L’Essentiel : Mme [F] [M] a été engagée par la SAS Saint Georges Promotion en tant qu’assistante de direction en septembre 2016, évoluant vers un poste de responsable prescription. En raison de la crise sanitaire, elle a connu plusieurs absences, dont un arrêt maladie. Le 24 avril 2020, elle a demandé une rupture conventionnelle, signée le 28 avril, mais a contesté son solde de tout compte. En mai 2021, elle a saisi le conseil de prud’hommes pour travail dissimulé et commissions non versées. Le jugement du 4 avril 2023 a condamné la SAS, mais celle-ci a interjeté appel, contestant les décisions.
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Contexte de l’embaucheMme [F] [M] a été engagée par la SAS Saint Georges Promotion en tant qu’assistante de direction à partir du 1er septembre 2016, avant de devenir responsable prescription. Un avenant à son contrat a été signé le 1er mai 2019, modifiant sa rémunération. Événements durant la crise sanitaireEn raison de la crise sanitaire, les bulletins de paie de Mme [M] ont enregistré plusieurs périodes d’absence, incluant un arrêt maladie, des congés payés, et des activités partielles à divers taux entre avril et juin 2020. Rupture conventionnelleLe 24 avril 2020, Mme [M] a demandé une rupture conventionnelle, qui a été signée le 28 avril 2020, avec une indemnité de 3.450,69 €. Cependant, elle a contesté son solde de tout compte et a réclamé des commissions non versées. Procédures judiciairesLe 21 mai 2021, Mme [M] a saisi le conseil de prud’hommes de Toulouse, demandant des indemnités pour travail dissimulé, des dommages et intérêts pour exécution déloyale, ainsi que des commissions. Le jugement du 4 avril 2023 a condamné la SAS Saint Georges Promotion à lui verser plusieurs sommes. Appel de la SAS Saint Georges PromotionLa SAS Saint Georges Promotion a interjeté appel le 9 mai 2023, contestant les condamnations financières et demandant le débouté de Mme [M] de toutes ses demandes. Demandes de Mme [M] en appelDans ses conclusions du 19 septembre 2023, Mme [M] a demandé la confirmation du jugement initial, tout en réclamant des montants plus élevés pour les indemnités et commissions. Analyse des commissionsLe jugement a confirmé le montant des commissions dues à Mme [M], en précisant que les commissions étaient dues même après la rupture, tant que l’acte authentique était lié à son travail. Travail dissimuléLa cour a constaté que Mme [M] avait été contrainte de travailler durant des périodes où elle était censée être en arrêt maladie ou en chômage partiel, ce qui a été qualifié de travail dissimulé. Dommages et intérêtsLe préjudice moral de Mme [M] a été évalué à 1.500 €, et ses frais professionnels ont été reconnus, entraînant une révision du jugement initial. Validité de la rupture conventionnelleLa cour a jugé que la rupture conventionnelle était valide, rejetant les allégations de Mme [M] concernant l’absence d’entretien préalable et la nullité de la convention. Dépens et frais de justiceLa SAS Saint Georges Promotion a été condamnée à payer les dépens de la procédure, ainsi que les frais irrépétibles de Mme [M] en première instance et en appel. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les conséquences juridiques du travail dissimulé selon le Code du travail ?Le travail dissimulé est défini par l’article L 8221-5 du Code du travail, qui stipule que : « Est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement des formalités de déclaration préalable à l’embauche, ou de délivrance des bulletins de paie, ou de mentionner sur les bulletins de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, ou de se soustraire intentionnellement aux déclarations de salaires et cotisations sociales auprès des organismes de recouvrement des cotisations sociales. » En cas de rupture de la relation de travail, l’article L 8223-1 précise que : « En cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel l’employeur a eu recours en commettant les faits prévus à l’article L 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à 6 mois de salaire. » Dans le cas de Mme [M], la cour a constaté que la SAS Saint Georges Promotion avait fait travailler Mme [M] alors qu’elle était en arrêt maladie, en congés payés ou en chômage partiel, ce qui constitue un travail dissimulé intentionnel. Ainsi, la cour a retenu une indemnité pour travail dissimulé de 23.297,28 €, en se basant sur un salaire moyen de 3.882,88 €. Quels sont les droits des salariés