L’Essentiel : La société employeur a contesté le taux d’incapacité permanente de 20 % fixé par la caisse primaire d’assurance du Bas-Rhin pour une salariée suite à un accident du travail. L’affaire, examinée par la Cour nationale de l’incapacité, a été marquée par un revirement de jurisprudence. Un arrêt de la Cour de cassation du 10 octobre 2024 a précisé que les parties n’ont pas d’obligation de diligences pour l’audience, entraînant la constatation de la péremption de l’instance. En conséquence, la Cour de cassation a annulé l’arrêt du 23 juin 2022, renvoyant les parties devant la cour d’appel de Colmar.
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Contexte de l’affaireLa société employeur a contesté la décision de la caisse primaire d’assurance du Bas-Rhin, qui avait fixé à 20 % le taux d’incapacité permanente d’une de ses salariées suite à un accident du travail. Cette contestation a été portée devant la Cour nationale de l’incapacité et de la tarification de l’assurance des accidents du travail. Procédure et législation applicableL’affaire a été examinée en vertu de plusieurs articles du code de procédure civile et du code de la sécurité sociale. L’article 620, alinéa 2, stipule que l’instance est périmée si aucune diligence n’est accomplie pendant deux ans. De plus, la procédure devant la Cour nationale est généralement orale, mais les parties peuvent soumettre un mémoire pour être dispensées de se présenter à l’audience. Jurisprudence et revirementUn arrêt de la Cour de cassation du 10 octobre 2024 a modifié la jurisprudence antérieure, précisant que les parties n’ont pas d’obligation de diligences à accomplir pour l’audience, sauf si une diligence particulière leur est imposée. Cela signifie qu’elles ne sont pas tenues de demander la fixation de l’affaire pour éviter la péremption. Constatation de la péremptionLa Cour nationale a constaté la péremption de l’instance, notant qu’aucune diligence n’avait été effectuée depuis le 9 novembre 2018, date à laquelle l’employeur avait soumis un mémoire. La péremption a été acquise le 9 novembre 2020. Conséquences de l’arrêtBien que la Cour nationale ait agi conformément à la jurisprudence antérieure, le revirement de jurisprudence a conduit à l’annulation de son arrêt. La Cour de cassation a donc annulé l’arrêt du 23 juin 2022, remettant les parties dans leur état antérieur et les renvoyant devant la cour d’appel de Colmar. Les dépens ont été laissés à la charge de chaque partie, et les demandes en application de l’article 700 du code de procédure civile ont été rejetées. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la portée de l’article 620, alinéa 2, du code de procédure civile dans le cadre de la péremption de l’instance ?L’article 620, alinéa 2, du code de procédure civile stipule que « l’instance est périmée lorsqu’aucune des parties n’accomplit de diligences pendant deux ans ». Cette disposition est déterminante car elle établit un délai de deux ans au-delà duquel une instance peut être déclarée périmée si aucune action n’est entreprise par les parties. Dans le cas présent, la Cour nationale de l’incapacité a constaté que l’employeur n’avait pas accompli de diligence depuis le 9 novembre 2018, date à laquelle il a soumis un mémoire. Ainsi, la péremption a été acquise le 9 novembre 2020, entraînant l’annulation de l’arrêt attaqué. Il est important de noter que cette règle vise à garantir l’efficacité et la rapidité des procédures judiciaires, en évitant que des affaires ne stagnent indéfiniment. Comment l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales s’applique-t-il dans ce contexte ?L’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales garantit le droit à un procès équitable. Il stipule que « toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial ». Dans le cadre de la jurisprudence citée, la Cour de cassation a dû examiner si la péremption de l’instance respectait ce droit fondamental. Le revirement de jurisprudence, qui assouplit les conditions d’accès au juge, vise à protéger ce droit en évitant que des parties ne soient pénalisées par des délais procéduraux trop stricts. Ainsi, la décision de la Cour de cassation d’annuler l’arrêt de la Cour nationale s’inscrit dans une volonté de garantir un accès effectif à la justice. Quelles sont les implications de la jurisprudence sur la direction de la procédure par les parties ?La jurisprudence récente de la Cour de cassation indique que, sauf obligation spécifique imposée par la juridiction, la direction de la procédure échappe aux parties. Cela signifie qu’elles ne sont pas tenues d’accomplir des diligences pour la simple raison d’interrompre le cours de la péremption. Cette évolution est significative car elle allège le fardeau pesant sur les parties, qui n’ont plus à solliciter la fixation d’une affaire à une audience pour éviter la péremption. La Cour a précisé que la péremption ne peut leur être opposée uniquement pour ce motif, ce qui renforce leur droit à un procès équitable. Cette approche vise à favoriser une justice plus accessible et moins formelle, en permettant aux parties de se concentrer sur le fond de leur affaire plutôt que sur des considérations procédurales. Quels articles du code de la sécurité sociale