L’Essentiel : M. [T] [P] a engagé une procédure contre la SAS Environnement de France et la SA BNP Paribas Personal Finance, avec un jugement rendu le 3 juillet 2023. Ce dernier a déclaré irrecevables ses demandes et l’a condamné à verser 1 000 euros à chaque société. En janvier 2024, M. [T] [P] a interjeté appel, mais la SA BNP Paribas a signalé l’interruption de l’instance due à la liquidation de la SAS. Lors de l’audience du 31 octobre 2024, un report a été accordé pour régulariser la procédure, et le jugement du 3 juillet a été constaté comme non avenu.
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Contexte de l’affaireM. [T] [P] a engagé une procédure judiciaire contre la SAS Environnement de France et la SA BNP Paribas Personal Finance, agissant sous l’enseigne Cetelem. L’affaire a été portée devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Blois, qui a rendu un jugement le 3 juillet 2023. Décisions du jugement du 3 juillet 2023Le jugement a déclaré recevable la note en délibéré de la SA BNP Paribas Personal Finance, tout en déclarant irrecevables les demandes de M. [T] [P] à l’encontre des deux sociétés. M. [T] [P] a été condamné à verser 1 000 euros à chacune des sociétés au titre de l’article 700 du code de procédure civile et a été condamné aux dépens. Interruption de l’instanceLe 3 janvier 2024, M. [T] [P] a interjeté appel de cette décision. Cependant, le 19 juin 2024, la SA BNP Paribas Personal Finance a informé la cour de l’interruption de l’instance due à la mise en liquidation judiciaire de la SAS Environnement de France, intervenue le 29 mars 2023. Demande de nullité de l’appelLa SA BNP Paribas Personal Finance a demandé la nullité de l’appel de M. [T] [P], arguant que l’appel avait été dirigé contre une société dont le représentant légal n’avait plus de pouvoir en raison de la liquidation judiciaire. Elle a également demandé la caducité de l’appel et la déclaration d’irrecevabilité des conclusions de M. [T] [P]. Audience d’incident et reportLes parties ont été convoquées à une audience d’incident le 31 octobre 2024 pour statuer sur l’interruption de l’instance et la nullité de l’appel. M. [T] [P] a demandé un report pour régulariser la procédure à l’égard du liquidateur judiciaire, ce qui a conduit à un renvoi de l’affaire au 19 décembre 2024. Constatation de la non-avenue du jugementLe conseiller de la mise en état a constaté que le jugement du 3 juillet 2023 était non avenu en raison de l’interruption de l’instance. Il a précisé que le juge des contentieux de la protection n’était pas dessaisi de l’action engagée par M. [T] [P] contre la société Environnement de France. Décisions finalesIl a été décidé qu’il n’y avait pas lieu de statuer sur la caducité ou l’irrecevabilité de l’appel, et M. [T] [P] a été condamné aux dépens de l’instance. Aucune indemnisation n’a été accordée au titre de l’article 700 du code de procédure civile. La décision a été notifiée aux parties et peut être déférée à la cour dans les quinze jours suivant sa date. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la portée de l’interruption de l’instance en cas de liquidation judiciaire ?L’interruption de l’instance est un principe d’ordre public qui s’applique lorsque, au cours d’une procédure, une liquidation judiciaire est ouverte à l’égard d’un des défendeurs. Selon l’article L. 622-22 du code de commerce, la juridiction saisie doit constater, d’office si nécessaire, l’interruption de l’instance jusqu’à ce que le créancier demandeur justifie de la déclaration de sa créance et de la mise en cause du mandataire judiciaire. Cette interruption est essentielle pour protéger les droits des créanciers et assurer que toutes les parties concernées par la procédure collective soient dûment représentées. En l’espèce, l’instance a été interrompue le 29 mars 2023, date à laquelle la liquidation judiciaire de la société Environnement de France a été prononcée. Le jugement rendu le 3 juillet 2023, sans que le liquidateur ait été mis en cause, est donc non avenu, car il a été prononcé en méconnaissance de cette interruption. Quelles sont les conséquences d’un jugement rendu sans mise en cause des organes de la procédure collective ?L’article 372 du code de procédure civile stipule qu’un jugement rendu sans que les organes de la procédure collective aient été mis en cause est non avenu. Cela signifie que toute décision prise dans ce contexte est