Honoraires d’avocat : enjeux de la contestation et abus de droit dans la défense des intérêts.

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Honoraires d’avocat : enjeux de la contestation et abus de droit dans la défense des intérêts.

L’Essentiel : M. [F] [E] a contesté les honoraires de M. [Z] [B], avocat, auprès du bâtonnier, qui a fixé les honoraires à 13 875,28 € TTC et condamné M. [Z] [B] à rembourser 45 804,72 € pour sommes indûment perçues. M. [Z] [B] a interjeté appel, mais l’affaire a été radiée. M. [F] [E] a demandé la confirmation de l’ordonnance, ainsi que des dommages pour préjudice moral et financier. La cour a rejeté cette demande, rappelant que la contestation des honoraires ne permet pas d’allouer de tels dommages. La décision du bâtonnier a été confirmée dans son intégralité.

Confiance et Contestation des Honoraires

M. [F] [E] a engagé M. [Z] [B], avocat, pour le représenter dans des procédures de recouvrement de créances. Le 2 août 2022, M. [F] [E] a contesté les honoraires de M. [Z] [B] auprès du bâtonnier du barreau des Hauts-de-Seine.

Décision du Bâtonnier

Le 1er décembre 2022, le bâtonnier a fixé les honoraires dus à M. [Z] [B] à 13 875,28 € TTC et a condamné ce dernier à rembourser 45 804,72 € TTC pour des sommes indûment perçues, ainsi qu’à verser 3 000 € en vertu de l’article 700 du code de procédure civile. Cette décision a été notifiée par lettre recommandée.

Recours de M. [Z] [B]

M. [Z] [B] a interjeté appel de cette ordonnance, avec une lettre reçue le 17 janvier 2023. Après plusieurs renvois, l’affaire a été radiée le 18 juin 2024.

Rétablissement de l’Affaire

M. [F] [E] a demandé le rétablissement de l’affaire et a cité M. [Z] [B] à l’audience du 13 novembre 2024. La citation n’a pas pu être délivrée, entraînant l’établissement d’un procès-verbal.

Prétentions de M. [F] [E]

M. [F] [E] a demandé la confirmation de l’ordonnance du 1er décembre 2022, le paiement de 45 804,72 € TTC avec intérêts, 50 000 € pour préjudice moral et financier, 10 000 € pour procédure abusive, et 5 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Arguments de M. [F] [E]

Il a soutenu que M. [Z] [B] n’avait traité qu’un dossier sur trois et que ses prétentions de 70 rendez-vous et 100 heures de travail n’étaient pas justifiées. M. [Z] [B] avait encaissé un total de 59 680 € TTC, ce qui a conduit M. [F] [E] à se retrouver en difficulté financière.

Rejet de la Demande de Dommages-Intérêts

La cour a rappelé que la procédure de contestation des honoraires ne permet pas d’allouer des dommages-intérêts pour préjudice moral et financier, car cela relève d’une autre juridiction.

Honoraires et Convention

Les honoraires doivent être discutés librement et faire l’objet d’une convention. Bien qu’une convention ait été mentionnée, elle n’a pas été produite. La décision du bâtonnier a donc été confirmée, fixant les honoraires à 13 875,28 € TTC.

Intérêts Moratoires

La cour a retenu que M. [B] avait eu connaissance de la décision du bâtonnier le 15 décembre 2022, date à partir de laquelle les intérêts au taux légal commenceront à courir.

Procédure Abusive

M. [Z] [B] a été reconnu coupable d’avoir engagé un appel dilatoire, n’ayant pas justifié son absence et ayant changé d’adresse sans en informer la cour. Il a été condamné à verser 5 000 € à M. [F] [E] pour dommages-intérêts.

Frais de Procès

M. [Z] [B] a été condamné aux dépens et à verser 2 000 € à M. [F] [E] au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Conclusion de la Décision

La cour a confirmé l’ordonnance du bâtonnier dans son intégralité, y compris les condamnations financières, et a ordonné la notification de la décision aux parties.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les règles applicables concernant la contestation des honoraires d’un avocat ?

La contestation des honoraires d’un avocat est régie par la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, notamment son article 10, qui stipule que :

« Les honoraires de l’avocat sont librement discutés avec son client. Ils doivent faire l’objet d’une convention d’honoraires. »

Cette convention, en vertu de l’article 1134 du Code civil, est revêtue de la force obligatoire attachée à tout acte juridique.

