L’Essentiel : L’affaire concerne la demande d’acquisition de la nationalité française pour l’enfant [C] [L], né au Sénégal. Mme [M] [B], sa représentante légale, a assigné le procureur de la République en 2021, soutenant que l’enfant avait droit à la nationalité par filiation maternelle. Cependant, le ministère public conteste cette nationalité, arguant que les preuves fournies ne suffisent pas à établir le lien de filiation. Le tribunal a finalement débouté les demandeurs, jugeant qu’ils n’avaient pas prouvé la nationalité de la mère, et a ordonné la mention des décisions relatives à la nationalité dans l’acte de naissance de l’enfant.
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Contexte de l’affaireL’affaire concerne une demande d’acquisition de la nationalité française pour l’enfant [C] [L], né le 15 avril 2011 à [Localité 6] (Sénégal). Mme [M] [B], en tant que représentante légale de l’enfant, a assigné le procureur de la République le 4 novembre 2021. M. [Z] [L] a également intervenu dans la procédure en tant que représentant légal de l’enfant. Procédure judiciaireLe ministère de la justice a délivré un récépissé le 2 mars 2022, confirmant la régularité de la procédure. L’intervention volontaire de M. [Z] [L] a été acceptée conformément aux articles 66 et 325 du code de procédure civile. Les dernières conclusions des parties ont été notifiées entre décembre 2023 et avril 2024, et l’affaire a été fixée à l’audience de plaidoiries du 14 novembre 2024. Revendiquer la nationalité françaiseLes demandeurs soutiennent que l’enfant [C] [L] a droit à la nationalité française par filiation maternelle, en raison de la nationalité française de sa mère, Mme [M] [B]. Cette dernière est la fille de [D] [K] [B], qui a été déclarée française par un jugement en 1996. La demande fait suite à un refus de délivrance d’un certificat de nationalité française pour l’enfant, opposé en 2018. Arguments du ministère publicLe ministère public conteste la nationalité française de l’enfant, affirmant que les demandeurs n’ont pas fourni les preuves nécessaires pour établir la nationalité française de la mère et le lien de filiation. Il souligne que la charge de la preuve incombe à ceux qui revendiquent la nationalité, et que les certificats de nationalité ne suffisent pas à prouver la nationalité d’un tiers. Éléments de preuveLes demandeurs ont produit divers documents, tels qu’une carte d’identité et un passeport de Mme [M] [B], ainsi qu’un certificat de nationalité française. Cependant, le tribunal a noté que ces documents ne suffisent pas à prouver la nationalité française de la mère, en l’absence de son acte de naissance. Décision du tribunalLe tribunal a jugé que les demandeurs n’avaient pas prouvé la nationalité française de Mme [M] [B] ni le lien de filiation avec l’enfant [C] [L]. Par conséquent, il a débouté les demandeurs de leur demande de reconnaissance de la nationalité française pour l’enfant. Le tribunal a également ordonné la mention des décisions relatives à la nationalité dans l’acte de naissance de l’enfant. Conséquences financièresLes demandeurs, ayant succombé dans leur demande, ont été condamnés aux dépens. Leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile a également été rejetée. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la régularité de la procédure selon l’article 1043 du code de procédure civile ?La régularité de la procédure est confirmée par l’article 1043 du code de procédure civile, qui stipule que dans toutes les instances où s’élève une contestation sur la nationalité, une copie de l’assignation doit être déposée au ministère de la justice, qui en délivre un récépissé. En l’espèce, le ministère de la justice a délivré ce récépissé le 2 mars 2022, ce qui signifie que la condition de l’article 1043 est respectée. Par conséquent, la procédure est jugée régulière au regard de ces dispositions. Quelles sont les conditions pour l’intervention volontaire selon les articles 66 et 325 du code de procédure civile ?Les articles 66 et 325 du code de procédure civile prévoient que toute personne ayant un intérêt à agir peut intervenir volontairement dans une instance. Dans le cas présent, M. [Z] [L], en tant que représentant légal de l’enfant [C] [L], a été reçu en son intervention volontaire. Cela signifie que son intervention a été jugée pertinente et conforme aux exigences légales, permettant ainsi de faire valoir les droits de l’enfant dans la procédure. Quelles sont les implications de l’article 30 du code civil sur la charge de la preuve en matière de nationalité ?L’article 30 alinéa 1 du code civil