L’Essentiel : La SASU Domicil’Aide, rachetée par Ginseng Solutions en 2016, a signé deux contrats de franchise avec Adhap Performances. Ces contrats, d’une durée de sept ans, imposent des redevances mensuelles et l’utilisation de logiciels spécifiques. Des tensions sont apparues en 2017, entraînant des litiges juridiques. Le tribunal de commerce de Paris a condamné Adhap à rembourser Domicil’Aide pour des redevances perçues à tort. En appel, la Cour a confirmé certaines décisions, ordonnant le remboursement de 2.159 € à Domicil’Aide, tout en rejetant d’autres demandes et condamnant Domicil’Aide à verser 28.894,93 € à Adhap pour régularisation.
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Contexte de l’affaireLa SASU Domicil’Aide, spécialisée dans les services d’aide à la personne, a été rachetée par la SARL Ginseng Solutions à la fin de l’année 2016. Domicil’Aide a ensuite signé deux contrats de franchise avec la société Adhap Performances, qui gère un réseau de franchises dans le même secteur, le 17 novembre 2016. Contrats de franchiseLes deux contrats de franchise, d’une durée de sept ans, concernent des zones géographiques distinctes. Le premier contrat impose des redevances mensuelles basées sur un pourcentage du chiffre d’affaires, tandis que le second utilise un système de redevances dégressives sans plafond. Les contrats stipulent également l’obligation d’utiliser des logiciels spécifiques fournis par le franchiseur. Dissensions et litigesDes tensions sont apparues entre Domicil’Aide et Adhap en 2017 concernant l’exécution des contrats. En parallèle, Ginseng a tenté de reprendre une agence franchisée, mais Adhap a refusé d’agréer cette cession, ce qui a conduit Domicil’Aide et Ginseng à assigner Adhap en justice pour divers préjudices. Jugement du tribunalLe tribunal de commerce de Paris a rendu un jugement le 22 juin 2022, condamnant Adhap à rembourser Domicil’Aide pour des redevances perçues à tort et ordonnant à Domicil’Aide de fournir des informations financières à Adhap. Domicil’Aide a également été contrainte d’embaucher un infirmier diplômé et de mettre en place une nouvelle charte graphique. Appels et demandes des partiesDomicil’Aide et Ginseng ont fait appel du jugement, tandis qu’Adhap a interjeté un appel incident. Les parties ont formulé diverses demandes, notamment des indemnités et des condamnations pour manquements contractuels. Décisions de la Cour d’appelLa Cour a confirmé certaines décisions du tribunal, notamment le remboursement de 2.159 € à Domicil’Aide, tout en rejetant d’autres demandes, comme celles concernant les dysfonctionnements des logiciels. La Cour a également condamné Domicil’Aide à payer 28.894,93 € à Adhap pour la régularisation des redevances. ConclusionLa Cour a statué sur les manquements des deux parties, confirmant certaines obligations contractuelles et rejetant d’autres demandes. Les sociétés Domicil’Aide et Ginseng ont été condamnées aux dépens et à verser une indemnité à Adhap. |
Q/R juridiques soulevées :
Quels sont les manquements contractuels reprochés par la société Domicil’Aide à la société Adhap ?La société Domicil’Aide reproche à la société Adhap plusieurs manquements contractuels, notamment : 1. **Augmentation des redevances** : Domicil’Aide affirme qu’Adhap a pratiqué une augmentation des royalties, alors qu’elle s’était engagée à neutraliser cette hausse pour la période du 1er janvier 2017 au 30 juin 2019. 2. **Inclusion du prix des repas dans le chiffre d’affaires** : Domicil’Aide soutient que le prix des repas, sur lesquels aucune marge n’est réalisée, ne devrait pas être comptabilisé dans le chiffre d’affaires pour le calcul des redevances. 3. **Dysfonctionnements des logiciels** : Domicil’Aide allègue que les logiciels imposés par Adhap sont défaillants, causant un préjudice financier important. 