Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Versailles
Thématique : Clause de non-concurrence et droits à la retraite : enjeux de l’exécution des obligations contractuelles.
→ RésuméContexte de l’affaireLa société Lafarge Ciments, spécialisée dans la fabrication de matériaux de construction, a employé M. [Y] depuis 1989. Ce dernier a été engagé en tant qu’« industrial business partner » par un contrat à durée indéterminée en juin 2022, avec un salaire annuel brut de 196 806 euros. Une clause de non-concurrence a été incluse dans son contrat. M. [Y] a annoncé son intention de prendre sa retraite à partir du 1er février 2023, et son contrat a été rompu le 31 janvier 2023. Demande de M. [Y]M. [Y] a saisi le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt pour obtenir des paiements provisionnels de diverses sommes dues par Lafarge Ciments, incluant des montants pour le capital mobilité, les congés payés, et la contrepartie financière de la clause de non-concurrence. Il a également demandé des dommages-intérêts pour résistance abusive et des frais de justice. Réponse de Lafarge CimentsLafarge Ciments a contesté les demandes de M. [Y], arguant que celles-ci ne relevaient pas des compétences du juge des référés. L’entreprise a également demandé des dommages-intérêts pour procédure abusive et a soutenu que les demandes de M. [Y] étaient infondées. Décision du conseil de prud’hommesLe 16 février 2024, le conseil de prud’hommes a reconnu un trouble manifestement illicite et a ordonné à Lafarge Ciments de verser à M. [Y] plusieurs sommes à titre provisionnel, tout en rejetant certaines de ses demandes. Lafarge Ciments a été condamnée à remettre des bulletins de salaire correspondant aux sommes dues. Procédure d’appelLafarge Ciments a interjeté appel de l’ordonnance le 6 mars 2024. L’affaire a été fixée à bref délai, et l’instruction a été clôturée le 18 septembre 2024, avec une audience prévue pour le 10 octobre 2024. Prétentions des parties en appelLafarge Ciments a demandé l’infirmation de l’ordonnance et le rejet des demandes de M. [Y], tout en sollicitant des dommages-intérêts pour procédure abusive. De son côté, M. [Y] a demandé la confirmation de l’ordonnance et l’octroi de sommes supplémentaires pour dommages-intérêts et intérêts légaux. Motifs de l’arrêtLe tribunal a examiné les contestations de Lafarge Ciments concernant la validité de la clause de non-concurrence et la notification de la rupture du contrat. Il a conclu que M. [Y] avait valablement rompu son contrat et que la société avait l’obligation de verser la contrepartie de la clause de non-concurrence. Les demandes de M. [Y] ont été jugées non sérieusement contestables. Conclusion de l’arrêtLa cour a confirmé l’ordonnance du conseil de prud’hommes, condamnant Lafarge Ciments à verser les sommes dues à M. [Y], y compris les intérêts de retard à compter du 4 octobre 2023. Lafarge Ciments a également été condamnée à remettre un bulletin de paie conforme et à payer les dépens d’appel, tout en étant déboutée de ses propres demandes. |
COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80C
Chambre sociale 4-2
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 09 JANVIER 2025
N° RG 24/00800 – N° Portalis DBV3-V-B7I-WMXL
AFFAIRE :
S.A. LAFARGE CIMENTS
C/
[E] [Y]
Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 16 février 2024 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT
N° Chambre :
N° Section : RE
N° RG : 23/00254
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Marc PATIN
Me Oriane DONTOT
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE NEUF JANVIER DEUX MILLE VINGT CINQ,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
APPELANTE
S.A. LAFARGE CIMENTS
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentant : Me Marc PATIN de l’AARPI LEXT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E807
****************
INTIMÉ
Monsieur [E] [Y]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentant : Me Oriane DONTOT de la SELARL JRF & TEYTAUD SALEH, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617
Plaidant : Me Laurent MOREUIL de la SELARL PATCHWORK, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0317
Substitué par : Me Camille PONS, avocat au barreau de PARIS
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 10 octobre 2024 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés devant Madame Valérie DE LARMINAT, conseillère chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Catherine BOLTEAU-SERRE, présidente,
Madame Valérie DE LARMINAT, conseillère,
Madame Isabelle CHABAL, conseillère,
Greffière placée lors des débats : Madame Gaëlle RULLIER,
Greffière en préaffectation lors de la mise à disposition : Madame Victoria LE FLEM,
Rappel des faits constants
La société anonyme Lafarge Ciments, dont le siège social est situé à [Localité 4] dans les Hauts-de-Seine, est spécialisée dans la fabrication de matériaux de construction, notamment du ciment. Elle emploie plus de dix salariés et applique la convention collective de l’industrie de la fabrication des ciments du 2 octobre 2019.
