Tribunal judiciaire de Toulouse, 10 janvier 2025, RG n° 23/00012
Tribunal judiciaire de Toulouse, 10 janvier 2025, RG n° 23/00012

Type de juridiction : Tribunal judiciaire

Juridiction : Tribunal judiciaire de Toulouse

Thématique : Indemnisation des victimes et contestation des rapports d’expertise : enjeux de la subrogation légale.

Résumé

Exposé du litige

Monsieur [B] [X] a été reconnu coupable d’agressions sexuelles incestueuses sur mineurs de moins de 15 ans par le Tribunal correctionnel de Toulouse le 28 novembre 2019. Il a été condamné à quatre ans d’emprisonnement et à un suivi socio-judiciaire de cinq ans. Les parties civiles, Madame [L] [P], Madame [I] [P] épouse [U], et Madame [E] [X] épouse [M], ont obtenu des provisions de 1 000 euros chacune, ainsi qu’une indemnité au titre de l’article 475-1 du Code de procédure pénale.

Indemnisation des victimes

La Commission d’Indemnisation des Victimes d’Infractions (CIVI) a déclaré recevable la requête des victimes et a ordonné une expertise. Le rapport d’expertise a conduit à une décision du 13 juillet 2022, allouant des indemnités significatives aux victimes, totalisant 229 309,75 euros, versées par le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions.

Assignation de Monsieur [B] [X]

Le 19 décembre 2022, le Fonds de Garantie a assigné Monsieur [B] [X] devant le Tribunal judiciaire de Toulouse pour obtenir le remboursement des sommes versées aux victimes, déduisant les 3 500 euros déjà réglés. Le Fonds a demandé la condamnation de Monsieur [B] [X] à payer 228 908,27 euros, plus intérêts.

Conclusions de Monsieur [B] [X]

Monsieur [B] [X] a contesté les demandes du Fonds, arguant que les rapports d’expertise n’étaient pas opposables, car il n’avait pas été partie à la procédure devant la CIVI. Il a également demandé une réévaluation des montants d’indemnisation, soutenant que certains avaient été indemnisés à deux reprises.

Décision du tribunal

Le tribunal a statué sur le droit à indemnisation des victimes, affirmant que l’expertise était recevable dans le cadre de la présente instance. Il a retenu l’obligation de Monsieur [B] [X] d’indemniser le Fonds de Garantie, en raison de sa condamnation pénale. Les préjudices des victimes ont été évalués, et des indemnités ont été accordées pour les souffrances endurées, le déficit fonctionnel temporaire, ainsi que d’autres préjudices.

Montants alloués aux victimes

Les montants alloués aux victimes ont été détaillés, incluant des sommes pour les souffrances endurées, les dépenses de santé futures, et d’autres préjudices. Le tribunal a condamné Monsieur [B] [X] à payer un total de 227 809,75 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 27 juillet 2022.

Condamnation aux dépens

Monsieur [B] [X] a été condamné aux dépens, avec une somme de 1 000 euros à verser au Fonds de Garantie au titre de l’article 700 du Code de procédure civile. Les demandes supplémentaires des parties ont été rejetées.

MINUTE N° :
JUGEMENT DU : 10 Janvier 2025
DOSSIER : N° RG 23/00012 – N° Portalis DBX4-W-B7G-ROJD
NAC : 64B

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE TOULOUSE
POLE CIVIL – Fil 6

JUGEMENT DU 10 Janvier 2025

PRESIDENT

Madame PUJO-MENJOUET, Juge
Statuant à juge unique conformément aux dispositions des
articles R 212-9 et 213-7 du Code de l’Organisation judiciaire

GREFFIER lors du prononcé

Madame RIQUOIR, Greffière

DEBATS

à l’audience publique du 08 Novembre 2024, les débats étant clos, le jugement a été mis en délibéré à l’audience de ce jour.

JUGEMENT

Contradictoire, en premier ressort, prononcé par mise à disposition au greffe.
Copie revêtue de la formule
exécutoire délivrée
le
à
DEMANDERESSE

Organisme FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERROR ISME ET D’AUTRES INFRACTIONS, dont le siège social est sis [Adresse 3]
représentée par Maître Guillaume ROSSI de la SELARL REBOTIER-ROSSI & ASSOCIES, avocats au barreau de LYON, avocats plaidant, Maître Damien DE LAFORCADE de la SELARL CLF, avocats au barreau de TOULOUSE, avocats postulant, vestiaire : 66

DEFENDEUR

M. [B] [X]
né le [Date naissance 1] 1948 à [Localité 4], demeurant [Adresse 2]
représenté par Me David LANES, avocat au barreau de TOULOUSE, avocat plaidant/postulant, vestiaire : 173

EXPOSE DU LITIGE

Par jugement rendu par le Tribunal correctionnel de TOULOUSE le 28 novembre 2019, Monsieur [B] [X] a été déclaré coupable de faits d’agression sexuelles incestueuses sur mineurs de 15 ans, et condamné à une peine de quatre ans d’emprisonnement assorti d’un suivi socio-judiciaire d’une durée de cinq ans.

Concernant les parties civiles, le Tribunal correctionnel a reçu les constitutions de parties civiles de Madame [L] [P], Madame [I] [P] épouse [U] et Madame [E] [X] épouse [M], condamnant Monsieur [B] [X] à leur payer à chacune la somme de 1 000 euros à titre de provision, ainsi que 1 000 euros au titre de l’article 475-1 du Code de procédure pénale.

