L’Essentiel : La société CABOT SECURITISATION a engagé une saisie-attribution des sommes détenues par la Caisse d’épargne pour Monsieur [L], en vertu d’un jugement de 2014. Contestant cette saisie jugée abusive, Monsieur [L] a assigné la société devant le Juge de l’exécution. Lors de l’audience, il a demandé la reconnaissance de l’abus, ainsi que des dommages-intérêts. Le tribunal a constaté des inexactitudes dans le décompte de la créance, soulignant la négligence de la société créancière. En conséquence, la saisie-attribution a été déclarée abusive, entraînant son annulation et une indemnisation pour Monsieur [L].
|
Exposé du litigeLa société CABOT SECURITISATION (EUROPE) LIMITED a engagé une saisie-attribution des sommes détenues par la Caisse d’épargne de Bourgogne Franche Comté pour le compte de Monsieur [T] [L], en exécution d’un jugement du 9 octobre 2014. Cette saisie a été notifiée à Monsieur [L] le 8 août 2023. En réponse, Monsieur [L] a assigné la société CABOT SECURITISATION devant le Juge de l’exécution du Tribunal judiciaire de Dijon, contestant la saisie qu’il juge abusive. Lors de l’audience du 30 avril 2024, il a demandé la reconnaissance de l’abus de la saisie, un engagement à régler une somme de 125,20 euros, ainsi que des dommages-intérêts. Demandes des partiesMonsieur [L] a formulé plusieurs demandes, incluant la reconnaissance de l’abus de la saisie-attribution, le paiement de 500 euros en dommages-intérêts, et 1.000 euros au titre des frais de justice. De son côté, la société CABOT SECURITISATION a demandé le déboutement de Monsieur [L] et a réclamé 1.000 euros pour ses propres frais. Le jugement a été mis en délibéré pour le 9 juillet 2024, puis prorogé au 10 janvier 2025. Motifs de la décisionLe Juge de l’exécution a examiné le caractère abusif de la saisie-attribution, en se basant sur l’article L. 121-2 du Code des procédures civiles d’exécution. Il a constaté que la saisie pouvait être qualifiée d’abusive si elle n’était pas nécessaire au recouvrement de la créance. Monsieur [L] a contesté le montant de la créance, affirmant avoir déjà effectué des paiements qui n’étaient pas pris en compte dans le décompte de la société CABOT SECURITISATION. Constatations sur la créanceLe tribunal a relevé que Monsieur [L] avait été condamné à payer une somme à la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, qui avait ensuite demandé la saisie de ses rémunérations. Les documents présentés ont montré que la société CABOT SECURITISATION avait reçu des paiements significatifs, mais le décompte de la créance dans l’acte de saisie-attribution était inexact. Bien que cette inexactitude ne suffise pas à établir le caractère superflu de la saisie, la négligence de la société créancière dans la vérification de la créance contestée a été soulignée. Conclusion de la décisionLe tribunal a déclaré la saisie-attribution abusive et a ordonné son annulation. La société CABOT SECURITISATION a été condamnée à verser 250 euros à Monsieur [L] en dommages-intérêts et 700 euros pour couvrir ses frais de justice. La décision a été assortie de l’exécution provisoire de droit. |
Q/R juridiques soulevées :
Quel est le fondement juridique permettant de déclarer une saisie-attribution abusive ?La saisie-attribution peut être déclarée abusive sur le fondement de l’article L. 121-2 du Code des procédures civiles d’exécution, qui stipule que « le Juge de l’exécution a le pouvoir d’ordonner la mainlevée de toute mesure inutile ou abusive et de condamner le créancier à des dommages-intérêts en cas d’abus de saisie ». Cette disposition implique que la saisie doit être nécessaire au recouvrement de la créance. Il est établi qu’une saisie est abusive si elle ne répond pas à ce critère de nécessité, notamment lorsque le créancier ne justifie pas de manière adéquate le montant de la créance. Dans le cas présent, Monsieur [L] conteste le décompte de la créance, affirmant qu’il a déjà réglé une partie de celle-ci. Le tribunal a constaté que la société CABOT SECURITISATION n’a pas produit de décompte détaillé, ce qui a contribué à établir le caractère abusif de la saisie. Quelles sont les conséquences d’une saisie-attribution déclarée abusive ?Lorsqu’une saisie-attribution est déclarée abusive, plusieurs conséquences juridiques en découlent. Tout d’abord, conformément à l’article L. 121-2 du Code des procédures civiles d’exécution, la saisie doit être annulée et la mainlevée ordonnée. Dans le jugement rendu, le tribunal a annulé la saisie-attribution réalisée par la société CABOT SECURITISATION et a ordonné la mainlevée. De plus, le créancier peut être condamné à verser des dommages-intérêts au débiteur. En l’espèce, la société CABOT SECURITISATION a été condamnée à verser à Monsieur [L] la somme de 250 euros à titre de dommages-intérêts, en raison de la négligence dans la mise en œuvre de la saisie. Comment se justifie le montant des dommages-intérêts