Renouvellement de bail commercial : fixation du loyer et déplafonnement en raison de modifications des facteurs locaux de commercialité.

·

·

Renouvellement de bail commercial : fixation du loyer et déplafonnement en raison de modifications des facteurs locaux de commercialité.

L’Essentiel : Le 26 novembre 2010, Mme [L] [W] a signé un bail commercial de neuf ans avec la société ARS REI FRANCE pour un local à [Adresse 2], avec un loyer annuel de 18.000 euros. Le 29 mai 2019, elle a signifié un congé tout en proposant un renouvellement à 47.220 euros, accepté par la société mais contesté sur le montant. Après une demande de fixation du loyer, le juge a confirmé le renouvellement et désigné un expert. Le loyer a finalement été fixé à 28.000 euros, avec des intérêts sur le différentiel, et les demandes accessoires ont été rejetées.

Contexte du Bail Commercial

Le 26 novembre 2010, Mme [L] [W] a conclu un bail commercial avec la société ARS REI FRANCE pour un local situé à [Adresse 2]. Ce bail, d’une durée de neuf ans, stipule un loyer annuel de 18.000 euros hors taxes et charges, permettant l’exercice de « tout commerce » à l’exception de certaines activités nuisibles au voisinage.

Congé et Renouvellement du Bail

Le 29 mai 2019, Mme [L] [W] a signifié un congé à la société ARS REI FRANCE, tout en proposant un renouvellement du bail à un loyer annuel de 47.220 euros hors taxes et charges, à compter du 1er décembre 2019. La société a accepté le principe du renouvellement, mais a contesté le montant du loyer proposé.

Demande de Fixation du Loyer

Le 26 mai 2021, Mme [L] [W] a demandé la fixation du loyer à 47.220 euros, et a assigné la société ARS REI FRANCE devant le juge des loyers commerciaux le 9 septembre 2021. Le jugement du 15 avril 2022 a confirmé le principe du renouvellement du bail et a désigné un expert pour évaluer la valeur locative.

Rapport de l’Expert

L’expert a remis son rapport le 31 juillet 2023, concluant à une modification notable des facteurs locaux de commercialité, justifiant ainsi le déplafonnement du loyer. L’affaire a été rappelée à l’audience le 10 octobre 2024, où les deux parties étaient représentées par leurs avocats.

Demandes des Parties

Dans ses conclusions, Mme [L] [W] a demandé la fixation du loyer à 43.750 euros, avec des demandes subsidiaires à 30.800 euros et 20.628,25 euros. De son côté, la société ARS REI FRANCE a demandé le rejet du déplafonnement et a proposé un loyer de 20.628,25 euros, tout en sollicitant un lissage des augmentations de loyer.

Motifs de la Décision

Le juge a rappelé que le montant des loyers doit correspondre à la valeur locative, déterminée par divers facteurs, y compris les caractéristiques du local et les prix pratiqués dans le voisinage. Il a conclu à une modification notable des facteurs locaux de commercialité, justifiant le déplafonnement du loyer.

Fixation du Loyer

Le loyer a été fixé à 28.000 euros hors charges et hors taxes, à compter du 1er décembre 2019. Des intérêts ont été ordonnés sur le différentiel entre le loyer acquitté et le loyer dû, à partir du 9 septembre 2021.

Rejet des Demandes Accessoires

La demande de lissage du loyer a été rejetée, et le partage des dépens a été ordonné entre les parties. Les demandes d’indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile ont également été rejetées.

Conclusion du Jugement

Le jugement a été rendu le 10 janvier 2025, fixant le loyer annuel à 28.000 euros et ordonnant le partage des dépens entre Mme [L] [W] et la société ARS REI FRANCE.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la nature du bail commercial renouvelé entre Mme [L] [W] et la société ARS REI FRANCE ?

Le bail commercial renouvelé entre Mme [L] [W] et la société ARS REI FRANCE est un contrat de location d’un local commercial, qui a été initialement conclu pour une durée de neuf ans, du 1er décembre 2010 au 30 novembre 2019.

Ce bail a été renouvelé à compter du 1er décembre 2019, conformément aux dispositions des articles L. 145-1 et suivants du Code de commerce, qui régissent les baux commerciaux.

L’article L. 145-1 précise que « le bail commercial est un contrat par lequel une personne, le bailleur, donne à une autre, le preneur, la jouissance d’un local à usage commercial, en contrepartie d’un loyer ».

Le renouvellement du bail est également encadré par l’article L. 145-33, qui stipule que le montant des loyers des baux commerciaux renouvelés doit correspondre à la valeur locative, sauf en cas de déplafonnement justifié par des modifications notables des facteurs locaux de commercialité.

Quelles sont les conditions de déplafonnement du loyer selon le Code de commerce ?

Les conditions de déplafonnement du loyer commercial sont régies par les articles L. 145-33 et L. 145-34 du Code de commerce.

L’article L. 145-33 dispose que « le montant des loyers des baux commerciaux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative. À défaut d’accord, cette valeur est déterminée d’après :

1. Les caractéristiques du local concerné ;
2. La destination des lieux ;
3. Les obligations respectives des parties ;
4. Les facteurs locaux de commercialité ;
5. Les prix couramment pratiqués dans le voisinage. »

L’article L. 145-34 précise que, sauf en cas de modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l’article L. 145-33, le taux de variation du loyer ne peut excéder la variation de l’indice trimestriel des loyers commerciaux.

Ainsi, pour qu’un déplafonnement soit justifié, il faut démontrer qu’il y a eu une modification notable des facteurs locaux de commercialité, ce qui a été contesté par la société ARS REI FRANCE dans cette affaire.

Comment est déterminée la valeur locative d’un bail commercial ?

La valeur locative d’un bail commercial est déterminée selon les critères énoncés dans l’article L. 145-33 du Code de commerce, qui inclut les caractéristiques du local, la destination des lieux, les obligations des parties, les facteurs locaux de commercialité et les prix pratiqués dans le voisinage.