en matière de commissions après la rupture du contrat de travail ?L’avenant du 1er mai 2019 stipule que la rémunération variable est due à compter de l’acte notarié d’acquisition et est versée sur le bulletin de paie du mois suivant. La SAS Saint Georges Promotion a soutenu que les commissions n’étaient pas dues pour les ventes actées après la rupture du contrat de travail. Cependant, la cour a précisé que les commissions étaient dues si l’acte authentique intervenait suite au travail de Mme [M], c’est-à-dire suite à une réservation effectuée par elle. La cour a également noté que l’avenant ne stipulait pas expressément que la salariée devait être présente dans l’entreprise lors de la conclusion de l’acte authentique pour avoir droit aux commissions. Ainsi, la cour a confirmé le jugement sur les commissions dues de 28.912,82 €, outre les congés payés de 2.891,28 €. Quelles sont les conditions de validité d’une rupture conventionnelle selon le Code du travail ?L’article L 1237-12 du Code du travail dispose que : « Les parties conviennent du principe d’une rupture conventionnelle lors d’un ou plusieurs entretiens au cours desquels le salarié peut se faire assister. » Dans le cas de Mme [M], la convention de rupture mentionnait un entretien du 28 avril 2020. La SAS Saint Georges Promotion a allégué qu’un entretien par visio-conférence avait eu lieu, tandis que Mme [M] a contesté cette affirmation. La cour a jugé qu’aucun texte n’exige que l’entretien ait lieu en présentiel et que l’éventuel défaut d’information sur le droit d’être assisté n’affecte pas la validité de la convention, sauf si le salarié prouve que cela a vicié son consentement. En l’absence de preuve de vice du consentement ou d’absence d’entretien, la cour a confirmé la validité de la rupture conventionnelle et a débouté Mme [M] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Quels sont les critères d’évaluation des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ?Les dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail sont généralement évalués en fonction du préjudice subi par le salarié. Dans le cas de Mme [M], celle-ci a allégué avoir subi un préjudice moral lié à une fraude au chômage partiel, à l’obligation de poser des jours de congés payés et RTT, ainsi qu’à son atteinte au droit au repos. Le jugement de première instance a évalué ce préjudice à 1.500 €, montant que la cour a jugé approprié, sans qu’il soit nécessaire de l’augmenter. Ainsi, la cour a confirmé le montant des dommages et intérêts alloués pour exécution déloyale du contrat de travail, considérant que l’évaluation initiale était juste et proportionnée au préjudice subi par Mme [M]. |
ARRÊT N°25/4
N° RG 23/01677
N° Portalis DBVI-V-B7H-PNVR
FCC/ND
Décision déférée du 04 Avril 2023
Conseil de Prud’hommes
Formation paritaire de TOULOUSE
(21/00763)
M. LOBRY
SECTION COMMERCE
SAS SAINT GEORGES PROMOTION
C/
[F] [M]
CONFIRMATION PARTIELLE
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
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COUR D’APPEL DE TOULOUSE
4eme Chambre Section 2
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ARRÊT DU DIX JANVIER DEUX MILLE VINGT CINQ
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APPELANTE
SAS SAINT GEORGES PROMOTION, prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représentée par Me Gilles SOREL, avocat postulant au barreau de TOULOUSE
Assistée de Me Matthieu BARTHES de la SELAS BARTHELEMY AVOCATS, avocat plaidant au barreau de TOULOUSE
INTIMÉE
Madame [F] [M]
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représenté par Me Guy DEDIEU de la SCP DEDIEU PEROTTO, avocat au barreau D’ARIEGE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 08 Novembre 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant F. CROISILLE-CABROL, conseillère, chargée du rapport. Cette magistrate a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
C. BRISSET, présidente
F. CROISILLE-CABROL, conseillère
AF. RIBEYRON, conseillère
Greffière, lors des débats : M. TACHON
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
– signé par C. BRISSET, présidente, et par M. TACHON, greffière de chambre
Mme [F] [M] a été embauchée selon un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er septembre 2016 en qualité d’assistante de direction par la SAS Saint Georges Promotion. Elle est ensuite devenue responsable prescription. Un avenant portant sur sa rémunération a été conclu à compter du 1er mai 2019.