stipule que la charge de la preuve en matière de nationalité incombe à celui qui revendique la qualité de Français, sauf s’il est déjà titulaire d’un certificat de nationalité. Cela signifie que les demandeurs doivent prouver la nationalité française du parent dont l’enfant tire sa nationalité, et établir un lien de filiation légalement reconnu. En l’absence d’un certificat de nationalité, cette preuve doit être apportée par des actes d’état civil probants. Comment l’article 47 du code civil s’applique-t-il à la preuve de l’état civil ?L’article 47 du code civil précise que tout acte de l’état civil des Français et des étrangers fait à l’étranger fait foi, sauf preuve du contraire. Cela signifie que les actes d’état civil doivent être considérés comme valides tant qu’il n’existe pas d’éléments prouvant leur irrégularité. Dans le cas présent, les demandeurs doivent produire des actes d’état civil pour établir la nationalité française de Mme [M] [B] et le lien de filiation avec l’enfant [C] [L]. Quelles sont les conséquences de l’absence d’acte de naissance de Mme [M] [B] sur la demande de nationalité ?L’absence de l’acte de naissance de Mme [M] [B] a des conséquences significatives sur la demande de nationalité. Sans cet acte, les demandeurs ne peuvent pas prouver l’état civil de la mère, ce qui les empêche de revendiquer un lien de filiation avec l’enfant [C] [L]. Ainsi, ils ne peuvent pas établir la nationalité française de l’enfant, ce qui conduit à leur déboutement de la demande. Quelle est la portée de l’article 28 du code civil concernant la mention des actes de nationalité ?L’article 28 du code civil stipule que toute acquisition ou perte de nationalité française doit être mentionnée en marge de l’acte de naissance. Cela inclut les décisions judiciaires relatives à la nationalité. Dans cette affaire, le tribunal a ordonné que la mention prévue par cet article soit effectuée, ce qui garantit que les actes administratifs et les décisions judiciaires concernant la nationalité de l’enfant [C] [L] soient correctement enregistrés. Quelles sont les implications de l’article 696 du code de procédure civile sur les dépens ?L’article 696 du code de procédure civile prévoit que la partie qui succombe dans ses prétentions est condamnée aux dépens. Dans cette affaire, les demandeurs, ayant été déboutés de leur demande, sont donc condamnés aux dépens. Cela signifie qu’ils devront supporter les frais de la procédure, ce qui est une conséquence habituelle dans les litiges judiciaires. Comment l’article 700 du code de procédure civile s’applique-t-il aux demandes de remboursement des frais ?L’article 700 du code de procédure civile permet à une partie de demander le remboursement des frais engagés pour la procédure. Cependant, dans ce cas, la demande des demandeurs au titre de cet article a été rejetée, car ils ont succombé dans leur demande. Cela signifie qu’ils ne peuvent pas obtenir de remboursement pour les frais qu’ils ont engagés, renforçant ainsi la décision du tribunal. |
JUDICIAIRE
DE PARIS
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1/2/1 nationalité A
N° RG 21/14639
N° Portalis 352J-W-B7F-CVPD7
N° PARQUET : 21/1117
N° MINUTE :
Assignation du :
04 novembre 2021
V.B.
[1]
[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :
JUGEMENT
rendu le 09 janvier 2025
DEMANDERESSE
Madame [M] [B] agissant en tant que représentante légale d’[C] [L]
[Adresse 1]
[Localité 5]
représenté par Maître Ibrahima TRAORE de la SAS ITRA CONSULTING, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #B0501
DEFENDERESSE
LA PROCUREURE DE LA REPUBLIQUE
Parquet 01 Nationalités
[Adresse 7]
[Localité 4]
Monsieur Arnaud FENEYROU, vice-procureur
Décision du 9 janvier 2025
Chambre du contentieux
de la nationalité Section A
RG n° 21/14639
PARTIE INTERVENANTE
Monsieur [Z] [L], agissant en qualité de représentant légal d’[C] [L]
[Adresse 2]
[Localité 3]
représenté par Maître Ibrahima TRAORE de la SAS ITRA CONSULTING, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #B0501
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Madame Maryam Mehrabi, Vice-présidente
Présidente de la formation
Madame Antoanela Florescu-Patoz, Vice-présidente
Madame Victoria Bouzon, Juge
Assesseurs
assistées de Madame Christine Kermorvant, Greffière
DEBATS
A l’audience du 14 Novembre 2024 tenue publiquement sans opposition des représentants des parties, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile par Madame Maryam Mehrabi et Madame Victoria Bouzon, Magistrates rapporteures, qui ont entendu les plaidoiries et en ont rendu compte au tribunal dans leur délibéré.