Par ordonnance du 19 novembre 2020, la Commission d’Indemnisation des Victimes d’Infractions de TOULOUSE déclarait recevable la requête des victimes et donnait acte au versement des provisions de 1 000 euros chacune. La Commission ordonnait par suite une mesure d’expertise pour chacune des victimes.

Suite à rapport d’expertise en date du 29 avril 2021, la Commission d’Indemnisation des Victimes d’Infractions de TOULOUSE a rendu le 13 juillet 2022 une décision statuant sur les demandes d’indemnisation et a alloué :
A Madame [L] [P] une indemnité totale de 97 857,25 euros ;A Madame [I] [P] épouse [U] une indemnité totale de 48 408,75 euros ;A Madame [E] [X] épouse [M] une indemnité de de 81 543,75 euros ;Une indemnité de 500 euros à chacune des victimes sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
Ainsi le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions versait la somme totale de 229 309,75 euros.

Par exploit du 19 décembre 2022, le Fonds de Garantie a assigné Monsieur [B] [X] devant le Tribunal judiciaire de TOULOUSE aux fins de le voir condamné au paiement de la somme de 229 309,75 euros dont sera déduite les 3 500 euros déjà réglés, outre intérêts au taux légal postérieurs au 27 juillet 2022, date du règlement des sommes allouées aux victimes.

Au titre de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 6 octobre 2023, le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions sollicite de la juridiction saisie de céans de :
Dire et juger recevable et bien fondée les demandes du Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions formées à l’encontre de Monsieur [B] [X] ;Par conséquent, condamner Monsieur [B] [X] à payer au Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions la somme de 228 908,27 euros, outre intérêts au taux légal postérieurs au 27 juillet 2022 date du règlement, au titre des sommes versées aux victimes ;En tout état de cause :Rejeter l’ensemble des prétentions, demandes de Monsieur [B] [X] comme étant irrecevables, infondées et injustifiées ;Condamner Monsieur [B] [X] à payer au Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;Condamner Monsieur [B] [X] même aux entiers dépens, distraits au profit de Maître Damien de LAFORCADE, avocat, sur son affirmation de droit.
Au soutien de ses prétentions et au visa des articles 706-11 et suivants du Code de procédure pénale, 1240 et 1231-6 du Code civil, le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions indique que l’absence de l’auteur de l’infraction est indifférente et ne fait pas partie des conditions de la subrogation légale mise en place par l’article 706-11 du Code de procédure pénale. Par ailleurs elle souligne que son absence est également indifférente dès lors que l’auteur a été placé en situation de discuter les pièces et documents fournis à la juridiction qui a indemnisé la victime. Le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions estime que dès lors que les rapports d’expertise ont été communiqués et soumis à discussion contradictoire, ils sont recevables comme éléments de preuve. Par suite le demandeur liste les préjudices et les sommes réglées en règlement de ces dernières, distinguant notamment le déficit fonctionnel temporaire des souffrances endurées.

Par ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 14 juin 2023, Monsieur [B] [X] demande à la juridiction saisie de céans de :
A titre principal, rejeter les demandes du Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions en raison de l’inopposabilité des rapports d’expertise ayant permis de fixer les sommes versées aux victimes ;A titre subsidiaire, fixer le montant de la condamnation en tenant compte des observations sur la pertinence de l’indemnisation accordée par la CIVI ;En tout état de cause, rejeter la demande du Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions relatives à l’article 700 du Code de procédure civile.
A l’appui de ses demandes et au visa de l’article 16 du Code de procédure civile, Monsieur [B] [X] soutient que la Commission d’indemnisation des victimes d’infraction a basé ses estimations sur des opérations d’expertise auxquelles il n’était pas partie. Or le défendeur souligne que les rapports sur lesquels la commission se base sont des estimations et ne peuvent donc constituer à eux seuls la preuve de la portée du préjudice des victimes, d’autant qu’ils ne sont corroborés par aucun autre élément. Par ailleurs Monsieur [B] [X] revient sur les sommes allouées au titre des divers postes de préjudice, estimant que ces dernières sont contestables, voire que certains ont été indemnisés à deux reprises.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 22 mars 2024. L’affaire a été évoquée à l’audience en formation juge unique du 8 novembre 2024 et mise en délibéré au 10 janvier 2025.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant par jugement contradictoire, rendu en premier ressort et par mise à disposition au greffe,

DECLARE recevable la demande d’indemnisation formée à l’encontre de Monsieur [B] [X] par le FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERRORISMES ET AUTRES INFRACTIONS ;

CONDAMNE Monsieur [B] [X] à payer au FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERRORISMES ET AUTRES INFRACTIONS des suites de sa condamnation par le Tribunal correctionnel de TOULOUSE le 28 novembre 2019 à la somme de 230 809,75 euros ;

RAPPELLE que l’indemnisation restant due est de 227 809,75 euros, déduction faite des provisions de 3 000 euros perçues les victimes ;

CONDAMNE Monsieur [B] [X] à payer au FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERRORISMES ET AUTRES INFRACTIONS la somme de 227 809,75 euros, provisions déduites, au titre de l’indemnisation des victimes Madame [L] [P], Madame [I] [P] épouse [U], Madame [E] [X] épouse [M] ;

DIT que la somme de 227 809,75 euros portera intérêts au taux légal à compter du 27 juillet 2022 et jusqu’à ce que la présente décision ait un caractère définitif ;

CONDAMNE Monsieur [B] [X] à payer au FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERRORISMES ET AUTRES INFRACTIONS la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNE Monsieur [B] [X] aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Damien de LAFORCADE, avocat, sur son affirmation de droit

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

 


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