L’article R. 145-3 précise que les caractéristiques propres au local s’apprécient en fonction de :

1. Sa situation dans l’immeuble, sa surface et son volume ;
2. L’importance des surfaces affectées à la réception du public et à l’exploitation ;
3. Ses dimensions et son état d’entretien ;
4. La nature et l’état des équipements mis à disposition du locataire.

La valeur locative doit donc refléter l’ensemble de ces éléments, et en cas de contestation, un expert peut être désigné pour évaluer ces critères et établir un rapport sur la valeur locative.

Quels sont les effets des intérêts sur le loyer en cas de différentiel entre le loyer acquitté et le loyer dû ?

Les effets des intérêts sur le loyer en cas de différentiel entre le loyer acquitté et le loyer dû sont régis par les articles 1231-7 et 1343-2 du Code civil.

L’article 1231-7 stipule que « le débiteur est tenu de payer des intérêts au créancier à compter de la date à laquelle il est en demeure de payer ».

L’article 1343-2 précise que « les intérêts échus depuis plus d’une année produisent eux-mêmes intérêts ».

Dans le cadre de cette affaire, des intérêts ont couru sur le différentiel entre le loyer effectivement acquitté et le loyer dû à compter de la date de l’assignation, soit le 9 septembre 2021, et ce, pour chaque échéance échue.

Les intérêts dus pour une année entière doivent être capitalisés, ce qui signifie qu’ils s’ajoutent au principal pour le calcul des intérêts futurs.

Ainsi, le juge a ordonné que des intérêts soient appliqués sur le montant du loyer à partir de la date d’effet du nouveau loyer, conformément aux dispositions légales.

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

Loyers commerciaux

N° RG 21/11333
N° Portalis 352J-W-B7F-CVEQK

N° MINUTE : 1

Assignation du :
09 Septembre 2021

Jugement de fixation

[1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :

JUGEMENT
rendu le 10 Janvier 2025

DEMANDERESSE

Madame [L] [W] divorcée [Z]
[Adresse 1]
[Adresse 1]

représentée par Maître Isabelle GUGENHEIM, avocate au barreau de PARIS, avocate plaidante, vestiaire #E0978

DEFENDERESSE

S.A.R.L. ARS REI FRANCE
[Adresse 2]
[Adresse 2]

représentée par Maître Edith LAGARDE-BELLEC, avocate au barreau de PARIS, avocate plaidante, vestiaire #C2524

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Sabine FORESTIER, Vice-présidente, Juge des loyers commerciaux
Siégeant en remplacement de Monsieur le Président du Tribunal judiciaire de Paris, conformément aux dispositions de l’article R.145-23 du code de commerce ;

assistée de Manon PLURIEL, Greffière lors des débats et de Camille BERGER, Greffière lors de la mise à disposition

DEBATS

A l’audience du 10 Octobre 2024 tenue publiquement

JUGEMENT

Rendu publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé en date du 26 novembre 2010, Mme [L] [W] a donné à bail commercial à la société ARS REI FRANCE un local dépendant d’un immeuble situé à [Adresse 2], pour une durée de neuf ans du 1er décembre 2010 au 30 novembre 2019, l’exercice de l’activité de « tout commerce à l’exception de ceux qui pourraient être inclus par le règlement de copropriété de l’immeuble ainsi que ceux de caractère bruyant, malodorant, de mauvaise réputation ou pouvant nuire au voisinage » et un loyer annuel de 18.000 euros hors taxes et hors charges.

Par acte d’huissier de justice signifié le 29 mai 2019, Mme [L] [W] a donné congé à la société ARS REI FRANCE pour le 30 novembre 2019 et lui a offert le renouvellement du bail à compter du 1er décembre 2019, moyennant un loyer annuel de 47.220 euros hors taxes et hors charges.

Par acte d’huissier de justice signifié le 03 juillet 2019, la société ARS REI FRANCE a accepté le principe du renouvellement du bail mais s’est opposée à la fixation du loyer au montant proposé.

Selon mémoire préalable notifié le 26 mai 2021, Mme [L] [W] a sollicité la fixation du prix du loyer annuel du bail renouvelé à la somme de 47.220 euros hors taxes et hors charges à compter du 1er décembre 2019.

Puis, par acte d’huissier de justice signifié le 09 septembre 2021, Mme [L] [W] a assigné la société ARS REI FRANCE à comparaître devant le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Paris.

Par jugement rendu le 15 avril 2022, le juge des loyers commerciaux a notamment :

– constaté le principe du renouvellement du bail à compter du 1er décembre 2019 ;
– désigné en qualité d’expert M. [H] [B] en lui donnant notamment pour mission de :
* donner son avis sur une éventuelle modification notable des facteurs locaux de commercialité;
* rechercher la valeur locative des lieux loués à la date du 1er décembre 2019 en application des dispositions des articles L.145-33 et R.145-3 à R.145-8 du code de commerce ;
– fixé le loyer provisionnel pour la durée de l’instance au montant du loyer contractuel indexé en principal, outre les charges.

L’expert a déposé son rapport le 31 juillet 2023.

L’affaire a été rappelée à l’audience du juge des loyers commerciaux du 10 octobre 2024 à laquelle Mme [L] [W] et la société ARS REI FRANCE étaient représentées par leur avocat.

