Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Versailles
Thématique : Licenciement pour faute grave : enjeux de preuve et de motivation dans le cadre d’un contrat de travail.
→ RésuméPrésentation de la société et du salariéLa société JL International, spécialisée dans le transport routier de personnes, a engagé M. [T] [X] en tant que conducteur accompagnateur le 4 octobre 2016. Ce dernier a été mis à pied à titre conservatoire le 15 septembre 2020, suite à des accusations de manquements graves dans l’exécution de ses fonctions. Procédure de licenciementLe 16 septembre 2020, M. [X] a été convoqué à un entretien préalable, auquel il ne s’est pas présenté. Le 16 octobre 2020, la société a notifié son licenciement pour faute grave, en se basant sur plusieurs griefs, notamment des comportements inappropriés lors du transport d’enfants en situation de handicap. Réactions de M. [X]En réponse à son licenciement, M. [X] a saisi le conseil de prud’hommes d’Argenteuil le 30 novembre 2020, demandant la requalification de son licenciement et diverses indemnités. Il a contesté les motifs de son licenciement, arguant qu’ils étaient infondés et que la société n’avait pas prouvé les faits reprochés. Jugement de première instanceLe 2 juin 2022, le conseil de prud’hommes a jugé que les motifs de licenciement constituaient une faute grave et a débouté M. [X] de ses demandes. La société a également été déboutée de sa demande d’indemnisation. Appel de M. [X]M. [X] a interjeté appel de cette décision le 27 juin 2022. Les parties ont été invitées à rencontrer un médiateur, mais aucune médiation n’a eu lieu. M. [X] a maintenu ses demandes d’indemnisation et a contesté la décision de première instance. Analyse des griefsLa cour a examiné les griefs énoncés dans la lettre de licenciement, notamment le refus de priorité, le fait d’avoir heurté un poteau, des insultes et la remise d’un enfant à une personne non identifiée. La cour a constaté que la société n’avait pas fourni de preuves suffisantes pour établir la véracité de ces accusations. Décision de la cour d’appelLa cour d’appel a infirmé le jugement de première instance, déclarant le licenciement de M. [X] sans cause réelle et sérieuse. Elle a annulé la mise à pied conservatoire et a ordonné à la société de verser plusieurs indemnités à M. [X], y compris des sommes pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, indemnité de préavis et rappel de salaire. Conséquences financièresLa cour a fixé les indemnités dues à M. [X] en fonction de son ancienneté et de son salaire, tout en ordonnant que les créances salariales portent intérêts au taux légal. La société a également été condamnée à payer des dépens d’appel et une somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile. |
COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
Chambre sociale 4-2
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 09 JANVIER 2025
N° RG 22/02033 – N° Portalis DBV3-V-B7G-VI34
AFFAIRE :
[T] [X]
C/
S.A.S. JL INTERNATIONAL prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège.
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 02 juin 2022 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’ARGENTEUIL
N° Chambre :
N° Section : C
N° RG : 20/00242
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Ghislain DADI
Me Christophe DEBRAY
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE NEUF JANVIER DEUX MILLE VINGT CINQ,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
APPELANT
Monsieur [T] [X]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentant : Me Ghislain DADI de la SELAS DADI AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0257
****************
INTIMÉE
S.A.S. JL INTERNATIONAL prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège.
N° SIRET : 418 87 2 5 37
[Adresse 1]
[Localité 6]
Représentant : Me Christophe DEBRAY, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 04 octobre 2024, les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Isabelle CHABAL, Conseillère chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Catherine BOLTEAU-SERRE, Présidente,
Madame Valérie DE LARMINAT, Conseillère,
Madame Isabelle CHABAL, Conseillère,
Greffière placée lors des débats : Madame Gaëlle RULLIER,
Greffière en préaffectation lors de la mise à disposition : Madame Victoria LE FLEM,
EXPOSE DU LITIGE
La société JL International (Siren n°418 872 537), dont le siège social est situé [Adresse 1] à [Localité 6], dans le département de la Seine-et-Marne, est spécialisée dans le secteur d’activité du transport routier de personnes et effectue du transport adapté. Elle emploie plus de 10 salariés.
La convention collective applicable est celle des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950.
