Conditions d’accès à la profession d’avocat : évaluation des qualifications et de l’expérience professionnelle.

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Conditions d’accès à la profession d’avocat : évaluation des qualifications et de l’expérience professionnelle.

L’Essentiel : Mme [B] [N], âgée de 68 ans, possède un parcours académique impressionnant, avec des diplômes en sciences, arts, droit et médiation. Après une expérience d’interprète aux États-Unis, elle a exercé dans des cabinets d’avocats en France. De 1996 à 2011, elle a été traductrice juridique et scientifique, avant de travailler en entreprise jusqu’en 2019. À la retraite depuis décembre 2023, elle a demandé son inscription au barreau de Toulouse, mais sa candidature a été rejetée en mars 2024 pour insuffisance d’expérience. Mme [N] a interjeté appel, mais la cour a confirmé le rejet de sa demande.

Présentation de Mme [B] [N]

Mme [B] [N], âgée de 68 ans, possède un parcours académique riche, incluant un DEUG en sciences des structures et de la matière, une licence en arts, lettres et langues, une maîtrise en droit, un diplôme universitaire de médiateur et un diplôme en droit animalier. Après avoir travaillé comme interprète bilingue aux États-Unis, elle est rentrée en France en 1992, où elle a exercé dans des cabinets d’avocats et de propriété intellectuelle pendant environ quinze ans.

Carrière professionnelle

De 1996 à 2011, Mme [N] a exercé en tant que traductrice juridique et scientifique en profession libérale, tout en revenant au salariat en 1997. Elle a ensuite occupé divers postes en entreprise de 2012 à 2019. À la retraite depuis décembre 2023, elle a demandé son inscription au barreau de Toulouse en décembre 2023, en se basant sur l’article 98 du décret du 27 novembre 1991.

Rejet de la demande d’inscription

Le conseil de l’ordre des avocats du barreau de Toulouse a rejeté sa demande le 19 mars 2024, arguant qu’elle ne justifiait pas d’une expérience suffisante en tant que juriste d’entreprise. Mme [N] a interjeté appel de cette décision le 23 avril 2024, demandant l’infirmation de la décision et son inscription au barreau, sous condition de réussite d’un examen.

Arguments des parties

Dans ses conclusions, le conseil de l’ordre a soutenu que Mme [N] ne remplissait pas les conditions requises par le décret de 1991. Le délégué de la bâtonnière a précisé que la candidature avait été examinée selon les critères stricts de la profession d’avocat. Le ministère public a également conclu à la confirmation de la décision, soulignant que les conditions pour déroger au cadre strict n’étaient pas remplies.

Analyse de l’expérience professionnelle

Mme [N] a revendiqué une expérience en tant que juriste salariée d’avocat et juriste d’entreprise. Cependant, le conseil de l’ordre a noté qu’elle n’avait pas justifié de huit ans de pratique professionnelle en tant que juriste salariée d’avocat après l’obtention de sa maîtrise. De plus, elle a reconnu avoir travaillé seulement 52,5 mois en tant que juriste d’entreprise, ce qui ne satisfait pas aux exigences de durée.

Décision finale

La cour a confirmé la décision du conseil de l’ordre des avocats du barreau de Toulouse, rejetant la demande d’inscription de Mme [N] au barreau. Elle a été condamnée aux dépens, sans qu’il soit nécessaire d’examiner en détail ses activités professionnelles passées.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions d’inscription au barreau selon l’article 98 du décret du 27 novembre 1991 ?

L’article 98 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 précise les conditions d’inscription au barreau pour les juristes.

Il stipule que sont dispensés de la formation théorique et pratique et du certificat d’aptitude à la profession d’avocat :

– Les juristes salariés d’un avocat, d’une association ou d’une société d’avocats, d’un office d’avoué ou d’avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, justifiant de huit ans au moins de pratique professionnelle en cette qualité postérieurement à l’obtention du titre ou diplôme mentionné au 2° de l’article 11 de la loi du 31 décembre 1971.

– Les juristes d’entreprise justifiant de huit ans au moins de pratique professionnelle au sein du service juridique d’une ou plusieurs entreprises.