M. [E] [Y], né le 14 janvier 1961, a initialement été engagé par la société Lafarge, selon contrat de travail à durée indéterminée du 2 janvier 1989.
Puis en dernier lieu, M. [Y] a été engagé par la société Lafarge Ciments en qualité d’«’industrial business partner’», selon contrat de travail à durée indéterminée du 22 juin 2022, avec une reprise de son ancienneté au sein du groupe aujourd’hui dénommé Holcim/Lafarge à compter du 2’janvier 1989 et moyennant un salaire garanti établi sur une base annuelle brute de 196’806’euros y compris les primes et indemnités fixes mensuelles en usage au sein de la société, outre une rémunération variable.
Une clause de non-concurrence a été insérée au contrat de travail.
Par courrier du 1er août 2022, M. [Y] a informé son employeur de sa décision de faire valoir ses droits à la retraite à compter du 1er février 2023, son contrat de travail ayant été rompu le 31 janvier 2023.
M. [Y] a saisi la formation de référé du conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt, par requête reçue au greffe le 4 décembre 2023.
Les parties ont précisé lors des débats qu’elles n’avaient pas saisi le conseil de prud’hommes au fond.
La décision contestée
Devant le conseil de prud’hommes, M. [Y] a présenté les demandes suivantes’:
– condamner la société Lafarge Ciments à lui régler les sommes suivantes à titre provisionnel :
. 9’048,55 euros brut à titre de solde sur le capital mobilité,
. 904,85 euros brut au titre des congés payés afférents,
. 5’655,34 euros brut au titre des congés payés afférents au capital mobilité réglé en mars 2023,
. 73’802,30 euros brut au titre de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence pour les mois de février à novembre 2023,
. 7’380,23 euros brut au titre des congés payés afférents,
. 20’000 euros brut à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive et préjudice moral,
. 5’000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
. outre les intérêts légaux à compter de la mise en demeure du 4 octobre 2023,
. et ce sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter du prononcé de la décision à intervenir, le conseil se réservant le droit de liquider l’astreinte,
– ordonner à la société Lafarge Ciments de lui régler la somme de 7’380,23 euros brut outre 738,02 euros brut au titre des congés payés afférents pour décembre 2023 et 7’380,23 euros brut outre 738,02 euros brut au titre des congés payés afférents pour janvier 2024 au titre de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence, et ce, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter du prononcé de la décision à intervenir, le conseil se réservant le droit de liquider l’astreinte,
– ordonner à la société Lafarge Ciments de lui remettre des bulletins de salaire correspondant aux sommes dues, et ce, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter du prononcé de la décision à intervenir, le conseil se réservant le droit de liquider l’astreinte.
La société Lafarge Ciments a quant à elle conclu au fait que les demandes n’entraient pas dans les pouvoirs du juge des référés et a sollicité la condamnation de celui-ci à lui verser une somme de 5’000 euros à titre de procédure abusive et 3’000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
L’audience de référé a eu lieu le 2 février 2024.
Par ordonnance contradictoire rendue le 16 février 2024, la formation de référé du conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt’:
– a dit qu’il y avait un trouble manifestement illicite et urgence à payer les sommes dues par la société Lafarge Ciments au salarié,
– a fixé le salaire de M. [Y] à la somme de 16’400,50 euros,
– a condamné la société Lafarge Ciments à payer à M. [Y] les sommes suivantes à titre provisionnel :
. 9’048,55 euros brut à titre de solde sur le capital mobilité,
. 904,85 euros brut au titre des congés payés afférents,
. 5’655,34 euros brut de congés payés afférents au capital mobilité réglé en mars 2023,
. 73’802,30 euros brut au titre de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence pour les mois de février à novembre 2023 et 7’380,23 euros brut au titre des congés payés afférents,
. 7’380,23 euros brut outre 738,02 euros brut au titre des congés payés afférents pour décembre 2023 et 7’380,23 euros brut outre 738,02 euros brut au titre des congés payés afférents pour janvier 2024 au titre de la contrepartie financière à la clause de non-concurrence,
. 1’500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– a ordonné à la société Lafarge Ciments de remettre à M. [Y] les bulletins de salaire correspondant aux sommes dues,
– n’a pas fait droit au surplus des demandes de M. [Y],
– n’a pas fait droit au surplus des demandes de la société Lafarge Ciments,
– a condamné la société Lafarge Ciments aux entiers dépens.
