Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Lyon
Thématique : Rémunération variable et loyauté contractuelle : enjeux et conséquences dans le cadre d’un contrat de travail.
→ RésuméEngagement de Mme [G] [U]Mme [G] [U] a été engagée par la SAS Elan le 18 janvier 2016 en tant que chargée d’affaires notaires, avec un contrat à durée indéterminée. Son travail s’étendait sur plusieurs départements, avec une durée hebdomadaire de 39 heures et une rémunération de 1.800 euros mensuels, complétée par une partie variable liée à des objectifs. Modification de la rémunérationEn 2018, Mme [U] a demandé une révision de sa rémunération variable. Suite à des négociations, son salaire fixe a été augmenté à 2.100 euros, et un nouveau système de calcul de la partie variable a été mis en place, effectif à partir du 1er janvier 2019. Démission et saisie des prud’hommesLe 8 avril 2019, Mme [U] a démissionné, et le 13 octobre 2020, elle a saisi le conseil de prud’hommes de Roanne pour des demandes d’indemnités et de rappels de salaires. Jugement du conseil de prud’hommesLe 15 février 2022, le conseil de prud’hommes a partiellement accueilli les demandes de Mme [U], condamnant la société Elan à lui verser des rappels de salaires pour heures supplémentaires et des dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, tout en déboutant certaines de ses autres demandes. Appel de la société ElanLa société Elan a interjeté appel le 15 mars 2022, contestant les condamnations prononcées par le conseil de prud’hommes. Conclusions de la cour d’appelDans ses conclusions, la cour a infirmé certaines décisions du jugement initial, notamment en ce qui concerne la loyauté de l’exécution du contrat de travail par la société Elan, et a débouté Mme [U] de plusieurs de ses demandes, tout en confirmant d’autres condamnations. Heures supplémentaires et rémunération variableLa cour a examiné les demandes de Mme [U] concernant les heures supplémentaires et la rémunération variable, concluant que les objectifs fixés étaient atteignables et que les rappels de salaires pour heures supplémentaires étaient justifiés pour certaines années. Indemnité pour travail dissimuléMme [U] a également demandé des dommages-intérêts pour travail dissimulé, mais la cour a confirmé le jugement initial, estimant que l’absence de paiement de la majoration des heures supplémentaires ne suffisait pas à prouver une intention de dissimulation de la part de l’employeur. Publication de l’arrêt et dommages-intérêtsLa cour a rejeté la demande de publication de l’arrêt aux portes de l’entreprise et a également infirmé la demande de Mme [U] pour des dommages-intérêts pour exécution déloyale, considérant qu’elle n’avait pas prouvé l’existence d’un préjudice distinct. Intérêts de retard et remise de documentsLa cour a ordonné la capitalisation des intérêts et a imposé à la société Elan de remettre à Mme [U] les documents sociaux nécessaires dans un délai de 30 jours, sans astreinte. Décision finaleLa cour a statué en faveur de Mme [U] pour certaines sommes dues, tout en confirmant d’autres décisions du conseil de prud’hommes et en condamnant la société Elan aux dépens d’appel. |
AFFAIRE PRUD’HOMALE
RAPPORTEUR
N° RG 22/02086 – N° Portalis DBVX-V-B7G-OF63
S.A.S.U. ELAN
C/
[U]
APPEL D’UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de Roanne
du 15 Février 2022
RG : 2000050
COUR D’APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE C
ARRÊT DU 10 JANVIER 2025
APPELANTE :
S.A.S.U. ELAN
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Elise LAPLANCHE substituée par Me Clémence CHOPINEAU de la SELARL YDES, avocats au barreau de LYON
INTIMÉE :
[G] [U]
née le 27 Janvier 1987 à [Localité 5]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Laurent LIGIER de la SELARL LIGIER & DE MAUROY, avocat postulant du barreau de LYON et Me Céline DELANNOY, avocat plaidant du même barreau
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 08 Novembre 2024
Présidée par Agnès DELETANG, Présidente magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Fernand CHAPPRON, Greffier.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
– Agnès DELETANG, Présidente
– Yolande ROGNARD, Conseillère
– Françoise CARRIER, Conseillère horaire exerçant des fonctions juridictionnelles
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 10 Janvier 2025 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Agnès DELETANG, Présidente et par Fernand CHAPPRON, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
********************
Mme [G] [U] a été engagée par la SAS Elan à compter du 18 janvier 2016 dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée en qualité de chargée d’affaires notaires, pour les départements de la Loire, du Rhône, de la Saône et Loire, du Puy de Dôme et de la Haute-Loire. La durée de travail est de 39 heures par semaine. Sa rémunération est composée d’un salaire fixe mensuel de 1.800 euros et d’une partie variable calculée en fonction des objectifs réalisés (déterminée par référence à un Pay Plan).