Ces conditions sont strictes et visent à garantir que seuls les candidats ayant une expérience significative et pertinente dans le domaine juridique puissent accéder à la profession d’avocat.

Pourquoi la demande de Mme [N] a-t-elle été rejetée par le conseil de l’ordre ?

La demande de Mme [N] a été rejetée par le conseil de l’ordre des avocats du barreau de Toulouse pour plusieurs raisons.

Premièrement, concernant sa qualité de juriste salariée d’avocat, l’article 98 6° du décret du 27 novembre 1991 exige que le candidat justifie de huit ans de pratique professionnelle en tant que juriste salarié d’un avocat après l’obtention d’une maîtrise en droit.

Mme [N] a obtenu sa maîtrise en octobre 2012, mais elle n’a pas exercé dans un cabinet d’avocats après mai 2010.

Ainsi, elle ne remplit pas la condition de durée requise.

Deuxièmement, en ce qui concerne sa qualité de juriste d’entreprise, l’article 98 3° du même décret stipule que le candidat doit justifier de huit ans de pratique professionnelle au sein d’une entreprise.

Or, Mme [N] a seulement travaillé 52,5 mois, soit environ 4 ans et 5 mois, dans des sociétés, ce qui ne satisfait pas à cette exigence.

Quels sont les articles de loi pertinents concernant l’accès à la profession d’avocat ?

Les articles de loi pertinents concernant l’accès à la profession d’avocat incluent principalement l’article 98 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 et l’article 11 de la loi du 31 décembre 1971.

L’article 11 2° de la loi du 31 décembre 1971 précise que nul ne peut accéder à la profession d’avocat s’il n’est pas titulaire d’au moins une maîtrise en droit ou de titres ou diplômes reconnus comme équivalents.

Cela signifie que la formation académique est un prérequis essentiel pour l’accès à la profession.

L’article 98, quant à lui, établit les conditions spécifiques de dispense de formation pour les juristes salariés et les juristes d’entreprise, soulignant l’importance de l’expérience professionnelle dans le domaine juridique.

Ces articles forment le cadre légal qui régit l’accès à la profession d’avocat en France.

10/01/2025

ARRÊT N°

N° RG 24/01421 – N° Portalis DBVI-V-B7I-QFYN

AD/CI

Décision déférée du 19 Mars 2024 – Conseil de l’ordre des avocats de TOULOUSE –

[B] [N]

C/

CONSEIL DE L ORDRE DES AVOCATS AU BARREAU DE TOULOUSE

Association ORDRE DES AVOCATS DU BARREAU DE TOULOUSE

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

Sixieme Chambre – Première Présidence

***

ARRÊT DU DIX JANVIER DEUX MILLE VINGT CINQ

***

APPELANTE

Madame [B] [N]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Comparante

INTIMES

Conseil de l’Ordre des avocats au barreau de Toulouse

Maison de l’Avocat

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Simon ARHEIX, avocat au barreau de Toulouse

Ordre des Avocats du barreau de Toulouse

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Thomas NECKEBROECK, avocat au barreau de Toulouse

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 25 Octobre 2024 en audience publique, devant la Cour composée de :

Président : A. DUBOIS

Assesseur : A. MAFFRE

: V. CHARLES-MEUNIER

: I. MOLLEMEYER

: S. GAUMET

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : C. IZARD

MINISTERE PUBLIC :

Représenté lors des débats par Laëtitia BRUNIN, avocat général, qui a fait connaître son avis.

ARRET :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile

– signé par A. DUBOIS, président, et par C. IZARD, greffier de chambre.

FAITS ‘ PROCÉDURE ‘ PRÉTENTIONS :

Mme [B] [N], aujourd’hui âgée de 68 ans, est titulaire d’un DEUG de sciences des structures et de la matière depuis 1979, d’une licence arts, lettres et langues spécialité allemand depuis 2011, d’une maîtrise de droit obtenue en juin 2012, d’un diplôme universitaire de médiateur passé en 2020 et d’un diplôme universitaire en droit animalier obtenu en 2023.

Après avoir exercé en tant qu’interprète bilingue pendant 12 ans aux Etats-Unis, elle est rentrée en France en 1992 et a travaillé à [Localité 7] en intérim dans des cabinets d’avocats et de propriété intellectuelle pendant une quinzaine d’années.

