Conflit sur la régularité du recouvrement d’allocations indûment perçues et ses implications sur la prescription des actions.

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Conflit sur la régularité du recouvrement d’allocations indûment perçues et ses implications sur la prescription des actions.

L’Essentiel : Mme [W] [L], traductrice-interprète, a contesté une contrainte de 5.450,32 euros émise par la caisse d’allocations familiales suite à un contrôle ayant révélé des indus. Le tribunal judiciaire de Nanterre a annulé cette contrainte le 18 octobre 2023, déclarant l’action en paiement prescrite. En appel, la caisse a contesté cette décision, tandis que Mme [L] a demandé l’infirmation du jugement sur plusieurs points. La cour a finalement infirmé le jugement initial, annulé la contrainte, et condamné Mme [L] à restituer 4.710,52 euros à la caisse, ainsi qu’à payer des frais supplémentaires.

Contexte de l’affaire

Mme [W] [L], traductrice-interprète pour l’État, bénéficie depuis 2013 d’une allocation de logement sociale. Cette allocation est versée par la caisse d’allocations familiales des [Localité 3], qui a appliqué la règle de neutralisation de ses ressources en raison de l’absence de chômage indemnisé.

Contrôle et indus

Suite à un contrôle, la caisse a identifié plusieurs indus et a émis une contrainte le 16 juillet 2019, réclamant un montant total de 5.450,32 euros. Mme [L] a formé opposition à cette contrainte, entraînant une procédure judiciaire.

Jugement du tribunal judiciaire

Le tribunal judiciaire de Nanterre a rendu un jugement le 18 octobre 2023, écartant l’irrégularité de la contrainte, déclarant l’action en paiement prescrite, annulant la contrainte, et déboutant les deux parties de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile. La caisse a été condamnée aux dépens.

Appel de la caisse d’allocations familiales

La caisse a interjeté appel le 3 novembre 2023, demandant la confirmation de certaines décisions du jugement tout en contestant la prescription de l’action en paiement et en sollicitant le rejet de l’opposition de Mme [L].

Arguments de Mme [L]

Mme [L] a également formulé des demandes en appel, cherchant à infirmer le jugement sur plusieurs points, notamment l’irrégularité de la contrainte et la demande de restitution du trop-perçu. Elle a soutenu que la contrainte était invalide en raison de l’absence de pouvoir du directeur de la caisse.

Régularité de la procédure

Mme [L] a contesté la possibilité d’émettre une contrainte pour le recouvrement de l’allocation de logement sociale, tandis que la caisse a défendu la légitimité de son action. Le tribunal a conclu que l’allocation de logement social ne pouvait pas être recouvrée par voie de contrainte.

Demande de restitution de l’indu

La caisse a poursuivi la restitution de l’indu, mais Mme [L] a contesté la recevabilité de cette demande, arguant que la procédure d’opposition à contrainte ne permettait pas de statuer selon le droit commun. Le tribunal a jugé que la demande de la caisse était recevable.

Prescription de l’action

Le tribunal a examiné la question de la prescription, notant que la caisse avait notifié les indus à Mme [L] à plusieurs reprises. Il a conclu que l’action n’était pas prescrite, car les notifications avaient interrompu le délai de prescription.

Sur le mérite de l’action

Concernant l’irrégularité de la procédure de recouvrement, Mme [L] a contesté la notification de l’indu, mais le tribunal a jugé que les mentions requises n’étaient pas applicables dans ce cas. La caisse a prouvé l’existence de l’indu par des calculs basés sur les revenus déclarés de Mme [L].

Décision finale de la cour

La cour a infirmé le jugement initial dans toutes ses dispositions, annulé la contrainte, déclaré recevable l’action en répétition de l’indu, et condamné Mme [L] à restituer la somme de 4.710,52 euros à la caisse, ainsi qu’à payer des frais supplémentaires.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la régularité de la contrainte émise par la caisse d’allocations familiales ?

La régularité de la contrainte émise par la caisse d’allocations familiales est contestée par Mme [L], qui soutient que le recouvrement de l’allocation de logement sociale ne peut donner lieu à une contrainte.

