Résiliation de bail et obligations locatives : enjeux de la preuve et de la gravité des manquements.

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Résiliation de bail et obligations locatives : enjeux de la preuve et de la gravité des manquements.

L’Essentiel : La SA ICF LA SABLIERE a signé un contrat de bail avec M. [D] [V] et Mme [Y] [V] en mai 2017. En raison d’un arriéré locatif, un commandement de payer de 1922,07 euros a été délivré en janvier 2024. L’affaire a été portée devant le juge des contentieux de la protection en mai 2024, où la dette a été réduite à 1268,51 euros. Les locataires n’ont pas comparu à l’audience, et bien que leur manquement ait été constaté, le juge a décidé que la résiliation du bail n’était pas justifiée. Ils ont été condamnés à payer la somme due avec intérêts.

Contexte du litige

La SA ICF LA SABLIERE a signé un contrat de bail le 29 mai 2017 avec M. [D] [V] et Mme [Y] [V] pour un appartement, avec un loyer de 421,67 € plus charges. En raison d’un arriéré locatif, un commandement de payer de 1922,07 euros a été délivré aux locataires le 3 janvier 2024. La situation a été portée à l’attention de la commission de coordination des actions de prévention des expulsions locatives le 4 janvier 2024.

Procédure judiciaire

Le 16 mai 2024, la SA ICF LA SABLIERE a assigné les locataires devant le juge des contentieux de la protection à Paris, demandant la résiliation du bail et l’expulsion des occupants. L’assignation a été notifiée au représentant de l’État le 21 mai 2024, et l’affaire a été appelée à l’audience le 5 novembre 2024. À cette audience, la SA ICF LA SABLIERE a confirmé ses demandes, indiquant que la dette locative avait diminué à 1268,51 euros.

Absence des défendeurs

M. [D] [V] et Mme [Y] [V] n’ont pas comparu ni été représentés à l’audience. La décision a été mise en délibéré pour le 9 janvier 2025.

Analyse de la demande de résiliation

Le juge a examiné la recevabilité de la demande de résiliation du bail, constatant que la dette locative était justifiée. Cependant, il a noté que bien que les locataires aient manqué à leurs obligations, la gravité de la violation n’était pas suffisante pour justifier la résiliation du bail, car les paiements avaient été effectués régulièrement en 2024.

Décision sur les paiements

Les locataires ont été reconnus redevables d’un montant de 1268,51 euros pour loyers impayés, sans contester le montant. Ils ont été condamnés à payer cette somme avec intérêts légaux à partir de l’assignation.

Dépens et frais

M. [D] [V] et Mme [Y] [V] ont été condamnés à supporter les dépens de la procédure. De plus, la SA ICF LA SABLIERE a été allouée 300 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour couvrir les frais non compris dans les dépens.

Exécution de la décision

La décision a été déclarée exécutoire à titre provisoire, permettant ainsi à la SA ICF LA SABLIERE de récupérer les sommes dues sans attendre l’éventuel appel.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la recevabilité de la demande de résiliation judiciaire du bail ?

La recevabilité de la demande de résiliation judiciaire du bail est régie par plusieurs dispositions légales.

Selon l’article 1224 du Code civil, la résolution d’un contrat peut résulter de l’application d’une clause résolutoire ou, en cas d’inexécution suffisamment grave, d’une notification du créancier au débiteur ou d’une décision de justice.

En l’espèce, la SA ICF LA SABLIERE a justifié sa demande par la production d’un contrat de location et la saisine de la Commission de coordination des actions de prévention des expulsions locatives (CCAPEX) le 4 janvier 2024,

ce qui respecte le délai de plus de deux mois avant l’assignation. De plus, la dénonciation de l’assignation à la Préfecture a été effectuée le 21 mai 2024, dans le délai de six semaines avant l’audience.

Ainsi, la demande de résiliation, justifiée par une dette locative, est déclarée recevable.

Quelles sont les obligations du locataire en matière de paiement du loyer ?

Les obligations du locataire en matière de paiement du loyer sont clairement définies par le Code civil et la loi n°89-462 du 6 juillet 1989.

