Type de juridiction : Tribunal judiciaire
Juridiction : Tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand
Thématique : Conflits de voisinage et nuisances environnementales : enjeux de responsabilité et de droit de propriété.
→ RésuméContexte de l’affaireM. [H] [Z] et Mme [F] [D] sont propriétaires d’une maison à [Localité 6], voisins de M. [R] [W] et Mme [V] [W]. Les deux couples ont construit leurs maisons entre 1987 et 1989. En juin 2020, M. [Z] a adressé une lettre à M. [W] pour se plaindre des aiguilles de pin provenant de leur propriété, demandant l’abattage d’un arbre. Procédures engagéesAprès un constat d’huissier en août 2022, M. [Z] a saisi un conciliateur de justice en octobre 2022 pour des troubles du voisinage liés à un résineux. Un constat de carence a été établi en décembre 2022, car M. [W] n’était pas présent lors de la conciliation. En octobre 2022, les époux [W] ont abattu le cèdre en question. En février 2023, les époux [Z] ont assigné les époux [W] devant le tribunal judiciaire pour diverses demandes. Demandes des époux [Z]Les époux [Z] ont demandé l’abattage d’un conifère, l’élagage de deux bouleaux, le retrait d’un brise-vue, ainsi que des dommages et intérêts pour divers préjudices. Ils ont soutenu que les nuisances étaient causées par le manque d’entretien des arbres de leurs voisins, affectant leur propriété et leurs véhicules. Réponses des époux [W]Les époux [W] ont contesté les demandes des époux [Z], arguant que les arbres en question étaient plantés depuis longtemps et que les nuisances n’étaient pas anormales. Ils ont également demandé des dommages et intérêts pour procédure abusive, affirmant que les plaintes des époux [Z] étaient tardives et infondées. Décisions du tribunalLe tribunal a rejeté les demandes des époux [Z], constatant que l’arbre litigieux avait déjà été abattu et que les autres arbres respectaient les distances légales. La demande de retrait du brise-vue a également été rejetée, le tribunal considérant qu’il n’était pas inesthétique et qu’il n’était pas nécessaire d’obtenir l’accord des époux [Z]. Les demandes d’indemnisation pour remise en état et préjudice de jouissance ont été également rejetées. Conséquences financièresM. et Mme [Z] ont été condamnés aux dépens et à verser une somme de 2 000 euros aux époux [W] au titre des frais irrépétibles, en raison de leur échec dans cette instance. |
VTD/CT
Jugement N°
du 09 JANVIER 2025
AFFAIRE N° :
N° RG 23/00676 – N° Portalis DBZ5-W-B7H-I5EJ / Ch1c1
DU RÔLE GÉNÉRAL
[H] [Z]
[F] [D] épouse [Z]
Contre :
[R] [W]
[V] [W]
Grosse : le
Me Christine BAUDON
Me Sandrine MARTINET-BEUNIER
Copies électroniques :
Me Christine BAUDON
Me Sandrine MARTINET-BEUNIER
Copie dossier
Me Christine BAUDON
Me Sandrine MARTINET-BEUNIER
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE CLERMONT-FERRAND
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
LE NEUF JANVIER DEUX MIL VINGT CINQ,
dans le litige opposant :
Monsieur [H] [Z]
[Adresse 2]
[Localité 6]
Madame [F] [D] épouse [Z]
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représentés par Me Christine BAUDON, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
DEMANDEURS
ET :
Monsieur [R] [W]
[Adresse 3]
[Localité 6]
Madame [V] [W]
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représentés par Me Sandrine MARTINET-BEUNIER, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
DEFENDEURS
LE TRIBUNAL,
composé de :
Madame Virginie THEUIL-DIF, Vice-Présidente,
assistée lors de l’appel des causes et du délibéré de Madame Charlotte TRIBOUT, Greffier.
Après avoir entendu, en audience publique du 14 Novembre 2024 les avocats en leurs plaidoiries et les avoir avisés que le jugement sera rendu ce jour par mise à disposition au greffe, le tribunal prononce le jugement suivant :
EXPOSE DU LITIGE
M. [H] [Z] et Mme [F] [D] épouse [Z] sont propriétaires d’une maison d’habitation sise [Adresse 2] à [Localité 6] sur la parcelle cadastrée ZB [Cadastre 5].
Ils ont pour voisins sur la parcelle cadastrée ZB [Cadastre 4], M. [R] [W] et Mme [V] [W].
Tant les époux [W] que les époux [Z] ont fait construire leur maison et ont procédé à l’aménagement de leur terrain dans les années 1987 à 1989.
Par lettre recommandée avec accusé de réception (LRAR) du 19 juin 2020, M. [Z] s’est plaint auprès de M. [W] faisant valoir que les “aiguilles du pin situé dans votre propriété provoquent des désagréments. Ma cour est recouverte de ces aiguilles qui se mêlent ensuite aux gravillons, rendant le nettoyage de plus en plus difficile (…). Nos véhicules doivent être nettoyés systématiquement (…). l’abattage de cet arbre me semble être la seule solution car un élagage serait insuffisant (…). Le courrier recommandé est une première intention. Je demande que les causes de ces nuisances disparaissent courant juillet 2020 et j’attends une réponse écrite de votre part avant le 1er juillet 2020.”
Après avoir fait établir un constat d’huissier le 9 août 2022, M. [Z] a saisi le 7 octobre 2022 un conciliateur de justice, d’un différend relatif à des “troubles anormaux du voisinage suite à l’implantation d’un résineux de plus de 15 mètres de hauteur”.