L’article L.161-1-5 du code de la sécurité sociale stipule que :

« Pour le recouvrement d’une prestation indûment versée et sans préjudice des articles L.133-4 du présent code et L.725-3-1 du code rural et de la pêche maritime, le directeur d’un organisme de sécurité sociale peut, dans les délais et selon les conditions fixés par voie réglementaire, délivrer une contrainte qui, à défaut d’opposition du débiteur devant la juridiction compétente, comporte tous les effets d’un jugement et confère notamment le bénéfice de l’hypothèque judiciaire. »

Cependant, l’allocation de logement sociale, étant une aide personnelle au logement, n’est pas incluse dans les prestations pouvant être recouvrées par voie de contrainte selon ce texte.

Ainsi, la contrainte émise à l’encontre de Mme [L] pour le recouvrement de l’indu d’allocation de logement sociale est annulée, car elle ne respecte pas les dispositions légales applicables.

Quelles sont les conséquences de la prescription sur l’action en paiement de la caisse ?

La question de la prescription est centrale dans cette affaire, car elle détermine si la caisse d’allocations familiales peut encore réclamer le remboursement des sommes indûment versées à Mme [L].

L’article L.835-3 du code de la sécurité sociale précise que :

« L’action de l’allocataire pour le paiement de l’allocation se prescrit par deux ans. Cette prescription est également applicable à l’action intentée par un organisme payeur en recouvrement de la prestation indûment payée, sauf en cas de fraude ou de fausse déclaration. »

Dans ce cas, Mme [L] a contesté la validité de la prescription, arguant qu’elle n’avait pas fait de fausse déclaration. Cependant, la cour a constaté que les déclarations faites par Mme [L] ne permettaient pas à la caisse d’appréhender les éléments du redressement, ce qui a conduit à une fausse déclaration.

Ainsi, le délai de prescription de deux ans n’est pas applicable, et l’action de la caisse n’est pas prescrite, permettant à celle-ci de réclamer le remboursement des sommes indûment perçues.

La demande de restitution de l’indu est-elle recevable ?

La caisse d’allocations familiales a formulé une demande de restitution de l’indu sur le fondement des articles 1302 et 1302-1 du code civil, qui traitent de l’enrichissement sans cause.

L’article 1302 du code civil dispose que :

« Tout paiement indu est sujet à restitution. Celui qui a reçu par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû doit le restituer à celui de qui il l’a indûment reçu. »

Dans cette affaire, la cour a jugé que la demande de la caisse en répétition de l’indu était recevable, car elle était fondée sur des éléments de preuve suffisants.

La caisse a présenté des calculs démontrant que, sans la règle de neutralisation des ressources, les droits de Mme [L] auraient été minorés ou annulés.

Ainsi, la cour a confirmé la recevabilité de la demande de restitution de l’indu, condamnant Mme [L] à restituer la somme de 4.710,52 euros à la caisse.

Quelles sont les implications de l’article 700 du code de procédure civile dans cette affaire ?

L’article 700 du code de procédure civile permet à une partie de demander le remboursement de ses frais de justice. Cet article stipule que :

« La partie qui perd le procès peut être condamnée à payer à l’autre partie une somme au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. »

Dans le cadre de cette affaire, la cour a débouté les deux parties de leur demande au titre de l’article 700, ce qui signifie qu’aucune des parties n’a obtenu gain de cause concernant le remboursement de ses frais de justice.

Cela reflète la complexité de l’affaire et le fait que les deux parties ont vu leurs demandes rejetées, ce qui est relativement rare dans les litiges.

En conséquence, la caisse d’allocations familiales a été condamnée aux dépens, ce qui signifie qu’elle devra supporter les frais de la procédure, renforçant ainsi la notion de responsabilité dans le cadre des litiges administratifs.