accordés au débiteur ?Le montant des dommages-intérêts accordés au débiteur est déterminé en fonction du préjudice subi en raison de la saisie abusive. Le tribunal a considéré que la société CABOT SECURITISATION avait fait preuve d’une grave négligence en procédant à la saisie-attribution sans vérifier le montant de la créance contestée. Les dommages-intérêts de 250 euros visent à compenser le préjudice moral et financier que Monsieur [L] a pu subir en raison de cette saisie abusive. Il est important de noter que l’article 1382 du Code civil, qui impose la réparation du préjudice causé par un acte illicite, peut également servir de fondement à cette décision. Ainsi, le tribunal a estimé que le montant de 250 euros était approprié au regard des circonstances de l’affaire. Quelles sont les implications de l’article 700 du Code de procédure civile dans ce litige ?L’article 700 du Code de procédure civile permet au juge de condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais irrépétibles. Dans le jugement, la société CABOT SECURITISATION a été condamnée à verser à Monsieur [L] la somme de 700 euros en application de cet article. Cette somme vise à couvrir les frais engagés par Monsieur [L] pour faire valoir ses droits dans le cadre de la procédure. Il est à noter que cette disposition a pour but d’assurer une certaine équité entre les parties, en évitant que le débiteur ne soit pénalisé par les frais de justice liés à une saisie abusive. Ainsi, le tribunal a jugé qu’il serait inéquitable de laisser Monsieur [L] supporter l’intégralité des frais qu’il a dû exposer pour contester la saisie. Quelles sont les conditions d’exécution provisoire d’une décision de justice ?L’exécution provisoire d’une décision de justice est régie par l’article R. 121-21 du Code des procédures civiles d’exécution, qui stipule que certaines décisions bénéficient de l’exécution provisoire de droit. Dans le cas présent, le tribunal a rappelé que la décision rendue bénéficie de cette exécution provisoire. Cela signifie que les effets de la décision, notamment l’annulation de la saisie-attribution et l’octroi de dommages-intérêts, peuvent être appliqués immédiatement, même si la décision est susceptible d’appel. L’exécution provisoire vise à protéger les droits du débiteur en lui permettant de récupérer rapidement les sommes qui lui sont dues, sans attendre l’issue d’un éventuel appel. Ainsi, cette mesure contribue à garantir l’effectivité des droits reconnus par le juge. |
la SCP SOULARD-RAIMBAULT – 127
JUGEMENT DU 10 Janvier 2025
AFFAIRE N° RG 23/02356 – N° Portalis DBXJ-W-B7H-IBVT
JUGEMENT N° 25/011
copies certifiées conformes délivrées le
copie revêtue de la formule exécutoire délivrée le
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE DIJON
JUGE DE L’EXECUTION
PARTIE DEMANDERESSE
Monsieur [T] [L]
né le [Date naissance 3] 1979 à [Localité 7], demeurant [Adresse 2]
Représenté par Maître Delphine HERITIER pour la SCP LDH AVOCATS, avocate au barreau de DIJON, vestiaire 16-1
ET
PARTIE DÉFENDERESSE
La S.A.R.L. CABOT SECURISATION EUROPE LIMITED immatriculée au RCS de DUBLIN sous le N°572606 dont le représentant M. [M] [V] est dûment habilité aux fins des présentes, ayant pour mandataire la Sté CABOT FINANCIAL FRANCE, SAS immatriculée au RCS de LYON sous le N° 488 862 277 dont le siège social est [Adresse 5], venant aux droits de la Sté BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE SA dont le siège social est [Adresse 1], immatriculée au RCS de PARIS sous le N°542 097 902 selon contrat de cession de créances du 21/01/2021, agissant poursuites et diligences de son Président domicilié en cette qualité audit siège, dont le siège social est sis [Adresse 6] (IRLANDE)
Elisant domicile chez Me Célia BON, Commissaire de Justice au sein de la SELARL TOURNOUX MOUGENOT BON ET ASSOCIES [Adresse 4]
Représentée par Maître Florent SOULARD pour la SCP SOULARD-RAIMBAULT, avocat au barreau de DIJON, vestiaire 127, postulant ; et ayant pour avocat plaidant la SELARL LEVY ROCHE SARDA, avocat au Barreau de Lyon
JUGE DE L’EXECUTION : Nicolas BOLLON, Vice-président, en présence de [Y] [N], auditrice de justice
GREFFIÈRE : Céline DAISEY, en présence de [G] [F], greffière stagiaire
DÉBATS : En audience publique du 30 Avril 2024
JUGEMENT :
– Contradictoire
– En premier ressort
– Prononcé publiquement le dix Janvier deux mil vingt cinq par Nicolas BOLLON par mise à disposition du jugement au greffe du tribunal, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile
– Signé par Nicolas BOLLON et Céline DAISEY
Déclarant agir en exécution d’un jugement rendu le 9 octobre 2014 par le Tribunal d’instance de Lyon, la société CABOT SECURITISATION (EUROPE) LIMITED (la société CABOT SECURITISATION) a fait procéder suivant procès-verbal du 1er août 2023 à la saisie-attribution des sommes détenues par la Caisse d’épargne de Bourgogne Franche Comté pour le compte de Monsieur [T] [L].