Un constat de carence a été établi par le conciliateur saisi le 21 décembre 2022, en l’absence de M. [W] au jour de la réunion de conciliation.
Le 20 octobre 2022, les époux [W] avaient fait procéder à l’abattage de l’arbre litigieux, à savoir un cèdre.
Par acte en date du 10 février 2023, M. et Mme [Z] ont fait assigner M. et Mme [W] devant le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand aux fins de voir ordonner diverses obligations de faire et de les indemniser de leurs préjudices.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 5 septembre 2024.
Par conclusions déposées et notifiées le 12 août 2024, M. [H] [Z] et Mme [F] [D] épouse [Z] demandent, au visa des articles 662, 666, 671, 672 et 1242 du code civil, de :
– les dire et juger recevables et bien fondés en leurs demandes ;
– ordonner l’abattage du conifère situé le long de la limite séparative entre leur propriété et celle des époux [W], par ces derniers, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du jugement ;
– ordonner l’élagage annuel des deux bouleaux situés sur la propriété [W] afin que les branches ne tombent plus sur leur propriété, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du jugement ;
– ordonner le retrait du brise-vue sur la clôture mitoyenne par M. et Mme [W], sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du jugement ;
– débouter les époux [W] de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;
– condamner in solidum M. et Mme [W] à leur payer et porter la somme de 3 500 euros à titre de dommages et intérêts aux fins de remise en état de leur terrain ;
– condamner in solidum M. et Mme [W] à leur payer et porter la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice de jouissance des véhicules ;
– condamner in solidum M. et Mme [W] à leur payer et porter la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner M. et Mme [W] aux dépens, en ce compris le procès-verbal de constat de Me Cédric Guidé en date du 9 août 2022.
Ils ne contestent pas que M. et Mme [W] ont procédé à l’abattage du cèdre, mais précisent que cet abattage est intervenu en raison de l’avertissement préalable du conciliateur de la mise en place d’une action par leurs soins. Toutefois, ils ajoutent qu’il existe un autre résineux qui empiète sur leur propriété causant également la chute de branches et d’épines sur leur terrain. Il en va de même de deux bouleaux dont les branches tombent sur leur propriété.
Au surplus, ils font valoir que M. et Mme [W] ont fait poser un brise-vue sur le mur mitoyen sur lequel repose un grillage, sans leur accord, et qui est inesthétique.
Ils soutiennent de surcroît que l’absence d’entretien des arbres a pour conséquence la présence importante sur le parterre de leur propriété d’épines de pin, ainsi que des branches tombées sur leurs véhicules. Les épines sont présentes sur la carrosserie, elles s’infiltrent dans l’habitacle et dans le moteur, et ceci est à l’origine d’un préjudice de jouissance.
Par conclusions déposées et notifiées le 28 février 2024, M. [R] [W] et Mme [V] [W] demandent au visa des articles 666, 671, 672, 673, 1242 et 1353 du code civil, et 32-1 du code de procédure civile, de :
– débouter les époux [Z] de l’intégralité de leurs demandes, fins et conclusions ;
– recevoir leur demande reconventionnelle ;
– condamner in solidum les époux [Z] pour procédure abusive à une amende civile et à leur payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
– condamner in solidum les époux [Z] aux entiers dépens, ainsi qu’au paiement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Ils observent que ces demandes arrivent en 2023 alors même que les arbres ont été plantés en 1989 et qu’un brise-vue est présent depuis 1998 : elles n’ont jamais été évoquées avant l’assignation.
Ils font valoir que le cèdre visé dans la mise en demeure a été abattu le 20 octobre 2022, qu’il était implanté à plus de deux mètres de la limite de propriété et avait été planté il y a plus de 30 ans : ils n’étaient pas obligés de l’abattre, mais l’ont fait pour apaiser la situation. Ils ajoutent que seul un conifère se situe à 135 centimètres de la limite et à 240 centimètres du parking des époux [Z] ; qu’il a toutefois plus de 30 ans ; que l’assignation vise un pin qui a été abattu en octobre 2022 et les arbres restants sont soit à plus de deux mètres de la limite de propriété, soit ils bénéficient de la prescription trentenaire.
Sur la demande relative au brise-vue sur la clôture mitoyenne, ils estiment qu’ils n’étaient pas dans l’obligation de solliciter leur accord, et ils invoquent sa neutralité de couleur et sa hauteur conforme aux dispositions d’urbanisme.
Sur les demandes indemnitaires, ils exposent qu’en l’absence de faute et de preuve d’un préjudice subi sur le terrain des époux [Z], et compte tenu de la situation géographique des lieux et de la présence d’arbres de même essence sur leur propriété, l’intégralité de leurs demandes doit être rejetée.
Il sera renvoyé pour l’exposé complet des demandes et moyens des parties à leurs dernières conclusions.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal, statuant par jugement contradictoire mis à disposition au greffe, et en premier ressort,
Déboute M. [H] [Z] et Mme [F] [D] épouse [Z] de toutes leurs demandes ;
Déboute M. [R] [W] et Mme [V] [W] de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
Condamne in solidum M. [H] [Z] et Mme [F] [D] épouse [Z] aux dépens ;
Condamne in solidum M. [H] [Z] et Mme [F] [D] épouse [Z] à payer à M. [R] [W] et Mme [V] [W] la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Le Greffier Le Président
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