L’article 1728 du Code civil stipule que le preneur est tenu de deux obligations principales : user de la chose louée raisonnablement et payer le prix du bail aux termes convenus.

De plus, l’article 7 de la loi n°89-462 précise que le locataire est notamment obligé de payer le loyer et les charges récupérables aux termes convenus.

Le paiement du loyer est donc une obligation essentielle du locataire,

car il constitue la contrepartie du droit de jouissance des lieux qui lui est concédé par le propriétaire.

En cas de manquement à cette obligation, le bailleur peut demander la résiliation du bail et l’expulsion du locataire.

Quelles sont les conséquences de l’absence de comparution des défendeurs ?

L’absence de comparution des défendeurs a des conséquences importantes sur le déroulement de la procédure.

L’article 472 du Code de procédure civile dispose que si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond.

Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée.

Dans le cas présent, les défendeurs, M. [D] [V] et Mme [Y] [V], n’ayant pas comparu,

le juge a pu statuer sur la demande de résiliation du bail et d’expulsion, en se basant sur les éléments fournis par la SA ICF LA SABLIERE.

Cela signifie que la décision a été prise sans leur défense, ce qui peut avoir des implications sur leur capacité à contester la décision ultérieurement.

Comment le juge a-t-il évalué la gravité de l’inexécution des obligations par les locataires ?

Le juge a évalué la gravité de l’inexécution des obligations par les locataires en se basant sur plusieurs éléments de preuve.

Il a rappelé que, selon l’article 1228 du Code civil, le juge peut constater ou prononcer la résolution d’un contrat en fonction des circonstances.

Dans cette affaire, la SA ICF LA SABLIERE a produit un décompte démontrant que, à la date du 25 octobre 2024,

les locataires étaient redevables d’une somme de 1268,51 euros, représentant des loyers impayés.

Cependant, le juge a noté que les loyers avaient été réglés dans leur intégralité et avec diligence au cours de l’année 2024.

Il a donc conclu que, bien que la violation des obligations contractuelles soit avérée, elle n’était pas suffisamment grave pour justifier la résiliation du bail,

car la dette locative avait diminué depuis l’assignation et représentait moins de deux mois de loyers sur un bail de plus de six ans.

Quelles sont les implications de la décision sur le paiement des arriérés de loyers ?

La décision du juge a des implications claires sur le paiement des arriérés de loyers.

M. [D] [V] et Mme [Y] [V] ont été condamnés au paiement de la somme de 1268,51 euros, correspondant à l’arriéré de loyers et de charges,

en vertu de l’article 1103 du Code civil et de l’article 7 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989.

Le juge a constaté que les défendeurs, n’ayant pas comparu, n’avaient apporté aucun élément pour contester le principe ni le montant de la dette.

Ainsi, ils sont tenus de régler cette somme, avec des intérêts au taux légal à compter de l’assignation en justice.

Cette décision souligne l’importance pour les locataires de respecter leurs obligations de paiement,

car le non-paiement peut entraîner des conséquences financières significatives, même en l’absence de résiliation du bail.

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :
à :
Monsieur [D] [P] [V]
Madame [Y] [V]

Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Emmanuel COSSON

Pôle civil de proximité

PCP JCP fond

N° RG 24/05608 – N° Portalis 352J-W-B7I-C5B2S

N° MINUTE :

JUGEMENT
rendu le jeudi 09 janvier 2025

DEMANDERESSE
ICF LA SABLIERE, S.A. d’HLM
dont le siège social est sis [Adresse 1]
représentée par Me Emmanuel COSSON, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #P0004

DÉFENDEURS
Monsieur [D] [P] [V]
demeurant [Adresse 2]
non comparant, ni représenté

Madame [Y] [V], demeurant [Adresse 2]
non comparante, ni représentée

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Mathilde CLERC, Juge des contentieux de la protection
assistée de Coraline LEMARQUIS, Greffière,

DATE DES DÉBATS
Audience publique du 05 novembre 2024

JUGEMENT
réputé contradictoire, en premier ressort, prononcé par mise à disposition le 09 janvier 2025 par Mathilde CLERC, Juge des contentieux de la protection, assistée de Coraline LEMARQUIS, Greffière
Décision du 09 janvier 2025
PCP JCP fond – N° RG 24/05608 – N° Portalis 352J-W-B7I-C5B2S

EXPOSE DU LITIGE

Par contrat du 29 mai 2017, la SA ICF LA SABLIERE a donné bail à M. [D] [V] et Mme [Y] [V] un appartement sis [Adresse 2], moyennant un loyer de 421,67 € majoré des charges locatives.