La convention collective applicable est celle de la promotion immobilière.
Dans le cadre de la crise sanitaire, les bulletins de paie de Mme [M] mentionnaient :
– un arrêt maladie du 17 mars au 3 avril 2020 ;
– des congés payés et RTT du 6 au 17 et du 20 au 21 avril 2020 ;
– une activité partielle du 22 avril au 10 mai 2020, une activité partielle de 20 % du 11 au 31 mai 2020, une activité partielle de 50 % le 2 juin 2020,une activité partielle le 3 juin 2020 et une activité partielle de 50 % le 4 juin 2020.
Par courrier du 24 avril 2020, Mme [M] a demandé une rupture conventionnelle de son contrat de travail. Les parties ont signé une rupture conventionnelle portant la date du 28 avril 2020 mentionnant un entretien du même jour et une indemnité de 3.450,69 €. Par LRAR du 2 juin 2020, Mme [M] a réclamé des commissions. La SAS Saint Georges Promotion a établi des documents mentionnant une fin de contrat au 4 juin 2020. Mme [M] a contesté son solde de tout compte par LRAR du 10 juin 2020 puis son conseil a allégué des difficultés d’exécution du contrat de travail, un non paiement de commissions, RTT et frais, et une nullité de la rupture conventionnelle par LRAR du 4 décembre 2020.
Le 21 mai 2021, Mme [M] a saisi le conseil de prud’hommes de Toulouse aux fins notamment de paiement de l’indemnité pour travail dissimulé, de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, de commissions, de frais professionnels et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse du fait de la nullité de la rupture conventionnelle, et de remise sous astreinte des documents sociaux conformes.
Par jugement de départition du 4 avril 2023, le conseil de prud’hommes de Toulouse a :
– condamné la SAS Saint Georges Promotion à payer à Mme [M] les sommes suivantes :
* 18.996 € à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,
* 1.500 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice né de l’exécution déloyale du contrat de travail par l’employeur,
* 28.912,82 € à titre de rappel de commissions, outre 2.891,28 € de congés afférents,
– débouté Mme [M] du surplus de ses demandes,
– dit que la moyenne des trois derniers mois de salaire au sens de l’article R.1454-28 du code du travail s’élève à 3.554,99 €,
– rappelé que la présente décision est de droit exécutoire à titre provisoire en ce qu’elle ordonne le paiement de sommes au titre de rémunération et indemnités mentionnées au 2e de l’article R.1454-14 du code du travail,
– ordonné l’exécution provisoire pour le surplus,
– débouté la SAS Saint Georges Promotion de sa demande reconventionnelle sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la SAS Saint Georges Promotion à Mme [M] la somme de 2.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la SAS Saint Georges Promotion aux entiers dépens.
La SAS Saint Georges Promotion a interjeté appel de ce jugement le 9 mai 2023, en énonçant dans sa déclaration d’appel les chefs critiqués.