M. [T] [X] a été engagé par la société JL International à compter du 4 octobre 2016 en qualité de conducteur accompagnateur, catégorie ouvrier CPS, dans le cadre d’un cumul emploi-retraite.
Il a été mis à pied à titre conservatoire le 15 septembre 2020, verbalement avec confirmation écrite par courrier du même jour.
Par courrier en date du 16 septembre 2020, la société JL International a convoqué M. [X] à un entretien préalable prévu le 30 septembre 2020, auquel il ne s’est pas présenté.
Par courrier en date du 16 octobre 2020, la société JL International a notifié à M. [X] son licenciement pour faute grave dans les termes suivants :
‘Nous faisons suite à l’entretien du mercredi 30 septembre 2020 à 14h30 auquel vous êtes venu non accompagné et au courrier de mise à pied qui vous a été notifié le 15 septembre 2020.
Vous avez été embauché le 4 octobre 2016 en qualité de ‘conducteur accompagnateur’ à temps partiel. Votre mission consiste à transporter des enfants en situation de handicap dont vous avez la charge, de leur domicile à leur établissement scolaire.
Nous avons à déplorer les faits suivants :
Le 15 septembre 2020, nous avons reçu un courrier d’Ile de France Mobilités nous précisant qu’une salariée du SAIS 92 avait transmis un mail informant de vos manquements dans l’exécution de votre mission :
– le 9 septembre 2020, vous avez refusé une priorité à droite,
– vous avez heurté un poteau en vous garant,
– vous avez prononcé des insultes devant l’enfant que vous transportez,
– et vous avez confié l’enfant dont vous avez la charge à une personne que vous ne connaissiez pas lors de sa dépose à l’Accueil de Loisirs Sans Hébergement [alsh]Parmentier.
Nous vous rappelons que vous êtes tenu de respecter le code de la route. Le Livret d’Instructions Professionnelles précise que vous devez garantir le bien-être des passagers. ‘Au volant le conducteur accompagnateur est responsable des propos tenus et de la courtoisie requise au sein de son véhicule.’
Il est également indiqué que vous devez accompagner les passagers jusqu’à leur destination finale en les confiant à un adulte responsable (famille, enseignant, éducteur…).
Pour ces raisons nous vous notifions par la présente votre licenciement pour faute grave.
A la date d’envoi du présent courrier, vous ne ferez plus partie du personnel de l’entreprise, sans indemnité de préavis ni de licenciement.’
Par requête du 30 novembre 2020, M. [X] a saisi le conseil de prud’hommes d’Argenteuil des demandes suivantes :
– fixer le salaire moyen de M. [X] à la somme de 348,41 euros (à parfaire),
– dire et juger que le licenciement de M. [X] est sans cause réelle et sérieuse,
en conséquence,
– condamner la société JL International à verser à M. [X] :
. indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 2 090,46 euros,
. indemnité de licenciement légale : 348,41 euros,
. indemnité compensatrice de préavis : 696,82 euros,
. congés payés afférents : 69,68 euros,
– annuler la mise à pied conservatoire du 15 septembre 2020,
– rappel de salaire sur mise à pied conservatoire : 348,41 euros,
– congés payés afférents : 34,84 euros,
– rappel de salaire sur heures supplémentaires (sic),
– congés payés afférents : mémoire,
– dommages et intérêts pour manquement à l’obligation d’exécution de bonne foi du contrat de travail : 2 500 euros,
– non remise des documents de fin de contrat : 1 500 euros,
– article 700 du code de procédure civile : 2 000 euros,
– dire que les créances indemnitaires porteront intérêts au taux légal à compter de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant, la capitalisation des intérêts étant ordonnée conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil (anciennement 1154 du code civil),
– ordonner l’exécution provisoire (515 du code de procédure civile),
– entiers dépens.
La société JL International avait, quant à elle, demandé que M. [X] soit débouté de ses demandes et sollicité sa condamnation à lui payer la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Par jugement contradictoire rendu le 2 juin 2022, la section commerce du conseil de prud’hommes d’Argenteuil a :
– jugé que les motifs énoncés dans la lettre de licenciement doivent s’analyser en une faute grave avec toutes conséquences de droit,
– débouté M. [X] de l’intégralité de ses demandes,
– débouté la société JL International de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– mis les éventuels dépens à la charge de M. [X].
