Type de juridiction : Tribunal judiciaire
Juridiction : Tribunal judiciaire de Nantes
Thématique : Responsabilité personnelle du dirigeant et obligations comptables en question
→ RésuméOuverture de la procédure de redressement judiciaireLe 3 octobre 2018, le tribunal de commerce de Nantes a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’égard de la SAS Les Editions du Privilège, représentée par son président, Monsieur [D] [K]. Maître [U] de la SELARL [U] MJO a été désigné comme mandataire judiciaire. Le 18 septembre 2019, cette procédure a été convertie en liquidation judiciaire suite à la cession de l’entreprise, ordonnée par un jugement du 3 juillet 2019. Déclaration de créance par la Société GénéraleLe 8 novembre 2018, la Société Générale a déclaré sa créance au mandataire judiciaire, s’élevant à 77 261,96 euros pour le solde débiteur du compte courant de la société et à 13 189,20 euros pour le solde d’un prêt souscrit le 25 août 2010, d’un montant initial de 80 000 euros. Interrogations sur la comptabilitéLe 13 juin 2019, le mandataire judiciaire a contacté la SELARL Koppa Audit, l’expert-comptable de la SAS Les Editions du Privilège, concernant le solde d’emprunt déclaré par la Société Générale, qui n’était pas comptabilisé au passif du bilan. Il a soulevé des questions sur la comptabilisation de l’apport de trésorerie résultant du prêt, qui avait été enregistré comme un apport en compte courant de M. [K], et a critiqué la gestion de ces opérations. Mise en demeure et assignationEn l’absence de réponse, le 2 août 2019, le mandataire judiciaire a mis en demeure la SELARL Koppa Audit de rembourser la somme de 91 515,51 euros, correspondant au montant du prêt, plus intérêts. En septembre 2020, la SELARL MJO a assigné M. [D] [K] et la société Koppa Audit en paiement de cette somme. Demandes du mandataire liquidateurDans ses conclusions du 7 avril 2023, la SELARL MJO a demandé au tribunal de reconnaître que M. [D] [K] était débiteur envers la société Les Editions du Privilège pour le prêt consenti, et de condamner M. [K] à verser la somme de 91 515,51 euros, ainsi que des intérêts. Elle a également demandé la condamnation de la société Koppa Audit pour fautes commises au préjudice de la société. Réponse de M. [D] [K]M. [D] [K] a contesté les demandes, affirmant que le prêt avait été correctement inscrit au passif du bilan et que la société Koppa Audit en avait connaissance. Il a également soutenu que la société Les Editions du Privilège n’avait pas supporté la charge des remboursements du prêt. Arguments de la SELARL Koppa AuditLa SELARL Koppa Audit a demandé le rejet des demandes contre elle, affirmant qu’elle avait agi selon les informations fournies par M. [K] et qu’elle n’était pas responsable des erreurs comptables. Elle a également souligné qu’elle n’était pas en mesure de vérifier la véracité des informations transmises par son client. Jugement du tribunalLe tribunal a conclu que M. [D] [K] avait commis une faute détachable de ses fonctions en souscrivant un prêt pour financer son apport personnel sans le comptabiliser correctement. Il a été condamné à verser 494,17 euros à la SELARL MJO. La demande de garantie contre la SELARL Koppa Audit a été rejetée, tout comme les demandes de M. [K] au titre de l’article 700 du code de procédure civile. M. [K] a également été condamné aux dépens de l’instance. |
A.D
F.C
LE 09 JANVIER 2025
Minute n°
N° RG 20/03961 – N° Portalis DBYS-W-B7E-KZU7
S.E.L.A.R.L. MJO représentée par Maître [N] [U], mandataire liquidateur de la SAS LES EDITIONS DU PRIVILEGE suivant jugement du Tribunal de Commerce de NANTES en date du 18 septembre 2019
C/
[D] [P], [H] [K]
S.E.L.A.R.L. KOPPA AUDIT
Le 09/01/2025
copie exécutoire
et
copie certifiée conforme
délivrée à
Me MICHAUD
copie certifiée conforme
délivrée à
Me MERCIER
Me SOUBEILLE
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE NANTES
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PREMIERE CHAMBRE
Jugement du NEUF JANVIER DEUX MIL VINGT CINQ
Composition du Tribunal lors des débats et du délibéré :
Président : Géraldine BERHAULT, Première Vice-Présidente,
Assesseur : Marie-Caroline PASQUIER, Vice-Présidente,
Assesseur : Florence CROIZE, Vice-présidente,
GREFFIER : Audrey DELOURME
Débats à l’audience publique du 05 NOVEMBRE 2024.