Il est important de noter que même si une convention d’honoraires existe, le juge a le pouvoir de réduire les honoraires convenus si ceux-ci apparaissent exagérés au regard du service rendu.

Dans le cas présent, bien qu’une convention d’honoraires ait été mentionnée, elle n’a pas été versée au dossier, ce qui a conduit à la confirmation de la décision du bâtonnier.

Quels sont les critères pour la demande de dommages-intérêts pour préjudice moral et financier ?

La demande de dommages-intérêts pour préjudice moral et financier dans le cadre d’une contestation des honoraires d’un avocat est limitée par la nature de la procédure.

En effet, la cour statuant sur appel des décisions rendues par le bâtonnier de l’Ordre des Avocats n’a pas compétence pour statuer sur d’éventuelles négligences ou fautes de l’avocat.

Cela est conforme aux dispositions de la loi du 31 décembre 1971, qui précise que :

« La procédure spécifique de contestation des honoraires est limitée à la fixation des honoraires. »

Ainsi, toute demande de dommages-intérêts pour préjudice moral et financier ne peut être accueillie dans ce cadre, ce qui a conduit au rejet de la demande de M. [F] [E].

Comment sont calculés les intérêts moratoires dans le cadre d’une décision sur les honoraires ?

Les intérêts moratoires sont régis par le Code civil et peuvent être fixés par le juge.

Dans le cas présent, il a été établi que M. [B] avait connaissance de la décision du bâtonnier le 15 décembre 2022.

Ainsi, cette date a été retenue comme point de départ des intérêts au taux légal.

L’article 1231-6 du Code civil précise que :

« Les intérêts courent de plein droit à compter de la mise en demeure, sauf disposition contraire. »

Dans cette affaire, la décision du bâtonnier a donc produit des intérêts à compter de cette date, conformément à la jurisprudence.

Quelles sont les conséquences d’un appel jugé abusif ou dilatoire ?

L’article 559 du Code de procédure civile stipule que :

« En cas d’appel principal dilatoire ou abusif, l’appelant peut être condamné à une amende civile d’un maximum de 10.000 €, sans préjudice des dommages-intérêts qui lui seraient réclamés. »

Il est important de noter que toute faute qui fait dégénérer en abus le droit d’agir en justice ouvre droit à réparation.

Dans cette affaire, M. [B] a engagé un appel non motivé, n’a pas comparu devant le bâtonnier et a manifestement changé d’adresse sans en informer la cour.

Ces éléments ont conduit à la conclusion que son action était dilatoire, justifiant ainsi la condamnation à des dommages-intérêts.

Quelles sont les implications des frais de procès et des dépens dans cette affaire ?

Les frais de procès et les dépens sont régis par le Code de procédure civile.

En vertu de l’article 696, il est précisé que :

« La partie qui succombe est condamnée aux dépens. »

Dans cette affaire, M. [B] a été condamné aux dépens, ce qui signifie qu’il doit supporter les frais engagés par M. [F] [E] dans le cadre de la procédure.

De plus, il a été décidé que M. [B] devait également payer une somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, qui permet au juge d’allouer une somme à la partie gagnante pour couvrir ses frais non compris dans les dépens.

COUR D’APPEL

DE VERSAILLES

Chambre civile 1-7

Code nac : 56B

N° RG 24/06290 – N° Portalis DBV3-V-B7I-WYWR

Du 08 Janvier 2025

Copies

délivrées le :

à :

M. [E] ccc

Me BEN ECHEYKH exe

Me [B] ccc

Bât 92 ccc

ORDONNANCE

LE NEUF JANVIER DEUX MILLE VINGT CINQ

prononcé par mise à disposition au greffe,

Nous, Nathalie BOURGEOIS-DE RYCK, Première présidente de chambre à la cour d’appel de VERSAILLES, déléguée par ordonnance de monsieur le premier président pour statuer en matière de contestations d’honoraires et de débours relatifs à la profession d’avocat ; vu les articles 176 et 178 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, assistée de Rosanna VALETTE, Greffière, avons rendu l’ordonnance suivante :

ENTRE :

Monsieur [F] [E]

né le 24 Avril 1947 à [Localité 5]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représenté par Me Yasmina BEN ECHEYKH, avocat au barreau de PARIS

DEMANDEUR

ET :

Maître [Z] [B]

[Adresse 1]

[Localité 3]

non comparant

DEFENDEUR

à l’audience publique du 13 Novembre 2024 où nous étions Nathalie BOURGEOIS-DE RYCK, Première présidente de chambre assistée de Mohamed EL GOUZI, Greffier, avons indiqué que notre ordonnance serait rendue le 08 janvier 2025 puis le délibéré a été prorogé à ce jour ;

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

M. [F] [E] a confié à M. [Z] [B], avocat au barreau des Hauts-de-Seine, la défense de ses intérêts dans le cadre de procédures de recouvrement de créances.