sont pertinents dans cette affaire ?Les articles R. 143-26, R. 143-27, R. 143-28-1 et R. 143-28-2 du code de la sécurité sociale, bien que leur rédaction ait été abrogée, sont mentionnés dans le cadre de la procédure devant la Cour nationale. Ces articles régissaient les modalités de la procédure et les droits des parties dans le cadre des litiges relatifs à l’incapacité et à la tarification des accidents du travail. L’article R. 143-20-1, en particulier, a été cité pour établir que la péremption de l’instance est applicable dans ce contexte. Bien que ces articles ne soient plus en vigueur, leur mention souligne l’importance des règles procédurales dans le traitement des affaires d’incapacité. Cela rappelle également que les évolutions législatives peuvent avoir un impact significatif sur la manière dont les litiges sont résolus dans le domaine de la sécurité sociale. |
LM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 9 janvier 2025
Annulation
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 33 F-D
Pourvoi n° J 22-20.865
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 JANVIER 2025
La caisse primaire d’assurance maladie du Bas-Rhin, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° J 22-20.865 contre l’arrêt rendu le 23 juin 2022 par la Cour nationale de l’incapacité et de la tarification de l’assurance des accidents du travail (section : accidents du travail (B)), dans le litige l’opposant à la société [3], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Leblanc, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la caisse primaire d’assurance maladie du Bas-Rhin, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société [3], et l’avis de Mme Tuffreau, avocat général référendaire, après débats en l’audience publique du 20 novembre 2024 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Leblanc, conseiller rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Gratian, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
1. Selon l’arrêt attaqué (Cour nationale de l’incapacité et de la tarification de l’assurance des accidents du travail, 23 juin 2022), la société [3] (l’employeur) a contesté devant une juridiction chargée du contentieux de l’incapacité la décision de la caisse primaire d’assurance du Bas-Rhin (la caisse) de fixer à 20 % le taux d’incapacité permanente dont restait atteint l’une de ses salariées, victime d’un accident du travail.
Sur le moyen relevé d’office
2. Après avis donné aux parties conformément à l’article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l’article 620, alinéa 2, du même code.
Vu l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, les articles 386 du code de procédure civile, R. 143-26, R. 143-27, R. 143-28-1 et R. 143-28-2 du code de la sécurité sociale, ces derniers dans leur rédaction antérieure à leur abrogation par le décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018 :
3. Selon le deuxième de ces textes, rendu applicable à la procédure devant la Cour nationale de l’incapacité et de la tarification de l’assurance des accidents du travail (la Cour nationale) par l’article R. 143-20-1, alors en vigueur, l’instance est périmée lorsqu’aucune des parties n’accomplit de diligences pendant deux ans.
4. Selon le troisième, la procédure devant la Cour nationale est orale. Toutefois, les parties qui adressent à la Cour nationale un mémoire dans les conditions prévues par l’article R. 143-25 sont dispensées de se présenter à l’audience conformément à l’article 446-1 du code de procédure civile.
5. Par un arrêt (2e Civ., 10 octobre 2024, pourvoi n° 22-12.882, publié), revenant sur sa jurisprudence antérieure, la Cour de cassation juge désormais qu’à moins que les parties ne soient tenues d’accomplir une diligence particulière mise à leur charge par la juridiction, la direction de la procédure leur échappe. Elles n’ont, dès lors, pas de diligences à accomplir en vue de l’audience à laquelle elles sont convoquées par le secrétariat de la Cour nationale.
6. En particulier, il ne saurait leur être imposé de solliciter la fixation de l’affaire à une audience à la seule fin d’interrompre le cours de la péremption, laquelle ne peut leur être opposée pour ce motif.
7. Pour constater la péremption de l’instance, l’arrêt relève qu’aucune diligence n’a été accomplie par les parties depuis que l’employeur a adressé, le 9 novembre 2018, le mémoire spécial de son médecin-conseil et que la péremption s’est trouvée acquise à la date du 9 novembre 2020.
8. Si c’est conformément à la jurisprudence antérieure que la Cour nationale s’est prononcée, le revirement de jurisprudence, applicable immédiatement en ce qu’il assouplit les conditions d’accès au juge, conduit à l’annulation de son arrêt.
9. En conséquence, il y a lieu à annulation de l’arrêt attaqué.
ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 23 juin 2022, entre les parties, par la Cour nationale de l’incapacité et de la tarification de l’assurance des accidents du travail ;
Remet l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Colmar ;
Laisse à chacune des parties la charge de ses dépens ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf janvier deux mille vingt-cinq.
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