En présence d’[W] [J], auditrice de justice.
Prononcé du jugement fixé au 09 JANVIER 2025, date indiquée à l’issue des débats.
Jugement Contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe.
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ENTRE :
S.E.L.A.R.L. MJO représentée par Maître [N] [U], mandataire liquidateur de la SAS LES EDITIONS DU PRIVILEGE suivant jugement du Tribunal de Commerce de NANTES en date du 18 septembre 2019, dont le siège social est sis [Adresse 4]
Représentée par Maître Lise-marie MICHAUD de la SELARL A4, avocats au barreau de NANTES
DEMANDERESSE.
D’UNE PART
ET :
Monsieur [D] [P], [H] [K]
né le [Date naissance 3] 1951 à [Localité 6] (LOIRE ATLANTIQUE), demeurant [Adresse 2]
Représenté par Maître Matthieu MERCIER de la SELARL CARCREFF CONTENTIEUX, avocats au barreau de RENNES
S.E.L.A.R.L. KOPPA AUDIT, dont le siège social est sis [Adresse 5]
Représentée par Maître Bérengère SOUBEILLE de la SELARL LALLEMENT SOUBEILLE & ASSOCIES, avocats au barreau de NANTES
DEFENDEURS.
D’AUTRE PART
EXPOSE DU LITIGE
Par jugement du 3 octobre 2018, le tribunal de commerce de Nantes a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’égard de la SAS Les Editions du Privilège, représentée par son président, Monsieur [D] [K], et désigné en qualité de mandataire judiciaire Maître [U] de la SELARL [U] MJO. Par jugement du 18 septembre 2019, le redressement judiciaire a été converti en liquidation judiciaire, à la suite de la cession de l’entreprise ordonnée par jugement du 3 juillet 2019.
Suivant lettre recommandée avec accusé de réception du 8 novembre 2018, reçue le 13 novembre 2018, la Société générale a déclaré sa créance entre les mains du mandataire judiciaire à hauteur de 77 261,96 euros au titre du solde débiteur du compte courant de la société et à hauteur de 13 189,20 euros au titre du solde du prêt souscrit le 25 août 2010 d’un montant initial de 80 000 euros.
Par courrier du 13 juin 2019, le mandataire judiciaire a interrogé la SELARL Koppa Audit, cabinet d’expertise comptable de la SAS Les Editions du Privilège depuis 2011, au sujet du solde d’emprunt déclaré par la Société général au passif du redressement judiciaire et non comptabilisé au passif du bilan. Il exposait que lors de la souscription de ce prêt le 25 août 2010, l’apport de trésorerie en résultant a été comptabilisé comme étant un apport en compte courant de M. [K], bien qu’il ait été versé directement par la banque, apport qui lui a été remboursé immédiatement, sans que la dette de la banque ne soit constatée au bilan. Il indiquait que les mensualités de remboursement ont ensuite été prélevées sur le compte de la société Les Editions du Privilège, ces opérations étant compensées par des abandons de créances successifs de M. [K] dont la réalité restait selon lui à démontrer. Il jugeait ces opérations “très critiquables d’un point de vue juridique et comptable”.
En l’absence de réponse, Me [U], par l’intermédiaire de son conseil, a mis en demeure, par courrier du 2 août 2019, la SELARL Koppa Audit de lui transmettre la somme de 91 515,51 euros, correspondant au montant du prêt accordé, outre les intérêts contractuels au taux de 3,89% l’an, et ce, dans un délai de 15 jours. Il lui rappelait qu’il était de sa responsabilité d’expert-comptable d’alerter M. [K] sur les conséquences des mouvements évoqués dans son précédent courrier, représentant selon lui une confusion de patrimoine mais également un délit de présentation de comptes sociaux inexacts.
