Cour d’appel de Paris, 10 janvier 2025, RG n° 20/01461
Cour d’appel de Paris, 10 janvier 2025, RG n° 20/01461

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Paris

Thématique : Reconnaissance des maladies professionnelles : enjeux de preuve et conditions d’application des tableaux.

Résumé

Déclaration de maladie professionnelle

Le 26 avril 2016, M. [V] [R] a soumis une déclaration de maladie professionnelle à la Caisse primaire d’assurance maladie de Seine-Saint-Denis, mentionnant une « tendinopathie calcifiante supra épineux droit » en référence au tableau n°57 des maladies professionnelles.

Rejet de la demande

Le 11 août 2016, la caisse a informé M. [V] [R] du rejet de sa demande, arguant que la pathologie ne figurait pas dans les tableaux de maladies professionnelles.

Contestation de la décision

Suite à un examen IRM le 12 août 2016, révélant une « vraisemblable fissure transfixiante de la partie supérieure du supra-épineux », M. [V] [R] a contesté la décision par courrier du 29 août 2016, saisissant la commission de recours amiable.

Confirmation du rejet par la commission

Le 5 octobre 2016, la commission de recours amiable a confirmé le rejet de la demande de reconnaissance de maladie professionnelle.

Saisine du tribunal

Le 29 novembre 2016, M. [V] [R] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny pour faire reconnaître l’origine professionnelle de sa maladie.

Expertise ordonnée par le tribunal

Le tribunal a ordonné une expertise le 28 novembre 2017 pour déterminer si l’affection correspondait à l’une des maladies désignées au tableau n°57.

Rapport d’expertise

Le rapport du Docteur [P], déposé le 3 septembre 2019, a conclu que l’affection de M. [V] [R] correspondait à une « tendinopathie chronique avec enthésopathie de la coiffe des rotateurs et rupture transfixiante du supra-épineux droit ».

Jugement du tribunal judiciaire

Le 15 janvier 2020, le tribunal judiciaire de Bobigny a déclaré le recours de M. [V] [R] recevable et fondé, ordonnant la prise en charge de sa maladie au titre de la législation sur les risques professionnels.

Appel de la caisse primaire

La caisse primaire a interjeté appel le 19 février 2020, contestant le jugement et demandant l’infirmation de toutes ses dispositions.

Développements de l’affaire

L’affaire a été fixée à plusieurs audiences, avec des conclusions de la caisse primaire demandant le déboutement de M. [V] [R] et la reprise de l’instruction sur le fondement du tableau n°57 A.

Arguments de la caisse primaire

La caisse a soutenu que le rapport d’expertise mentionnait des pathologies non déclarées et que les conditions du tableau n°57 n’étaient pas remplies, notamment en raison de calcifications et d’une IRM réalisée après le refus de prise en charge.

Observations de M. [V] [R]

M. [V] [R] a demandé la confirmation du jugement, arguant que son médecin avait établi le certificat médical initial sans disposer de l’IRM antérieure.

Analyse juridique

L’article L. 461-1 du code de la sécurité sociale stipule que les maladies professionnelles doivent être reconnues si elles figurent dans un tableau et que certaines conditions sont remplies. En l’espèce, la maladie déclarée ne remplissait pas les critères requis.

Conclusion du tribunal

Le tribunal a infirmé le jugement du 15 janvier 2020, déboutant M. [V] [R] de toutes ses demandes et le condamnant aux dépens.