Dans son dernier mémoire régulièrement notifié, Mme [L] [W] demande au juge des loyers commerciaux de :

« – Dire et juger que le bail commercial s‘est renouvelé pour une durée de neuf années entières et consécutives à compter du 1er décembre 2019, aux clauses et conditions du bail échu,

– Juger que les conditions légales du déplafonnement du loyer au regard des articles L145-33 et L145-34 du code de commerce sont réunies ;

– Fixer au principal le loyer au titre du renouvellement du bail à compter du 1er décembre 2019 à un montant annuel de QUARANTE TROlS MILLE SEPT CENT ClNQUANTE EUROS hors charges et hors taxes (43.750 €), plus les accessoires et avec intérêts de droit au fur et à mesure des échéances échues, de plein droit à compter de la date d’effet du nouveau loyer et dire que les intérêts échus depuis plus d’une année produiront eux-mêmes intérêts conformément à l’article 1343-2 du code civil ;

– Fixer, subsidiairement, selon les conclusions de l’expert judiciaire, le loyer au titre du renouvellement du bail à compter du 1er décembre 2019 à un montant annuel de TRENTE MILLE HUIT CENT EUROS hors charges et hors taxes (30.800 €), plus les accessoires et avec intérêts de droit au fur et à mesure des échéances échues, de plein droit à compter de la date d’effet du nouveau loyer et dire que les intérêts échus depuis plus d’une année produiront eux-mêmes intérêts conformément à l’article 1343-2 du code civil ;

A titre infiniment subsidiaire,

– S’il n’était par extraordinaire retenu le déplafonnement du loyer et s’il n’est ordonnée une expertise, fixer le loyer au titre du renouvellement du bail à compter du 1er décembre 2019 à un montant annuel de VINGT MILLE SIX CENT VlNGT-HUlT EUROS et vingt-cinq centimes, hors charges et hors taxes (20.628,25 € /An), plus les accessoires et avec intérêts de droit au fur et à mesure des échéances échues, de plein droit à compter de la date d‘effet du nouveau loyer et dire que les intérêts échus depuis plus d’une année produiront eux-mêmes intérêts conformément à l‘article 1343-2 du code civil ;

En tout état de cause,

– Ordonner l‘exécution provisoire de la décision à intervenir ;
– Rejeter toutes demandes, fins et conclusions contraires aux présentes et débouter la societé ARS REl RANCE de toutes ses contestations et prétentions comme irrecevables et mal fondées ;
– Condamner la société ARS REl FRANCE au paiement d’une indemnité de 6.000 € à Madame [L] [Z] sur le fondement de l’article 700 du CPC ;
– Condamner la societé ARS REI FRANCE aux frais et dépens incluant le coût de l’expertise judiciaire. »

Dans son dernier mémoire régulièrement notifié, la société ARS REI FRANCE demande au juge des loyers commerciaux de :

« 1. A titre principal,

– Ecarter le déplafonnement du loyer du bail commercial relatif au local situé [Adresse 2], donné à bail par Madame [L] [W], divorcée [Z] à la société ARS REI FRANCE, renouvelé au 1er décembre 2019,
– Débouter Madame [L] [W], divorcée [Z] de ses demandes,

2. A titre subsidiaire,

– Fixer à la somme de 20.628,25 € hors taxes et hors charges le montant annuel du loyer à compter du 1er décembre 2019,

3. Plus subsidiairement,

– Limiter la variation du loyer à des augmentations, par année, égales à 10% du loyer acquitté au cours de l’année précédente, soit, à compter du 1er décembre 2019, à un loyer annuel de 20.533,03 € hors taxes et hors charges,

4. Condamner Madame [L] [W], divorcée [Z] à payer à la société ARS REI FRANCE la somme de 6.000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

5. Condamner Madame [L] [W], divorcée [Z] aux entiers dépens. »

Les moyens développés par les parties à l’appui de leurs prétentions sont exposés dans les motifs du jugement.

L’affaire a été mise en délibéré au 10 janvier 2025.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, il est rappelé que :

– le juge n’est pas tenu de statuer sur les demandes de « dire et juger » et « juger » qui ne sont pas des prétentions au sens de l’article 4 du code de procédure civile mais un rappel des moyens invoqués par les parties au soutien de leurs demandes ;
– par un précédent jugement du 15 avril 2022, le juge des loyers commerciaux a constaté le principe du renouvellement du bail à compter du 1er décembre 2019.

1- Sur la demande de fixation du montant du loyer du bail renouvelé

1-1- Sur le déplafonnement du loyer

En vertu des articles L. 145-33, L.145-34 et R 145-6 du code de commerce, Mme [L] [W] soutient que le loyer du bail renouvelé doit être fixé à la valeur locative en raison d’une modification notable des facteurs locaux de commercialité ayant eu une incidence sur le commerce de bijouterie de la société ARS REI FRANCE ainsi que d’une augmentation des loyers du voisinage. Elle reprend les termes du rapport d’expertise judiciaire en invoquant la densification de la population du 3ème arrondissement dont le pouvoir d’achat a augmenté, l’accroissement de la commercialité du secteur grâce à l’ouverture de nouvelles enseignes, notamment de luxe ou de haut de gamme, et au renouvellement d’enseignes notoires, l’extension de la zone touristique internationale et l’accroissement de l’attractivité culturelle du secteur.

Elle considère que cette variation positive de la commercialité a bénéficié à l’activité de vente de bijoux de la société ARS REI FRANCE, sous l’enseigne internationale UNO DE 50, puisqu’elle bénéficie ainsi d’une clientèle jeune, indépendante et urbaine facilement séduite par ses produits. Elle ajoute qu’il ressort de l’étude des prix du voisinage une nette tendance à la hausse au cours du bail écoulé, notamment pour les commerces de bijouterie, ce qui justifie également selon elle le déplafonnement du loyer.