Par conclusions responsives notifiées par voie électronique le 4 décembre 2023, auxquelles il est fait expressément référence, la SAS Saint Georges Promotion demande à la cour de :
– réformer le jugement en ce qu’il a condamné la société au paiement de sommes au titre de l’indemnité pour travail dissimulé, des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et des commissions,
Statuant à nouveau,
– débouter Mme [M] de l’ensemble de ses demandes,
– condamner Mme [M] à verser à la SAS Saint Georges Promotion la somme de 4.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 19 septembre 2023, auxquelles il est fait expressément référence, Mme [M] demande à la cour de :
– confirmer le jugement en qu’il a condamné la SAS Saint Georges Promotion au paiement des sommes de 28.912,82 € au titre des commissions outre congés payés de 2.891,28 €, et 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– confirmer le jugement en qu’il a condamné la SAS Saint Georges Promotion au paiement de sommes au titre de l’indemnité pour travail dissimulé et des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat, mais réformer le montant des sommes allouées à ce titre,
– réformer le salaire moyen de référence retenu,
– réformer le jugement en ce qu’il a débouté Mme [M] du surplus de ses demandes,
Statuant à nouveau,
– juger que le salaire de référence de Mme [M] s’élève à 6.090,14 € bruts,
– condamner la SAS Saint Georges Promotion à verser à Mme [M] les sommes suivantes :
* 36.540,84 € à titre d’indemnité spécifique pour travail dissimulé,
* 12.000 € à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
* 389,72 € en remboursement de frais,
* 24.360,56 € de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 5.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en cause d’appel, ainsi qu’aux entiers dépens.
La clôture de la procédure a été prononcée selon ordonnance du 22 octobre 2024.
1 – Sur l’exécution du contrat de travail :
Sur les commissions :
L’avenant du 1er mai 2019 prévoyait une rémunération variable :
– au taux de 0,20 % brut calculé sur le prix TTC immo, pour toutes les ventes actées avec les partenaires de la SAS Saint Georges Promotion dont le taux de rémunération est inférieur à 8 % ;
– au taux de 0,10 % brut calculé sur le prix TTC immo, pour toutes les ventes actées avec les partenaires de la SAS Saint Georges Promotion dont le taux de rémunération est supérieur ou égal à 8 % ;
la rémunération variable étant due à compter de l’acte notarié d’acquisition et étant versée sur le bulletin de paie du mois suivant.
En première instance, Mme [M], faisant valoir un droit de suite, réclamait des commissions de 30.380,32 € pour des ventes ayant donné lieu à des actes authentiques postérieurs à la rupture conventionnelle, en vertu d’un tableau annexé à son courrier du 2 juin 2020 (pièce n° 6). Le jugement a réduit la somme à 28.912,82 € et Mme [M] demande la confirmation de ce montant.
La SAS Saint Georges Promotion ne conteste pas le décompte fait dans le tableau mais soutient que l’avenant ne prévoyait pas de rémunération pour les ventes actées après la rupture du contrat de travail et que la volonté des parties était de conditionner le paiement des commissions à la présence de la salariée dans l’entreprise lors de la vente et à la bonne fin de l’affaire, de sorte que la salariée ne saurait bénéficier du travail d’autres personnes ; elle ajoute que, parmi les ventes évoquées, trois ont conduit à des actes authentiques avec des acquéreurs autres que ceux qui avaient réservé.
Or, les commissions étaient dues si l’acte authentique intervenait suite au travail de Mme [M] c’est à dire suite à une réservation effectuée par elle au nom du client qui a finalement acheté ; si l’avenant ne stipulait pas expressément que la salariée devait être présente dans l’entreprise au moment de la conclusion de l’acte authentique pour avoir droit aux commissions, il ne prévoyait pas non plus que la salariée en était privée si elle n’était plus dans l’entreprise ; or, l’exclusion du droit de suite doit être expressément stipulée. En tout état de cause, la SAS Saint Georges Promotion ne fournit aucun élément de nature à établir que la commune intention des parties était de conditionner le paiement des commissions à la présence de la salariée dans l’entreprise lors de l’acte authentique dont la réalisation impliquait des délais qui ne dépendaient pas du travail de la salariée.