La saisie a été dénoncée à Monsieur [L] le 8 août 2023.
Par acte d’huissier de justice du 7 septembre 2023, Monsieur [L] a fait assigner la société CABOT SECURITISATION devant le Juge de l’exécution du Tribunal judiciaire de Dijon afin, notamment, de voir juger abusive la saisie.
A l’audience du 30 avril 2024, à laquelle le dossier a été rappelé, Monsieur [L], représenté par son conseil, demande au Juge de l’exécution de :
– Juger abusive la saisie-attribution ;
– Constater que Monsieur [L] s’engage à régler la somme de 125,20 euros dans les trente jours suivant le caractère définitif de la présente décision ;
– Condamner la société CABOT SECURITISATION à lui payer la somme de 500 euros à titre de dommages-intérêts ;
– Condamner la société CABOT SECURITISATION à lui payer, outre les dépens la somme de 1.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.
La société CABOT SECURITISATION, représentée à l’audience par son conseil, demande au Juge de l’exécution de :
– Débouter Monsieur [L] de ses demandes, fins et conclusions ;
– Condamner Monsieur [L] à lui payer, outre les dépens, la somme de 1.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.
Le jugement a été mis en délibéré au 9 juillet 2024, puis prorogé au 10 janvier 2025.
Sur le caractère abusif de la saisie-attribution
Conformément aux dispositions de l’article L. 121-2 du Code des procédures civiles d’exécution, « le Juge de l’exécution a le pouvoir d’ordonner la mainlevée de toute mesure inutile ou abusive et de condamner le créancier à des dommages-intérêts en cas d’abus de saisie ».
Il est acquis qu’une saisie peut être qualifiée d’abusive lorsqu’elle n’est pas nécessaire au recouvrement de la créance et qu’elle procède d’un comportement fautif du créancier.
Le caractère nécessaire de la mesure critiquée doit s’apprécier au regard d’un rapport mathématique entre le coût de la saisie et le montant de la dette. Mais au-delà de ce critère purement quantitatif, la proportionnalité de la mesure d’exécution doit également être mesurée en tenant compte de critères qualitatifs. La mesure d’exécution ne doit procéder d’aucune faute ou intention de nuire du créancier.
Monsieur [L] indique que le décompte de la créance de la société CABOT SECURITISATION serait inexact. Il indique en effet que cette créance a été en partie réglée dans le cadre d’une procédure de saisie des rémunérations et que les sommes qu’il a payées n’apparaissent pas sur le décompte du Commissaire de justice. Il ajoute que la société CABOT SECURITISATION ne produit aucun décompte détaillé de sa créance. Il évalue le montant de sa créance à la somme de 125,20 euros.
La société CABOT SECURITISATION, se fondant sur le décompte du Commissaire de justice instrumentaire, indique que Monsieur [L] ne rapporte pas la preuve des paiements qui aurait été réalisés par le biais de la saisie des rémunérations.
Il y a lieu de rappeler qu’en application des dispositions de l’article 1353 du Code civil « Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation ».
Il ressort des pièces produites aux débats que Monsieur [L] a été condamné, par jugement du 9 octobre 2014, à payer à la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE la somme de 3.665,66 euros.