4. **Obligation de formation** : Domicil’Aide reproche à Adhap de ne pas avoir respecté son obligation de formation continue, malgré des demandes répétées. Ces manquements sont examinés à la lumière des articles 1103 et 1104 du Code civil, qui stipulent que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits et doivent être exécutés de bonne foi. Comment la Cour a-t-elle statué sur l’indexation des redevances ?La Cour a confirmé que les contrats de franchise stipulent, en leur article 19.2, que les redevances de franchise seront réévaluées chaque année au 1er janvier, selon le taux légal d’encadrement des prix des services à la personne. La société Adhap avait, par courriel du 10 août 2019, promis de « neutraliser » l’augmentation des royalties pour la période du 1er janvier 2017 au 30 juin 2019. La Cour a jugé que cet accord n’était soumis à aucune condition, ce qui signifie qu’Adhap ne pouvait pas prétendre l’avoir reconsidéré. Ainsi, la Cour a condamné Adhap à payer à Domicil’Aide la somme de 2.159 € pour l’augmentation indue des royalties, confirmant le jugement du tribunal de commerce. Quelles sont les obligations de communication des chiffres d’affaires imposées à Domicil’Aide ?Les contrats de franchise stipulent que Domicil’Aide doit communiquer des déclarations de chiffres d’affaires différenciées pour permettre à Adhap de calculer les redevances dues respectivement pour les centres de [Localité 10] et de [Localité 5]-[Localité 11]. La Cour a constaté que Domicil’Aide ne respectait pas cette obligation, ce qui a entraîné un manque à gagner pour Adhap. En conséquence, la Cour a confirmé l’injonction du tribunal de commerce, ordonnant à Domicil’Aide de communiquer ces données financières de manière différenciée. Quels sont les manquements de Domicil’Aide à ses obligations contractuelles ?La société Adhap a reproché à Domicil’Aide plusieurs manquements, notamment : 1. **Recrutement d’un infirmier diplômé d’État** : Domicil’Aide n’a pas respecté son obligation de recruter un infirmier diplômé d’État, comme l’exigent les articles 3 des contrats de franchise. 2. **Mise en place de la nouvelle charte graphique** : Domicil’Aide a omis de mettre en place la nouvelle charte graphique dans ses centres, ce qui constitue une violation des obligations contractuelles. 3. **Participation aux réunions** : Domicil’Aide a également manqué à son obligation de participer aux congrès annuels et aux réunions régionales, comme stipulé dans les articles 11.2.3 et 11.2.4 des contrats de franchise. La Cour a confirmé ces manquements, soulignant que Domicil’Aide ne pouvait pas s’exonérer de ses obligations contractuelles. Comment la Cour a-t-elle évalué le refus d’agrément de la société Adhap ?La Cour a examiné le refus d’agrément opposé par Adhap à Ginseng dans le cadre du projet de cession de l’agence d'[Localité 9]. Elle a constaté que le refus était justifié par des motifs liés à la dégradation des relations contractuelles entre Adhap et Domicil’Aide, ainsi que par des conditions inacceptables que Ginseng tentait d’imposer. L’article 1226 du Code civil stipule qu’un contractant peut céder sa qualité de partie au contrat à un tiers avec l’accord de son cocontractant. La Cour a donc confirmé que le refus d’agrément était fondé et a rejeté la demande d’indemnisation de Ginseng, considérant que les manquements de Domicil’Aide justifiaient la décision d’Adhap. |
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 11
ARRÊT DU 10 JANVIER 2025
(n° , 16 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/13508 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CGGFU
Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Juin 2022 -Tribunal de Commerce de Paris – RG n° 2021017539
APPELANTES
S.A.S.U. DOMICIL’AIDE
prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 1]
[Localité 5]
immatriculée au RCS de BORDEAUX sous le numéro 442 626 867
S.A.R.L. GINSENG SOLUTIONS
prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 7]
[Localité 5]
immatriculée au RCS de BORDEAUX sous le numéro 824 312 961
Représentées par Me Jean-philippe AUTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0053
Assistées de Me Florian LE MELINER, avocat au barreau de BORDEAUX, substituant Me
Florian DE SAINT-POL
INTIMÉE
S.A.S. ADHAP PERFORMANCES
prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 3]
[Localité 8]
immatriculée au RCS de CLERMONT-FERRAND sous le numéro 411 736 325
Représentée par Me Jean-didier MEYNARD de la SCP BRODU – CICUREL – MEYNARD – GAUTHIER – MARIE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0240
Assistée de Me Lionel LEFEBVRE, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 19 Septembre 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :
Denis ARDISSON, Président de chambre
Marie-Sophie L’ELEU DE LA SIMONE, conseillère,
CAROLINE GUILLEMAIN, conseillère, chargée du rapport,
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Damien GOVINDARETTY
ARRÊT :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Denis ARDISSON, Président de chambre et par Damien GOVINDARETTY, Greffier, présent lors de la mise à disposition.