Par message électronique du 3 août 2019, Monsieur [H] [M] de la société Koppa Audit a confirmé l’analyse du mandataire judiciaire, précisant cependant que “les opérations ont été comptabilisées telles qu’elles m’ont été présentées et expliquées par M. [K], à savoir : “l’encaissement de 80 000 constitue un apport en compte courant d’associé de M. [K] en provenance d’un emprunt souscrit à titre personnel”. Je découvre comme vous, au moment du RJ la réalité du montage et le contrat de prêt qui ne m’avait jamais été communiqué (puisque considéré comme personnel)”.
Par actes du 17 et du 21 septembre 2020, la SELARL MJO, représentée par Maître [N] [U], mandataire judiciaire, agissant en sa qualité de mandataire liquidateur de la SAS Les Editions du Privilège, a assigné devant le tribunal judiciaire de Nantes M. [D] [K] et la société d’exercice libéral à responsabilité limitée à associé unique Koppa Audit en paiement de la somme de 91 515,51 euros en remboursement du prêt souscrit le 25 août 2010, outre les intérêts contractuels, à titre principal par M. [K] et à titre subsidiaire par la société Koppa Audit.
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En l’état de ses dernières conclusions communiquées par la voie électronique le 7 avril 2023, la SELARL MJO, représentée par Maître [N] [U], pris en sa qualité de mandataire liquidateur de la SAS Les Editions du Privilège demande au tribunal, sur le fondement des articles 1103 et suivants, 1240 et suivants du code civil, L. 132-12 du code de commerce, de :
à titre principal,
juger que M. [D] [K] reconnaît que le prêt consenti par la société Les Editions du Privilèges auprès de la Société Générale par acte sous seing privé en date du 25 août 2010 constitue une dette personnelle dont il se trouve débiteur envers la société Les Editions du Privilège ;par conséquent,
condamner M. [D] [K] à lui verser la somme de 91 515,51 euros en remboursement de l’intégralité du montant du prêt litigieux, outre les intérêts contractuels ;
à titre subsidiaire,
dire que la société Koppa Audit a commis des fautes au préjudice de la société Les Editions du Privilèges, représentée par la SELARL MJO, prise en la personne de Maître [N] [U], en sa qualité de mandataire liquidateur ;par conséquent,
condamner la société Koppa Audit à verser à la société Les Editions du Privilège, représentée par la SELARL MJO, prise en la personne de Maître [N] [U], en sa qualité de mandataire liquidateur, la somme de 91 515,51 euros en réparation de son préjudice ;condamner M. [D] [K] et la société Koppa Audit à verser à à la société Les Editions du Privilège, représentée par la SELARL MJO, prise en la personne de Maître [N] [U], en sa qualité de mandataire liquidateur, la somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance ;dire n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire de la décision à intervenir.
A titre principal, la SELARL MJO, représentée par Maître [N] [U], pris en sa qualité de mandataire liquidateur de la SAS Les Editions du Privilège, entend préciser qu’elle ne sollicite pas de voir engager la responsabilité de M. [K] pour une faute de gestion qui aurait eu une conséquence sur l’insuffisance d’actif de la société Les Editions du Privilège, mais pour une faute personnelle.
Elle soutient qu’il n’est pas contestable que M. [K] a fait financer son apport en capital au sein de la société Les Editions du Privilège par cette même société, en lui faisant contracter un prêt d’un montant de 80 000 euros auprès de la Société générale et ce, sans en informer son associé, M. [Y]. Il souligne que l’apport de trésorerie de 60 000 euros résultant du prêt litigieux a par la suite été comptabilisé comme un apport en compte courant au profit de M. [K], sans qu’il ait d’explications sur la différence entre 80 000 euros et 60 000 euros, sur laquelle M. [K] devra, selon lui, s’expliquer.