Il est tout aussi constant que la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE a, par requête du 1er octobre 2015, sollicité la saisie des rémunérations de Monsieur [L] pour le paiement de cette créance. Il ressort de cette requête que Monsieur [L] avait procédé au paiement de la somme de 310 euros.
Le décompte des sommes perçues et réparties par le greffier du Tribunal d’instance de Lyon démontre que la société CABOT SECURITISATION, venant aux droits de la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE a reçu la somme de 2.877,77 euros, au 13 juin 2016, ce qu’elle ne conteste pas. Le tribunal observe d’ailleurs que le montant de la requête en saisie des rémunérations apparaît dans le décompte de la créance de l’acte de saisie-attribution.
Par ailleurs, le décompte de la créance, tel qu’il résulte de l’acte de saisie-attribution querellée, démontre que la société CABOT SECURITISATION a perçu de Monsieur [L] la somme de 420 euros.
Contrairement à ce qu’affirme Monsieur [L], la production de quatre fiches de paye faisant apparaitre des saisies à tiers détenteur, n’est pas de nature à démontrer que les prélèvements réalisés entre les mains de son employeur étaient destinés au remboursement de la créance de la société CABOT SECURITISATION.
Il faut donc considérer que Monsieur [L] démontre avoir payé la somme totale de 3.607,77 euros, alors que le décompte de la créance fait apparaître, dans la saisie-attribution, des acomptes pour un montant de 420 euros.
la SCP LDH AVOCATS – 16-1
la SCP SOULARD-RAIMBAULT – 127
Le tribunal constate donc que le décompte de la créance, dans l’acte de saisie-attribution querellée, est sensiblement inexact. Il ne tient en effet pas compte de l’ensemble des sommes déjà perçues par le créancier.
Cette erreur dans le calcul de la créance n’est pas à lui seul de nature à établir le caractère superflu de la saisie réalisée.
Cependant, il faut constater que la société créancière, alors même que le montant de sa créance est contesté, se borne à faire référence au décompte figurant dans l’acte de saisie-attribution. Elle maintient en effet le montant de sa créance, non sans une certaine témérité, alors même qu’elle ne conteste pas avoir procédé à la saisie des rémunérations du débiteur depuis octobre 2015.
Il faut dès lors considérer que la société créancière fait preuve d’une grave négligence en mettant en œuvre une saisie-attribution, alors même que le montant de la créance est contesté et que, manifestement, elle n’a pas pris la peine de vérifier si sa créance n’avait pas été en partie réglée. Il faut encore relever à cet effet que Monsieur [L] a communiqué au Commissaire de justice instrumentaire le décompte d’un autre huissier de justice, sans qu’il en soit tenu compte lors de la saisie-attribution.
Ces éléments sont ainsi de nature à démontrer que la saisie-attribution procède d’un comportement fautif de la part de la société créancière.
La saisie-attribution sera donc déclarée abusive et, en conséquence, annulée.
La société CABOT SECURITISATION sera condamnée à payer à Monsieur [L] la somme de 250 euros à titre de dommages-intérêts.
Sur les dépens, les frais irrépétibles et l’exécution provisoire
La société CABOT SECURITISATION, qui succombe à la présente instance, sera tenue des entiers dépens.
Par ailleurs, il serait inéquitable de laisser à Monsieur [L] la charge de la totalité des frais qu’il a dû exposer pour faire valoir ses droits et qui ne sont pas compris dans les dépens. La société CABOT SECURITISATION sera en conséquence condamnée à lui payer la somme de 700 euros au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.
Enfin, il est rappelé que la présente décision bénéficie, en application des dispositions de l’article R. 121-21 du Code des procédures civiles d’exécution, de l’exécution provisoire de droit.
Le Juge de l’exécution,
CONSTATE que la saisie-attribution réalisée par la société CABOT SECURITISATION (EUROPE) LIMITED le 1er août 2023 est abusive ;
ANNULE la saisie-attribution réalisée le 1er août 2023 par la société CABOT SECURITISATION (EUROPE) LIMITED et en ORDONNE la mainlevée ;
CONDAMNE la société CABOT SECURITISATION (EUROPE) LIMITED à payer à Monsieur [T] [L] la somme de 250 euros à titre de dommages-intérêts ;
CONDAMNE la société CABOT SECURITISATION (EUROPE) LIMITED à payer à Monsieur [T] [L] la somme de 700 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
RAPPELLE que la présente décision bénéficie de l’exécution provisoire de droit.
La Greffière Le Juge de l’exécution
Laisser un commentaire