La société ARS REI FRANCE, en vertu des articles L. 145-33 et L.145-34 du code de commerce, soutient que la demande de déplafonnement de Mme [L] [W] n’est pas fondée au motif que les facteurs locaux de commercialité n’ont pas connu d’évolution favorable à son commerce. Elle explique que l’évolution de la situation du quartier du Marais est largement antérieure à la conclusion du bail initial en 2010, que le nombre de commerces de bijouterie n’a nullement évolué et que le nombre de locaux vacants s’est multiplié. Elle indique que l’évolution du quartier ne présente aucun caractère notable en ce qui concerne la [Adresse 2] compte tenu de l’ancienneté de sa forte commercialité. Elle précise que le commerce qu’elle exploite est un petit commerce qui subit le renouvellement de l’offre commerciale, lequel le rend inaperçu. Elle souligne que la fréquentation touristique a été très affectée par les attentats de 2015, les manifestations des gilets jaunes puis la crise sanitaire liée à l’épidémie de covid-19.

Elle considère que l’expert retient une modification notable et positive des facteurs locaux de commercialité alors que l’analyse de chacun de ces facteurs révèle au contraire une évolution négative ou neutre. Elle ajoute que la restructuration du local est antérieure au bail expiré et qu’il en a nécessairement été tenu compte lors de la fixation du loyer du bail du 26 novembre 2010. Elle indique enfin, que le prix des loyers pratiqués dans le voisinage ne peut entraîner un déplafonnement.

Sur ce,

Selon l’article L 145-33 du code de commerce, le montant des loyers des baux commerciaux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative.
A défaut d’accord, cette valeur est déterminée d’après :

1- les caractéristiques du local concerné ;
2- la destination des lieux ;
3- les obligations respectives des parties ;
4- les facteurs locaux de commercialité ;
5- les prix couramment pratiqués dans le voisinage.

Les articles R 145-2 à R 145-11 du code de commerce précisent la consistance de ces éléments.

Selon l’article L 145-34 du même code, à moins d’une modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l’article L. 145-33, le taux de variation du loyer applicable lors de la prise d’effet du bail à renouveler, si sa durée n’est pas supérieure à neuf ans, ne peut excéder la variation, intervenue depuis la fixation initiale du loyer du bail expiré, de l’indice trimestriel des loyers commerciaux ou de l’indice trimestriel des loyers des activités tertiaires mentionnés aux premier et deuxième alinéas de l’article L. 112-2 du code monétaire et financier, publiés par l’Institut national de la statistique et des études économiques. A défaut de clause contractuelle fixant le trimestre de référence de cet indice, il y a lieu de prendre en compte la variation de l’indice trimestriel des loyers commerciaux ou de l’indice trimestriel des loyers des activités tertiaires, calculée sur la période de neuf ans antérieure au dernier indice publié.

Aux termes de l’article R.145-6 du code de commerce, les facteurs locaux de commercialité dépendent principalement de l’intérêt que présente, pour le commerce considéré, l’importance de la ville, du quartier ou de la rue où il est situé, du lieu de son implantation, de la répartition des diverses activités dans le voisinage, des moyens de transport, de l’attrait particulier ou des sujétions que peut présenter l’emplacement pour l’activité considérée et des modifications que ces éléments subissent d’une manière durable ou provisoire.

Seule la modification des quatre premiers éléments de la valeur locative pouvant entraîner le déplafonnement du loyer du bail renouvelé, Mme [L] [W] ne peut invoquer, au soutien de sa demande de déplafonnement, l’augmentation des prix couramment pratiqués dans le voisinage du local loué.

En outre, si la société ARS REI FRANCE fait valoir que la restructuration du local est antérieure au bail expiré et qu’il en a nécessairement été tenu compte lors de la fixation du loyer du bail du 26 novembre 2010, il s’avère que Mme [L] [W] n’invoque pas de modification des caractéristiques du local au soutien de sa demande de déplafonnement.

Par conséquent, il y a lieu d’étudier le seul moyen de la modification des facteurs locaux de commercialité invoqué par Mme [L] [W].

Il est rappelé qu’une modification des facteurs locaux de commercialité peut constituer un motif de déplafonnement d’un loyer renouvelé si elle est notable, survenue au cours du bail expiré et de nature à avoir une incidence favorable sur l’activité commerciale exercée par le preneur.

Le local loué se situe à [Adresse 2], rue qui, selon l’expert, est une étroite artère à sens unique de circulation automobile qui relie la [Adresse 10] à la [Adresse 8], aux confins des 3ème et 4ème arrondissements, et qui se situe dans la zone touristique internationale avec piétonnisation du quartier le dimanche de 10 heures à 18 heures et autorisation d’ouverture des commerces.

L’expert considère que le secteur est achalandé à la fois par les touristes, une population résidentielle favorisée et un achalandage géographiquement dispersé. Il indique que la [Adresse 2] est la plus recherchée du secteur, dotée d’une très active commercialité comprenant plus d’une centaine de commerces dont une majorité d’enseignes de chaînes, avec prédominance des commerces d’équipement de la personne et de parfums-cosmétiques. Il retient que le local loué bénéficie d’une bonne situation.

Après avoir étudié l’évolution de la population résidentielle, de la fréquentation des transports publics, de la fréquentation culturelle, du tissu urbain, de la situation concurentielle et des commerces, l’expert retient l’existence d’une modification notable des facteurs locaux de commercialité de nature à avoir eu un impact bénéfique sur le commerce de bijouterie de la société ARS REI FRANCE et qui justifie le déplafonnement du loyer du bail renouvelé.

L’expert indique que la densité de la population résidentielle du secteur augmente légèrement (+ 4,08 %), sans aucune augmentation qualitative en termes de catégories socio-professionnelles et de tranches d’âge. Le revenu médian évolue négativement de 2,49% entre 2010 et 2019 tandis que le revenu moyen augmente positivement de 27% sur la même période alors que celui de l’ensemble de la commune augmente de 21%.

On ne peut retenir que l’évolution de la population serait neutre, voire négative, ainsi que le soutient la société ARS REI FRANCE, dès lors que la population a légèrement augmenté, que la baisse du revenu médian est faible alors que le revenu moyen a nettement augmenté, dépassant même l’augmentation de l’ensemble de la commune.

