Tribunal judiciaire de Paris, 9 janvier 2025, RG n° 17/08948
Tribunal judiciaire de Paris, 9 janvier 2025, RG n° 17/08948

Type de juridiction : Tribunal judiciaire

Juridiction : Tribunal judiciaire de Paris

Thématique : Responsabilité contractuelle et exclusion de garantie en matière d’assurance face à une faute dolosive.

Résumé

Contexte de l’affaire

Monsieur [M] [Y], désigné comme la partie demanderesse, a investi dans plusieurs sociétés par actions simplifiées (SAS) dans le cadre d’une opération de défiscalisation, espérant bénéficier d’une réduction d’impôt sur le revenu selon l’article 199 undecies B du code général des impôts, issu de la loi « GIRARDIN Industriel ».

Rectification fiscale

L’administration fiscale a rectifié la situation de la partie demanderesse, arguant que l’investissement n’était pas éligible à la réduction d’impôt, car il n’avait pas été « réalisé » avant le 31 décembre 2012. Cette position reposait sur l’absence d’importation d’éoliennes en Guyane et le non-dépôt d’un dossier complet de demande de raccordement auprès d’EDF GUYANE.

Assignation en justice

Estimant que la société FINANCIERE DE LUTECE, devenue KALYS INVESTISSEMENTS, avait engagé sa responsabilité contractuelle, la partie demanderesse a assigné la SA MMA IARD, assureur de KALYS, devant le tribunal de grande instance de Paris le 19 juin 2017.

Demandes de la partie demanderesse

Dans ses conclusions du 2 juillet 2024, la partie demanderesse a demandé au tribunal de condamner la société MMA IARD à lui verser des sommes pour préjudice matériel et moral, ainsi que des dommages et intérêts pour résistance abusive, tout en sollicitant la prise en charge des dépens.

Réponse de la SA MMA IARD

La SA MMA IARD a demandé au tribunal de débouter Monsieur [Y] de ses demandes, tout en proposant des limites à la responsabilité de KALYS et en invoquant des exclusions de garantie en raison de fautes intentionnelles ou dolosives de l’assuré.

Faute dolosive et exclusion de garantie

Le tribunal a examiné la notion de faute dolosive, stipulée dans le code des assurances, et a conclu que la société KALYS avait agi de manière délibérée en exposant la partie demanderesse à un risque de redressement fiscal, justifiant ainsi l’exclusion de la garantie de la SA MMA IARD.

Décision du tribunal

Le tribunal a débouté Monsieur [M] [Y] de toutes ses demandes contre la société MMA IARD, a condamné la partie demanderesse aux dépens, et a autorisé l’avocat à recouvrer directement les frais avancés, sans faire droit aux demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :

à
Me BAROUSSE
Me REGNAULT

9ème chambre 3ème section

N° RG 17/08948
N° Portalis 352J-W-B7B-CKYWJ

N° MINUTE : 13

Assignation du :
19 Juin 2017

JUGEMENT
rendu le 09 Janvier 2025
DEMANDEUR

Monsieur [M] [Y]
[Adresse 1]
[Localité 2]

représenté par Maître Rémi BAROUSSE de la SELAS TISIAS, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #C2156

DÉFENDERESSE

MMA IARD SA
[Adresse 3]
[Localité 4]

représentée par Maître Guillaume REGNAULT de la SCP RAFFIN & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #P0133

Décision du 09 Janvier 2025
9ème chambre 3ème section
N° RG 17/08948 – N° Portalis 352J-W-B7B-CKYWJ

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Par application des articles R.212-9 du Code de l’Organisation Judiciaire et 812 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été attribuée au Juge unique.

Avis en a été donné aux avocats constitués qui ne s’y sont pas opposés.

Béatrice CHARLIER-BONATTI, Vice-présidente, statuant en juge unique, assistée de Chloé DOS SANTOS, Greffière.

DÉBATS

A l’audience du 21 Novembre 2024 tenue en audience publique, avis a été donné aux avocats des parties que la décision serait rendue le 09 Janvier 2025.

JUGEMENT

Rendu publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [M] [Y], ci-après dénommé « la partie demanderesse », indique avoir souscrit au capital de différentes sociétés par actions simplifiées (SAS) dans le cadre d’une opération de défiscalisation lui permettant de bénéficier d’une réduction d’impôt sur le revenu, après application de l’article 199 undecies B du code général des impôts issue de la loi dite « GIRARDIN Industriel ».

La partie demanderesse a été destinataire, au titre de cette réduction d’impôt, d’une rectification de sa situation fiscale, l’administration fiscale ayant considéré que l’investissement souscrit n’était pas éligible aux dispositions prévues par l’article 199 Undecies B du code général des impôts dès lors qu’il n’avait pas été « réalisé », selon l’administration fiscale, au 31 décembre 2012. L’administration fiscale a fondé sa position sur l’absence constatée d’importation en Guyane d’éoliennes concernant l’intégralité des SAS et en tout état de cause de l’absence de dépôt de dossier complet de demande de raccordement auprès d’EDF GUYANE.