La convention collective des Commerces de détail de la Papeterie, librairie, fournitures de bureau, bureautique et informatique est applicable.
Courant 2018, Mme [U] a fait part à la société Elan de son souhait de revoir le mode de calcul de sa rémunération variable. A l’issue des négociations intervenues entre la société Elan et Mme [U], la rémunération fixe de cette dernière a été portée de 1 800 euros bruts à 2 100 euros bruts et le calcul de la partie variable a été revu, le nouveau « Pay Plan » ayant vocation à s’appliquer à compter du 1er janvier 2019.
Le 8 avril 2019, Mme [U] a adressé sa démission à l’employeur, qui en a accusé réception le 16 avril suivant.
Par acte du 13 octobre 2020, Mme [U] a saisi le conseil de prud’hommes de Roanne de plusieurs demandes à caractère indemnitaire et salarial.
Par jugement du 15 février 2022, le conseil de prud’hommes de Roanne a :
– Dit partiellement justifiées les demandes de Mme [U] [G] ;
– Dit que les créances sollicitées de Mme [U] sont recevables à compter du 30 octobre 2017 :
– Condamné la société Elan à payer à Mme [U] les sommes suivantes :
‘ 92,75 euros bruts de rappels de salaire dus au titre des majorations pour heures supplémentaires au titre de l’année 2017, outre 9,28 euros de congés payés afférents,
‘ 560,00 euros bruts de rappels de salaire dus au titre des majorations pour heures supplémentaires au titre de l’année 2018, outre 56,50 euros de congés payés afférents,
‘ 228,80 euros bruts de rappels de salaire dus au titre des majorations pour heures supplémentaires au titre de l’année 2019, outre 22,88 euros de congés payés afférents,
‘ 5.650,00 euros nets de dommages-intérêts au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail ;
– Débouté Mme [U] de sa demande de dommages-intérêts pour travail dissimulé ;
– Débouté Mme [U] de sa demande de rappel de salaire au titre de la rémunération variable sur marge brute 2019 ;
– Dit que l’exécution provisoire ne s’applique que pour les condamnations de plein droit ;
– Fixé le départ des intérêts à compter du 13 octobre 2020 pour les heures supplémentaires ;
– Débouté Mme [U] de sa demande de capitalisation des intérêts ;
– Condamné la société Elan à payer à Mme [U] la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Débouté la société Elan de sa demande reconventionnelle au titre de ce même article ;
– Condamné la société Elan aux dépens de l’instance.