En ce qui concerne l’évolution des transports publics, la fréquentation de la station de métro [9], qui se situe à 500 mètres du local loué, a connu un baisse de 26,61 %, et celle de la station [12], également située à 500 mètres, une augmentation de 5,92%, soit une baisse d’ensemble de 7,64 %.

S’agissant de l’évolution de la fréquentation culturelle, l’expert indique que le local est situé dans un rayon d’environ 400 mètres du musée national [7], du musée [3], du musée [6], du musée [4] et du musée de [5]. L’expert relève que si l’évolution de la fréquentation du musée [7] (fermeture de 2009 à 2014) est mesurée dès lors que négative entre 2015 et 2019, sa réouverture en cours de bail, en 2014, a apporté une forte densification des flux. Pour le musée [3] (fermeture de 2016 à 2021), l’expert fait état d’une évolution mesurée entre 2010 et 2015 avec une perte de fréquentation en début de bail et une fréquentation quasi-nulle en fin de période. En ce qui concerne le musée [6] (fermeture de 2019 à juin 2021), l’expert retient une évolution mesurée entre 2010 et 2018 avec une densification de 9,7% mais assez faible en valeur absolue. Le musée [4] a connu une évolution positive de sa fréquentation pendant le bail. Enfin, le Musée de [5] (fermeture de 2019 à 2021) a connu une évolution positive de 223%.

L’expert conclut a une densification des flux en retenant, d’une part, une compensation des effets de la réouverture du musée [7] et de la fermeture du musée [3] en cours de bail, et, d’autre part, une évolution globalement positive des trois autres musées.

L’évolution de la fréquentation des musées doit être appréciée durant les neufs années du bail échu, du 1er décembre 2010 au 30 novembre 2019, et non à la seule date du renouvellement. Or, ainsi que l’indique l’expert, si on peut compenser les effets positifs et négatifs de la réouverture du musée [7] et de la fermeture du musée [3] en cours de bail, de sorte que la fréquentation de ces deux musées ne peut avoir aucune incidence sur la commercialité du secteur, il s’avère que durant le bail échu la fréquentation du musée [6] a augmenté de 9,7%, celle du musée [4] de 58 % et celle du Musée de [5] de 223 %, étant relevé que l’expert n’a pas tenu compte de l’année 2019 pour le musée [6] et le Musée de [5] qui ont fermé à cette époque. A ceci, il convient d’ajouter l’ouverture, le 10 mars 2018, du centre d’exposition artistique Lafayette Anticipations, qui a renforcé l’attractivité culturelle du secteur. L’évolution de la fréquentation culturelle est ainsi positive.

En ce qui concerne l’évolution du tissu urbain, l’expert explique qu’il n’a pas connu d’importantes modifications au cours du bail échu. Il ne recense en effet que la création de deux logements, achevés le 16 septembre 2013 et le 21 avril 2014 dans deux bâtiments déjà existants.

L’expert retient la création d’une zone touristique internationale en 2015, qui permet l’ouverture des commerces le dimanche et le soir, en expliquant que si la [Adresse 2] avait bénéficié dès 2008-2009 d’une dérogation et constituait une zone touristique préexistante, la création de la zone touristique internationale concerne un secteur vaste et permet aux commerces de profiter de l’afflux des touristes.

Si la [Adresse 2] constituait déjà une zone touristique, il s’avère néanmoins que la création en 2015 d’un statut légal a assuré la pérennité de la zone et permis aux commercues d’ouvrir non seulement le dimanche mais aussi jusqu’à minuit, ce qui constitue une évolution positive.

L’expert indique également que le nombre de commerces de bijouterie (vingt-quatre commerces) n’a pas évolué durant le bail échu.

L’expert relève l’implantation de deux enseignes prestigieuses en cours de bail, l’implantation de dix nouvelles enseignes notoires avec cinq remplacements d’enseignes dans des locaux vacants, soit un solde positif de cinq enseignes attractives.

S’il existe deux locaux vacants supplémentaires à la fin du bail, soit un total de cinq locaux vacants, ainsi que l’indique la société ARS REI FRANCE, cette évolution est tout de même inférieure à l’installation de dix nouvelles enseignes notoires, dont l’arrivée confirme l’intérêt commercial du quartier. Il s’avère en outre que l’essentiel de ces commerces est constitué de commerces d’équipement de la personne et accessoires et d’enseignes nationales et internationales dont une enseigne de luxe (Chanel) et une enseigne à fort pouvoir d’attraction (Uniqlo).

La société ARS REI FRANCE ne peut soutenir ne pas avoir profité de la nouvelle clientèle attirée par ces commerces dès lors que l’adaptation de son activité à cette nouvelle clientèle relève de son choix et ne constitue pas une absence d’évolution de la commercialité.

Enfin la réputation historique de la [Adresse 2] et du secteur considéré quant à leurs commerces d’équipement de la personne et musées, n’est pas exclusive d’une modification notable des facteurs locaux de commercialité, tels que définis par l’article R.145-6 du code de commerce, pendant la durée de ce bail.

Ainsi que le retient l’expert, l’évolution de la population, l’évolution de la fréquentation culturelle, la création d’une zone touristique internationale et l’évolution des commerces durant le bail échu de 2010 à 2019 révèlent une modification notable des facteurs locaux de commercialité qui a eu une incidence favorable sur l’activité de la société ARS REI FRANCE.

Par conséquent, le loyer doit être fixé à la valeur locative.