De 1996 à 2011, elle a entamé une carrière de traductrice juridique et scientifique en profession libérale.

En 1997, tout en conservant cette activité de manière secondaire jusqu’en juillet 2011, elle est retournée au salariat.

Elle a ensuite exercé des fonctions en entreprise à compter de 2012 jusqu’en 2019.

A la retraite depuis le 1er décembre 2023, elle a sollicité son inscription au barreau de Toulouse sur le fondement de l’article 98 du décret du 27 novembre 1991, le 26 décembre 2023.

Par délibération du 19 mars 2024, le conseil de l’ordre des avocats du barreau de Toulouse a rejeté sa demande au motif qu’en ses qualités de secrétaire et assistante juridique, elle ne justifiait pas avoir exercé en tant que juriste d’entreprise.

Mme [N] a interjeté appel de cette décision par courrier recommandé avec accusé de réception adressé le 23 avril 2024.

Dans ses dernières conclusions reçues au greffe le 22 octobre 2024, soutenues oralement à l’audience du 25 octobre 2024, auxquelles il conviendra de se référer pour l’exposé des moyens en application de l’article 455 du code de procédure civile, elle demande à la cour de :

– infirmer en toutes ses dispositions la décision entreprise,

– rejeter les demandes et prétentions du conseil de l’ordre des avocats au barreau de Toulouse,

– ordonner son inscription au tableau du barreau de Toulouse, sous condition de réussite de l’examen prévu à l’article 98-1 n°91-1197 du 27 novembre 1991,

– condamner le conseil de l’ordre des avocats aux entiers dépens.

Dans ses conclusions notifiées le 10 septembre 2024 soutenues oralement à l’audience et auxquelles il convient de se référer en application de l’article 455 du code de procédure civile, le conseil de l’ordre demande à la cour de :

– juger que Mme [N] ne satisfait pas aux conditions posées par l’article 98 3° et 6° du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991,

– en conséquence,

– confirmer en toutes ses dispositions la délibération prise par la formation restreinte du conseil de l’ordre des avocats au barreau de Toulouse du 2 avril 2024,

– condamner Mme [N] aux entiers dépens.

Invité à présenter ses observations par application des articles 16 et 102 du décret du 27 novembre 1991, le délégué de la bâtonniere a indiqué à l’audience que la candidature de Mme [N] a été appréciée au regard des conditions strictes imposées par le décret de 1991 pour intégrer la profession réglementée d’avocat et que l’intéressée a pu faire valoir ses observations en toute transparence après avoir été convoquée par l’ordre et reçu le rapport dressé par le rapporteur chargé d’étudier son dossier.

Le ministère public a conclu oralement à la confirmation de la décision entreprise en faisant valoir que les conditions exigées par les 3° et 6° de l’article 98 du décret du 27 novembre1991 pour permettre de déroger au cadre strict de la profession réglementée ne sont pas remplies faute du diplôme requis quand l’appelante était salariée en cabinet d’avocat et faute d’exercice pendant 8 ans de la qualité de juriste en entreprise.

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SUR CE :

Il sera liminairement rappelé qu’en application de l’article 563 du code de procédure civile, les parties peuvent invoquer en appel des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves.

Mme [N] se prévaut à la fois de la qualité de juriste salarié d’avocat et de juriste d’entreprise .

Sur la qualité de juriste salariée d’avocat :

Selon l’article 98 6° du décret du 27 novembre 1991, sont dispensés de la formation théorique et pratique et du certificat d’aptitude à la profession d’avocat les juristes salariés d’un avocat, d’une association ou d’une société d’avocats, d’un office d’avoué ou d’avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, justifiant de huit ans au moins de pratique professionnelle en cette qualité postérieurement à l’obtention du titre ou diplôme mentionné au 2° de l’article 11 de la loi du 31 décembre 1971.

Cet article 11 2° de la loi du 31 décembre 1971 précise notamment que nul ne peut accéder à la profession d’avocat s’il n’est pas titulaire d’au moins une maîtrise en droit ou de titres ou diplômes reconnus comme équivalents pour l’exercice de la profession par arrêté conjoint du Garde des sceaux, ministre de la justice, et du ministre chargé des universités.