Par acte de commissaire de justice du 3 janvier 2024, le bailleur a fait délivrer aux locataires un commandement de payer la somme principale de 1922,07 euros au titre de l’arriéré locatif.

La commission de coordination des actions de prévention des expulsions locatives a été informée de la situation de M. [D] [V] et de Mme [Y] [V] le 4 janvier 2024.

Par acte de commissaire de justice du 16 mai 2024, la SA ICF LA SABLIERE a assigné M. [D] [V] et Mme [Y] [V] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris, aux fins de :
– prononcé de la résiliation judiciaire du bail ;
– expulsion de M. [D] [V] et Mme [Y] [V] ainsi que celle de tous occupants de leur chef et ce, avec l’assistance du Commissaire de Police et de la Force Publique s’il y a lieu, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir, pendant un délai de trois mois, à l’issue duquel elle sera liquidée et à laquelle il pourra de nouveau être fait droit ;
– séquestration et transport des objets entreposés sur l’emplacement de stationnement dans tel garde-meubles qu’il plaira à la bailleresse aux frais, risques et périls des locataires,
– condamnation des défendeurs à lui payer les sommes suivantes :
– 1949,16 euros au titre des arriérés de loyers et charges,
– 680,65 euros au titre de l’indemnité d’occupation, à compter de la résiliation du bail et jusqu’à parfaite libération des locaux,
– 650 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l’instance.

L’assignation a été notifiée au représentant de l’État dans le département le 21 mai 2024.

L’affaire a été appelée à l’audience du 5 novembre 2024.

À l’audience du 5 novembre 2024, la SA ICF LA SABLIERE maintient ses demandes, précisant que la dette locative est en baisse, puisqu’elle s’élève à la date de l’audience à 1268,51 euros (échéance de septembre 2024 incluse). Elle indique ne pas être opposée à des délais de paiement.

M. [D] [V] et Mme [Y] [V], régulièrement cités à étude, n’ont pas comparu ni n’ont été représentés.

La décision a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 9 janvier 2025.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Aux termes de l’article 472 du code de procédure civile, si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée.

En l’espèce, les défendeurs n’ont pas comparu, de sorte qu’il sera fait application des dispositions précitées.

Sur la résiliation judiciaire du contrat de bail et l’expulsion

Sur la recevabilité de la demande

Il résulte des pièces versées aux débats et notamment :
– du contrat de location entre la SA ICF LA SABLIERE et M. [D] [V] et Mme [Y] [V] ;
– de la saisine de la CCAPEX le 4 janvier 2024, soit plus de deux mois avant l’assignation ;
– de la dénonciation de l’assignation à la Préfecture par voie électronique le 21 mai 2024, dans le délai de six semaines avant le premier appel de l’affaire à l’audience,
que la demande de résiliation, justifiée par une dette locative, est recevable.

Sur le fond

Aux termes de l’article 1224 du code civil, la résolution résulte soit de l’application d’une clause résolutoire soit, en cas d’inexécution suffisamment grave, d’une notification du créancier au débiteur ou d’une décision de justice.

En application de l’article 1228 du code civil, le juge peut, selon les circonstances, constater ou prononcer la résolution ou ordonner l’exécution du contrat, en accordant éventuellement un délai au débiteur, ou allouer seulement des dommages et intérêts.

En vertu de l’article 1728 du code civil le preneur est tenu de deux obligations principales : user de la chose louée raisonnablement et suivant la destination qui lui a été donnée par le bail, et payer le prix du bail aux termes convenus. Comme le rappelle également l’article 7 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989, le locataire est notamment obligé de payer le loyer et les charges récupérables aux termes convenus.