considérée comme n’ayant jamais existé, ce qui a pour effet de protéger les droits des parties impliquées dans la procédure collective. Dans le cas présent, le jugement du 3 juillet 2023 a été rendu alors que la société Environnement de France était en liquidation judiciaire, et le liquidateur n’avait pas été convoqué. Ainsi, ce jugement est déclaré non avenu, ce qui implique que les demandes de M. [T] [P] contre cette société doivent être reprises dans le cadre de la procédure collective, après que le liquidateur ait été mis en cause. Comment se prononce le juge sur la caducité ou l’irrecevabilité de l’appel ?L’article 914 du code de procédure civile confère au conseiller de la mise en état la compétence pour prononcer la caducité de l’appel et déclarer l’appel irrecevable. Cependant, dans le cas où l’instance a été interrompue en raison d’une liquidation judiciaire, le juge doit d’abord constater cette interruption avant de se prononcer sur la caducité ou l’irrecevabilité de l’appel. Dans cette affaire, bien que la société Environnement de France ait été en liquidation, le juge a constaté que l’appel de M. [T] [P] n’était pas caduc, car il n’y avait pas lieu de statuer sur les demandes en raison de l’interruption de l’instance. Ainsi, le juge a décidé de ne pas déclarer l’appel caduc, mais a simplement constaté qu’il n’y avait pas lieu de statuer, permettant ainsi à l’appelant de régulariser la procédure. Quelles sont les implications de l’article L.312-55 du code de la consommation dans cette affaire ?L’article L.312-55 du code de la consommation stipule que les contrats de vente et de crédit sont interdépendants. Cela signifie que si l’un des contrats est affecté par une procédure collective, l’autre contrat doit également être pris en compte dans cette procédure. Dans le cas présent, M. [T] [P] a engagé des actions contre la société Environnement de France et la SA BNP Paribas Personal Finance, qui agissait sous l’enseigne Cetelem. Étant donné l’interdépendance des contrats, le juge a conclu que l’instance devait être reprise devant le juge des contentieux de la protection après que le liquidateur ait été mis en cause. Cela souligne l’importance de respecter les procédures collectives et de garantir que tous les créanciers soient traités équitablement dans le cadre de la liquidation judiciaire. |
2ème chambre commerciale, économique et financière
e.mail : [Courriel 8]
N° RG 24/00171 – N° Portalis DBVN-V-B7I-G5RE
Copies le : 09/01/25
à
la SELARL GIRARD AVOCAT
la SELARL CELCE-VILAIN
Grosse le 09/01/25
ORDONNANCE D’INCIDENT
LE 09 JANVIER 2025,
NOUS, Carole CHEGARAY, Président de chambre chargé de la mise en état à la cour d’appel d’ORLEANS, assisté de Marie-Claude DONNAT, Greffier,
ENTRE :
[T] [P]
[Adresse 3]
[Localité 4]
Ayant pour avocat Me Benjamin GIRARD, membre de la SELARL GIRARD AVOCAT, avocat au barreau de BLOIS
DÉFENDEUR à L’INCIDENT- APPELANT
d’un Jugement en date du 03 Juillet 2023 rendu par le Juge des contentieux de la protection de [Localité 7]
D’UNE PART,
ET :
S.A.S. ENVIRONNEMENT DE FRANCE
[Adresse 2]
[Localité 5]
Défaillante
DEFENDERESSE à L’INCIDENT – INTIMÉE
S.A. BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE
Venant aux droits de CETELEM
[Adresse 1]
[Localité 6]
Ayant pour avocat postulant Me Pascal VILAIN, membre de la SELARL CELCE-VILAIN, avocat au barreau d’ORLEANS, et pour avocat plaidant Me Laurent BONIN, avocat au barreau de PARIS
DEMANDEUR à L’INCIDENT – INTIMÉ
D’AUTRE PART,
Après avoir entendu les Conseils des parties à notre audience du JEUDI 19 DÉCEMBRE 2024, il leur a été indiqué que l’ordonnance serait prononcée, par mise à disposition au greffe, le JEUDI 09 JANVIER 2025
Par jugement contradictoire du 3 juillet 2023, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Blois a :
– déclaré recevable la note en délibéré de la SA BNP Paribas Personal Finance reçue le 14 juin 2023,
– déclaré irrecevables les demandes de M. [T] [P] à l’encontre de la SAS Environnement de France,
– déclaré irrecevables les demandes de M. [T] [P] à l’encontre de la SA BNP Paribas Personal Finance,
– condamné M. [T] [P] à payer à la SAS Environnement de France et à la SA BNP Paribas Personal Finance, agissant sous l’enseigne Cetelem, la somme de 1 000 euros chacune au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné M. [T] [P] aux entiers dépens,
– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire de la présente décision.
