Exécution provisoire et contestation des conséquences financières : enjeux et conditions d’arrêt.

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Exécution provisoire et contestation des conséquences financières : enjeux et conditions d’arrêt.

L’Essentiel : Le 2 septembre 2024, le conseil de prud’hommes de Nîmes a validé la rupture conventionnelle de M. [N] [H] [D] [L], condamnant la SAS HL Fibre à verser des sommes dues, y compris des heures supplémentaires et une indemnité compensatrice. En appel, la SASU HL Fibre a contesté cette décision, arguant que le salarié n’avait pas fourni d’éléments précis pour justifier ses demandes. Le tribunal a jugé que les critiques de la société avaient déjà été examinées et n’ont pas prouvé l’existence d’un moyen sérieux d’annulation, rejetant ainsi la demande de suspension de l’exécution provisoire.

Exposé du litige

Le 2 septembre 2024, le conseil de prud’hommes de Nîmes a rendu un jugement de départage, déclarant que la rupture conventionnelle de la relation de travail était valide et opposable à M. [N] [H] [D] [L]. La SAS HL Fibre a été condamnée à verser plusieurs sommes à M. [N] [H] [D] [L], incluant des heures supplémentaires, une indemnité compensatrice de congés payés, et un repos compensateur. De plus, la société a été ordonnée à fournir des documents nécessaires à Pôle Emploi et à payer les dépens.

Appel de la SASU HL Fibre

Le 30 septembre 2024, la SASU HL Fibre a interjeté appel de la décision, contestant les condamnations prononcées. Par la suite, le 4 novembre 2024, elle a assigné M. [N] [D] [L] devant le premier président de la cour d’appel, demandant l’arrêt de l’exécution provisoire du jugement. La société a soutenu que le jugement reposait sur des éléments contestables fournis par le salarié, soulignant des incohérences dans les relevés d’heures.

Arguments de la SASU HL Fibre

La SASU HL Fibre a affirmé que le salarié n’avait pas présenté des éléments suffisamment précis pour justifier ses demandes, ce qui aurait empêché l’employeur de répondre de manière adéquate. Elle a également fait valoir que l’exécution du jugement, qui s’élevait à 18 103,70 euros, aurait des conséquences excessives pour une petite structure, menaçant sa pérennité.

Conditions pour l’arrêt de l’exécution provisoire

Selon l’article 514-3 du code de procédure civile, pour obtenir l’arrêt de l’exécution provisoire, il faut prouver l’existence d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation et que l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives. La SASU HL Fibre devait donc démontrer que ces deux conditions étaient remplies.

Analyse des moyens d’annulation

Le tribunal a rappelé que pour qu’un moyen soit considéré comme sérieux, il doit être pertinent et avoir des chances raisonnables de succès en appel. Bien que la SASU HL Fibre ait soulevé plusieurs critiques à l’encontre de la décision, le tribunal a estimé que ces arguments avaient déjà été traités dans le jugement initial et que la société n’avait pas prouvé l’existence d’un moyen sérieux d’annulation.

Décision finale

En l’absence de preuve d’un moyen sérieux d’annulation, le tribunal a rejeté la demande de la SASU HL Fibre visant à suspendre l’exécution provisoire du jugement du 2 septembre 2024. La société a été condamnée à supporter les dépens de la procédure.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions pour obtenir l’arrêt de l’exécution provisoire selon l’article 514-3 du code de procédure civile ?

L’article 514-3 du code de procédure civile stipule que :

« En cas d’appel, le premier président peut être saisi afin de d’arrêter l’exécution provisoire de la décision lorsqu’il existe un moyen sérieux d’annulation ou de réformation et que l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives.

La demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d’observations sur l’exécution provisoire n’est recevable que si, outre l’existence d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation, l’exécution provisoire risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance. »

Ainsi, pour qu’une demande d’arrêt de l’exécution provisoire soit recevable, il est nécessaire que deux conditions soient réunies :

1. L’existence d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation de la décision.
2. Le risque que l’exécution entraîne des conséquences manifestement excessives.

Ces conditions doivent être cumulatives, et l’absence de l’une d’elles entraîne le rejet de la demande.

Comment la SASU HL Fibre a-t-elle tenté de justifier sa demande d’arrêt de l’exécution provisoire ?