Estimant que la société FINANCIERE DE LUTECE, devenue la société KALYS INVESTISSEMENTS, aurait engagé sa responsabilité contractuelle, la partie demanderesse a assigné, le 19 juin 2017 devant le tribunal de grande instance de Paris la SA MMA IARD, mise en cause dans le cadre d’une « action directe », es qualité d’assureur de la société KALYS INVESTISSEMENTS.

Par conclusions en date du 2 juillet 2024, la partie demanderesse sollicite du tribunal de :
Décision du 09 Janvier 2025
9ème chambre 3ème section
N° RG 17/08948 – N° Portalis 352J-W-B7B-CKYWJ

“- CONDAMNER la société MMA IARD à payer à M. [M] [Y] la somme de 6.372 € au titre de son préjudice matériel et celle de 3.000 € au titre de son préjudice moral, avec intérêts au taux légal à compter du 19 juin 2017 et capitalisation des intérêts par année entière, sans qu’une franchise individuelle lui soit opposable ;
– DÉBOUTER la société MMA IARD de sa demande de séquestre ;
– CONDAMNER la société MMA IARD à payer à M.[M] [Y] la somme de 3 000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;
– CONDAMNER la société MMA IARD à payer à M.[M] [Y] la somme de 5 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– CONDAMNER la société MMA IARD aux entiers dépens”.

La partie demanderesse soutient que le contrat d’assurance a vocation à s’appliquer en ce qu’il couvre notamment les actes dommageables. Elle soutient que la société KALYS devait tout mettre en oeuvre dans le cadre de la mise en place de l’investissement financier et qu’aucun élément ne permet de démontrer une faute dolosive de la société KALYS qui nécessite la conscience du caractère erroné et du préjudice.
Elle ajoute que la preuve du caractère dolosif incombe à l’assureur et que le doute doit profiter à l’assuré.

Par conclusions en date du 26 août 2024, la SA MMA IARD demande au tribunal de :
“ A titre principal :
– DEBOUTER Monsieur [Y] de l’ensemble de ses demandes à l’encontre des MMA;

A titre infiniment subsidiaire, si par impossible le tribunal retenait la responsabilité de la société KALYS et l’application de la garantie susvisée :
– LIMITER le quantum de la perte de chance à 20 % ;
– TENIR COMPTE du plafond de garantie de 1.000.000 € ;
– DEDUIRE la franchise contractuelle de 50 000 € par sinistre de la condamnation qui sera prononcée au profit de Monsieur [Y] ; – DESIGNER tel séquestre qu’il plaira au tribunal avec pour mission de conserver les fonds dans l’attente des décisions définitives tranchant les différentes réclamations formées à l’encontre de la société KALYS concernant le même sinistre et pour, le cas échéant, procéder à une répartition au marc le franc des fonds séquestrés ;

En tout état de cause :
– CONDAMNER Monsieur [Y] ou tout autre succombant, à payer aux sociétés MMA IARD et MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES la somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Le condamner en outre à régler les entiers dépens de la présente instance qui seront recouvrés par Maître REGNAULT, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;
– ECARTER l’exécution provisoire”.

La SA MMA IARD invoque les dispositions de l’article L.112-6 du code des assurances, selon lesquelles l’assureur peut opposer au tiers qui invoque le bénéfice de la police d’assurance, les exceptions opposables au souscripteur originaire, comprenant les exclusions de garanties. Elle indique qu’en l’occurrence et conformément à l’article L.113-1 du code des assurances, le contrat prévoit que les dommages provenant d’une faute intentionnelle ou dolosive de l’assuré sont exclus de la garantie, puisqu’en une telle hypothèse, l’assuré fausse l’élément aléatoire attaché à la couverture du risque. Elle considère qu’en l’occurrence, la société KALYS a, de façon délibérée, exposé la partie demanderesse à un risque de redressement fiscal.

Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures susvisées pour l’exposé complet des prétentions respectives des parties et leurs moyens.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 5 septembre 2024 avec fixation à l’audience du juge du 21 novembre 2024.

L’affaire a été mise en délibéré au 9 janvier 2025.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement, par jugement réputé contradictoire, rendu en premier ressort, par mise à disposition au greffe :

DEBOUTE Monsieur [M] [Y] de l’ensemble de ses demandes formées contre la société anonyme MMA IARD ;

DIT n’y avoir lieu à faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Monsieur [M] [Y] aux dépens ;

AUTORISE Maître REGNAULT à recouvrer directement contre Monsieur [M] [Y] les frais compris dans les dépens dont il aurait fait l’avance sans en avoir reçu provision.
Fait et jugé à Paris le 09 Janvier 2025.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

 


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