La SASU Domicil’Aide exerce une activité de services d’aide à la personne. A la fin de l’année 2016, elle a fait l’objet d’un rachat par sa holding, la SARL Ginseng Solutions (la société Ginseng), ayant pour gérants Mme [R] [E] et M. [M] [E].
La SAS Adhap Performances (la société Adhap) exploite, pour sa part, un réseau de franchise de services à la personne.
Le 17 novembre 2016, la société Domicil’Aide a régularisé deux contrats de franchise, d’une durée de sept ans, avec la société Adhap, sur deux zones de territoire différentes.
Le premier contrat, qui portait sur la concession d’un territoire situé dans la zone [Localité 5] Sud, pour l’exploitation d’agences situées à [Localité 10], [Localité 13] et [Localité 12], mettait à la charge du franchisé le paiement d’une redevance de franchise mensuelle équivalente à un pourcentage de 4,14 % du chiffre d’affaires total hors taxe, ainsi qu’une redevance mensuelle de communication centralisée représentant 1 % de son chiffre d’affaires mensuel total hors taxe, le montant annuel de ces redevances étant, par ailleurs, plafonné à 51.873 € HT pour la redevance de franchise et 10.374 € HT pour la redevance de communication (articles 19.2 et 19.3).
Le second contrat de franchise, portant sur la concession de la zone de [Localité 5] Ouest, pour l’exploitation de l’agence de [Localité 11], prévoyait le paiement d’une redevance mensuelle de franchise calculée à partir d’un pourcentage dégressif du chiffre d’affaires mensuel hors taxe du franchisé (de 5 % à 0,5 %), sans aucun plafond, et d’une redevance mensuelle de communication centralisée correspondant à 1 % du chiffre d’affaires mensuel total HT, avec un plafond annuel de 10.374 € HT (articles 19.2 et 19.3).
Les articles 13 des deux contrats de franchise imposaient, par ailleurs, au franchisé d’utiliser les logiciels « métiers », dont le franchiseur avait financé des développements spécifiques, et à signer un contrat de fournitures de solutions globales informatiques.
Afin de satisfaire à cette obligation, la société Domicil’Aide a conclu, le même jour, avec la société LP Solutions un Contrat de Fourniture de Solutions Globales prévoyant la mise à disposition de logiciels « métiers ».
Dans le courant de l’année 2017, des dissensions sont nées entre la société Domicil’Aide et la société Adhap dans le cadre de l’exécution des contrats.
Parallèlement, la société Ginseng a souhaité reprendre l’agence franchisée sous l’enseigne Adhap, située à [Localité 9], exploitée par la société SO&TI. Le 26 juin 2020, la société Ginseng a régularisé à cette fin avec la société SO&TI, un protocole de cession des droits sociaux de son associée unique, la société A.S.B, sous conditions suspensives, qu’elle a communiqué à la société Adhap. Le 24 juillet 2020, celle-ci a, cependant, notifié à la société SO&TI un refus d’agrément, ce dont elle a informé le même jour la société Ginseng, de sorte que la cession projetée n’a pu aboutir.
Suivant exploit du 18 mars 2021, les sociétés Domicil’Aide et Ginseng ont fait assigner la société Adhap devant le tribunal de commerce de Paris aux fins, notamment, d’indemnisation de divers préjudices causés par ses manquements contractuels, dans le cadre de l’exécution des contrats de franchise, et du dommage consécutif à son refus d’agrément.