Les seules ventes à exclure sont celles où un acquéreur autre que celui ayant initialement réservé a finalement acheté le bien, et c’est ce qu’a fait le juge départiteur pour les trois ventes concernées, soit un total de commissions à exclure de 1.467,50 €.
Il y a lieu dès lors de confirmer le jugement sur les commissions dues de 28.912,82 €, outre congés payés de 2.891,28 €.
Sur le travail dissimulé :
En vertu de l’article L 8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement des formalités de déclaration préalable à l’embauche, ou de délivrance des bulletins de paie, ou de mentionner sur les bulletins de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, ou de se soustraire intentionnellement aux déclarations de salaires et cotisations sociales auprès des organismes de recouvrement des cotisations sociales.
En application de l’article L 8223-1, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel l’employeur a eu recours en commettant les faits prévus à l’article L 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à 6 mois de salaire.
La cour rappelle que Mme [M] a été placée en arrêt maladie (pour garde d’enfant) du 17 mars au 3 avril 2020, en congés payés et RTT du 6 au 17 et du 20 au 21 avril 2020 et en activité partielle à 100 % du 22 avril au 10 mai 2020, avant d’être placée en activité partielle à des taux de 20 % ou 50 % à partir du 11 mai 2020. Ainsi, entre le 17 mars et le 10 mai 2020, elle ne devait accomplir aucune prestation de travail – étant relevé que les 4, 5, 18 et 19 avril 2020 sont des week ends.
Mme [M] affirme avoir toutefois été contrainte de travailler pendant cette période, par le biais d’un télétravail, et de faire des comptes-rendus journaliers de son activité ce qui constitue un travail dissimulé.
Mme [M] verse aux débats :
– de très nombreux échanges de mails entre la directrice commerciale Mme [I], elle-même et le reste de l’équipe ; par exemple, le 17 mars, Mme [I] évoquait la nécessité de faire signer les clients à distance et demandait à l’équipe y compris à Mme [M] d’envisager une version simplifiée de signature, et Mme [M] répondait le même jour par plusieurs mails en faisant le point sur les réservations et en disant qu’elle allait essayer de travailler vite et bien afin de faire le plus de lots possible ; le 19 mars, Mme [I] lui demandait de faire tous les jours à 17h un compte-rendu pour faire le point sur son activité par le biais d’un tableau de suivi des réservations (relance des partenaires, envoi du mandat, ouverture extranet d’un nouveau partenaire etc) et concluait ‘il faut que ça bouge un max, je compte sur vous’ ; Mme [I] faisait des relances régulières sur les dossiers et Mme [M] faisait effectivement des reportings journaliers et points divers à Mme [I] et continuait à échanger avec ses collègues (les 19, 23, 24, 25, 26, 27, 31 mars etc) ; les 3, 6, 10, 15, 16, 17, 20, 21, 22, 23, 24, 27 et 28 avril, Mme [I] lui adressait des mails relatifs à des programmes immobiliers et réservations et demandait des retours ; le 29 avril, Mme [I] rappelait à Mme [M] qu’il y avait des objectifs de vente à atteindre ; Mme [I] adressait de nouveaux mails les 30 avril, 4 et 5 mai, et félicitait Mme [M] le 6 mai pour une vente ;
– une attestation de Mme [I] qui dit avoir, à compter du 17 mars 2020, télétravaillé comme l’ensemble de ses équipes, le directeur général M. [J] ayant demandé à ce que les dossiers continuent à être gérés ; elle ajoute avoir demandé à plusieurs reprises à M. [J] quel était le statut des salariées de son service, mais qu’en l’absence de planning sur les jours travaillés et/ou chômés elles ont continué à gérer le flux des dossiers, sans savoir si elles étaient considérées en activité ou en chômage partiel jusqu’au déconfinement en mai 2020.