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 88B

Chambre sociale 4-6

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 09 JANVIER 2025

N° RG 23/03132 – N° Portalis DBV3-V-B7H-WFSC

AFFAIRE :

CAISSE D’ALLOCATIONS FAMILIALES DES [Localité 3]

C/

[W] [L]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 18 Octobre 2023 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de Nanterre

N° RG : 19/01694

Copies exécutoires délivrées à :

Me Florence CHARLUET-MARAIS

Me Guillaume PERRIER de la SELARL GP AVOCAT

Copies certifiées conformes délivrées à :

CAISSE D’ALLOCATIONS FAMILIALES DES [Localité 3]

[W] [L]

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE NEUF JANVIER DEUX MILLE VINGT CINQ,

La cour d’appel de VERSAILLES, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

CAISSE D’ALLOCATIONS FAMILIALES DES [Localité 3]

[Adresse 1],

[Adresse 1]

Représentée par Me Florence CHARLUET-MARAIS de la SELARL GP AVOCAT avocat au barreau de PARIS vestiaire D1721

APPELANTE

****************

Madame [W] [L]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Guillaume PERRIER de la SELARL GP AVOCAT, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 761

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

L’affaire a été débattue le 22 Octobre 2024, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Nathalie COURTOIS, Présidente,

Madame Véronique PITE, Conseillère,

Madame Odile CRIQ, Conseillère,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Isabelle FIORE

FAITS ET PROCEDURE

Mme [W] [L], qui est traductrice-interprète pour l’Etat sous le statut de collaborateur occasionnel du service public, reçoit versement depuis 2013 de l’allocation de logement sociale servie par la caisse d’allocations familiales des [Localité 3], au bénéfice de la règle de neutralisation de ses ressources faute d’un chômage indemnisé.

Après contrôle, la caisse a calculé divers indus, pour lesquels, suite à mises en demeure des 2 octobre 2018 et 4 mars 2019, elle a décerné une contrainte le 16 juillet 2019, portant sur la somme de 5.450,32 euros.

Mme [L] ayant formé opposition, le tribunal judiciaire de Nanterre, par jugement du 18 octobre 2023, a :

Ecarté le moyen tiré de l’irrégularité de la contrainte eu égard à la nature de la dette

Déclaré prescrite l’action en paiement pour cause de forclusion,

Déclaré irrecevable la demande reconventionnelle en paiement pour cause de forclusion,

Annulé la contrainte en litige,

Débouté les deux parties de leur demande présentée au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamné la caisse d’allocations familiales des [Localité 3] aux dépens.

La caisse en a relevé appel, par déclaration du 3 novembre suivant formée par voie électronique.

L’affaire a été appelée à l’audience du 22 octobre 2024, à laquelle les parties étaient régulièrement convoquées.

Aux termes de ses écritures soutenues oralement, la caisse d’allocations familiales demande à la cour de :

Confirmer le jugement en ce qu’il a écarté le moyen tiré de l’irrégularité de la contrainte eu égard à la nature de la dette

L’infirmer en ce qu’il a déclaré prescrite l’action en paiement pour cause de forclusion et a ainsi annulé la contrainte

Statuant à nouveau,

Rejeter l’opposition formée par Mme [L],

La débouter de l’ensemble de ses demandes,

Valider la contrainte émise par ses soins, sinon condamner Mme [L] au paiement de la somme de 4.710,52 euros,

Condamner Mme [L] aux entiers dépens et à lui payer 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par ses écritures soutenues oralement, Mme [L] demande à la cour de :

Infirmer le jugement en ce qu’il a écarté le moyen tiré de l’irrégularité de la contrainte eu égard à la nature de la dette

Statuant à nouveau, 

Annuler la contrainte du 16 juillet 2019 en raison de l’absence de pouvoir du directeur de la caisse d’allocations familiales de délivrer une contrainte pour le recouvrement d’indu d’allocations de logement sociales

Juger irrecevable la demande subsidiaire adverse en restitution du trop-perçu,

En tout état de cause,

Confirmer le jugement en ce qu’il a déclaré prescrite l’action en paiement pour cause de forclusion et a ainsi annulé la contrainte

Annuler la contrainte du 16 juillet 2019 en raison de l’irrégularité de la procédure préalable de recouvrement de l’indu

Annuler la contrainte du 16 juillet 2019 en raison de l’absence de justification des sommes réclamées

Débouter la caisse d’allocations familiales de l’ensemble de ses demandes,

La condamner à lui verser 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter la charge des dépens.

Pour plus ample exposé des moyens des parties, il est expressément renvoyé, par application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, aux écritures susvisées et à la note d’audience.