M. [X] a interjeté appel de cette décision par déclaration du 27 juin 2022.
Par ordonnance rendue le 20 septembre 2023, le magistrat chargé de la mise en état a enjoint aux parties de rencontrer un médiateur judiciaire. Les parties n’ont cependant pas souhaité entrer en médiation.
Par conclusions adressées par voie électronique le 26 septembre 2022, M. [X] demande à la cour de :
– infirmer le jugement entrepris,
statuant à nouveau,
– fixer le salaire moyen de M. [X] à la somme de 348,41 euros (à parfaire),
– juger que le licenciement de M. [X] est sans cause réelle et sérieuse, subsidiairement, requalifier le licenciement pour faute grave en un licenciement pour cause réelle et sérieuse,
en conséquence,
– condamner la société JL International à verser à M. [X] :
. indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 2 090,46 euros,
. indemnité légale de licenciement : 348,41 euros,
. indemnité compensatrice de préavis : 696,82 euros,
. congés payés afférents : 69,68 euros,
– annuler la mise à pied conservatoire du 15 septembre 2020,
– condamner la société à verser à M. [X] :
. rappel de salaire sur mise à pied conservatoire : 348,41 euros,
. congés payés afférents : 34,84 euros,
. dommages et intérêts pour manquement à l’obligation d’exécuter de bonne foi le contrat de travail : 2 500 euros,
. non-remise des documents de fin de contrat : 1 500 euros,
– article 700 (du code de procédure civile) : 2 000 euros,
– juger que les créances indemnitaires porteront intérêts au taux légal à compter de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant, la capitalisation des intérêts étant ordonnée conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil (anciennement 1154 du code civil),
– condamner la société JL International aux entiers dépens.
La société JL International a constitué avocat le 20 juillet 2022 en la personne de Me Sauvage puis le 8 mars 2023 en la personne de Me Debray.
Le 14 décembre 2022 Me Sauvage a déclaré par message électronique déposer des conclusions sans pour autant les joindre à son message.
Par soit-transmis du 20 septembre 2023, la présidente de la chambre a demandé aux parties de formuler des observations sur le fait qu’à défaut de pièces ou conclusions jointes au message du 14 décembre 2022, la cour n’en est pas saisie.
Par message du 20 septembre 2023, le conseil de M. [X] a indiqué que son contradicteur est Me Debray et s’en est rapporté à justice sur l’absence de conclusions. Me Debray n’a pas répondu.
Par soit-transmis du 11 septembre 2024, la présidente de la chambre a demandé les observations de Me Debray sur le moyen soulevé d’office de l’irrecevabilité de toutes conclusions de l’intimé.
Aucune réponse n’a été apportée par Me Debray et l’intimée n’a signifié aucune conclusion.
Par ordonnance rendue le 25 septembre 2024, le magistrat de la mise en état a ordonné la clôture de l’instruction et a fixé la date des plaidoiries au vendredi 4 octobre 2024.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,
Infirme le jugement rendu le 2 juin 2022 par le conseil de prud’hommes d’Argenteuil excepté en ce qu’il a débouté M. [X] de ses demandes de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation d’exécution de bonne foi du contrat de travail et pour non remise des documents de fin de contrat et la société JL International de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Statuant de nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant
Dit que le licenciement de M. [T] [X] par la société JL International est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
Annule la mise à pied conservatoire de M. [T] [X] du 15 septembre 2020,
Condamne la société JL International à payer à M. [T] [X] les sommes de :
– 348,41 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement,
– 696,82 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
– 69,68 euros au titre des congés payés afférents,
– 1 045,23 euros au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 348,41 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire,
– 34,84 euros au titre des congés payés afférents,
Dit que les créances de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation du conseil de prud’hommes et les créances indemnitaires à compter de la présente décision,
Ordonne la capitalisation des intérêts en application de l’article 1343-2 du code civil,
Condamne la société JL International aux dépens d’appel,
Condamne la société JL International à payer à M. [T] [X] la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour l’intégralité de la procédure.
Arrêt prononcé publiquement à la date indiquée par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Mme Catherine Bolteau-Serre, présidente, et par Mme Victoria Le Flem, greffière en préaffectation, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La greffière en préaffectation, La présidente,
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