code civil permet au juge, en cas de litige sérieux, d’ordonner le séquestre des choses qu’un débiteur offre pour sa libération.

Il résulte de ces dispositions que le débiteur est libéré lorsqu’il remet au séquestre désigné par justice les choses qu’il a offertes pour sa libération.

L’article 789 4° du code de procédure civile donne par ailleurs compétence au juge de la mise en état pour ordonner toutes mesures provisoires, même conservatoires, à l’exception des saisies conservatoires et des hypothèques et nantissements provisoires, ainsi que de modifier en cas de survenance d’un fait nouveau, les mesures qui auraient déjà été ordonnées.

Il est constant que la mise sous séquestre d’une somme d’argent constitue une mesure provisoire et conservatoire qui entre dans le champ de la compétence du juge de la mise en état en application de l’article 789-4 du code de procédure civile, précité.

Selon l’article 1719 du code civil le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu’il soit besoin d’aucune stipulation particulière, de délivrer au preneur la chose louée, d’entretenir cette chose en état de servir à l’usage pour lequel elle a été louée et d’en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail.

L’article 1728 du même code dispose quant à lui que le preneur est tenu de deux obligations principales :
1 D’user de la chose louée raisonnablement, et suivant la destination qui lui a été donnée par le bail, ou suivant celle présumée d’après les circonstances, à défaut de convention ;
2 De payer le prix du bail aux termes convenus.

L’obligation de délivrance et de jouissance paisible imposée au bailleur et celle de paiement du loyer pesant sur le locataire étant réciproques, il est admis que le preneur à bail peut se prévaloir de l’exception d’inexécution sous réserve de démontrer l’importance du manquement contractuel justifiant la mise en œuvre de ladite exception d’inexécution.

L’impossibilité de jouir des lieux loués relève de l’appréciation souveraine des juges du fond (Pourvoi n° 92-12324).

Il en résulte que le débat portant sur le manquement de la bailleresse à son obligation de délivrance et jouissance paisible relève de l’appréciation du tribunal statuant au fond.

En l’espèce, la société POMPES FUNEBRES DE FRANCE demande à être autorisée à consigner les loyers dus en exécution du bail commercial signé le 26 mai 2016 en raison du trouble de jouissance qu’elle indique subir du fait des travaux mis en œuvre dans l’immeuble dont dépendent les lieux loués et des nuisances résultant des conditions d’occupation des parties communes par un autre preneur à bail, la société REWORLD MEDIA.

En l’état des éléments versés aux débats, la demande de consignation des loyers entre les mains d’un séquestre n’est justifiée par aucun manquement évident de la société QUINTET. En outre, force est de constater que malgré les manquements invoqués depuis 2021, la société POMPES FUNEBRES DE FRANCE a continué d’exploiter les locaux donnés à bail.

Par conséquent, elle sera déboutée de sa demande de consignation.

Sur la proposition de médiation

L’article 131-1 du code de procédure civile dispose que le juge saisi d’un litige peut, après avoir recueilli l’accord des parties, désigner une tierce personne afin d’entendre les parties et de confronter leurs points de vue pour leur permettre de trouver une solution au conflit qui les oppose.

En l’espèce, compte tenu de l’objet du litige et du contexte dans lequel il s’inscrit, il apparaît utile de proposer aux parties de recourir à une mesure de médiation dans l’optique de leur offrir la possibilité d’élaborer elles-mêmes, en commun et de manière pérenne la solution à leur litige, avec l’aide d’un tiers qui, après les avoir entendues, les aidera à confronter leurs points de vue pour leur permettre de trouver une solution. Un courrier d’information sur la médiation sera envoyé aux parties avec copie aux avocats qui devront faire connaître leur accord, ou non, sur l’organisation d’une telle mesure avant le 30 janvier 2024.

Sur les mesures accessoires

En application de l’article 790 du code de procédure civile, le juge de la mise en état peut statuer sur les dépens et les demandes formées en application de l’article 700.

La société POMPES FUNEBRES DE FRANCE, qui succombe principalement, supportera la charge des dépens du présent incident en application de l’article 696 du code de procédure civile. Sa demande fondée sur l’article 700 du même code sera donc rejetée.

En application de l’article 514 du code de procédure civile, l’exécution provisoire de la présente ordonnance est de droit. Compatible avec la nature de l’affaire, il n’y a pas lieu de l’écarter.

PAR CES MOTIFS

Le Juge de la mise en état, statuant par ordonnance contradictoire susceptible de recours dans les conditions prévues par l’article 795 du code de procédure civile,

DEBOUTE la société POMPES FUNEBRES DE FRANCE de sa demande de consignation,

CONDAMNE la société POMPES FUNEBRES DE FRANCE aux dépens de l’incident,

PROPOSE aux parties de recourir à une mesure de médiation pour leur permettre de trouver une solution en commun et de manière pérenne au différend qui les oppose,

RAPPELLE que l’exécution provisoire de la présente ordonnance est de droit,

RENVOIE l’affaire à l’audience de mise en état du 19 juin 2025 à 9h30 pour clôture de la procédure avec fixation du calendrier procédural suivant :

– avis des parties sur leur accord, ou non, sur l’organisation d’une mesure de médiation par MESSAGE ELECTRONIQUE AVANT LE 31 JANVIER 2025,
– conclusions récapitulatives en demande avant le 31 mars 2025, à défaut d’accord sur la médiation,
– conclusions récapitulatives en défense avant le 31 mai 2025 à défaut d’accord sur la médiation.

Signée par Elisette ALVES, Vice-Président, chargée de la mise en état, et par Maeva SARSIAT, Greffier présent lors du prononcé.

LE GREFFIER
Maeva SARSIAT
LE JUGE DE LA MISE EN ETAT
Elisette ALVES


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