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 13

ARRÊT DU 10 Janvier 2025

(n° , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : S N° RG 20/01461 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CBPFA

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 15 Janvier 2020 par le Pole social du TJ de BOBIGNY RG n° 19/00860

APPELANTE

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE LA SEINE SAINT DENIS

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901 substituée par Me Amy TABOURE, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901

INTIME

Monsieur [V] [R]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 3]

comparant en personne

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 14 novembre 2024, en audience publique et double rapporteur, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Monsieur Raoul CARBONARO, Président de chambre et Madame Sophie COUPET, Conseillère, chargés du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Raoul CARBONARO, Président de chambre

Monsieur Gilles REVELLES, Conseiller

Madame Sophie COUPET, Conseillère

Greffier : Madame Agnès IKLOUFI, lors des débats

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, prévu le vendredi 10 janvier 2025, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

-signé par Monsieur Raoul CARBONARO, Président de chambre et Madame Fatma DEVECI , greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

N°20/01461 CPAM de Seine-Saint-Denis contre M. [V] [R]

AUDIENCE 14 novembre 2024 6-13 délibéré 10 01 2025

RC FR SC

La cour statue sur l’appel interjeté par la Caisse primaire d’assurance-maladie de Seine-Saint-Denis (la caisse) d’un jugement rendu le 15 janvier 2020 par le pôle social du tribunal judiciaire de Bobigny à l’encontre de M. [V] [R] (l’assuré).

FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Le 26 avril 2016, M. [V] [R] a transmis à la Caisse primaire d’assurance maladie de Seine-Saint-Denis une déclaration de maladie professionnelle de type « tendinopathie calcifiante supra épineux droit » et faisant référence au tableau n°57 des maladies professionnelles.

Le 11 août 2016, la caisse primaire d’assurance maladie de Seine-Saint-Denis a informé M. [V] [R] du rejet de sa demande de reconnaissance de maladie professionnelle aux motifs qu’elle ne figurait pas dans les tableaux.

M. [V] [R] produit une IRM constatant une « vraisemblable fissure transfixiante de la partie supérieure du supra-épineux » en date du 12 août 2016.

Par courrier du 29 août 2016, M. [V] [R] a saisi la commission de recours amiable de la caisse primaire d’assurance maladie de Seine-Saint-Denis aux fins de contester cette décision.

Par décision datée du 5 octobre 2016, la commission de recours amiable a informé M. [V] [R] de la confirmation du rejet de la décision contestée.

Par déclaration enregistrée le 29 novembre 2016 auprès du secrétariat-greffe du tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny, M. [V] [R] a saisi la juridiction de céans aux fins de voir reconnaître l’origine professionnelle de sa maladie.

Par jugement du 28 novembre 2017, la tribunal des affaires de sécurité sociale a ordonné une expertise aux fins de « dire si l’affection identifiée par le Docteur [L] [W] correspond à l’une des affectations périarticulaires désignées au tableau n°57 A des maladies professionnelles, à savoir soit une tendinopathie aigüe non rompue non calcifiante avec ou sans entésopathie de la coiffe des rotateurs, soit une rupture partielle ou transfixiante de la coiffe des rotateurs au regard notamment des conclusions du docteur [W] évoquant une vraisemblable fissure transfixiante de la partie antérieure du supra-épineux ».

Le Docteur [P] a déposé son rapport le 3 septembre 2019. Il résulte de ce rapport que l’affection décrite par le Docteur [F] correspond à l’une des affections périarticulaires désignées au tableau numéro 57 des maladies professionnelles, à savoir une « tendinopathie chronique avec enthésopathie de la coiffe des rotateurs et rupture transfixiante du supra-épineux droit ». L’expert précise que M. [V] [R] présente une « rupture transfixiante du supra-épineux droit identifiée par l’IRM du 12 juin 2016. En ce qui concerne les calcifications décrites par l’échographie du 17 décembre 2015, il s’agit par définition de calcification des enthèses non exclues du tableau n°57A ».

Par jugement rendu le 15 janvier 2020, le tribunal judiciaire de Bobigny a :

Déclaré recevable et bien fondé le recours de M. [V] [R] ;

Dit que sa maladie professionnelle du 24 mars 2016 devait être prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels ;

Dit que les frais d’expertise étaient à la charge de la caisse primaire d’assurance maladie de la Seine-Saint-Denis et l’a condamnée à les payer ;

Débouté les parties de leurs demandes plus amples et contraires.

