Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Reims
Thématique : Caducité et irrecevabilité des prétentions en matière de requalification des contrats de travail et de responsabilité employeur
→ RésuméExposé du litigeM. [J] [W] a été employé par la société de travail temporaire AUB’INTER à travers plusieurs contrats intérimaires entre le 20 avril 2021 et le 13 novembre 2021. Il a subi un accident du travail le 12 novembre 2021 lors d’une mission à la SARL GHISETTI, entraînant un arrêt de travail. Le 30 mars 2022, il a été déclaré inapte à tout emploi. En novembre 2022, M. [J] [W] a saisi le conseil de prud’hommes de Troyes pour demander la requalification de ses contrats en CDI, la résiliation judiciaire de son contrat, ainsi que des indemnités. Jugement du conseil de prud’hommesLe 18 avril 2024, le conseil de prud’hommes a requalifié les contrats de M. [J] [W] en CDI avec la SARL GHISETTI 1870 FRANCE. La société a été condamnée à verser plusieurs indemnités, dont 20 000 euros pour licenciement nul et 7 000 euros pour absence de formation. La SARL AUB’INTER a également été condamnée à 2 000 euros pour absence de visite médicale. M. [J] [W] a été débouté de certaines de ses demandes, et les deux sociétés ont été condamnées aux dépens. Appel de M. [J] [W]Le 7 mai 2024, M. [J] [W] a interjeté appel contre les deux sociétés, cherchant à réformer le jugement en ce qui concerne le surplus de ses demandes, notamment la requalification de ses contrats avec AUB’INTER et des indemnités supplémentaires. Ce recours a été enregistré sous le numéro RG 24/00759. Appel de la SARL GHISETTI 1870 FRANCELa SARL GHISETTI 1870 FRANCE a également interjeté appel le 15 mai 2024, sauf pour la condamnation de la SARL AUB’INTER. Ce recours a été enregistré sous le numéro RG 24/00766. Les deux affaires ont été jointes par ordonnance en octobre 2024. Incident soulevé par M. [J] [W]M. [J] [W] a soulevé un incident en novembre 2024, demandant la caducité de la déclaration d’appel de la SARL GHISETTI 1870 FRANCE et l’irrecevabilité de ses conclusions notifiées en décembre 2024. Il a soutenu que ces conclusions ne respectaient pas les exigences légales. Arguments de la SARL GHISETTI 1870 FRANCELa SARL GHISETTI 1870 FRANCE a contesté l’incident, arguant que sa demande d’infirmation du jugement constituait une prétention suffisante. Elle a également soutenu que ses conclusions étaient recevables en réponse à l’appel incident de la SARL AUB’INTER. Motifs de la décisionLa cour a déclaré caduque la déclaration d’appel de la SARL GHISETTI 1870 FRANCE, constatant que ses conclusions ne respectaient pas les exigences de forme. De plus, les conclusions notifiées le 2 décembre 2024 ont été jugées irrecevables, car elles avaient été déposées après le délai imparti. La SARL GHISETTI 1870 FRANCE a été condamnée aux dépens et à verser 800 euros à M. [J] [W] pour les frais irrépétibles. |
Ordonnance n° 8
du 04/12/2024
N° RG 24/00759 – N° Portalis DBVQ-V-B7I-FPU5
OJ / ACH
COUR D’APPEL DE REIMS
Chambre sociale
ORDONNANCE D’INCIDENT
Formule exécutoire le :
09/01/25
à :
– Me Corinne LINVAL
– Me Angelique [Localité 6]
– PAPART
Le neuf janvier deux mille vingt cinq,
Nous, Monsieur Olivier JULIEN, Conseiller, magistrat en charge de la mise en état, assisté de Madame Allison CORNU-HARROIS, greffière,
Après les débats du 04 décembre 2024, avons rendu l’ordonnance suivante, dans la procédure inscrite sous le numéro N° RG 24/00759 – N° Portalis DBVQ-V-B7I-FPU5 du répertoire général, opposant :
Monsieur [J] [W]
[Adresse 5]
[Localité 2]
Représenté par Me Corinne LINVAL de la SELARL CORINNE LINVAL, avocat au barreau de l’AUBE et représenté par Me Mélanie CAULIER-RICHARD de la SCP DELVINCOURT – CAULIER-RICHARD – CASTELLO AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS
S.A.R.L. GHISETTI 1870 FRANCE
[Adresse 8]
[Localité 3]
Représentée par Me Lorraine PAPART, avocat au barreau de PARIS
APPELANTS
à
S.A.R.L. AUB’INTER prise en la personne de son gérant domicilié de droit audit
siège
[Adresse 4]
[Localité 1]
Représentée par Me Angelique BAILLEUL de la SCP SCRIBE-BAILLEUL-SOTTAS, avocat au barreau de l’AUBE
INTIMEE
* * * * *
Exposé du litige
Selon le jugement du 18 avril 2024, M. [J] [W] a été embauché par la société de travail temporaire AUB’INTER dans le cadre de contrats de mission intérimaires qui se sont succédés du 20 avril 2021 au 13 novembre 2021. Au cours d’une mission au sein de la SARL GHISETTI, le 12 novembre 2021, il a été victime d’un accident du travail et placé en arrêt de travail à compter de cette date. Le 30 mars 2022, M. [J] [W] a été déclaré inapte, son état de santé faisant obstacle à tout reclassement dans tout emploi.
