Cour d’appel de Paris, 10 janvier 2025, RG n° 23/00155
Cour d’appel de Paris, 10 janvier 2025, RG n° 23/00155

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Paris

Thématique : Conditions suspensives et conséquences contractuelles : enjeux de conformité et de responsabilité.

Résumé

Contexte de la vente

La société Sky & Co a signé un compromis de vente le 30 janvier 2020 avec la SCI du Groupe France Audit pour des locaux à usage de bureaux, au prix de 700.000 €, sous condition suspensive d’obtention d’un prêt. Un montant de 35.000 € a été séquestré chez un notaire en attendant la signature de l’acte authentique, prévue dans un délai de trois mois.

Assignation et jugement initial

Le 16 mars 2021, Sky & Co a assigné la SCI GFA devant le tribunal judiciaire de Paris, demandant la restitution de la somme séquestrée en raison de la non-réalisation de la condition suspensive. La SCI GFA a contesté la conformité de la demande de prêt. Le tribunal a rendu son jugement le 18 décembre 2022, rejetant la demande de Sky & Co et condamnant cette dernière à verser 35.000 € à la SCI GFA, tout en précisant que la mainlevée du séquestre libérerait Sky & Co de cette condamnation.

Appel de Sky & Co

Sky & Co a interjeté appel de ce jugement le 15 décembre 2022. La procédure d’appel a été clôturée le 3 octobre 2024. Dans ses conclusions, Sky & Co a demandé la réformation du jugement, la constatation de la caducité du compromis et la restitution de la somme séquestrée.

Prétentions de la SCI GFA

La SCI GFA a, quant à elle, demandé à titre incident d’infirmer le jugement initial et de condamner Sky & Co à verser 70.000 € à titre de dommages et intérêts, en raison du préjudice subi par le retard dans la vente du bien. Elle a également demandé la confirmation du jugement en ce qui concerne la restitution de la somme séquestrée.

Analyse de la condition suspensive

Sky & Co a justifié le refus de prêt par la Société Générale, mais sa demande dépassait le montant maximum stipulé dans le compromis. Le tribunal a conclu que la non-obtention du prêt était due à la faute de Sky & Co, qui n’avait pas respecté les caractéristiques du contrat. Ainsi, la condition suspensive était réputée réalisée aux torts de Sky & Co.

Demande de dommages et intérêts

La SCI GFA a évalué son préjudice à 70.000 € en se basant sur la clause pénale, mais le tribunal a noté que cette clause n’était pas applicable. Cependant, la SCI a justifié un préjudice d’immobilisation du bien, entraînant un retard dans la vente. Le tribunal a finalement évalué ce préjudice à 30.000 €.

Décision de la cour

La cour a infirmé le jugement initial concernant la condamnation de Sky & Co à verser 35.000 € et a ordonné le paiement de 30.000 € à la SCI GFA. Elle a également autorisé la SCI à récupérer cette somme à partir des fonds séquestrés. Sky & Co a été condamnée aux dépens d’appel et à verser 2.000 € supplémentaires à la SCI GFA au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 1

ARRÊT DU 10 JANVIER 2025

(n° , 8 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 23/00155 – N° Portalis 35L7-V-B7H-CG3R4

Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Novembre 2022 – Tribunal judiciaire hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de PARIS – RG n° 21/04325

APPELANTE

S.A.R.L. Sky and CO immatriculée au RCS de Paris sous le numéro 790 931 877, agissant poursuites et diligences de son gérant domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentée par Me Thierry SERRA de la SELARL SERRA AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : E0280 assistée de Me Alexis ARDISSON, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE

SCI du Groupe France Audit immatriculée au RCS de Paris sous le numéro 481 016 335, agissant poursuites et diligences de son réprésentant légal audit siège

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Michel GUIZARD de la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0020 assistée deMe Yann GUITTET de la SELARL ISEE, avocat au barreau de LYON, toque : 228

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 09 octobre 2024 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant Mme Nathalie BRET, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Marie-Ange SENTUCQ , présidente de chambre

Nathalie BRET, conseillère

Catherine GIRARD- ALEXANDRE, conseillère

Greffier, lors des débats : Marylène BOGAERS.

ARRÊT :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Marie-Ange SENTUCQ , présidente de chambre et par Marylène BOGAERS, greffier, présent lors de la mise à disposition.

FAITS ET PROCÉDURE

Par acte sous seing privé du 30 janvier 2020, la société Sky & Co a conclu avec la SCI du Groupe France Audit (ci-après la SCI GFA), un compromis de vente portant sur des locaux à usage de bureaux sis [Adresse 5] et [Adresse 3] à [Localité 6],

moyennant un prix principal de 700.000 €, sous condition suspensive d’obtention d’un prêt.

La société Sky & Co a séquestré la somme de 35.000 € entre les mains de Me [C], notaire, qui devait recevoir l’acte authentique.

La signature de l’acte authentique, qui était prévue dans un délai de trois mois suivant la signature de l’acte, n’est pas intervenue.

Par acte du 16 mars 2021, la société Sky & Co a fait assigner la SCI GFA devant le tribunal judiciaire de Paris aux fins, au visa des articles 1304 et 1231-5 du code civil, à titre principal, de constater la non réalisation de la condition suspensive et ordonner la restitution à son profit de la somme de 35.000 €, et à titre subsidiaire de constater le caractère excessif de la clause pénale et dire n’y avoir lieu à son application.

La SCI GFA a opposé que le prêt sollicité n’était pas conforme aux caractéristiques du compromis de vente.