En réponse aux conclusions de M. [K], elle fait valoir, d’une part, que les prétendues compensations par des abandons de créance, notamment de frais kilométriques, sont invérifiables et, d’autre part, qu’il apparaît étonnant de la part d’un dirigeant avisé de signer un contrat de prêt devant l’engager personnellement, sans vérifier, ni même s’apercevoir d’une erreur sur le bénéficiaire du prêt et sans ne rien faire par la suite pour modifier cette erreur. Il souligne la contradiction entre M. [D] [K] et son cabinet d’expert-comptable, ce qui confirme, selon elle, son analyse selon laquelle le montage opéré constitue une irrégularité au profit de M. [K] et ce, au détriment de la société. Elle fait observer que si la dette envers la Société générale n’était pas comptabilisée au bilan de la société Les Editions du Privilège entre 2010 et 2017, elle apparaît au bilan 2018 comme une dette de la société Les Editions du Privilège, de sorte que soit M. [K] et la société Koppa Audit ont décidé de dresser des comptes non sincères en ne faisant pas apparaître cette dette, soit M. [K] a caché la situation à son conseil. Elle relève par ailleurs qu’en signant l’acte de caution du prêt, M. [K] savait de fait que le prêt était souscrit par la société Les Editions du Privilège. Elle assure qu’il n’est pas démontré que M. [K] ait remboursé l’intégralité des échéances de prêt réglées par la société Les Editions du Privilège, les compensations pour des sommes qui lui étaient dues au titre de remboursement d’indemnités kilométriques ou de prestations de représentations étant invérifiables et M. [K] ne supportant pas lui-même la charge des remboursements. Elle estime que ce prêt a pesé depuis son origine sur la trésorerie de la société. Ainsi, c’est à la procédure collective de la société que la Société générale a déclaré sa créance, venant augmenter son passif, et ce, alors que cette dette est en réalité une dette personnelle de M. [K]. Elle en conclut que la volonté de dissimulation de M. [K] n’est pas contestable et qu’elle constitue une faute personnelle d’une particulière gravité, commise de manière intentionnelle, engageant sa responsabilité.
A titre subsidiaire, elle invoque la responsabilité de la société Koppa Audit, l’expert-comptable ne pouvant se contenter d’enregistrer les données fournies par son client, sans en vérifier la véracité et se devant, dans le cadre de la présentation des comptes annuels, attester de la régularité et de la sincérité des comptes. Elle relève que le prêt souscrit le 25 août 2010 n’a pas été comptabilisé au bilan de la société Les Editions du Privilège, alors qu’elle aurait dû y figurer, dans la mesure où les fonds ont été libérés sur le compte de la société et que c’était celle-ci qui réglait mensuellement les échéances du prêt auprès de la Société générale. Elle estime que la société Koppa Audit aurait dû vérifier l’origine des fonds, et ce, étant donné que ces derniers ont été versés directement sur le compte de la société Les Editions du Privilège par la banque elle-même. Elle en conclut que la société Koppa Audit a commis une faute en ne vérifiant pas les dires de M. [K] sur le prêt litigieux et en ne l’intégrant pas au passif. Elle souligne que la société Koppa Audit, en charge de la comptabilité de la société Les Editions du Privilège sur une durée totale de huit années, ce qui inclut la tenue comptable, ne pouvait pas ignorer l’existence du prêt du fait des prélèvements des échéances, sur lesquels elle aurait dû interroger M. [K].
Elle estime en outre qu’en intégrant cette dette au bilan 2018, la société Koppa Audit aurait dû faire mention que “la cohérence et la vraisemblance” des comptes annuels précédents se trouvaient être remis en cause. Elle s’interroge sur le fait que la société Koppa Audit a intégré cette créance dans la ligne “autre dette” et non dans la ligne “emprunt et dette auprès des établissements de crédit”. Elle en conclut que cette manière de procéder et de ne pas alerter sur l’existence du prêt litigieux et du montage financier qui en a découlé constitue une nouvelle faute de la part de la société Koppa Audit et ce, d’autant plus dans le contexte de l’ouverture du redressement judiciaire ouvert le 3 octobre 2018.
Au soutien du préjudice subi par la société Les Editions du Privilège, elle fait valoir que la lecture du compte courant de M. [K] ne permet pas d’affirmer que ce dernier a abondé son compte courant par des acomptes en numéraire ou pour des compensations justifiées. Elle relève qu’en 2011, 2013, 2014, 2015 et 2016, le compte courant d’associé de M. [K] s’est trouvé en position débitrice tout ou partie de l’année et qu’au 31 décembre 2014, le solde débiteur de ce compte courant au détriment de M. [K] s’inverse par deux factures: une correspondant à des indemnités kilométriques qui sont invérifiables et l’autre correspondant à une prestation exceptionnelle pour un montant de près de 24 000 euros, sans que l’on sache à quoi cela corresponde. Elle fait état de ce que la Société générale a déclaré au titre du solde débiteur du compte courant de la société Les Editions du Privilège la somme de 77 261,96 euros au passif de cette dernière, outre un montant de 13 189,20 euros, au titre du solde du prêt. Sur cette dernière somme, elle souligne que M. [K] ne démontre pas avoir réglé ledit solde dans le cadre de sa condamnation en qualité de caution.