La SASU HL Fibre a avancé plusieurs arguments pour justifier sa demande d’arrêt de l’exécution provisoire. Elle a soutenu que le jugement du 2 septembre 2024 était fondé sur des éléments contestables, notamment :

– Le manque de précision et de véracité des pièces fournies par le salarié.
– Des incohérences dans les relevés d’heures et des photos de chantier dont les horaires pouvaient être modifiés.

Elle a également rappelé que c’était au salarié de fournir des éléments suffisamment précis concernant les heures non rémunérées, afin de permettre à l’employeur de répondre de manière utile.

Enfin, la SASU HL Fibre a fait valoir que l’exécution du jugement, qui s’élevait à 18 103,70 euros, aurait des conséquences manifestement excessives pour une structure de petite taille, mettant en péril son avenir, notamment en raison d’une possible procédure collective.

Ces arguments visaient à établir l’existence d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation, ainsi qu’à démontrer que l’exécution du jugement entraînerait des conséquences excessives.

Quelles sont les implications de la décision de la cour d’appel concernant la charge des dépens ?

La décision de la cour d’appel a des implications claires concernant la charge des dépens. En effet, il est stipulé que :

« La SASU HL Fibre succombant sera tenue de supporter la charge des entiers dépens. »

Cela signifie que la SASU HL Fibre, ayant perdu sa demande d’arrêt de l’exécution provisoire, est condamnée à payer l’ensemble des frais de la procédure.

Cette disposition est conforme à l’article 696 du code de procédure civile, qui précise que :

« Les dépens comprennent les frais de justice exposés par les parties, ainsi que les honoraires d’avocat, les frais d’expertise, et tous autres frais nécessaires à la défense des droits des parties. »

Ainsi, la SASU HL Fibre devra assumer les coûts liés à la procédure, ce qui peut avoir un impact financier significatif sur l’entreprise, surtout dans le contexte d’une petite structure.

COUR D’APPEL

DE NÎMES

REFERES

ORDONNANCE N°

AFFAIRE : N° RG 24/00156 – N° Portalis DBVH-V-B7I-JMC5

AFFAIRE : S.A.S.U. HL FIBRE C/ [D] [L]

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ RENDUE LE 10 Janvier 2025

A l’audience publique des RÉFÉRÉS de la COUR D’APPEL DE NÎMES du 22 Novembre 2024,

Nous, S. DODIVERS, Présidente de Chambre à la Cour d’Appel de NÎMES, spécialement désignée pour suppléer le Premier Président dans les fonctions qui lui sont attribuées,

Assistée de Madame Véronique PELLISSIER, Greffière, lors des débats et lors du prononcé,

Après avoir entendu en leurs conclusions et plaidoiries les représentants des parties, dans la procédure introduite

PAR :

S.A.S.U. HL FIBRE

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Adresse 4]

[Localité 2]

représentée par Me David CARAMEL de la SCP MARCE ANDRIEU CARAMEL, avocat au barreau de NIMES, substitué par Me Yasmin TANOUYAT, avocat au barreau de NIMES

DEMANDERESSE

Monsieur [N] [H] [D] [L]

assigné le 4 novembre 2024 par procès-verbal de recherches infructueuses article 659 du code de procédure civile

[Adresse 3]

[Localité 1]

non comparant

DÉFENDEUR

Avons fixé le prononcé au 10 Janvier 2025 et en avons ensuite délibéré conformément à la loi ;

A l’audience du 22 Novembre 2024, les conseils des parties ont été avisés que l’ordonnance sera rendue par sa mise à disposition au Greffe de la Cour le 10 Janvier 2025.

EXPOSE DU LITIGE

Par jugement de départage en date du 2 septembre 2024, assorti de l’exécution provisoire, le conseil de prud’hommes de Nîmes a :

Dit que la rupture conventionnelle de la relation de travail a été valablement prononcée et est opposable à M. [N] [H] [D] [L] ;

Condamné la SAS HL Fibre à payer à M. [N] [H] [D] [L] les sommes suivantes :

-3 435,91 € au titre des heures supplémentaires ;

-343,60 € au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés y afférente ;

-1 350,69 € au titre du repos compensateur ;

-1 200 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamné la SAS HL Fibre à remettre à M. [N] [H] [D] [L] une attestation destinée à Pôle Emploi, le certificat de travail et le certificat justificatif de ses droits à congés conformes au présent jugement ;

Ordonné l’exécution provisoire de la présente décision en application de l’article 515 du code de procédure civile ;

Débouté les parties de leurs demandes, plus amples ou contraires ;

Condamné la SAS HL Fibre aux dépens.