MOTIFS

Sur la régularité de la procédure

Mme [L] conteste que le recouvrement de l’allocation de logement sociale puisse donner lieu à l’émission d’une contrainte, dont le champ est délimité par l’article L.161-1-5 du code de la sécurité sociale.

La caisse plaide la lettre du texte, en soulignant verser l’allocation litigieuse.

L’article L.161-1-5 du code de la sécurité sociale, dans sa version en vigueur jusqu’au 25 décembre 2016, dit que « pour le recouvrement d’une prestation indûment versée et sans préjudice des articles L.133-4 du présent code et L.725-3-1 du code rural et de la pêche maritime, le directeur d’un organisme de sécurité sociale peut, dans les délais et selon les conditions fixés par voie réglementaire, délivrer une contrainte qui, à défaut d’opposition du débiteur devant la juridiction compétente, comporte tous les effets d’un jugement et confère notamment le bénéfice de l’hypothèque judiciaire. »

Cependant, l’allocation de logement sociale, qui est une aide personnelle au logement liquidée et payée, pour le compte du Fonds national d’aide au logement, par les organismes chargés de gérer les prestations familiales, n’est pas au nombre des prestations susceptibles de donner lieu au recouvrement d’un indu par voie de contrainte par application du texte susvisé.

Il y a donc lieu d’annuler la contrainte décernée à Mme [L] pour un recouvrement de l’indu d’allocation de logement sociale afférente aux périodes du 1er août 2013 au 31 janvier 2014 à raison de 1.669,72 euros, du 1er mars 2014 au 31 janvier 2015 pour 3.393,02 euros et du 1er mai au 30 septembre 2016 pour 1.545 euros, par voie d’infirmation du jugement.

Sur la demande de restitution de l’indu

La caisse d’allocations familiales poursuit la répétition de l’indu sur le fondement des articles 1302 et 1302-1 du code civil.

Sur la recevabilité

Mme [L] estime que la procédure d’opposition à contrainte étant spécifique, ne donne aucune prérogative au juge pour statuer selon le droit commun et en conclut à l’irrecevabilité de la demande additionnelle de la caisse en répétition de l’indu, que celle-ci réfute puisque la cour est saisie d’une contestation de la dette.

Cependant, quoique l’article R.133-3 du code de la sécurité sociale organise une procédure propre d’opposition à contrainte, il ne s’en suit pas que le juge chargé d’en connaître, dont la compétence est fixée par l’article L.211-16 du code de l’organisation judiciaire, soit sans prérogative pour examiner les demandes additionnelles formées par les parties, puisque ses attributions touchent tant aux procédures spécifiques qu’au contentieux de droit commun relevant du contentieux de la sécurité sociale.

Dès lors, la demande formée par la caisse en répétition de l’indu est recevable, de ce motif.

Au contraire de la caisse qui plaide au visa des articles L.553-1 et L. 835-3 du code de la sécurité sociale, la fausse déclaration de l’allocataire confondue par les services fiscaux, étendant à 5 ans le délai de la prescription au reste interrompu par les retenues non contestées faites sur les prestations, les mises en demeure ou la contrainte, Mme [L], qui nie toute fausse déclaration, fait valoir la prescription de l’action prévue à l’article L.835-3 du code de la sécurité sociale, dont le délai de deux ans n’a pas été utilement interrompu.

Selon l’article L.835-3 du code de la sécurité sociale dans sa version alors en vigueur, « l’action de l’allocataire pour le paiement de l’allocation se prescrit par deux ans. Cette prescription est également applicable à l’action intentée par un organisme payeur en recouvrement de la prestation indûment payée, sauf en cas de fraude ou de fausse déclaration.