1-2- Sur la valeur locative

Mme [L] [W] sollicite que la valeur locative soit fixée au prix unitaire de 3.125 euros/m²P, soit pour une surface de 14 m² P un loyer annuel de 43.750 euros. Elle s’appuie sur le rapport d’expertise amiable de M. [E] [T] qui retient un prix moyen de 2.263 euros mais souligne que les loyers répertoriés par l’expert ne reflètent pas la valeur locative réelle dès lors que quatre des cinq baux répertoriés étaient assujettis à un droit au bail. Elle considère que le prix des loyers s’élève plutôt à 3.837 euros. Elle souligne que la société ARS REI FRANCE ne produit pas le montant du loyer du local adjacent réuni au local considéré et l’évalue à 3.375 euros/m². Elle demande l’application de majorations afin de tenir compte de l’effet bonbonnière, de la destination « tous commerces », de la liberté de cession et du percement autorisé vers le local adjacent. Subsidiairement, elle sollicite que le loyer soit fixé à la valeur locative de 30.800 euros retenue par l’expert.

La société ARS REI FRANCE critique le montant de la valeur locative avancé par Mme [L] [W]. Elle soutient que les caractéristiques du local ne peuvent être considérées comme des atouts dans la mesure où il ne peut être utilisé sans le local adjacent. Elle souligne à ce sujet qu’aucune amélioration n’a été apportée en cours de bail puisque la réunion des deux locaux a été effectuée par le précédent locataire et avant le bail échu. Elle considère qu ‘aucune majoration ne doit être appliquée puisque le bail met l’impôt foncier à la charge du preneur.

La société ARS REI FRANCE considère de plus que la valeur locative retenue par l’expert est excessive car fixée selon la fourchette haute des prix pratiqués dans le voisinage. Elle indique que le local présente des éléments dépréciatifs importants, notamment sa toute petite surface et la faiblesse du linéaire de vitrine.

Sur ce,

Il est rappelé qu’en application de l’article L 145-33 du code de commerce, et à défaut d’accord des parties, la valeur locative dout être déterminée d’après :
1- les caractéristiques du local concerné ;
2- la destination des lieux ;
3- les obligations respectives des parties ;
4- les facteurs locaux de commercialité ;
5- les prix couramment pratiqués dans le voisinage.

Les articles R 145-2 à R 145-11 du code de commerce précisent la consistance de ces éléments.

a) Sur les caractéristiques du local

Selon l’article R 145-3 du code de commerce, les caractéristiques propres au local s’apprécient en considération :

1° De sa situation dans l’immeuble où il se trouve, de sa surface et de son volume, de la commodité de son accès pour le public ;
2° De l’importance des surfaces respectivement affectées à la réception du public, à l’exploitation ou à chacune des activités diverses qui sont exercées dans les lieux ;
3° De ses dimensions, de la conformation de chaque partie et de son adaptation à la forme d’activité qui y est exercée ;
4° De l’état d’entretien, de vétusté ou de salubrité et de la conformité aux normes exigées par la législation du travail ;
5° De la nature et de l’état des équipements et des moyens d’exploitation mis à la disposition du locataire.

Selon l’article R 145-4 du même code, les caractéristiques propres au local peuvent être affectées par des éléments extrinsèques constitués par des locaux accessoires, des locaux annexes ou des dépendances, donnés en location par le même bailleur et susceptibles d’une utilisation conjointe avec les locaux principaux.

Lorsque les lieux loués comportent une partie affectée à l’habitation, la valeur locative de celle-ci est déterminée par comparaison avec les prix pratiqués pour des locaux d’habitation analogues faisant l’objet d’une location nouvelle, majorés ou minorés, pour tenir compte des avantages ou des inconvénients présentés par leur intégration dans un tout commercial.

– Sur la situation du local

Selon l’expert, le local loué bénéficie d’une situation géographique favorable, dans un quartier résidentiel favorisé et d’active fréquentation touristique, au sein de l’artère la plus recherchée du secteur.

Par conséquent, et compte tenu également des éléments retenus dans les développements précédents relatifs aux facteurs locaux de commercialité, il convient de retenir que le local loué bénéficie d’un bon emplacement.

– Sur la description du local, son état et sa configuration

L’expert relève que le local dépend d’un immeuble de construction ancienne, formant un U autour d’une cour, élevé sur sous-sol d’un rez-de-chaussée, deux étages droits et un étage mansardé avec lucarne sous toiture d’ardoises.

La boutique est doté d’un linéaire de façade de 2,20 m environ, vitré sur 1,30 m environ. La société ARS REI FRANCE bénéficie d’un linéaire de façade supplémentaire compte tenu de la communication avec le local adjacent dont elle est également locataire.

L’expert décrit ainsi le local :

– au rez-de-chaussée, accessible depuis le local adjacent et depuis la cour de l’immeuble, une aire de vente de configuration rectangulaire et en profondeur, d’une hauteur sous plafond de trois mètres, éclairée par une vitrine donnant sur la rue et une fenêtre de toit ;
– au sous-sol, accessible par un escalier très étroit et uniquement depuis la cour de l’immeuble, une cave.

Il relève l’absence de surfaces annexes, notamment de sanitaires privatifs, et note que le local est accessible aux personnes à mobilité réduite grâce à une rampe d’accès depuis le local adjacent.

L’expert ajoute que le local est en bon état d’entretien apparent.

Au vu de ces éléments, qui résultent des constatations objectives de l’expert et qui ne sont pas contestés par les parties, il doit être retenu que l’impression générale est bonne pour l’activité exercée.

– Sur la surface

L’expert retient une surface réelle totale de 16,46 m² et une surface pondérée de 13,65 m², qu’il arrondit à 14 m², et qui sera retenue dès lors qu’elle a été établie conformément à la Charte de l’expertise en évaluation immobilière (5ème édition de mars 2017, mise à jour au 11 novembre 2019) et que les parties ne formulent aucune observation à ce sujet.

En ce qui concerne l’effet bonbonnière retenu par l’expert compte tenu de la très petite superficie de la surface de vente, il s’avère en effet que la surface réelle de vente accessible à la clientèle, de 13,76 m², est réduite. Elle convient en outre à l’activité exercée qui peut s’adapter au manque d’espace. Elle constitue dès lors un facteur de majoration de la valeur locative dont il convient de tenir compte.