Suivant déclaration du 3 janvier 2024, M. [T] [P] a interjeté appel de l’ensemble des chefs expressément énoncés de cette décision, en intimant la SAS Environnement de France et la SA BNP Paribas Personal Finance.
Par courrier électronique notifié le 19 juin 2024, le conseil de la SA BNP Paribas Personal Finance a informé la cour de ‘l’interruption de l’instance du fait de la mise en liquidation judiciaire de la société Environnement de France, et ce en application de l’article 369 du code de procédure civile’, relevant qu’il ‘appartient à l’appelant de mettre en cause le liquidateur’. Il était joint à ce courrier deux publications au BODACC aux termes desquelles la société Environnement de France -anciennement Habitat de France- a fait l’objet d’une liquidation judiciaire, suivant jugement du 29 mars 2023 du tribunal de commerce de Paris désignant comme liquidateur la SCP BTSG en la personne de Me [O] [C].
Considérant que du fait de l’ouverture de la procédure de liquidation judiciaire le 29 mars 2023, le représentant légal de la SAS Environnement de France n’avait plus aucun pouvoir pour représenter cette société, valablement représentée par la SCP BTSG en la personne de Me [O] [C], et que l’appel formé le 3 janvier 2024 avait été dirigé contre la société Environnement de France prise en la personne de son représentant légal, la société BNP Paribas Personal Finance a, par conclusions de nullité et de caducité de l’appel notifiées le 25 juin 2024, demandé au conseiller de la mise en état de :
A titre principal,
Vu les articles 14, 117, 119, 901, 902, 908, 911 et 914 du code de procédure civile, L.312-55 du code de la consommation et L.641-1, II et L. 641-9 du code de commerce,
– déclarer nul et de nul effet l’appel interjeté le 3 janvier 2024 par M. [T] [P] contre les sociétés BNP Paribas Personal Finance et Environnement de France,
– déclarer nulles et de nul effet les conclusions d’appelant notifiées le 29 mars 2024 à la requête de M. [T] [P],
– en conséquence, déclarer caduc l’appel interjeté par M. [T] [P] à l’encontre du jugement du juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Blois du 3 juillet 2023,
A titre subsidiaire,
– déclarer irrecevable la demande d’annulation du crédit affecté,
En tout état de cause,
– condamner M. [T] [P] au paiement de la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner M. [T] [P] aux dépens et admettre Me Pascal Vilain, avocat, au bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Les parties ont été convoquées à l’audience d’incident du 31 octobre 2024 afin qu’il soit statué
1°) sur l’interruption de l’instance liée à la liquidation judiciaire de la société Environnement de France,
2°) sur la nullité et la caducité de l’appel soulevées par la société BNP Paribas Personal Finance.
Le 29 octobre 2024, M. [T] [P] a sollicité le report de l’affaire à une audience ultérieure pour lui permettre de régulariser la procédure à l’égard du liquidateur judiciaire et de conclure sur l’incident.