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Dans le dernier état de ses conclusions notifiées par RPVA le 9 juin 2023, M. [D] [K] sollicite du tribunal de voir :
dire et juger que la souscription du prêt litigieux a fait l’objet d’une inscription au passif du bilan de la société Les Editions du Privilège, au moyen de mouvements créditeurs observés sur le compte courant de Monsieur [D] [K] ;dire et juger que le Cabinet Koppa Audit avait nécessairement connaissance de l’opération, pour avoir mouvementé en conséquence le compte courant d’associé de Monsieur [D] [K] ;dire et juger que Monsieur [S] [Y] avait nécessairement connaissance de l’opération, en ce que cette dernière apparaissait lisiblement de l’étude du compte courant d’associés de Monsieur [D] [K] ;
En toute occurrence
dire et juger que Maître [N] [U], en sa qualité de mandataire liquidateur de la société Les Editions du Privilège, n’appuie sa demande de condamnation sur aucun fondement juridique pertinent de nature à permettre au Tribunal d’entrer en voie de condamnation à l’encontre de Monsieur [D] [K] ;
dire et juger qu’une telle demande ne pouvait être fondée que sur les dispositions de l’article L. 651-2 du code de commerce relatif à la responsabilité pour insuffisance de l’actif, et devaient en conséquence être présentées devant le Tribunal de commerce de Nantes ;
En conséquence,
débouter Maître [N] [U], en sa qualité de mandataire liquidateur de la Société Les Editions du Privilège, de toutes ses demandes, fins, et conclusions exposées contre Monsieur [D] [K] ;
Subsidiairement,
dire et juger que la société Les Editions du Privilège n’a pas supporté la charge du remboursement partiel du prêt à hauteur de 40 000 €, lequel a été réglé au moyen de fonds personnels de Monsieur [D] [K] apportés suivant mouvement du 27 janvier 2011 ;dire et juger que la société Les Editions du Privilège n’a pas supporté la charge du remboursement du solde du prêt jusqu’à l’ouverture de la procédure collective, pour avoir fait supporter à Monsieur [D] [K] la charge définitive des échéances d’emprunt, par l’inscription au débit de son compte courant de sommes équivalentes aux échéances d’emprunt ;dire et juger que la société Les Editions du Privilège n’a pas supporté la charge du solde du prêt constaté au jour du Jugement d’ouverture de la procédure collective, pour n’avoir jamais réglé cette somme lors des opérations de répartition des actifs ;En conséquence,
dire et juger que la société Les Editions du Privilège n’a pas supporté la charge définitive des dettes d’emprunt contractées auprès de la Société Générale ;débouter Maître [N] [U], en sa qualité de mandataire liquidateur de la Société Les Editions du Privilège, de toutes ses demandes, fins, et conclusions exposées contre Monsieur [D] [K] ;
à titre infiniment subsidiaire,
dire et juger que le Cabinet Koppa Audit avec connaissance de l’opération litigieuse lors de sa conclusion par Monsieur [D] [K] ;dire et juger qu’en s’abstenant de dissuader Monsieur [D] [K] de poursuivre cette opération, mais à l’inverse en lui donnant une traduction comptable par le mouvement opérés sur son compte courant d’associé le Cabinet Koppa Audit a manqué à ses obligations de conseil et de présentation sincère des comptes ;dire et juger que le Cabinet Koppa Audit a, ce faisant, engagé sa responsabilité contractuelle à l’égard de Monsieur [D] [K] ;
En conséquence,
condamner le Cabinet Koppa Audit à garantir Monsieur [D] [K] de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre par le tribunal judiciaire de Nantes ;
en toutes hypothèses,
condamner maître [N] [U], en sa qualité de mandataire liquidateur de la société Les Editions du Privilège, subsidiairement le Cabinet Koppa Audit, à payer à M. [D] [K] la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;condamner Maître [N] [U], en sa qualité de mandataire liquidateur de la société Les Editions du Privilège, subsidiairement le Cabinet Koppa Audit, à supporter les entiers dépens de la présente instance ;faire exception à l’exécution provisoire de droit du jugement à intervenir.