En l’espèce, Mme [N] se prévaut de la qualité de juriste salariée d’avocat depuis son retour en France en 1992 et son entrée au cabinet Bernard Grossin et associés (août 1993 – août 1994) puis de ses différentes missions d’intérim dans les cabinets Sokolow Dunaud Mercadier et Carreras (décembre 1994 – août 1995 et juin 1997 – janvier 1998), Regimbeau (septembre 1995 – novembre 1995), Veil Armfelt Jourde La Garancerie (mars 1998 – décembre 1998) et enfin de son CDI au sein de cabinet Gide [Localité 5] Nouel de mai 1999 à mai 2010.

Elle précise qu’après avoir quitté ce dernier cabinet en 2010, elle a entrepris une validation d’acquis d’expérience (VAE) auprès de l’université de [Localité 8] et qu’après avoir soumis un mémoire exhaustif sur son expérience professionnelle, elle a été admise en troisième année de licence de droit juriste linguiste anglais allemand à la rentrée universitaire de 2010.

Elle considère que cette validation certifie que les tâches qu’elle a exercées au cours de ses 15 années en cabinets d’avocats et en cabinets de propriété intellectuelle sont des tâches juridiques et non celles exercées par un secrétaire ou assistant, lesquelles ne lui auraient jamais permis d’obtenir cette validation.

Elle en déduit que dans le cadre de son pouvoir souverain d’appréciation, la cour peut retenir que l’expérience professionnelle en cabinet d’avocats validée par une autorité administrative avant l’obtention du diplôme requis peut être prise en compte.

Cependant, comme le fait remarquer justement le conseil de l’ordre, la validation de ses acquis en 2010 ne lui a pas permis d’obtenir une maîtrise mais seulement un diplôme d’études universitaires générales (DEUG) l’autorisant à rentrer en 3e année de licence et ce n’est qu’en octobre 2012 que l’université [6] lui a délivré sa maîtrise de droit.

Il en résulte que ses années de travail dans des cabinets d’avocats antérieures à octobre 2012 ne peuvent être retenues, étant observé que l’appelante n’a plus travaillé dans un cabinet d’avocats après mai 2010 et qu’elle a exercé au sein d’entreprises à compter de mars 2012.

En conséquence, Mme [N] qui ne justifie pas de huit ans au moins de pratique professionnelle en tant que juriste salariée de société d’avocats postérieurement à l’obtention de sa maîtrise ne remplit pas les conditions imposées par l’article 98 6° précité.

Sur la qualité de juriste d’entreprise :

L’article 98 3° du décret du 27 novembre 1991 dispense également de la formation théorique et pratique et du certificat d’aptitude à la profession d’avocat les juristes d’entreprise justifiant de huit ans au moins de pratique professionnelle au sein du service juridique d’une ou plusieurs entreprises.

En l’espèce, Mme [N] reconnaît elle-même qu’elle a travaillé en tout et pour tout 52,5 mois soit 4 ans et 5 mois dans les sociétés Geostock (avril 2012 – octobre 2012), Novagraaf (mars 2014 – septembre 2014), SB Alliance (février 2015 – juin 2015), Weinstein (janvier 2016 – avril 2016) et SPS (avril 2016 – janvier 2019).

La condition de durée imposée par l’article sus-visée n’est donc pas remplie.

Par conséquent la délibération entreprise sera confirmée sans qu’il soit besoin de procéder à une analyse détaillée des activités exercées tout au long de ses années de travail à [Localité 7] par l’appelante dont le mérite et les qualités professionnelles ne sont aucunement mis en cause.

Mme [N] qui succombe, sera condamnée aux dépens.

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PAR CES MOTIFS

Statuant par décision contradictoire, après débats en chambre du conseil,

CONFIRME la décision du conseil de l’ordre des avocats du barreau de Toulouse du 19 mars 2024 rejetant la demande de Mme [B] [N] tendant à être admise au barreau de Toulouse sous le bénéfice de la dispense de formation prévue à l’article 98 du décret du 27 novembre 1991,

CONDAMNE Mme [B] [N] aux dépens.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

C. IZARD A. DUBOIS


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