Par jugement en date du 22 juin 2022, le tribunal a :
Condamné la société Adhap à payer à la société Domicil’Aide la somme de 2.159 €, au titre de la restitution d’un trop perçu de redevances,
Ordonné à la société Domicil’Aide de communiquer à la société Adhap, depuis la date de démarrage de l’exploitation de ses centres ADHAP :
le chiffre d’affaires réalisé en exécution du contrat de franchise Adhap de [Localité 5] Sud,
le chiffre d’affaires réalisé en exécution du contrat de franchise ADHAP de [Localité 5] Ouest,
sous astreinte de 300 € par jour de retard à partir du trentième jour ouvré suivant la signification du jugement, pendant une période de trente jours à l’issue de laquelle il serait de nouveau statué,
Ordonné à la société Domicil’Aide d’embaucher, dans chacun de ses centres, un infirmier Diplômé d’État, dans un délai de trois mois à compter de la date de signification du jugement,
Ordonné à la société Domicil’Aide de mettre en place la nouvelle charte graphique Adhap dans ses centres et relais Adhap situés :
[Adresse 4],
[Adresse 2],
[Adresse 6],
sous astreinte de 200 € par jour de retard à partir du septième mois suivant la signification du jugement, pendant une période de trente jours à l’issue de laquelle il serait de nouveau statué,
Enjoint la société Domicil’Aide de participer au congrès annuel et aux réunions régionales Adhap,
Débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,
Condamné la société Domicil’Aide et la société Ginseng à payer à la société Adhap chacune la somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamné la société Domicil’Aide et la société Ginseng in solidum aux dépens.
Les sociétés Domicil’Aide et Ginseng ont formé appel du jugement, par déclaration du 13 juillet 2022.
Par conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats, le 11 janvier 2023, la société Adhap a interjeté un appel incident.
Dans leurs dernières conclusions, communiquées par voie électronique, le 4 septembre 2024, la SASU Domicil’Aide et la SARL Ginseng Solutions demandent à la Cour, au visa des articles 1103, 1104, 1200 et 1240 du code civil et de l’article 700 du code de procédure civile, de :
«’ Déclarer les sociétés DOMICIL’AIDE et GINSENG SOLUTIONS recevables et bien fondées en toutes leurs demandes, fins et conclusions ;
‘ Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a : condamné la société ADHAP PERFORMANCES à payer à la société DOMICIL’AIDE la somme de 2 159 € ; débouté la société ADHAP PERFORMANCES de ses demandes plus amples ou contraires ;
‘ Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :
– Ordonné à la SAS DOMICIL’AIDE de communiquer à la SAS ADHAP PERFORMANCES depuis la date du démarrage de l’exploitation de ses centres ADHAP :
‘ Le chiffre d’affaires réalisé en exécution du contrat de franchise ADHAP de [Localité 5] SUD
‘ Le chiffre d’affaires réalisé en exécution du contrat de franchise ADHAP de [Localité 5] OUEST
Sous astreinte de 300 € par jour de retard à partir du trentième jour ouvré suivant la signification du présent jugement, et ce pendant une période de 30 jours à l’issue de laquelle il sera à nouveau statué,
– Ordonné à la SAS DOMICIL’AIDE d’embaucher, dans chacun de ses centres, un infirmier diplômé d’Etat dans un délai de 3 mois à compter de la date de signification du présent jugement ;
– Ordonné à la SAS DOMICIL’AIDE de mettre en place la nouvelle charte graphique ADHAP dans ses centres et relais ADHAP situés :
‘ [Adresse 4]
‘ [Adresse 2]
‘ [Adresse 6]
Sous astreinte de 200 par jour du retard à partir du septième mois suivant la signification du présent jugement et ce pendant une période de 30 jours à l’issue de laquelle il sera à nouveau statué,
– Enjoint la société DOMICIL’AIDE de participer au congrès annuel et aux réunions régionales ADHAP ;
– Débouté les sociétés DOMICIL’AIDE et GINSENG SOLUTIONS de leurs demandes autres, plus amples ou contraires à savoir :
‘condamner la SAS ADHAP PERFORMANCES à payer à la SAS DOMICIL’AIDE la somme de 80 825 € à titre de dommages-intérêts