En réponse, la SAS Saint Georges Promotion affirme que, du fait du confinement, l’activité économique était très résiduelle de sorte qu’il n’existait aucune raison pour que Mme [M] soit contrainte de travailler ; que Mme [I] n’a contacté les membres de son équipe que pour assurer le suivi des affaires en cours, mais sans leur donner de missions ou directives ; que M. [J] qui n’était pas informé des échanges de mails a clairement indiqué que les salariés en maladie ou chômage partiel ne devaient pas travailler et n’a jamais ordonné de télétravail ; que l’attestation de Mme [I] qui est en contentieux prud’homal avec la société est mensongère ; que, si des transactions ont pu être passées devant notaire pendant la période, elles étaient le fruit du travail antérieur.
L’examen des nombreux mails montre toutefois que Mme [I] ne se bornait pas à adresser à son équipe des mails généraux relatifs à l’évolution de la situation sanitaire sans consignes de travail, mais qu’elle leur donnait des missions et leur demandait d’en rendre compte, ce que Mme [M] faisait, de sorte qu’elle accomplissait un télétravail effectif.
Il ressort des échanges de mails produits par la SAS Saint Georges Promotion que, le 15 mars 2020, Mme [M] a indiqué à Mme [I] qu’elle devait garder son fils à la maison et ‘se mettait en télétravail’ ; que, le 22 avril, Mme [M] qui avait été placée en arrêt maladie puis en congés payés a interrogé Mme [I] sur sa situation, et Mme [I] a transmis le mail à M. [J] ; que le 23 avril Mme [I] a indiqué aux salariées qu’elle s’était entretenue avec M. [J] et que toutes étaient sous le régime du chômage partiel.
Si, par mails des 23 et 24 mars 2020, M. [J] a indiqué au personnel que toutes les activités étaient à l’arrêt et que les salariés en maladie ou en chômage total ne pouvaient pas travailler, et si, par mail du 1er avril 2020, M. [J] a indiqué à Mme [I] qu’il ne fallait pas solliciter par mails les salariés qui étaient dans cette situation, pour autant la société ne saurait utilement soutenir que Mme [I] aurait agi à son insu ; en effet, en sa qualité de directeur général M. [J] ne pouvait ignorer la poursuite de l’activité de la société (réservations, ventes…), poursuite qui n’était pas possible par le seul travail de Mme [I] ; dans son mail du 19 mars 2020, Mme [I] indiquait que, chaque soir, elle ferait le point avec M. [J], et celui-ci a été destinataire de certains des mails produits par Mme [M].
Il en résulte que, sciemment, la SAS Saint Georges Promotion a fait travailler Mme [M] alors qu’elle était déclarée en arrêt maladie, congés payés/RTT ou chômage partiel à 100 %, ce qui caractérise le travail dissimulé intentionnel.
Le conseil de prud’hommes a retenu un salaire mensuel de 3.166 €, sans préciser son mode de calcul, soit une indemnité pour travail dissimulé de 18.996 €.
Mme [M] se base sur un salaire mensuel de 6.090,14 € tenant compte des salaires mentionnés dans la convention de rupture et des commissions de 28.912,82 €, soit une indemnité pour travail dissimulé de 36.540,84 €.
Toutefois, ces commissions n’étaient dues qu’après la rupture du contrat de travail de sorte qu’elles n’entrent pas dans le calcul du salaire de référence.
La cour retiendra les rémunérations déjà versées au cours des 6 derniers mois, soit un salaire moyen de 3.882,88 € et une indemnité pour travail dissimulé de 23.297,28 €, le jugement étant infirmé sur le quantum.
Sur les dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail :
Mme [M] indique avoir subi un préjudice moral lié à une fraude au chômage partiel commise par la SAS Saint Georges Promotion, à l’obligation de poser des jours de congés payés et RTT et à son atteinte au droit au repos.
Ce préjudice a été justement évalué par les premiers juges à 1.500 € et il n’y a pas lieu d’augmenter les dommages et intérêts.
Sur les frais professionnels :
Le juge départiteur a débouté Mme [M] de sa demande de ce chef en considérant qu’elle ne justifiait pas de ses frais professionnels.