A titre principal M. [K] souligne que la société demanderesse, ès qualités, n’invoque au soutien de sa demande en paiement aucun fondement juridique pertinent et que de jurisprudence constante, seule la voie de la responsabilité pour insuffisance d’actif était ouverte au liquidateur, toute action sur un fondement textuel différent, notamment l’action délictuelle de droit commun, étant par principe irrecevable, s’agissant de fautes alléguées commises avant le jugement d’ouverture.
Sur le fond, il entend faire valoir que son expert-comptable est responsable du traitement comptable des opérations de la société et que l’emprunt était bien porté au passif du bilan, en tant qu’apport en compte courant d’associé. Il assure que la société Koppa Audit ne pouvait ignorer cet emprunt, ayant pris des écritures comptables adaptées à chaque étape de l’opération, au moyen d’intitulés dépourvus d’équivoques, tels que “emprunt” ou “remboursement partiel prêt”. Il estime que M. [Y] pouvait se reporter à l’analyse des bilans et Grands Livres de la société et procéder à l’analyse détaillée des comptes sociaux, comme les statuts le lui permettaient.
A titre subsidiaire, M. [K] soutient que la société Les Editions du Privilège n’a subi aucun préjudice, dès lors qu’elle n’a jamais eu à supporter la charge finale des échéances du prêt. Il fait observer que la somme de 11 151,51 euros réclamée au titre des intérêts contractuels n’est pas expliquée. Il expose qu’il convient de distinguer trois postes distincts au sujet de cette dette :
– la somme de 40 000 euros, qu’il a remboursé par virement du 27 janvier 2011, au moyen de fonds personnels lui appartenant, ce qui a conduit la Société générale à revoir l’échéancier du prêt ;
– la somme de 36 503,89 euros ou 35 056,03 euros (les deux sommes sont mentionnées dans les écritures), dont les paiements opérés par la société Les Editions du Privilège ont fait l’objet d’inscriptions au débit de son compte courant d’associé entre 2010 et 2016, si bien qu’ils ont toujours été comptabilisés comme des dettes personnelles et réglées par lui au moyen de compensations opérées sur son compte courant. Il précise que pour chaque échéance ou somme au titre des intérêts réglée par la société, un mouvement débiteur a été porté dans son compte courant d’associé avec pour intitulé “emprunt”, qu’il apportait régulièrement des sommes à la société pour venir rembourser ses dettes à son égard et qu’il ne prélevait pas les sommes qui lui étaient dues par la société pour remboursement de ses indemnités kilométriques ou pour paiement de ses prestations de représentations, étant rappelé qu’il ne percevait aucune rémunération de son activité. En réponse aux conclusions du mandataire liquidateur, il indique que lors de l’établissement de chaque bilan comptable, il a transmis à la société Koppa Audit les pièces de nature à justifier les mouvements créditeurs effectués sur son compte courant d’associé, dont il n’est plus en possession aujourd’hui, que la société d’expertise-comptable devrait cependant être en mesure de produire. Il rappelle que l’expert-comptable a confirmé la pertinence des éléments qu’il a produits pour procéder consécutivement à des mouvements créditeurs sur son compte courant d’associé ;
– la somme de 12 189,20 euros correspondant au solde du prêt au jour du jugement d’ouverture qui n’a jamais été réglé à la banque par la société Les Editions du Privilège et qui a donné lieu à déclaration de créance par l’établissement bancaire. Il rappelle qu’il a été condamné à assumer cette dette à titre personnel, en qualité de caution et que la créance de la Société générale, déclarée à titre chirographaire, ne pourra pas être réglée par la liquidation judiciaire de la société Les Editions du Privilège, eu égard au faible montant des actifs constatés au jour du jugement de conversion.
Il assure que pour ces trois sommes, la société Les Editions du Privilège n’a jamais supporté la charge finale de la dette.
