Conflit de compétence en matière de tarification des maladies professionnelles

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Conflit de compétence en matière de tarification des maladies professionnelles

L’Essentiel : La caisse primaire d’assurance maladie des Côtes d’Armor a notifié le 13 juin 2018 la prise en charge d’une maladie professionnelle d’un salarié. L’employeur a contesté cette décision, entraînant l’intervention de la CARSAT, qui a soulevé une exception d’incompétence. La cour d’appel a rejeté cette exception, affirmant sa compétence pour traiter la demande d’inscription au compte spécial. Cependant, la Cour de cassation a précisé que seules les juridictions spécialisées en tarification des accidents du travail peuvent statuer sur de telles demandes, déclarant ainsi la cour d’appel de Rennes incompétente et renvoyant l’affaire à Amiens.

Notification de la maladie professionnelle

La caisse primaire d’assurance maladie des Côtes d’Armor a notifié le 13 juin 2018 à l’employeur sa décision de prendre en charge la maladie d’un de ses salariés au titre de la législation professionnelle.

Contestation de l’employeur

L’employeur a contesté cette décision en saisissant une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale, demandant l’imputation au compte spécial des conséquences financières de la maladie.

Intervention de la CARSAT

La caisse d’assurance retraite et de la santé au travail de Bretagne (CARSAT) est intervenue volontairement dans l’instance pour soutenir sa position.

Argument de la CARSAT

La CARSAT a soulevé une exception d’incompétence, arguant que la question de l’affectation des dépenses de la maladie professionnelle relevait de la compétence exclusive de la Cour nationale de l’incapacité et de la tarification de l’assurance des accidents du travail.

Réponse de la Cour d’appel

La cour d’appel a rejeté l’exception d’incompétence et a déclaré recevable la demande d’inscription au compte spécial, ce qui a été contesté par la CARSAT.

Compétence exclusive de la juridiction

La Cour de cassation a précisé que les demandes de retrait ou d’inscription des dépenses afférentes à une maladie professionnelle relèvent de la compétence exclusive de la juridiction du contentieux de la tarification de l’assurance des accidents du travail.

Décision de la cour d’appel

La cour d’appel a confirmé sa compétence en statuant sur la demande d’inscription au compte spécial, malgré le fait que l’employeur avait saisi la juridiction avant la notification de son taux de cotisation.

Violation des textes

En agissant ainsi, la cour d’appel a violé les textes en vigueur concernant la compétence des juridictions en matière de tarification des accidents du travail et des maladies professionnelles.

Conséquences de la cassation

La Cour de cassation a décidé de déclarer la cour d’appel de Rennes incompétente pour connaître de la demande d’inscription au compte spécial et a renvoyé l’affaire devant la cour d’appel d’Amiens, compétente pour ce litige.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la compétence juridictionnelle en matière de tarification de l’assurance des accidents du travail et des maladies professionnelles ?

La compétence juridictionnelle en matière de tarification de l’assurance des accidents du travail et des maladies professionnelles est régie par plusieurs articles du code de la sécurité sociale et du code de l’organisation judiciaire.

Selon l’article L. 311-16 du code de l’organisation judiciaire, dans sa rédaction issue de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, il est précisé que :

« La juridiction du contentieux de la tarification de l’assurance des accidents du travail et des maladies professionnelles connaît des litiges relatifs aux décisions des caisses d’assurance retraite et de la santé au travail concernant, en matière d’accidents du travail, la fixation du taux de cotisation, l’octroi de ristournes, l’imposition de cotisations supplémentaires. »

De plus, l’article D. 311-12 du même code maintient une juridiction spécialement désignée ayant compétence exclusive pour connaître du contentieux de la tarification de l’assurance des accidents du travail et des maladies professionnelles.

Ainsi, la Cour de cassation a récemment affirmé que les demandes de l’employeur concernant le retrait de son compte des dépenses afférentes à une maladie professionnelle relèvent de la seule compétence de cette juridiction.

Quels articles du code de la sécurité sociale sont pertinents dans cette affaire ?

Les articles pertinents du code de la sécurité sociale dans cette affaire incluent notamment les articles L. 142-1, L. 142-2, L. 211-1 et L. 215-1.

L’article L. 142-1, 7° du code de la sécurité sociale stipule que :

« Les caisses d’assurance maladie sont compétentes pour prendre en charge les dépenses de santé des assurés, y compris celles liées aux maladies professionnelles. »

L’article L. 142-2 précise que :

« Les décisions des caisses d’assurance retraite et de la santé au travail concernant les maladies professionnelles sont soumises à un contentieux spécifique. »

L’article L. 211-1 énonce que :

« Les litiges relatifs à la tarification des accidents du travail et des maladies professionnelles sont de la compétence de la juridiction désignée par la loi. »

Enfin, l’article L. 215-1 aborde les modalités de contestation des décisions des caisses, renforçant ainsi le cadre juridique applicable.

Quelles sont les conséquences de la décision de la Cour de cassation dans cette affaire ?

La décision de la Cour de cassation a des conséquences significatives sur la compétence juridictionnelle en matière de tarification des accidents du travail et des maladies professionnelles.

En déclarant la cour d’appel de Rennes incompétente pour connaître de la demande d’inscription au compte spécial des dépenses afférentes à la maladie litigieuse, la Cour de cassation a confirmé que :

« La compétence exclusive appartient à la cour d’appel d’Amiens, spécialement désignée par l’article D. 311-12 du code de l’organisation judiciaire. »

Cette décision implique que toutes les demandes relatives à l’inscription des dépenses afférentes à une maladie professionnelle doivent être portées devant la juridiction compétente, garantissant ainsi une meilleure administration de la justice.