– Sur la communication avec le local adjacent

Le contrat de bail rappelle que le local considéré a été ouvert sur le local adjacent, avec l’accord de l’assemblée générale des copropriétaires du 30 mai 2007, le bailleur ayant autorisé les travaux afin que les deux locaux puissent être utilisés ensemble. Il est en outre indiqué que si la société ARS REI FRANCE cédait sont droit au bail à deux cessionnaires, elle s’engage à remettre les locaux en état, à ses frais exclusifs.

L’expert considère que la communication entre les deux locaux constitue un avantage dont il convient de tenir compte dans la valeur locative.

Il est certain que la création d’une seule unité commerciale et l’extension de la surface d’exploitation par l’ouverture d’une communication entre les deux locaux loués par le preneur, avec l’accord du bailleur et à la suite de l’autorisation de l’assemblée générale des copropriétaires, constitue un avantage et justifie qu’il en soit tenu compte dans l’appréciation de la valeur locative.

La réalisation de cette ouverture par un précédent locataire n’a aucune incidence dès lors qu’il convient d’apprécier la valeur locative au vu des caractéristiques du local, notamment ce cet avantage dont la société ARS REI FRANCE continue de bénéficier.

b) Sur la destination des lieux

L’article R.145-5 du code de commerce dispose que la destination des lieux est celle autorisée par le bail et ses avenants ou par le tribunal dans les cas prévus aux articles L. 145-47 à L. 145-55 et L. 642-7.

Selon le contrat de bail, le local est à usage de « tout commerce à l’exception de ceux qui pourraient être inclus par le règlement de copropriété de l’immeuble ainsi que ceux de caractère bruyant, malodorant, de mauvaise réputation ou pouvant nuire au voisinage, pourront être exercés dans les lieux loués et notamment toute activité professionnelle ».

Contrairement à ce que soutient Mme [L] [W], cette clause du bail ne prévoit pas une destination « tous commerces » car elle ne permet pas d’exercer toute activité commerciale sans restriction.

Il s’agit néanmoins d’une destination large et valorisante, ainsi que l’a retenu l’expert judiciaire, qu’il y a lieu de prendre en considération dans l’évaluation de la valeur locative.

c) Sur les obligations respectives des parties

L’article R.145-8 du code de commerce dispose que du point de vue des obligations respectives des parties, les restrictions à la jouissance des lieux et les obligations incombant normalement au bailleur dont celui-ci se serait déchargé sur le locataire sans contrepartie constituent un facteur de diminution de la valeur locative. Il en est de même des obligations imposées au locataire au-delà de celles qui découlent de la loi ou des usages. Les améliorations apportées aux lieux loués au cours du bail à renouveler ne sont prises en considération que si, directement ou indirectement, notamment par l’acceptation d’un loyer réduit, le bailleur en a assumé la charge.

En outre, il ressort de l’article R. 145-35 du code de commerce que peuvent être imputés au locataire la taxe foncière et les taxes additionnelles à la taxe foncière ainsi que les impôts, taxes et redevances liés à l’usage du local ou de l’immeuble ou à un service dont le locataire bénéficie directement ou indirectement.

Enfin, selon l’article R.145-16 du même code, sont réputées non écrites, quelle qu’en soit la forme, les conventions tendant à interdire au locataire de céder son bail ou les droits qu’il tient du présent chapitre à l’acquéreur de son fonds de commerce ou de son entreprise ou au bénéficiaire du transfert universel de son patrimoine professionnel.

– Sur le transfert au preneur de la taxe foncière

En l’espèce, le contrat de bail stipule que le preneur supportera les taxes foncières.

Si le contrat de bail peut valablement mettre l’impôt foncier à la charge du preneur, il demeure que cet impôt incombe légalement au bailleur. Son transfert au preneur constitue donc une stipulation exorbitante du droit commun de nature à minorer la valeur locative ainsi que l’a retenu l’expert.

– Sur la libre cession du droit au bail

Le contrat de bail stipule que le preneur pourra céder son droit au bail en totalité pour tout commerce, à l’exception de ceux qui pourraient être exclus par le règlement de copropriété de l’immeuble et ceux ayant un caractère bruyant, malodorant, de mauvaise réputation ou pouvant nuire au voisinage. Dans ce cas, le bailleur devra être appelé à la signature de l’acte, lequel devra être constaté par acte notarié et remis au bailleur pour lui servir de titre exécutoire.

Cette libre cession constitue pour le preneur un avantage dont il convient de tenir compte dans l’apprécaiation de la valeur locative ainsi que l’a fait l’expert.

d) Sur les prix couramment pratiqués dans le voisinage

L’article R.145-7 du code de commerce dispose que les prix couramment pratiqués dans le voisinage, par unité de surfaces, concernent des locaux équivalents eu égard à l’ensemble des éléments mentionnés aux articles R.145-3 à R. 145-6.

A défaut d’équivalence, ils peuvent, à titre indicatif, être utilisés pour la détermination des prix de base, sauf à être corrigés en considération des différences constatées entre le local loué et les locaux de référence.

Les références proposées de part et d’autre portent sur plusieurs locaux et comportent, pour chaque local, son adresse et sa description succincte. Elles sont corrigées à raison des différences qui peuvent exister entre les dates de fixation des prix et les modalités de cette fixation.

L’expert a retenu les références de comparaison suivantes :

– dix-sept références de prix de marché, dont neuf relatives à des locaux situés [Adresse 2] et les autres à des locaux situés [Adresse 11], pour des activités d’équipement de la personne et parfumerie, pour des surfaces de 20 m²P à 156,82 m²P et des prix unitaires par m²P de 1.488 euros à 6.667 euros ;
– quatre références de renouvellement de bail pour des locaux situés [Adresse 2], pour des activités de vente de prêt-à-porter, cosmétiques, parfumerie, pour des surfaces de 25,70 m²P à 75,80 m²P, à des prix unitaires par m²P de 1.139 euros à 2.507 euros ;
– quatre références de fixation judiciaire, relatives à des locaux situés [Adresse 2], et [Adresse 11], pour des activités d’équipement de la personne, pour des surfaces de 11,89 m²P à 88,20 m²P, à des prix unitaires par m²P de 1.200 euros à 2.400 euros.