M. [F] [E] a saisi le bâtonnier du barreau des Hauts-de-Seine d’une contestation des honoraires de M. [Z] [B] le 2 août 2022.

Par ordonnance du 1er décembre 2022, le bâtonnier de l’ordre des avocats du barreau des Hauts-de-Seine a fixé les honoraires dus par M. [F] [E] à M. [Z] [B], avocat de ce barreau, à la somme de 13 875,28 € TTC, a condamné M. [Z] [B] à payer à M. [F] [E] la somme de 45 804,72 euros TTC au titre des sommes indûment perçues et l’a condamné à lui payer la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Cette décision a été notifiée par lettre recommandée avec avis de réception à une date inconnue de la juridiction.

M. [Z] [B] a formé un recours contre cette ordonnance par lettre recommandée avec accusé de réception, reçue le 17 janvier 2023.

Après plusieurs renvois, l’affaire a été radiée par décision du 18 juin 2024.

M. [F] [E] a saisi la juridiction du premier président aux fins de rétablissement de l’affaire et a fait citer M. [Z] [B] à l’audience du 13 novembre 2024.

La citation n’a pu être délivrée à M. [B] et un procès-verbal 659 du Code de Procédure Civile a été établi.

A l’audience, M. [F] [E], représenté, s’en est rapporté à ses conclusions écrites.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

M. [Z] [B] ne soutient pas son appel.

M. [F] [E], demande par conclusions reprises à l’audience, la confirmation de l’ordonnance du 1er décembre 2022, la condamnation de l’appelant à lui verser la somme de 45 804,72 euros TTC augmentée des intérêts au taux légal à compter du 1er décembre 2022, sa condamnation au paiement de la somme de 50 000 euros au titre du préjudice moral et financier, sa condamnation à la somme de 10 000 euros de dommages et intérêts compte tenu du caractère abusif et dilatoire de l’appel et sa condamnation au paiement de la somme de 5000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Il explique que l’appelant n’a traité qu’un dossier sur les trois confiés. Il a prétendu avoir eu 70 rendez-vous avec lui, des échanges téléphoniques, des recherches pour environ 100 heures ce qui n’est pas justifié. Il a adressé une facture de 6000 euros TTC et il a encaissé la somme totale de 59 680 euros TTC. Il justifie la demande de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts du fait de l’absence de diligences et qu’il est de ce fait en grande difficulté financière. Enfin M. [B] n’a jamais conclu, produit de pièces et a demandé le renvoi ce qui caractérise un appel abusif.

Il convient de se reporter aux conclusions de M. [E] pour un plus ample exposé des moyens et prétentions.

SUR CE,

Sur la demande de dommages intérêts pour préjudice moral et financier

Il est rappelé que la procédure spécifique de contestation des honoraires est limitée à la fixation des honoraires.

Il convient également de rappeler que la cour statuant sur appel des décisions rendues par le Bâtonnier de l’Ordre des Avocats, n’a pas compétence pour statuer sur d’éventuelles négligences ou faute de nature à engager le cas échéant, la responsabilité de l’avocat et ne peut donc pas allouer d’éventuels dommages et intérêts sur ce fondement conformément aux dispositions de la loi du 31 décembre 1971 (loi n° 71-1130). L’existence d’une éventuelle responsabilité professionnelle de l’avocat est jugée par une chambre destinée à ce contentieux au sein de la cour d’appel.

Ainsi la demande de dommages intérêts pour préjudice moral et financier ne peut qu’être rejetée.

Sur les honoraires

Les honoraires de l’avocat sont librement discutés avec son client (Loi n°71-1130 du 31 déc. 1971, art. 10, al. 1er, mod. L. no 91-647, 10 juill. 1991, art. 72) et ils doivent faire l’objet d’une convention d’honoraires qui, en vertu de l’article 1134 du code civil, est revêtue de la force obligatoire attachée à tout acte juridique.