Par requête reçue le 18 novembre 2022, M. [J] [W] a saisi le conseil de prud’hommes de Troyes notamment de demandes de requalification des contrats de travail temporaires en contrat à durée indéterminée, de résiliation judiciaire du contrat de travail et de condamnation au paiement de sommes à caractère salarial et indemnitaire.
Par jugement en date du 18 avril 2024, le conseil de prud’hommes de Troyes a:
– requalifié les contrats de travail temporaires de M. [J] [W] en contrat de travail à durée indéterminée à l’égard de la société utilisatrice, la SARL GHISETTI 1870 FRANCE ;
– condamné la SARL GHISETTI 1870 FRANCE à payer à M. [J] [W] les sommes suivantes :
– 1 791,91 euros à titre d’indemnité de requalification ;
– 1 791,91 euros bruts à titre d’indemnité de préavis ;
– 179,91 euros bruts à titre de congés payés afférents au préavis ;
– 20 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul;
– 7 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour absence de formation à l’utilisation de machine et absence de mise en place de la prévention des risques professionnels ;
– condamné la SARL AUB’INTER à payer à M. [J] [W] la somme de 2000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour absence de visite médicale d’embauche ;
– condamné in solidum la SARL GHISETTI 1870 FRANCE et la SARL AUB’INTER à payer à M. [J] [W] les sommes suivantes :
– 5 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral ;
– 1 800,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– débouté M. [J] [W] du surplus de ses demandes ;
– débouté les parties défenderesses de leur demande respective au titre de l’article 700 du code de procédure civile et de leurs demandes plus amples ou contraires;
– ordonné l’exécution provisoire ;
– condamné in solidum la SARL GHISETTI 1870 FRANCE et la SARL AUB’INTER aux dépens.
M. [J] [W] a interjeté appel le 7 mai 2024 à l’encontre de la SARL GHISETTI 1870 FRANCE et de la SARL AUB’INTER, en indiquant que l’appel tend à faire réformer ou annuler le jugement en ce qu’il le déboute du surplus de ses demandes tant à l’égard de la SARL AUB’INTER que de la SARL GHISETTI 1870 FRANCE tendant à :
– requalifier les contrats de travail temporaires conclus depuis le 19 avril 2021 en contrat de travail à durée indéterminée à l’égard de l’entreprise de travail temporaire AUB’ INTER ;
– prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail ayant les effets d’un licenciement nul ;
– condamner la société AUB’INTER aux sommes suivantes :
– paiement des salaires du 15 mars 2022 jusqu’à la date de prononcé de la résiliation judiciaire du contrat de travail sur la base d’un salaire de 1 791,91€ mensuel soit pour une date de délibéré au 15 février 2024 : 41 213,93 euros à parfaire en fonction de la date de prononcé de la décision ;
– congés payés y afférents : 4 121,14 euros à parfaire en fonction de la date de prononcé de la décision ;
– indemnité spéciale de licenciement : 2 687,86 euros sauf à parfaire en fonction de la date de prononcé de la résiliation judiciaire du contrat ;
– indemnité compensatrice de préavis : 5 375,35 euros ;
– congés payés sur préavis : 537,53 euros ;
– dommages et intérêts pour licenciement nul : 21 502,92 euros ;
– Subsidiairement, condamner la Société GHISETTI à lui payer les sommes de 41 213,99 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ;
– Solidairement avec la société GHISETTI :
– dommages et intérêts pour manquement de l’employeur à l’obligation de prévention des risques : 15 000 euros ;
– dommages et intérêts pour préjudice moral : 15 000 euros ;
– article 700 CPC : 2 400 euros ;
avec la capitalisation des intérêts.
Ce recours est enregistré sous le numéro RG 24/00759.
Dans le cadre du recours n° 24/00759, la SARL AUB’INTER et la SARL GHISETTI 1870 FRANCE, en leurs qualités d’intimées, ont constitué avocat respectivement les 4 et 10 juin 2024.
M. [J] [W] a notifié ses conclusions d’appelant le 11 juillet 2024, puis des conclusions n°2 le 12 novembre 2024. La SARL AUB’INTER a notifié des conclusions d’intimé le 27 septembre 2024. La SARL GHISETTI 1870 FRANCE a notifié le 2 décembre 2024 des « conclusions d’appelant incident provoqué ».