Par déclaration du 15 mars 2022, la société Elan a interjeté appel de ce jugement.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 29 novembre 2022, la société Elan demande à la cour de :
– Infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Roanne en ce qu’il a condamné la société Elan au paiement des sommes suivantes :
‘ 92,75 euros bruts de rappels de salaire dus au titre des majorations pour heures supplémentaires au titre de l’année 2017, outre 9,28 euros de congés payés afférents,
‘ 560,00 euros bruts de rappels de salaire dus au titre des majorations pour heures supplémentaires au titre de l’année 2018, outre 56,50 euros de congés payés afférents,
‘ 228,80 euros bruts de rappels de salaire dus au titre des majorations pour heures supplémentaires au titre de l’année 2019, outre 22,88 euros de congés payés afférents,
‘ 5.650,00 euros nets de dommages-intérêts au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail,
‘ 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens d’instance ;
Statuant de nouveau sur les points infirmés :
À titre principal,
– Juger que la société Elan a exécuté le contrat de travail de Mme [U] loyalement ;
Par conséquent,
– Débouter Mme [U] de ses demandes de rappel de salaire concernant les heures supplémentaires et d’indemnité compensatrice de congés payés afférents,
– Débouter Mme [U] de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;
À titre subsidiaire,
– Juger que Mme [U] ne rapporte pas l’existence ni l’étendue d’un préjudice distinct justifiant l’octroi de dommages et intérêts ;
Par conséquent,
– Rapporter le montant des dommages intérêts à hauteur de 100 euros symboliques ;
– Confirmer le jugement en ce qu’il a débouté Mme [U] de ses demandes de condamnations suivantes :
‘ 415,30 euros bruts de majorations pour heures supplémentaires au titre de l’année 2016, outre 41,53 euros de congés payés afférents,
‘ 466,01 euros bruts de rappel de salaire au titre de la rémunération variable sur chiffre d’affaires 2019, outre 46,60 euros de congés payés y afférents,
‘ 1.319,79 euros de rappels de rappel de salaire au titre de la rémunération variable sur la marge bruts 2019, outre 131,97 euros au titre des congés payés y afférents,
‘ 22.557 euros nets de dommages-intérêts sur le fondement de L.8223-1 du code du travail,
‘ La publication de l’arrêt de la cour d’appel aux portes d’entrée du siège social de la société Elan,
‘ fixer la date des départs des intérêts à compter de la saisine des prud’hommes pour les sommes à caractère indemnitaire et à compter du 26 mai 2020 pour les sommes à caractère salarial,
‘ capitalisation des intérêts,
‘ remise de bulletin de paie rectificatifs dans un délai de 15 jours calendaire à compter de la notification de l’arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
En tout état de cause,
– Débouter Mme [U] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que de condamnation aux dépens ;
– Condamner Mme [U] à verser à la société Elan la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Dans ses uniques conclusions notifiées par voie électronique le 6 septembre 2022, Mme [G] [U] demande à la cour de :
A titre principal,
– Confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Roanne du 15 février 2022 en ce qu’il a condamné la société Elan au paiement des sommes suivantes :
‘ 228,80 euros au titre des heures supplémentaires, outre 22,88 euros de congés payés pour l’année 2019 ;
‘ 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Roanne du 15 février 2022 en ce qu’il a débouté Mme [U] de sa demande de rappels de salaire dus au titre des majorations pour heures supplémentaires antérieures au 30 octobre 2017 ;
Statuant à nouveau :
– Condamner la société Elan à verser à Mme [U] la somme de 415,30 euros bruts de majorations d’heures supplémentaires au titre de l’année 2016, outre 41,53 euros de congés payés afférents ;
– Condamner la société Elan à verser à Mme [U] la somme de 556,54 euros bruts de majorations d’heures supplémentaires au titre de l’année 2017, outre 55,65 euros de congés payés afférents ;
– Condamner la société Elan à verser à Mme [U] la somme de 560,45 euros bruts de majorations d’heures supplémentaires sont dues au titre de l’année 2018, outre 56,05 euros de congés payés afférents par conséquent ;
– Infirmer le jugement du Conseil de prud’hommes de Roanne du 15 février 2022 en ce qu’il a débouté Mme [U] de sa demande de rappels de salaire au titre des rémunérations variables sur Chiffre d’Affaires et Marge Brute 2019 ;
Statuant à nouveau :
– Condamner la société Elan à verser à Mme [U] la somme de 466,01 euros de rappels de salaire au titre de la rémunération variable sur Chiffre d’Affaires 2019, outre 46,60 euros au titre des congés payés afférents ;