Il convient toutefois d’exclure les références qui ne sont pas pertinentes à savoir les références avec décapitalisation du coût du droit au bail, ce droit ne constituant pas un loyer et étant versé au cédant, et les références de loyers dont la date d’effet est antérieure à 2016 car trop éloignées de la date du renouvellement considéré, ainsi que de moduler les références de loyers de marché qui sont usuellement plus élevés que les loyers de renouvellement.

En ce qui concerne les cinq références produites par Mme [L] [W] issues du rapport d’expertise amiable de M. [T], elles ne peuvent être considérées comme pertinentes car quatre d’entre elles comprennent la décapitalisation du coût du droit au bail, lequel n’est pas versé au bailleur mais au cédant, et l’une est trop ancienne. Enfin, l’analyse de M.[T] ne peut être retenue car la valeur locative ne peut être estimée en se référant à la valeur arithmétique moyenne des loyers de référence sélectionnés. Il convient au contraire de rapprocher les éléments de comparaison après les avoir analysés un à un dès lors qu’ils portent sur des dates de fixation différentes, des emplacements d’intérêt commercial variable, des activités différentes et des locaux qui ne présentent pas les mêmes caractéristiques.

En raison de la situation géographique favorable du local, de son implantation dans l’artère la plus recherchée du secteur, de la faible superficie de la zone de vente, de la destination contractuelle valorisante, de la libre cession du droit au bail, de la communication avec le local adjacent mais aussi eu égard à l’absence de surfaces annexes et au transfert au preneur du coût de l’impôt foncier, l’expert suggère de retenir une valeur locative unitaire de 2.200 euros /m² P, soit une valeur locative totale de (2.200 x 14 m²P =) 30.800 euros.

Cependant, eu égard aux éléments étudiés dans les développements précédents, ce prix unitaire de 2.200 euros/ m²P paraît élevé. Il doit être fixé à 2.000 euros , soit une valeur locative totale de (2.000 x 14 m²P =) 28.000 euros au 1er décembre 2019.

Ainsi le loyer annuel du bail renouvelé au 1er décembre 2019 doit être fixé à 28.000 euros, hors charges et hors taxes.

En application des articles 1231-7 et 1343-2 du code civil, des intérêts ont couru sur le différentiel entre le loyer effectivement acquitté et le loyer finalement dû, à compter 09 septembre 2021, date de l’assignation, puis au fur et à mesure des échéances échues et, en application des dispositions de l’article 1231-6 du code civil, les intérêts dus pour une année entière doivent être capitalisés.

2- Sur la demande de lissage

La société ARS REI FRANCE demande qu’il soit fait application du lissage prévu à l’article L. 145-34 du code de commerce en limitant la variation du loyer à des augmentations annuelles de 10% du loyer acquitté au cours de l’année précédente.

Mme [L] [W] ne se prononce pas à ce sujet.

Sur ce,

Selon l’article L. 145-34 du code de commerce, en cas de modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l’article L. 145-33 ou s’il est fait exception aux règles de plafonnement par suite d’une clause du contrat relative à la durée du bail, la variation de loyer qui en découle ne peut conduire à des augmentations supérieures, pour une année, à 10 % du loyer acquitté au cours de l’année précédente.

L’article R 145-23 du même code prévoit que les contestations relatives à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé sont portées, quel que soit le montant du loyer, devant le président du tribunal judiciaire ou le juge qui le remplace. Les autres contestations sont portées devant le tribunal judiciaire qui peut, accessoirement, se prononcer sur les demandes mentionnées à l’alinéa précédent.

Il ressort de ces dispositions qu’il n’appartient pas au juge des loyers commerciaux, mais aux parties, d’arrêter l’échéancier du loyer qui sera exigible durant la période au cours de laquelle s’applique le lissage de la hausse du loyer instauré.

La demande de la société ARS REI FRANCE sera rejetée.

3- Sur les demandes accessoires

En vertu de l’article 696 du code de procédure civile, la procédure et l’expertise ayant été nécessaires pour fixer les droits respectifs des parties, il y a lieu d’ordonner le partage des dépens, en ce inclus les frais d’expertise, par moitié entre les parties.

Compte tenu du partage des dépens ordonné, les demandes des parties formées en application de l’article 700 du code de procédure civile seront rejetées.

PAR CES MOTIFS

Le juge des loyers commerciaux, statuant par jugement contradictoire et en premier ressort, mis à disposition au greffe,

Fixe à la somme de 28.000 euros (vingt huit mille euros), hors charges et hors taxes, à compter du 1er décembre 2019, le loyer annuel du bail renouvelé entre Mme [L] [W] et la société ARS REI FRANCE pour les locaux situés à [Adresse 2] ;

Dit qu’ont couru des intérêts au taux légal sur le différentiel entre le loyer effectivement acquitté et le loyer dû, à compter du 09 septembre 2021, pour les loyers échus avant cette date, puis à compter de chaque échéance contractuelle pour les loyers échus postérieurement à cette date, avec capitalisation pour les intérêts échus et dus au moins pour une année entière ;

Rejette la demande de la société ARS REI FRANCE relative au lissage du loyer du bail renouvelé ;

Ordonne le partage des dépens, en ce inclus les frais d’expertise, par moitié entre Mme [L] [W] et la société ARS REI FRANCE ;

Rejette les demandes de Mme [L] [W] et de la société ARS REI FRANCE formées en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Fait et jugé à PARIS, le 10 janvier 2025.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
C. BERGER S. FORESTIER


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Chat Icon