Par déclaration en date du 30 septembre 2024, la SASU HL Fibre a interjeté appel de l’ensemble des chefs de condamnation de cette décision.

Par exploit de commissaire en date du 4 novembre 2024, la SASU HL Fibre a fait assigner M. [N] [D] [L] devant le premier président de cette cour d’appel, au visa de l’article 514-3 du code de procédure civile, aux fins de voir ordonner l’arrêt de l’exécution provisoire du jugement du 2 septembre 2024 rendu par le Conseil de prud’hommes de Nîmes.

La SASU HL Fibre fait valoir, à l’appui de sa demande, que le juge départiteur a motivé sa décision en prenant appui uniquement sur les pièces du salarié qui sont contestables en raison du manque de précision, du manque de véracité, des incohérences dans les relevés d’heure et des photos de chantier tirées d’un network dont l’horaire peut être modifié.

Elle rappelle qu’il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rénumérées afin de permettre à l’employeur d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Elle fait valoir enfin que l’exécution du jugement contesté à hauteur de 18 103.70 euros caractérise des conséquences manifestement excessives pour une structure de petite taille dont l’avenir risque d’être en péril, notamment par une procédure collective.

Par référence à l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé aux conclusions déposées par chacune des parties pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions.

SUR CE,

-Sur l’arrêt de l’exécution provisoire :

En l’espèce, le jugement du 2 septembre 2024 dont appel est assorti de l’exécution provisoire de droit. A ce titre, l’article 514-3 du code de procédure civile dispose :

‘En cas d’appel, le premier président peut être saisi afin de d’arrêter l’exécution provisoire de la décision lorsqu’il existe un moyen sérieux d’annulation ou de réformation et que l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives.

La demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d’observations sur l’exécution provisoire n’est recevable que si, outre l’existence d’un moyen sérieux d’annulation de réformation, l’exécution provisoire risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance. »

Ainsi, pour obtenir gain de cause devant le premier président, l’appelante doit rapporter la preuve que les deux conditions cumulatives du premier alinéa de l’article précité sont réunies.

Sur les moyens sérieux d’annulation ou de réformation du jugement

Il convient de rappeler que selon une jurisprudence constante, un moyen sérieux d’annulation ou de réformation est un moyen qui, compte tenu de son caractère très pertinent, sera nécessairement pris en compte par la juridiction d’appel, avec des chances suffisamment raisonnables de succès.

La SASU HL Fibre fait valoir un certain nombre de moyens critiquant la décision déférée, cependant il a été répondu dans le cadre de la décision déférée à ce qui est soulevé et, sans présumer de la décision au fond, il y a lieu de considérer que dans le cadre de la présente procédure, la preuve de l’existence d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation qui se doit de revêtir un caractère très pertinent qui sera nécessairement pris en compte par la juridiction d’appel avec des chances suffisamment raisonnables de succès n’est pas rapportée.

Dans la mesure où la preuve de l’existence de moyens sérieux d’annulation ou de réformation du jugement rendu le 2 septembre 2024 par le conseil de prud’hommes de Nîmes n’est pas rapportée et sans qu’il soit nécessaire de s’intéresser à l’existence de conséquences manifestement excessives attachées à l’exécution de la décision déférée, dès lors qu’une des deux conditions exigées par l’article 514-3 du code de procédure civile fait défaut, la demande d’arrêt de cette exécution provisoire doit être rejetée.

Sur la charge des dépens

La SASU HL Fibre succombant sera tenue de supporter la charge des entiers dépens.

PAR CES MOTIFS :

Nous S. Dodivers statuant sur délégation du premier président de la cour d’appel de Nîmes, en référé, par ordonnance rendue par défaut, en dernier ressort et mise à disposition au greffe,

DEBOUTONS la SASU HL Fibre de sa demande visant à voir suspendre l’exécution provisoire de la décision en date du 2 septembre 2024 rendue par le conseil de prud’hommes de Nîmes,

Condamnons la SASU HL Fibre aux dépens de la présente procédure.

Ordonnance signée par Madame S. DODIVERS, Présidente de Chambre, et par Madame Véronique PELLISSIER, Greffière, présente lors du prononcé.

LA GREFFIERE

LA PRÉSIDENTE


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