La Cour de cassation a également décidé d’infirmer le jugement en ce qu’il a dit n’y avoir lieu à se déclarer incompétent, ce qui souligne l’importance de respecter les règles de compétence établies par la loi.

CIV. 2

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 9 janvier 2025

Cassation
partiellement sans renvoi

Mme MARTINEL, président

Arrêt n° 29 F-D

Pourvoi n° Z 22-22.903

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 JANVIER 2025

La caisse d’assurance retraite et de la santé au travail de Bretagne, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° Z 22-22.903 contre l’arrêt n° RG : 22/00599 rendu le 14 septembre 2022 par la cour d’appel de Rennes (9e chambre sécurité sociale), dans le litige l’opposant :

1°/ à la société [4], société d’exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2],

2°/ à la caisse primaire d’assurance maladie des Côtes d’Armor, dont le siège est [Adresse 1],

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Lapasset, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la caisse d’assurance retraite et de la santé au travail de Bretagne, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société [4], et l’avis de Mme Pieri-Gauthier, avocat général, après débats en l’audience publique du 20 novembre 2024 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Lapasset, conseiller rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Gratian, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Rennes, 14 septembre 2022), la caisse primaire d’assurance maladie des Côtes d’Armor a notifié le 13 juin 2018 à la société [4] (l’employeur) sa décision de prendre en charge au titre de la législation professionnelle la maladie de l’un de ses salariés.

2. L’employeur a saisi une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale aux fins de contester l’opposabilité de cette décision et de demander l’imputation au compte spécial des conséquences financières de la maladie.

3. La caisse d’assurance retraite et de la santé au travail de Bretagne (la CARSAT) est intervenue volontairement à l’instance.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. La CARSAT fait grief à l’arrêt de rejeter l’exception d’incompétence soulevée et de déclarer recevable la demande d’inscription au compte spécial, alors « que l’appréciation de l’affectation des dépenses de la maladie professionnelle sur le compte spécial constitue une question relative à la tarification, laquelle relève de la seule juridiction spécialement désignée à cet effet, la Cour nationale de l’incapacité et de la tarification de l’assurance des accidents du travail et désormais la cour d’appel d’Amiens ; qu’en jugeant qu’elle pouvait elle-même statuer sur la demande de l’employeur aux fins d’inscription au compte spécial des conséquences de la pathologie de la victime, la cour d’appel a violé les articles L. 311-16 et D. 311-12 du code de l’organisation judiciaire, et l’article L. 142-1, 7° du code de la sécurité sociale, dans leur version applicable au litige, ensemble les articles L. 142-1, L. 142-2, L. 211-1 et L. 215-1 du code de la sécurité sociale. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 143-1, 4°, devenu L. 142-2, 4°, puis L. 142-1, 7°, et L. 143-4 du code de la sécurité sociale, ce dernier alors en vigueur, l’article L. 311-16 du code de l’organisation judiciaire, dans sa rédaction issue de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, et les articles L. 242-5, D. 242-6-4, D. 242-6-5 et D. 242-6-7 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige :

5. Il résulte de la combinaison des trois premiers de ces textes, le premier dans ses rédactions successivement applicables au litige, que la juridiction du contentieux de la tarification de l’assurance des accidents du travail et des maladies professionnelles connaît des litiges relatifs aux décisions des caisses d’assurance retraite et de la santé au travail et des caisses de mutualité sociale agricole concernant, en matière d’accidents du travail agricoles et non agricoles, la fixation du taux de cotisation, l’octroi de ristournes, l’imposition de cotisations supplémentaires, et pour les accidents régis par le livre IV du code de la sécurité sociale, la détermination de la contribution prévue à l’article L. 437-1.

6. L’article D. 311-12 du code de l’organisation judiciaire a maintenu une juridiction spécialement désignée ayant compétence exclusive pour connaître du contentieux de la tarification de l’assurance des accidents du travail et des maladies professionnelles.

7. Depuis un arrêt de la deuxième chambre civile du 28 septembre 2023, (pourvoi n° 21-25.719), la Cour de cassation décide que les demandes de l’employeur de retrait de son compte des dépenses afférentes à une maladie professionnelle ou d’inscription de ces dépenses au compte spécial, même formées avant notification de son taux de cotisation, relèvent de la seule compétence de la juridiction du contentieux de la tarification de l’assurance des accidents du travail et des maladies professionnelles.

8. Ayant relevé que l’employeur avait saisi, avant notification de son taux de cotisation, une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale d’une demande d’inscription au compte spécial des dépenses afférentes à la maladie professionnelle litigieuse, la cour d’appel a retenu sa compétence en confirmant le jugement attaqué.

9. En statuant ainsi, la cour d’appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

10. Après avis donné aux parties, conformément à l’article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l’organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

11. L’intérêt d’une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

12. Il résulte de ce qui est dit aux paragraphes 5, 6 et 7 qu’il y a lieu de déclarer la cour d’appel de Rennes incompétente pour connaître de la demande aux fins d’inscription au compte spécial des dépenses afférentes à la maladie litigieuse, d’infirmer le jugement en ce qu’il dit n’y avoir lieu à se déclarer incompétent pour statuer sur cette demande et de renvoyer, sur ce point, l’affaire et les parties, devant la cour d’appel d’Amiens, spécialement désignée par l’article D. 311-12 du code de l’organisation judiciaire, compétente pour connaître de ce litige.


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