Toutefois, elle verse aux débats sa note de frais d’un montant de 389,72 € (restauration, parking, taxi, Tisseo, RATP…) ainsi que les factures et tickets correspondants. Dans ses conclusions, la SAS Saint Georges Promotion est muette.
Il sera donc fait droit à la demande de Mme [M], par infirmation du jugement.
2 – Sur la rupture conventionnelle :
L’article L 1237-12 du code du travail dispose que les parties conviennent du principe d’une rupture conventionnelle lors d’un ou plusieurs entretiens au cours desquels le salarié peut se faire assister.
La convention de rupture portait des signatures des deux parties datées du 28 avril 2020 et mentionnait un entretien du même jour, une remise à la salariée également du même jour, et un délai de rétractation expirant au 13 mai 2020.
Dans ses conclusions, la SAS Saint Georges Promotion allègue un entretien par visio-conférence du 28 avril 2020 à 16h, compte tenu de la crise sanitaire.
Mme [M] soutient qu’il n’y a eu aucun entretien le 28 avril 2020, ni physique ni en visio-conférence, ce qui entraîne la nullité de la rupture ; elle ajoute qu’un éventuel entretien par visio-conférence ne répondrait pas aux exigences légales, en l’absence d’accord de la salariée, d’information sur son droit d’être assistée et de sécurisation de cet entretien ; elle indique qu’en réalité, la rupture conventionnelle a été antidatée de sorte que la salariée n’a pas bénéficié d’un délai de rétractation.
Or, aucun texte n’exige que l’entretien ait lieu en présentiel à l’exclusion d’un entretien par visio-conférence ; l’éventuel défaut d’information du salarié sur son droit d’être assisté n’affecte pas la validité de la convention, sauf à ce que le salarié établisse que ce défaut d’information a vicié son consentement ; c’est au salarié qui allègue l’absence d’entretien de l’établir.
En l’espèce, Mme [M] n’invoque aucun vice du consentement, et elle ne produit aucune pièce de nature à contredire la mention de la convention qu’elle a signée, selon laquelle un entretien a eu lieu le 28 avril 2020, et de nature à prouver qu’il n’y a eu aucun entretien, et elle ne peut se borner à indiquer que l’employeur ne verse pas les échanges dématérialisés relatifs à l’envoi et à la signature de la convention. En outre, Mme [M] ne fournit aucun élément établissant que la convention aurait été antidatée et elle ne précise même pas quand elle aurait signé cette convention. D’ailleurs, par mail du 14 mai 2020, Mme [M] a indiqué à M. [J] que le délai de rétractation avait pris fin la veille et lui a demandé qui se chargeait de transmettre à la Direccte la demande d’homologation, sans se plaindre d’un problème de date ou de réception de la convention.
Dans ces conditions, il n’y a pas lieu de prononcer la nullité de la rupture conventionnelle et Mme [M] sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, par confirmation du jugement.
3 – Sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile :
La SAS Saint Georges Promotion qui perd pour partie au principal supportera les entiers dépens de première instance et d’appel, ses propres frais irrépétibles et ceux exposés par Mme [M] soit 2.000 € en première instance et 2.000 € en appel.
La cour,
Confirme le jugement, sauf sur le quantum de l’indemnité pour travail dissimulé et sur le débouté de la demande au titre des frais professionnels,
Statuant à nouveau sur les dispositions infirmées et y ajoutant :
Condamne la SAS Saint Georges Promotion à payer à Mme [F] [M] les sommes suivantes :
– 23.297,28 € au titre de l’indemnité pour travail dissimulé,
– 389,72 € au titre des frais professionnels,
– 2.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile, pour les frais irrépétibles exposés en appel,
Condamne la SAS Saint Georges Promotion aux dépens d’appel.
Le présent arrêt a été signé par C. BRISSET, présidente, et par M. TACHON, greffière.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE
M. TACHON C. BRISSET
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