Le jugement a été notifié le 28 janvier 2020 à la caisse primaire d’assurance maladie de Seine-Saint-Denis qui en a interjeté appel par voie de RPVA le 19 février 2020.

L’affaire a alors été fixée à l’audience du 27 juin 2023, puis renvoyée à celle du 6 février 2024, puis à celle du 13 septembre 2024 et enfin à celle du 14 novembre 2024, lors de laquelle les parties ont développé oralement leurs conclusions écrites déposées au dossier.

Par conclusions datées du 9 février 2024, la caisse primaire d’assurance maladie de Seine-Saint-Denis demande à la cour de :

Infirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

En conséquence, si la cour estime que M. [R] est atteint d’une tendinopathie chronique de la coiffe des rotateurs telle que désignée par le tableau n°57 :

A titre principal, débouter M. [R] de l’ensemble de ses demandes :

A titre subsidiaire, renvoyer M. [R] devant la Caisse pour reprise de l’instruction sur le fondement du tableau n°57 A.

Si la cour estime que M. [R] est atteint d’une maladie hors tableau :

Débouter M. [R] de l’ensemble de ses demandes.

En toutes hypothèses :

Condamner M. [R] en tous les dépens.

La caisse fait valoir que le rapport d’expertise du Docteur [P] mentionnait tant une tendinopathie chronique de l’épaule droite qu’une rupture de la coiffe des rotateurs. Par conséquent, la prise en charge ne pouvait pas concerner la rupture de la coiffe des rotateurs en ce que ce n’est pas la pathologie qui a été déclarée et qu’elle a été objectivée par une IRM datée du 12 août 2016, réalisée postérieurement à la décision de refus de prise en charge du 11 août 2016.

S’agissant de la tendinopathie chronique prévue par le tableau n°57, les conditions du tableau ne sont pas remplies.

En effet, des calcifications sont mentionnées sur le certificat médical initial et apparaissent à l’échographie, calcifications qui ont mené le médecin conseil ainsi que le Docteur [D] à considérer que la pathologie ne pouvait être prise en charge au titre du tableau n°57A.

De plus, la condition médicale consistant en l’objectivation par une IRM de la tendinopathie n’est pas remplie. En l’espèce, l’IRM n’est pas contemporaine à la déclaration de maladie professionnelle et a été réalisée postérieurement à la décision de refus de prise en charge.

Par conséquent, la caisse rappelle que la présomption d’origine professionnelle ne s’applique que lorsque toutes les conditions du tableau sont réunies. Or, dans la mesure où le médecin conseil a estimé que la pathologie dont est atteint M. [V] [R] ne relevait pas du tableau n°57 A, l’instruction du dossier a été réalisée selon la procédure des maladies hors tableaux, de sorte que le respect des conditions administratives du tableau n°57 A n’a pas été étudié, en particulier le délai de prise en charge de six mois ainsi que la durée d’exposition au risque de six mois, outre la condition tenant à la liste limitative des travaux.

Par observations orales, M. [V] [R] demande à la cour de confirmer le jugement et de reconnaître que la maladie qu’il a déclarée relève du tableau n° 57 des maladies professionnelles.

M. [V] [R] expose que son médecin a établi le certificat médical initial sans disposer IRM antérieur et que le médecin-conseil de la caisse lui a donc conseillé de se faire prescrire un tel examen et de formuler une nouvelle déclaration. Cependant la caisse a rejeté sa nouvelle demande.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

DÉCLARE recevable l’appel de la Caisse primaire d’assurance-maladie de la Seine-Saint-Denis ;

INFIRME le jugement rendu le 15 janvier 2020 par le tribunal judiciaire de Bobigny en ses dispositions soumises à la cour ;

STATUANT À NOUVEAU :

DÉBOUTE M. [V] [R] de l’intégralité de ses demandes ;

CONDAMNE M. [V] [R] aux dépens.

La greffière Le président

 


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