JUGEMENT
Contradictoire
en premier ressort
Rendu publiquement, par mise à disposition au greffe, les parties ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Maryam Mehrabi, vice-présidente et par Madame Christine Kermorvant, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.
Vu l’assignation délivrée le 4 novembre 2021 au procureur de la République par Mme [M] [B], en sa qualité de représentante légale de l’enfant [C] [L],
Vu les conclusions d’intervention volontaire de M. [Z] [L], en qualité de représentant légal de l’enfant [C] [L], notifiées par la voie électronique le 4 novembre 2022,
Décision du 9 janvier 2025
Chambre du contentieux
de la nationalité Section A
RG n° 21/14639
Vu les dernières conclusions des demandeurs notifiées par la voie électronique le 6 décembre 2023,
Vu les dernières conclusions du ministère public notifiées par la voie électronique le 4 avril 2024,
Vu l’ordonnance de clôture rendue le 29 août 2024 ayant fixé l’affaire à l’audience de plaidoiries du 14 novembre 2024,
Sur la procédure
Aux termes de l’article 1043 du code de procédure civile, applicable à la date de l’assignation, dans toutes les instances où s’élève à titre principal ou incident une contestation sur la nationalité, une copie de l’assignation est déposée au ministère de la justice qui en délivre récépissé.
En l’espèce, le ministère de la justice a délivré ce récépissé le 2 mars 2022. La condition de l’article 1043 du code de procédure civile est ainsi respectée. Il y a donc lieu de dire que la procédure est régulière au regard de ces dispositions.
Sur l’intervention volontaire
Par application des dispositions des articles 66 et 325 du code de procédure civile, il y a lieu de recevoir M. [Z] [L], en qualité de représentant légal de l’enfant [C] [L], en son intervention volontaire.
Sur l’action déclaratoire de nationalité française
Les demandeurs revendiquent la nationalité française par filiation maternelle pour l’enfant [C] [L], dit né le 15 avril 2011 à [Localité 6] (Sénégal), sur le fondement de l’article 18 du code civil. Ils font valoir que la mère de celui-ci, Mme [M] [B], née le 3 septembre 1987 à [Localité 6] (Sénégal), est française, pour être la fille de [D] [K] [B], qui a fait l’objet d’un jugement déclaratif de nationalite française par le tribunal de grande instance de Nanterre le 17 janvier 1996, pour avoir établi son domicile de nationalité en France lors de l’accession à l’indépendance du Sénégal, étant originaire de cet ancien territoire d’outre-mer d’Afrique de la République française.
Leur action fait suite à la décision de refus de délivrance d’un certificat de nationalité française à l’enfant qui leur a été opposée le 21 juin 2018 par le directeur des services de greffe judiciaires du pôle de la nationalite française du tribunal d’instance de Paris au motif que la naissance de l’enfant avait été déclarée hors du délai prévu à l’article 51 du code de la famille sénégalais sans suivre la procédure de déclaration tardive (pièce n°4 des demandeurs)
Le ministère public demande au tribunal de dire que l’enfant [C] [L] n’est pas français.
Sur le fond
En application de l’article 30 alinéa 1 du code civil, la charge de la preuve en matière de nationalité incombe à celui qui revendique la qualité de Français lorsqu’il n’est pas déjà titulaire d’un certificat de nationalité délivré à son nom conformément aux dispositions des articles 31 et suivants du même code, sans possibilité, pour lui, d’invoquer les certificats délivrés à des membres de sa famille, fussent-ils ses ascendants, dans la mesure où la présomption de nationalité française qui est attachée à ces certificats ne bénéficie qu’à leurs titulaires, et ce même s’ils n’ont fait l’objet d’aucune contestation.
Conformément à l’article 17-1 du code civil, compte tenu de la date de naissance revendiquée pour l’enfant [C] [L], l’action relève des dispositions de l’article 18 du code civil aux termes duquel est français l’enfant dont l’un des parents au moins est français.
Il appartient ainsi aux demandeurs, l’enfant n’étant pas titulaire d’un certificat de nationalité française, de démontrer, d’une part, la nationalité française du parent duquel il la tiendrait et, d’autre part, un lien de filiation légalement établi a l’égard de celui-ci, au moyen d’actes d’état civil probants au sens de l’article 47 du code civil, étant précisé qu’afin de satisfaire aux exigences de l’article 20-1 du code civil, cet établissement doit être intervenu pendant sa minorité pour avoir des effets sur la nationalité.