Par ailleurs, la SARL GHISETTI 1870 FRANCE a interjeté appel le 15 mai 2024 sauf en ce que le jugement a condamné la SARL AUB’INTER à payer à M. [J] [W] une somme à titre de dommages et intérêts pour absence de visite médicale d’embauche et qu’il a débouté M. [J] [W] du surplus de ses demandes.
Ce recours est enregistré sous le numéro RG 24/00766.
Dans le cadre du recours n° 24/00766, en leurs qualités d’intimés, M. [J] [W] a constitué avocat le 24 mai 2024 et la SARL AUB’INTER le 4 juin 2024, cette constitution ayant été renouvelée le 12 août 2024. La SARL GHISETTI 1870 FRANCE a notifié ses conclusions d’appelant le 9 août 2024.
Par ordonnance en date du 2 octobre 2024, les dossiers n° RG 24/00759 et RG 24/00766 ont été joints, l’affaire demeurant inscrite sous le numéro RG 24/00759.
M. [J] [W] a soulevé un incident par conclusions notifiées le 18 novembre 2024.
L’incident a été appelé à l’audience du 4 décembre 2024.
Par message RPVA en date du 27 novembre 2024, le conseil de la SARL AUB’INTER indique ne pas conclure s’agissant d’un incident concernant l’appel de la SARL GHISETTI 1870 FRANCE et s’en remettre à la juridiction.
Au terme de ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 2 décembre 2024 et déposées à l’audience du 4 décembre 2024, M. [J] [W] demande au conseiller de la mise en état de :
– déclarer caduque la déclaration d’appel de la société GHISETTI à l’encontre du jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Troyes le 18 avril 2024 ;
– déclarer irrecevables les conclusions notifiées par la société GHISETTI le 2 décembre 2024 en ce qu’elles répondent à l’appel interjeté par lui par déclaration du 7 mai 2024 et soutenu dans ses conclusions d’appelant du 11 juillet 2024 ;
– condamner la société GHISETTI à lui verser la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner la société GHISETTI aux dépens ;
– débouter la société GHISETTI de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
M. [J] [W] soutient que les conclusions déposées par la SARL GHISETTI 1870 FRANCE le 9 août 2024 ne répondent pas aux exigences de l’article 954 du code de procédure civile en l’absence de prétention mentionnée dans le dispositif, dès lors qu’elle se contente de solliciter l’infirmation du jugement.
Il estime que la jonction ne créant pas une unicité de l’instance, la déclaration d’appel de la SARL GHISETTI 1870 FRANCE est caduque en l’absence de prétention formulée dans le dispositif de ses premières conclusions.
Il ajoute que la SARL GHISETTI 1870 FRANCE n’a pas notifié de conclusions d’appel incident dans le délai imparti par l’article 909 du code de procédure civile suite à son appel principal dans le dossier n° 24/00759, de sorte que les conclusions notifiées le 2 décembre 2024 doivent être déclarées irrecevables.
Au terme de ses conclusions sur incident, notifiées le 3 décembre 2024, la SARL GHISETTI 1870 FRANCE demande au conseiller de la mise en état de :
– déclarer mal fondé M. [J] [W] en son incident, l’en débouter ainsi que de l’ensemble de ses demandes ;
– condamner M. [J] [W] à lui payer la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de l’incident.
Elle soutient que la demande d’infirmation peut être qualifiée de prétention et se suffire à elle-même et qu’avant les conclusions de la SARL AUB’INTER du 27 septembre 2024, elle n’avait aucune prétention autre que l’infirmation du jugement ayant fait droit aux demandes du salarié.
Elle estime dès lors que la cour était valablement saisie d’une prétention.
Elle expose que la caducité de la déclaration d’appel due à une rédaction incomplète du dispositif constituerait une atteinte disproportionnée à l’exercice effectif du droit d’appel en raison d’un formalisme excessif en violation du droit à un procès équitable prévu par l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme.
Par ailleurs, elle soutient que ses conclusions notifiées le 2 décembre 2024 sont recevables dans la mesure où elles répondent à l’appel incident de la SARL AUB’INTER.
Par ces motifs
Le conseiller de la mise en état, par ordonnance contradictoire, susceptible de déféré,
Déclare caduque la déclaration d’appel de la SARL GHISETTI 1870 FRANCE en date du 15 mai 2024 ;
Déclare irrecevables les conclusions de la SARL GHISETTI 1870 FRANCE notifiées le 2 décembre 2024 ;
Condamne la SARL GHISETTI 1870 FRANCE aux dépens de l’instance d’incident ;
Condamne la SARL GHISETTI 1870 FRANCE à payer à M. [J] [W] la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Déboute la SARL GHISETTI 1870 FRANCE de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La Greffière Le Conseiller
Laisser un commentaire