– Condamner la société Elan à verser à Mme [U] la somme de 1.319,79 euros de rappels de salaire au titre de la rémunération variable sur marge brute 2019, outre 131,97 euros au titre des congés payés afférents ;
– Infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Roanne du 15 février 2022 en ce qu’il a partiellement débouté Mme [U] de sa demande indemnitaire au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail ;
Statuant à nouveau :
– Condamner la société Elan à verser à Mme [U] la somme de 11.200 euros nets de dommages-intérêts au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail ;
– Infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Roanne du 15 février 2022 en ce qu’il a débouté Mme [U] de sa demande de 30.624 euros nets de dommages-intérêts sur le fondement de l’article L. 8223-1 du code du travail ;
Statuant à nouveau :
– Condamner la société Elan à verser à Madame [U] la somme de de 22.557,24 euros nets de dommages et intérêts sur le fondement de l’article L. 8223-1 du Code
du travail ;
– Ordonner la publication de l’arrêt à intervenir de la Cour d’appel de Lyon aux portes
d’entrée du siège social de la société Elan pendant une durée de 12 mois ;
– Infirmer le jugement du Conseil de prud’hommes de Roanne du 15 février 2022 en ce qu’il a débouté Mme [U] de sa demande de capitalisation des intérêts ;
Statuant à nouveau :
– Juger que la date de départ des intérêts court à compter de la saisine du conseil de
prud’hommes pour les sommes à caractère indemnitaire et à compter du 26 mai 2020 pour les sommes à caractère salarial en application de l’article 1153 du code civil ;
– Prononcer la capitalisation des intérêts en application de l’article 1154 du code civil ;
– Condamner la société Elan à la remise de bulletins de paie rectificatifs dans un délai de 15 jours calendaires à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et par document ;
A titre subsidiaire :
– Confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Roanne du 15 février 2022 dans toutes ses dispositions ;
En tout état de cause :
– Condamner la société Elan à verser à Mme [U] la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Condamner la société Elan aux entiers dépens de 1ère instance et d’appel.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.
La clôture de la procédure a été ordonnée le 8 octobre 2024.
PAR CES MOTIFS
La cour, après en avoir délibéré, statuant par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe,
Infirme le jugement du conseil de prud’hommes de Roanne en date du 15 février 2022 en ses dispositions soumises à la cour sauf en en ce qu’il a
– condamné la société Elan à payer à Mme [U] la somme de 228,80 euros au titre d’heures supplémentaires outre 22,88 euros de congés pour l’année 2019 ;
– débouté Mme [G] [U] de sa demande de rappel de salaire au titre de la rémunération variable sur marge brute 2019 ;
– débouté Mme [G] [U] de sa demande de dommages-intérêts pour travail dissimulé ;
– fixé le départ des intérêts à compter du 13 octobre 2020 pour le rappel des majorations d’heures supplémentaires ;
– condamné la société Elan à payer à Mme [G] [U] la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– débouté la société Elan de sa demande reconventionnelle au titre de ce même article ;
– condamné la société Elan aux dépens ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
Dit recevables les demandes de Mme [G] [U] au titre de rappels de salaire et congés payés afférents sur heures supplémentaires,
Condamne la SAS Elan à payer à Mme [U] les sommes suivantes :
– 415,30 euros bruts de majorations d’heures supplémentaires au titre de l’année 2016, outre 41,53 euros de congés payés afférents ;
– 556,54 euros bruts de majorations d’heures supplémentaires au titre de l’année 2017, outre 55,65 euros de congés payés afférents ;
– 560,45 euros bruts de majorations d’heures supplémentaires sont dues au titre de l’année 2018, outre 56,05 euros de congés payés afférents ;
Déboute Mme [G] [U] de sa demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
Ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1343-2 du Code civil ;
Ordonne à la SAS Elan de remettre à Mme [G] [U] les documents sociaux conformes au présent arrêt (bulletin de paie, attestation Pôle emploi, certificat de travail, reçu pour solde de tout compte), dans un délai de 30 jours suivant la signification du présent arrêt ;
Dit n’y avoir lieu au prononcé d’une astreinte ;
Condamne la SAS Elan aux dépens d’appel ;
Dit n’y avoir lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
Rejette toute autre demande.
Le greffier La présidente
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