Par jugement du 18 décembre 2022, le tribunal judiciaire de Paris a statué ainsi :

-Rejette la demande de révocation de l’ordonnance de clôture,

-Déclare irrecevables les conclusions signifiées par la société Sky & Co le 20 mai 2022,

-Ecarte des débats les pièces n°15 à 19 produites par la société Sky & Co,

-Condamne la société Sky & Co à payer à la SCI du Groupe France Audit la somme de 35.000 € à titre de dommages et intérêts,

-Dit que la société Sky & Co sera libérée de l’exécution de cette condamnation par la mainlevée du séquestre conventionnellement désigné de la somme de 35.000 € et le versement de la somme séquestrée à la SCI du Groupe France Audit,

-Condamne la société Sky & Co aux dépens,

-Condamne la société Sky & Co à payer à la SCI du Groupe France Audit la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

-Rejette toute demande plus ample ou contraire

-Rappelle que l’exécution provisoire est de droit.

La SARL Sky and Co a relevé appel de ce jugement par déclaration remise au greffe le 15 décembre 2022.

La procédure devant la cour a été clôturée le 3 octobre 2024.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Vu les conclusions communiquées par la voie électronique le 8 octobre 2024, par lesquelles la SARL Sky and Co, appelante, invite la cour à :

Vu les dispositions des articles 1304 et suivants du Code Civil,

Vu les dispositions de l’article 1231-5 du Code Civil,

Vu les dispositions de l’article 1103 et suivants du Code civil.

Recevoir en son appel la société SKY AND CO,

Y faisant droit

Réformer le jugement dont appel en toutes ses dispositions.

Statuant à nouveau,

Débouter la Société Civile Immobilière Du Groupe France Audit de toutes ses demandes, fins et conclusions.

A titre principal :

1) constater l’absence de réalisation de la Condition Suspensive dans le délai contractuellement stipulé au Compromis ;

2) constater en conséquence la caducité du Compromis ;

3) en conséquence ordonner la restitution, au profit de l’appelante, de la somme de 35.000 € actuellement séquestrée entre les mains de Maître [C], notaire ;

A titre subsidiaire :

4) constater le défaut d’applicabilité au cas d’espèce de la clause pénale stipulée au Compromis ;

5) en conséquence, débouter la Société Civile Immobilière Du Groupe France Audit de ses demandes tendant à l’indemnisation d’un quelconque préjudice et au versement d’une quelconque indemnité par l’appelante ;

A titre infiniment subsidiaire :

6) modérer la clause pénale stipulée au Compromis au titre de l’article 1235-1 du code civil en la réduisant à un montant de 1.000 euros, en ce qu’étant manifestement excessive ;

7) si par extraordinaire la Cour devait être amenée à considérer que la Société Civile Immobilière Du Groupe France Audit a subi un préjudice imputable à l’appelante, estimer ce préjudice à un montant nul.

En tout état de cause :

Condamner la société SCI GFA à payer à la société SKY AND CO, en application des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile, la somme de 6.000 € en raison des frais irrépétibles occasionnés par la présente instance.

La condamner en outre aux entiers dépens.

Rappeler que le jugement à intervenir est assorti de l’exécution provisoire ;

Vu les conclusions communiquées par la voie électronique le 3 octobre 2024, par lesquelles la SCI du Groupe France Audit, intimée, invite la cour à :

Vu les articles 1104,1304-4,1231-1 et 1231-5 du Code civil,

À titre d’appel incident et à titre principal,

Infirmer le jugement rendu par le Tribunal judiciaire de Paris en date du 18 novembre 2022 en ce qu’il a limité le montant de l’indemnisation à revenir à la SCI DU GROUPE France AUDIT à la somme de 35 000 euros

Par conséquent,

Condamner la société SKY AND CO à payer à la SCI DU GROUPE France AUDIT la somme de 70 000 euros à titre de dommages et intérêt

Plus subsidiairement,

Confirmer le jugement rendu par le Tribunal judiciaire de Paris en date du 18 décembre 2022 en ce qu’il a condamné la société SKY AND CO à payer à la SCI DU GROUPE France AUDIT la somme de 35 000 euros et dit que la société SKY AND CO sera libérée de l’exécution de cette condamnation par la mainlevée du séquestre conventionnellement désigné de la somme de 35 000 euros et le versement de la somme séquestrée à la SCI DU GROUPE France AUDIT

En toute hypothèse,

Débouter la société SKY AND CO de l’ensemble de ses demandes

Condamner la société SKY AND CO à payer à la SCI DU GROUPE France AUDIT la somme de 4000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile

Condamner la société SKY AND CO à payer à la SCI DU GROUPE France AUDIT aux entiers dépens ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant par mise à disposition au greffe, contradictoirement,

Confirme le jugement, excepté en ce qu’il a :

-condamné la société Sky & Co à payer à la SCI du Groupe France Audit la somme de 35.000 € à titre de dommages et intérêts,

-dit que la société Sky & Co sera libérée de l’exécution de cette condamnation par la mainlevée du séquestre conventionnellement désigné de la somme de 35.000 € et le versement de la somme séquestrée à la SCI du Groupe France Audit ;

Statuant sur les chefs réformés et y ajoutant,

Condamne la société Sky & Co à payer à la SCI du Groupe France Audit la somme de 30.000 € à titre de dommages et intérêts ;

Autorise pour le paiement de cette somme la SCI du Groupe France Audit à se faire remettre à due concurrence les fonds détenus par Me [C], notaire, à titre de séquestre, au vu du présent arrêt ;

Autorise Me [C], notaire, à remettre le solde de la somme séquestrée à la société Sky & CO ;

Condamne la société Sky & CO aux dépens d’appel, ainsi qu’à payer à la SCI du Groupe France Audit la somme supplémentaire de 2.000 € par application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ;

Rejette la demande de la société Sky & CO au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

LE GREFFIER,

LA PRÉSIDENTE,

 


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