L’incident a été renvoyé à l’audience du 19 décembre 2024, les parties étant en outre amenées à s’expliquer sur ‘le caractère éventuellement non avenu du jugement du 3 juillet 2023 rendu sans que les organes de la procédure collective de la SAS Environnement de France n’aient été mis en cause, en application de l’article 372 du code de procédure civile (Cf. Com 2 mai 2024 n° 22-20.332)’.
Les parties n’ont pas conclu pour l’audience du 19 décembre 2024 ni accompli aucune diligence.
En application de l’article 914 du code de procédure civile, le conseiller de la mise en état est compétent pour prononcer la caducité de l’appel, déclarer l’appel irrecevable et trancher à cette occasion toute question ayant trait à la recevabilité de l’appel, déclarer les conclusions irrecevables en application des articles 909 et 910, déclarer les actes de procédure irrecevables en application de l’article 930-1.
Il résulte de l’article L. 622-22 du code de commerce que la juridiction saisie au fond d’une demande tendant au paiement d’une somme d’argent doit, lorsqu’elle relève au cours de l’instance qu’ une procédure collective a été ouverte à l’égard du défendeur, constater, au besoin d’office, l’interruption de cette instance jusqu’à ce que le créancier demandeur la reprenne en justifiant de la déclaration de sa créance et de la mise en cause du mandataire judiciaire et, le cas échéant, de l’administrateur. En application de l’article 372 du code de procédure civile, un jugement qui aurait été rendu sans que ces organes de la procédure collective aient été mis en cause, serait non avenu (v. Com., 2 mai 2024, n° 22-20.332).
En l’espèce, l’instance a été interrompue le 29 mars 2023 à l’égard de la société Environnement de France, en application de l’article L.622-21, I, du code de commerce, avant l’ouverture des débats devant le premier juge, et n’a pas été reprise lorsque le juge des contentieux de la protection a statué le 3 juillet 2023 par un jugement qualifié improprement de décision contradictoire alors que le liquidateur judiciaire n’avait pas comparu ni personne pour le représenter.
L’interruption de l’instance étant un principe d’ordre public qui doit être relevé d’office par le juge, il ne peut qu’être constaté que le jugement rendu le 3 juillet 2023, malgré l’interruption de l’instance, est non avenu à l’égard de la société Environnement de France.
Le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Blois n’étant pas dessaisi de l’action engagée par M. [T] [P] contre la société Environnement de France, et partant contre la société BNP Paribas Personal Finance eu égard à l’interdépendance des contrats de vente et de crédit en application de l’article L.312-55 du code de la consommation -l’instance devant être reprise devant lui après justification de la déclaration de créance et la mise en cause du liquidateur judiciaire-, il n’y a pas lieu de déclarer l’appel caduc ou les demandes de l’appelant irrecevables, mais seulement de constater qu’il n’y a pas lieu de statuer (v. par ex Com. 2 mai 2024, n° 22-20.332′; 9 septembre 2020, n° 18-25.365′; 30 juin 2004 n° 02-11.111).
M. [T] [P], qui succombe, supportera la charge des dépens de la présente instance.
Compte tenu des circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu à indemnisation au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Constatons que le jugement rendu le 3 juillet 2023 par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Blois est non avenu,
Disons n’y avoir lieu, en conséquence, de statuer sur la caducité ou l’irrecevabilité de l’appel de M. [T] [P], le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire n’étant pas dessaisi des demandes formées devant lui,
Condamnons M. [T] [P] aux dépens de l’instance, lesquels pourront être directement recouvrés par Me Pascal Vilain, avocat, dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile,
Disons n’y avoir lieu à indemnisation au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Disons que la présente décision sera notifiée aux parties ainsi qu’à leurs représentants par lettre simple,
Rappelons que la présente ordonnance peut être déférée par requête à la cour dans les quinze jours de sa date par application de l’article 916 du code de procédure civile.
ET la présente ordonnance a été signée par le Conseiller de la mise en état et le Greffier
LE GREFFIER LE CONSEILLER DE LA MISE EN ETAT
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