Tout paiement indu de l’allocation de logement est récupéré, sous réserve que l’allocataire n’en conteste pas le caractère indu, par retenues sur l’allocation à venir ou par remboursement intégral de la dette en un seul versement si l’allocataire opte pour cette solution. A défaut, l’organisme payeur peut, dans des conditions fixées par décret, procéder à la récupération de l’indu par retenues sur les échéances à venir dues soit au titre des prestations familiales mentionnées à l’article L.511-1, soit au titre de l’aide personnalisée au logement mentionnée à l’article L.351-1 du code de la construction et de l’habitation, soit au titre des prestations mentionnées au titre II du livre VIII du présent code, soit au titre du revenu de solidarité active mentionné à l’article L.262-1 du code de l’action sociale et des familles, tel qu’il résulte de la loi n°2008-1249 du 1er décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d’insertion. [après le 1er janvier 2016, le texte est adapté aux évolutions des prestations]

(‘) La prescription est interrompue tant que l’organisme débiteur des prestations familiales se trouve dans l’impossibilité de recouvrer l’indu concerné en raison de la mise en ‘uvre d’une procédure de recouvrement d’indus relevant des articles L. 553-2, L. 821-5-1, L.835-3 [depuis le 1er janvier 2016 : « ou L. 845-3 du code de la sécurité sociale »], L. 262-46 du code de l’action sociale et des familles ou L. 351-11 du code de la construction et de l’habitation », l’article L.835-4 précisant que les différends liés à l’allocation logement sont réglés conformément aux dispositions concernant le contentieux général de la sécurité sociale.

Cela étant, alors que la caisse lui reproche de n’avoir pas déclaré ses périodes d’activité, Mme [L], qui reconnait durant les périodes litigieuses avoir travaillé comme agent non contractuel de l’Etat, n’établit pas l’avoir signalé à la caisse dans le détail requis.

En effet, étant précisé que selon l’article R.831-6 du code de la sécurité sociale, les ressources retenues sont celles perçues pendant l’année civile de référence qui est l’avant-dernière année précédant la période de paiement, à la lettre de la caisse du 20 février 2014 l’interrogeant sur ses ressources, l’intimée répond avoir perçu au titre de vacations la somme de 19.982 euros en 2012, mais depuis le 1er janvier 2013, être en « recherche d’emploi depuis le : date inchangée ».

A la même demande faite le 29 décembre 2015, elle prétendit avoir perçu 1.000 euros de ses missions ponctuelles, et être chômeur en recherche d’emploi, l’année 2015, sans percevoir « aucune somme de chômage ou allocation ».

Il est constant qu’elle bénéficiait alors de la règle de la neutralisation des ressources prévue à l’article R.532-7 du code de la sécurité sociale auquel renvoie l’article R.831-14 disant qu’en cas de chômage total depuis au moins deux mois consécutifs sans indemnisation, il n’est pas tenu compte des revenus d’activité professionnelle perçus par l’intéressé durant l’année civile de référence, et ce pour ajuster l’aide au revers de fortune subit de l’administré. Il est donc acquis aux débats qu’elle s’était ainsi présentée, sur l’ensemble de ces périodes.

Enfin, le 23 janvier 2018, elle indiqua avoir perçu 8.408 euros et à titre de BNC « non professionnel », 46.891 euros l’année 2016.

Cela étant, elle déclarait auprès des services fiscaux avoir perçu un revenu imposable de 31.268 euros en 2013, 29.695 euros en 2014, hors pension alimentaire.

Le ministère de la justice attestait du versement de 66.167,68 euros nets en 2016, à son profit.

Or, le redressement ensuite entrepris résulte essentiellement de l’évincement de la règle de la neutralisation des ressources.

Ainsi, il importe peu, comme elle le prétend, qu’elle fut payée avec retard sans au reste en justifier, d’autant que les ressources prises en considération pour la liquidation de l’allocation s’entendent du total des revenus catégoriels nets soumis à l’impôt sur le revenu qui sont les revenus dont le redevable dispose une année donnée.

Au contraire, il est acquis qu’elle n’avisa pas la caisse des changements survenus au cours de la période de paiement conformément à l’article R.831-12 du code de la sécurité sociale.

Au demeurant, son activité aurait-elle été irrégulière sans lui ouvrir droit à l’allocation-chômage, elle exerçait néanmoins une activité professionnelle continue générant un revenu, qu’elle ne déclara pas comme telle puisqu’elle se présentait, pour l’année en cours, comme chômeuse, ne laissant à la caisse la connaissance complète de sa situation dont elle ne révélait qu’un aspect.

De cette dichotomie non contestée dans son principe se déduit que Mme [L] fit, chaque année, une fausse déclaration auprès de la caisse.