Aux termes de l’article 47 du code civil, tout acte de l’état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d’autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l’acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Celle-ci est appréciée au regard de la loi française.
Il est précisé à ce titre que dans les rapports entre la France et le Sénégal, les actes d’état civil sont dispensés de légalisation par les articles 34 et 35 de la convention de coopération en matière judiciaire signée le 29 mars 1974 et publiée par décret numéro 76-1072 du 17 novembre 1976 ; il suffit que ces actes soient revêtus de la signature et du sceau officiel de l’autorité ayant qualité pour les délivrer et certifiés conformes à l’original par ladite autorité
Par ailleurs, nul ne peut se voir attribuer la nationalité française à quelque titre que ce soit s’il ne justifie pas de façon certaine de son état civil et de celui des ascendants qu’il revendique, par la production de copies intégrales d’actes d’état civil en original, étant précisé que le premier bulletin de la procédure rappelle la nécessité de produire de tels actes.
En l’espèce, pour justifier de la nationalite française de Mme [M] [B], la mère revendiquée de l’enfant, les demandeurs produisent la carte nationale d’identité, délivrée à celle-ci le 8 janvier 2020, et le passeport, délivré à celle-ci le 4 décembre 2012, lesquels constituent, comme rappelé par le ministère public, des éléments de possession d’état qui ne sont pas de nature à rapporter la preuve de la nationalité française de leur titulaire (pièces n°2 des demandeurs).
Il est également versé aux débats le certificat de nationalité française délivré à Mme [M] [B] le 23 décembre 2003 (pièces n°3 et 12 des demandeurs).
Or, un certificat de nationalité française ne vaut preuve de la nationalité française de son titulaire qu’à l’égard de celui-ci, en application des articles 30 et suivants du code civil, et ne peut dispenser les tiers, fussent-ils les propres enfants, de rapporter la preuve de cette nationalité française. Les demandeurs ne peuvent donc se prévaloir de ce certificat de nationalité française.
En tout état de cause, comme le relève le ministère public, les demandeurs ne produisent pas l’acte de naissance de Mme [M] [B]. Faute de justifier de l’état civil de celle-ci, ils ne peuvent se prévaloir d’un lien de filiation entre l’enfant [C] [L] et celle-ci, ni de sa nationalite française.
En conséquence, et sans qu’il y ait lieu d’examiner les autres moyens soulevés par le ministère public, les demandeurs seront déboutés de leur demande tendant à voir reconnaître la nationalité française à l’enfant [C] [L] par filiation maternelle. En outre, dès lors qu’ils ne revendiquent la nationalité française pour l’enfant [C] [L] à aucun autre titre, il sera jugé, conformément à la demande reconventionnelle du ministère public, que ce dernier n’est pas de nationalité française.
Sur la mention prévue à l’article 28 du code civil
Aux termes de l’article 28 du code civil, mention sera portée, en marge de l’acte de naissance, des actes administratifs et des déclarations ayant pour effet l’acquisition, la perte de la nationalité française ou la réintégration dans cette nationalité. Il sera fait de même mention de toute première délivrance de certificat de nationalité française et des décisions juridictionnelles ayant trait à cette nationalité. En conséquence, cette mention sera en l’espèce ordonnée.
Sur les demandes accessoires
Sur les dépens
En application de l’article 696 du code de procédure civile, les demandeurs, qui succombent, seront condamnés aux dépens.
Sur l’article 700 du code de procédure civile
Les demandeurs ayant été condamnés aux dépens, leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile sera rejetée.
LE TRIBUNAL, statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort et par mise à disposition au greffe :
Dit la procédure régulière au regard des dispositions de l’article 1043 du code de procédure civile ;
Reçoit M. [Z] [L], en qualité de représentant légal de l’enfant [C] [L], en son intervention volontaire ;
Déboute Mme [M] [B] et M. [Z] [L] de leur demande tendant à voir dire que l’enfant[C] [L] est de nationalité française ;
Juge que l’enfant [C] [L], né le 15 avril 2011 à [Localité 6] (Sénégal), n’est pas de nationalité française ;
Ordonne la mention prévue par l’article 28 du code civil ;
Rejette la demande de Mme [M] [B] et M. [Z] [L], en qualité de représentants légaux de l’enfant [C] [L] au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne aux dépens Mme [M] [B] et M. [Z] [L], en qualité de représentants légaux de l’enfant [C] [L].
Fait et jugé à Paris le 09 Janvier 2025
La Greffière La Présidente
C. Kermorvant M. Mehrabi
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