La procédure d’appel
La société Lafarge Ciments a interjeté appel de l’ordonnance par déclaration du 6 mars 2024 enregistrée sous le numéro de procédure 24/00800.
Par avis du 26 mars 2024, l’affaire a été fixée à bref délai.
Par ordonnance rendue le 18 septembre 2024, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l’instruction et a fixé la date des plaidoiries le 10 octobre 2024, dans le cadre d’une audience rapporteur.
Prétentions de la société Lafarge Ciments, appelante
Par conclusions adressées par voie électronique le 1er avril 2024, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé de ses moyens conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la société Lafarge Ciments demande à la cour d’appel de’:
– infirmer intégralement l’ordonnance rendue par le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt,
à titre principal,
– dire qu’il n’y a pas lieu à référé,
à titre subsidiaire,
– rejeter intégralement les demandes formulées par M. [Y],
et en toute hypothèse,
– condamner M. [Y] à lui verser la somme de 5’000 euros pour procédure abusive,
– condamner M. [Y] à lui verser la somme de 3’000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner M. [Y] aux entiers dépens.
Prétentions de M. [Y], intimé et appelant à titre incident
Par conclusions adressées par voie électronique le 16 avril 2024, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé de ses moyens, M. [Y] demande à la cour d’appel de :
– déclarer mal fondé l’appel de la société Lafarge Ciments à l’encontre de l’ordonnance entreprise et l’en débouter,
par conséquent,
– confirmer l’ordonnance en ce qu’elle a condamné la société Lafarge Ciments à lui régler les sommes suivantes, à titre provisionnel :
. 9’048,55 euros brut à titre de solde sur le capital mobilité,
. 904,85 euros brut au titre des congés payés afférents,
. 5’655,34 euros brut de congés payés afférents au « capital mobilité » réglé en mars 2023,
. 88’562,76 euros brut au titre de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence pour les mois de février 2023 à janvier 2024,
. 8’856,27 euros brut au titre des congés payés afférents,
– ordonner à la société Lafarge Ciments de lui remettre des bulletins de salaire correspondant aux sommes dues,
– débouter la société Lafarge Ciments de toutes ses demandes, fins et conclusions,
– le déclarer recevable et bien-fondé en son appel incident,
y faisant droit,
– infirmer l’ordonnance en ce qu’elle l’a débouté du surplus de ses demandes,
et statuant à nouveau,
– condamner la société Lafarge Ciments à lui régler la somme de 20’000 euros brut à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive et préjudice moral,
– condamner la société Lafarge Ciments à régler l’ensemble des condamnations avec intérêts légaux à compter de la mise en demeure du 4 octobre 2023,
– condamner la société Lafarge Ciments à régler l’ensemble de ces sommes et à remettre les bulletins de salaire afférents sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter du prononcé de la décision à intervenir, la cour se réservant le droit de liquider l’astreinte,
y ajoutant,
– condamner la société Lafarge Ciments à lui régler la somme de 5’000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
PAR CES MOTIFS
La COUR, statuant publiquement, en dernier ressort et par arrêt contradictoire,
CONFIRME en toutes ses dispositions l’ordonnance rendue par la formation de référé du conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt le 16 février 2024,
Y ajoutant,
CONDAMNE la SA Lafarge Ciments à payer à M. [X] [Y] les intérêts de retard au taux légal à compter du 4 octobre 2023 sur les créances contractuelles,
RAPPELLE que la SA Lafarge Ciments est tenue de remettre à M. [X] [Y] un bulletin de paie récapitulatif conforme aux termes du présent arrêt,
CONDAMNE la SA Lafarge Ciments au paiement des dépens d’appel,
CONDAMNE la SA Lafarge Ciments à payer à M. [X] [Y] une somme de 2’000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel,
DÉBOUTE la SA Lafarge Ciments de sa demande présentée sur le même fondement.
Arrêt prononcé publiquement à la date indiquée par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Mme Catherine Bolteau-Serre, présidente, et par Mme Victoria Le Flem, greffière en préaffectation, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La greffière en préaffectation, La présidente,
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