Dès lors, c’est à tort que le 1er juge retint la prescription biennale du moment que la déclaration faite par l’intéressée ne permettait pas à la caisse d’appréhender les éléments du redressement ensuite entrepris, qui résultaient d’un rapprochement de données détenues par un tiers lui révélant la persistance de l’activité.

Ce faisant, l’article 2224 du code civil énonce que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

Le délai de prescription commence à courir à la date à laquelle le caractère indu des paiements a été révélé à l’organisme payeur.

Les parties ne discutant pas précisément du point de départ du délai, il convient de retenir les dates des courriers de notification des indus, soit successivement pour chaque période, les 28 juillet 2015, 26 février 2016 et 22 mai 2018.

Ensuite, il est de droit qu’une réclamation adressée par lettre recommandée avec avis de réception par un organisme de sécurité sociale à un assuré à l’effet de lui demander le remboursement d’un trop perçu vaut commandement interruptif de prescription au sens de l’article 2244 du code civil, dès lors qu’il est constant qu’elle est parvenue au destinataire.

Par ailleurs, l’article L.133-4-6 du code de la sécurité sociale, applicable en la cause, énonce que la prescription est interrompue par les causes énoncées par le code civil mais aussi peut résulter, en cette matière, de l’envoi d’une lettre recommandée avec avis de réception, quels qu’en aient été les modes de délivrance.

Mme [L] a reçu la mise en demeure par lettre recommandée avec avis de réception du 2 octobre 2018 portant sur les notifications des 28 juillet 2015 et 26 février 2016.

La caisse lui a ensuite adressé aux mêmes coordonnées une mise en demeure par lettre recommandée avec avis de réception du 4 mars 2019, portant sur la notification du 22 mai 2018.

Par ailleurs, la caisse a formé sa demande le 6 septembre 2023, devant le tribunal judiciaire.

Son action n’est donc pas prescrite pour l’ensemble des créances réclamées.

Le jugement sera infirmé dans son expression contraire.

Sur le mérite de l’action

Sur l’irrégularité de la procédure de recouvrement de l’indu

Au contraire de la caisse, Mme [L] conteste avoir reçu aucune notification d’avoir à payer l’indu à laquelle oblige l’article R.133-9-2 du code de la sécurité sociale, et en déduit que les actes subséquents sont nuls. Elle estime les preuves rapportées par la caisse insuffisantes, et dépourvues des mentions obligatoires.

Cependant, les mentions prescrites à l’article R.133-9-2 du code de la sécurité sociale, qui concernent spécifiquement la procédure de la contrainte ne sont pas applicables au recouvrement poursuivi par le créancier sur le fondement du droit commun.

Sur le montant de l’indu

Mme [L] conteste que la caisse établisse la réalité de l’indu, faute d’aucun calcul, ce que dément la caisse.

Celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû doit le restituer à celui de qui il l’a indûment reçu.

Il appartient à celui qui plaide l’indu d’en administrer la preuve.

En l’occurrence, la caisse verse aux débats le résultat de son calculateur chaque année laissant voir que sans la règle de la neutralisation des ressources, leur prise en compte minorait les droits de Mme [L] ou les annihilait.

Ces éléments ainsi présentés, qui ne sont pas critiqués dans le détail et qui sont basés sur les revenus déclarés de l’assurée ainsi rectifiés, justifient suffisamment l’indu en ses principe et montant.

Mme [L] sera condamnée au paiement réclamé par voie d’infirmation du jugement, en quittances et deniers pour tenir compte des paiements effectués.

PAR CES MOTIFS

La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement dans toutes ses dispositions ;

Annule la contrainte décernée le 16 juillet 2019 par la caisse d’allocations familiales des [Localité 3] ;

Dit recevable l’action en répétition de l’indu ;

Condamne Mme [L] à restituer à la caisse d’allocations familiales des [Localité 3] la somme de 4.710,52 euros arrêtée à ce jour, en quittances et deniers ;

La condamne à payer à la caisse d’allocations familiales des [Localité 3] la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

La condamne aux entiers dépens.

Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Nathalie COURTOIS, Présidente, et par Madame Isabelle FIORE, Greffière, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.

La Greffière La Présidente


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