Le paiement du loyer est une obligation essentielle du locataire. Elle est la contrepartie du droit de jouissance des lieux qui lui est concédé par le propriétaire.

Il appartient à celui qui se prévaut de la résiliation judiciaire du contrat de rapporter la preuve du manquement et de justifier de sa gravité suffisante à entraîner la résiliation du contrat de bail aux torts du locataire et son expulsion des lieux.

En l’espèce, la SA ICF LA SABLIERE produit un décompte démontrant qu’à la date du 25 octobre 2024, M. [D] [V] et Mme [Y] [V] étaient redevables de la somme de 1268,51 euros, échéance de septembre 2024 incluse. Il résulte du décompte produit que la dette s’est constituée à compter du 31 mars 2023, les loyers des mois d’avril 2023 et août 2023, impayés, composant l’essentiel de la dette.

Il apparaît toutefois que les loyers ont été réglés dans leur intégralité et avec diligence au cours de l’année 2024.

Au regard de l’ensemble de ces éléments, il sera constaté que si la violation des obligations contractuelles est avérée, elle n’est pas suffisamment grave pour justifier de la résiliation du bail, le décompte démontrant que les locataires se montrent diligents dans le règlement de leur loyer courant et que la dette locative (qui représente au jour de l’audience moins de deux mois de loyers sur un bail conclu plus de six années auparavant) a diminué depuis l’assignation.

La SA ICF LA SABLIERE sera ainsi déboutée de sa demande de résiliation judiciaire ainsi que de ses demandes subséquentes en expulsion et en paiement d’une indemnité d’occupation.

Sur la demande en paiement

M. [D] [V] et Mme [Y] [V] sont redevables des loyers impayés en application de l’article 1103 du code civil, de l’article 7 de la loi n°89-462 du 06 juillet 1989, et du bail.

En l’espèce, il ressort du décompte produit par la SA ICF LA SABLIERE que les impayés de loyers s’élèvent au 4 octobre 2024 à 1268,51 euros.

M. [D] [V] et Mme [Y] [V], non comparants, n’apportent par définition aucun élément de nature à contester le principe ni le montant de la dette.

Ils seront donc condamnés au paiement de la somme de 1268,51 euros, avec les intérêts au taux légal à compter de l’assignation en justice.

Sur les demandes accessoires :

Sur les dépens :

M. [D] [V] et Mme [Y] [V] , dont la défaillance est à l’origine de la présente procédure, supporteront les dépens en application de l’article 696 du code de procédure civile.

Sur l’article 700 du code de procédure civile :

Il serait inéquitable de laisser à la charge du bailleur les frais exposés par lui dans la présente instance et non compris dans les dépens. La somme de 300 euros lui sera donc allouée au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La présente décision est exécutoire à titre provisoire, conformément à l’article 514 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

Le juge des contentieux de la protection, statuant publiquement, par jugement réputé contradictoire et en premier ressort, mis à disposition au greffe :

REJETTE la demande formée au titre de la résiliation judiciaire du bail conclu entre les parties portant sur l’appartement situé [Adresse 2] et les demandes subséquentes d’expulsion sous astreinte et de condamnation au paiement d’une indemnité d’occupation ;

CONDAMNE M. [D] [V] et Mme [Y] [V] au paiement de la somme de 1268,51 euros, correspondant à l’arriéré de loyers et de charges, à la SA ICF LA SABLIERE, avec les intérêts au taux légal à compter de l’assignation en justice,

CONDAMNE M. [D] [V] et Mme [Y] [V] aux dépens;

CONDAMNE M. [D] [V] et Mme [Y] [V] à verser à l’établissement la SA ICF LA SABLIERE une somme de 300 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

RAPPELLE que la présente décision bénéficie de l’exécution provisoire de droit.

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition les jour, mois et an susdits par la Juge des contentieux de la protection et la greffière susnommées.

La greffière, La juge des contentieux de la protection

Décision du 09 janvier 2025
PCP JCP fond – N° RG 24/05608 – N° Portalis 352J-W-B7I-C5B2S


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