L’existence d’une convention entre l’avocat et son client ne fait pas obstacle au pouvoir du juge, statuant sur une contestation en matière d’honoraires, de réduire les honoraires convenus lorsque ceux-ci apparaissent exagérés au regard du service rendu.

En l’espèce, une convention d’honoraires aurait été régularisée mais n’est pas versée au dossier.

Sur les seuls documents produits par l’intimé, la décision du bâtonnier ne peut qu’être confirmée. Les autres diligences que celles justifiées devant le bâtonnier par M. [B], qui n’a pas comparu pour soutenir son appel et n’a transmis aucun élément, ne sont pas établies.

C’est donc à bon droit que le bâtonnier a fixé à la somme non contestée de 13 875,28 € TTC les honoraires dus par M. [F] [E] et l’a condamné à lui rembourser la somme de 45 804,72 euros indûment perçue. La décision du bâtonnier sera confirmée.

Sur les intérêts moratoires

Il entre dans les pouvoirs du premier président, saisi d’une demande de fixation du montant des honoraires d’un avocat, de statuer sur les intérêts moratoires (Civ. 2ème 03-05-2018 n°17-13.167).

En l’espèce, il résulte de la déclaration d’appel que M. [B] reconnaît avoir eu connaissance de la décision du bâtonnier le 15 décembre 2022. Cette date sera donc retenue comme point de départ des intérêts au taux légal.

Sur les dommages-intérêts pour procédure abusive

Selon l’article 559 du code de procédure civile, en cas d’appel principal dilatoire ou abusif, l’appelant peut être condamné à une amende civile d’un maximum de 10.000 €, sans préjudice des dommages-intérêts qui lui seraient réclamés.

Toute faute faisant dégénérer en abus le droit d’agir en justice ouvre droit à réparation. Le droit d’agir en justice, droit fondamental reconnu à toute personne titulaire de la capacité à agir, n’est pas absolu : son exercice peut engager la responsabilité de son titulaire lorsqu’il est mis en ‘uvre de manière abusive ou dilatoire, à condition de démontrer précisément l’existence d’une faute faisant dégénérer en abus le droit d’agir en justice. En effet, le seul fait d’agir à tort n’est pas une faute, un plaideur pouvant se méprendre sur l’existence ou la portée de ses droits.

En l’espèce, M. [B], avocat, a fait appel d’une décision du bâtonnier par une déclaration d’appel non motivée. Convoqué devant le bâtonnier, il ne s’était pas déplacé. Il a sollicité le renvoi et n’a ensuite plus donné suite. Il a manifestement changé d’adresse sans en avertir la cour.

Il résulte de ces éléments que l’action de M. [B], homme du droit, a été engagée dans un but dilatoire, pour empêcher l’exécution de la décision du bâtonnier, de sorte que le droit d’agir en justice a dégénéré en abus.

En conséquence, M. [Z] [B] sera condamné à payer à M. [F] [E] la somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts.

Sur les frais du procès

M. [Z] [B] qui succombe sera condamné aux dépens.

Il ne serait pas équitable de laisser à la charge de M. [F] [E] la part des frais non compris dans les dépens. En conséquence, M. [Z] [B] sera condamné à payer à M. [F] [E] la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

Statuant par mise à disposition au greffe et par ordonnance par défaut,

Le magistrat délégué par le premier président,

– Déclare M. [Z] [B] recevable en son recours,

– Confirme l’ordonnance du bâtonnier de l’ordre des avocats du barreau de Nanterre en toute ses dispositions,

Y ajoutant,

– Dit que la condamnation à la somme de 45 804,72 euros TTC produira intérêts au taux légal à compter du 15 décembre 2022,

– Condamne M. [Z] [B] au paiement de la somme de 5000 € TTC à titre de dommages-intérêts,

– Dit que les dépens de la présente procédure seront supportés par M. [Z] [B],

– Condamne M. [Z] [B] au paiement de la somme de 2000 € au titre de l’article 700 du CPC,

– Rejette le surplus des demandes,

– Dit qu’en application de l’article 177 du décret du 27 novembre 1991, la présente décision sera notifiée aux parties par le greffe de la cour par lettre recommandée avec avis de réception.

Prononcé par mise à disposition de l’ordonnance au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées selon les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Et ont signé la présente ordonnance :

La Greffière, La Première présidente de chambre,

Rosanna VALETTE Nathalie BOURGEOIS-DE RYCK


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