A titre infiniment subsidiaire, M. [K] sollicite la garantie de la société Koppa Audit, qui a, selon lui, manqué à son obligation de conseil, ainsi qu’à son obligation de présentation sincère des comptes. Il expose que c’est sur le conseil de l’expert-comptable que le prêt litigieux contracté par la société Les Editions du Privilège a été traité par des écritures comptables mouvementées dans son compte courant d’associé, qu’il ne l’a jamais dissuadé et qu’il a, au contraire, entériné la situation en adoptant des écritures comptables de nature à justifier l’opération. En réponse aux conclusions de la société Koppa Audit, il soutient que celle-ci avait nécessairement conscience du fait que la société Les Editions du Privilège était débitrice de l’emprunt litigieux, dans la mesure où elle a observé que la somme de 80 000 euros avait été virée depuis le compte de la banque et non de son compte personnel, où la banque avait fait le choix de prélever les échéances sur le compte de la société Les Editions du Privilège et où il lui appartenait de solliciter la communication de toutes pièces comptables susceptibles d’établir précisément la nature de l’opération comptabilisée.
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Au terme de ses dernières conclusions communiquées par RPVA le 12 septembre 2022, la SELARL Koppa Audit demande au tribunal, au visa de l’article 1231-1 du code civil, de :
débouter la SELARL MJO, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Les Editions du Privilège, de l’ensemble de ses demandes dirigées contre elle ;débouter M. [D] [K] de sa demande en garantie et plus globalement, de toutes ses demandes dirigées contre elle ;condamner la SELARL MJO, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Les Editions du Privilège, ou à défaut, M. [D] [K] à lui régler une somme de 4000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;condamner la SELARL MJO, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Les Editions du Privilège, ou à défaut, M. [D] [K] aux entiers dépens de l’instance.
Elle indique qu’elle a comptabilisé les opérations telles qu’elles lui ont été présentées par M. [K], qu’à chaque paiement opéré par la société Les Editions du Privilège à la Société générale, le compte courant d’associé de M. [K] était mouvementé en débit à hauteur de l’échéance réglée et que les intérêts d’emprunt n’ont pas été comptabilisés en charges pour la société Les Editions du Privilège.
Pour s’opposer à la demande subsidiaire de la société MJO, ès qualités, elle soutient que l’expert comptable obtient les informations destinées à remplir sa mission auprès du dirigeant de l’entreprise, qui est son interlocuteur naturel et que ce n’est pas son rôle de remettre en cause la véracité des informations transmises par son client. Elle précise que les relevés bancaires de la société Les Editions du Privilège ont été restitués à son client à qui revient l’obligation de les conserver, l’obligation de conservation de l’expert comptable ne portant que sur les documents de travail.
Elle estime qu’à supposer une faute de sa part établie, la SELARL MJO ès qualités ne rapporte pas la démonstration d’un préjudice en lien de causalité direct avec le manquement allégué, ni d’une perte de chance.
Pour s’opposer à la demande en garantie présentée par M. [K], elle rappelle que l’expert comptable n’est pas le garant de son client et que selon la lettre de mission du 23 février 2011, sa responsabilité ne peut être engagée en cas d’information erronée, ce qui est le cas en l’espèce. Elle fait observer qu’elle n’était pas encore mandatée lors de la souscription du prêt, de sorte qu’elle ne pouvait pas délivrer un conseil adapté à son client qui ne lui avait pas communiqué une information complète et sincère.
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Au-delà de ce qui a été repris pour les besoins de la discussion et faisant application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est référé pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties aux dernières conclusions susvisées des parties.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 10 septembre 2024.
PAR CES MOTIFS,
Le tribunal,
Statuant publiquement, par jugement mis à disposition, contradictoire et en premier ressort,
CONDAMNE Monsieur [D] [K] à verser à la SELARL MJO, représentée par Maître [N] [U], mandataire judiciaire, pris en sa qualité de mandataire liquidateur de la SAS Les Editions du Privilège, la somme de 494,17 euros ;
REJETTE la demande de garantie présentée par Monsieur [D] [K] à l’égard de la SELARL Koppa Audit ;
REJETTE la demande présentée par Monsieur [D] [K] au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE Monsieur [D] [K] à verser à la SELARL MJO, représentée par Maître [N] [U], mandataire judiciaire, pris en sa qualité de mandataire liquidateur de la SAS Les Editions du Privilège, la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE Monsieur [D] [K] à verser à la SELARL Koppa Audit la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE Monsieur [D] [K] aux dépens de la présente instance.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,
Audrey DELOURME Géraldine BERHAULT
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