‘ condamner la SAS ADHAP PERFORMANCES à cesser, sous astreinte, les différents manquements évoqués :
cesser de prendre en compte le prix des repas dans le chiffre d’affaires ou, du moins cesser de prendre en compte ce prix dans le calcul des redevances
adresser à la société DOMOCIL’AIDE les états de charges pour les années 2018, 2019 et 2020 et les Déclarations sociales nominatives de l’ensemble des salariés pour les années 2018, 2019 et 2020
‘ condamner la société ADHAP PERFORMANCES à indemniser la société GINSENG SOLUTIONS à hauteur de 340 169 €
‘ condamner la société ADHAP PERFORMANCES au paiement à chacun des sociétés DOMICIL’AIDE et GINSENG SOLUTIONS de la somme de 15 000 € au titre de l’article 700 du CPC
– Condamner les sociétés DOMICIL’AIDE et GINSENG SOLUTIONS à payer à la SAS ADHAP PERFORMANCES chacune la somme de 5 000 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;
– Condamner la SAS DOMICIL’AIDE et la SARL GINSENG SOLUTIONS in solidum aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 90, 03 € dont 14, 94 € de TVA
STATUANT A NOUVEAU :
‘ Déclarer les sociétés DOMICIL’AIDE et GINSENG SOLUTIONS recevables et bien fondées en toutes leurs demandes, fins et conclusions ;
‘Rejeter l’ensemble des demandes formulées par la société ADHAP PERFORMANCES ;
‘ Condamner la société ADHAP PERFORMANCES à verser à la société DOMICIL’AIDE la somme de 80 825 €, décomposée comme suit, à titre de dommages et intérêts :
– 2 159 € au titre de l’augmentation indue des royalties pour la période du 1er janvier 2017 au 30 juin 2019 ;
– 54 209 € au titre des royalties payés sur l’achat et la revente des repas du 17 novembre 2016 au 31 décembre 2020 ;
– 8 236 € au titre des indemnités kilométriques payées indûment par la société DOMICIL’AIDE à ses salariés sur la période du 17 novembre 2016 au 30 janvier 2020 ;
– 20 000 € au titre de ses manquements à son obligation de formation continue depuis le 17 novembre 2016 ;
– 20 000 € au titre des pannes informatiques à répétition depuis le 17 novembre 2016 ;
‘ Condamner la société ADHAP PERFORMANCES à cesser les différents manquements évoqués, soit à résoudre l’ensemble des difficultés listées, et donc à, sous astreinte de 500 € par jour de retard commençant à courir à compter de 15 jours après la signification de la décision à intervenir :
– Cesser de prendre en compte le prix des repas dans le chiffre d’affaires de la franchisée ou, du moins, cesser de prendre en compte ce prix dans le calcul du montant des redevances pour les redevances à venir ;
– Adresser à la société DOMICIL’AIDE les états de charges pour les années 2018, 2019 et 2020 et les Déclarations Sociales Nominatives de l’ensemble des salariés pour les années 2018, 2019 et 2020
‘ Condamner la société ADHAP PERFORMANCES à indemniser la société GINSENG SOLUTIONS à hauteur de 340 169 € pour le préjudice subi du fait du refus d’agrément abusif ;
‘ Condamner la société ADHAP PERFORMANCES à verser à la société DOMICIL’AIDE la somme de 86 984, 93 € au titre de la somme versée indûment suite à la régularisation des redevances ;
‘ Condamner la société ADHAP PERFORMANCES au paiement d’une indemnité de 15 000 € au profit de chacune des sociétés DOMICIL’AIDE et GINSENG SOLUTIONS au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;
‘ Condamner la société ADHAP PERFORMANCES au paiement des entiers dépens. »
Dans ses dernières conclusions, transmises par voie électronique, le 6 septembre 2024, la SAS Adhap Performances demande à la Cour, sur le fondement des articles 1103 du code civil et 122 du code de procédure civile, de :
« Confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 22 juin 2022 entrepris en ce qu’il a :
‘ débouté les sociétés DOMICIL’AIDE et GINSENG SOLUTIONS de leurs demandes (à l’exception du paiement de la somme de 2.159 euros qui fait l’objet d’un appel incident) ;
‘ ordonné à la société DOMICIL’AIDE de communiquer à la société ADHAP PERFORMANCES, depuis la date du démarrage de l’exploitation de ses centres ADHAP :
son chiffre d’affaires réalisé en exécution du contrat de franchise ADHAP de [Localité 5] Sud ;
son chiffre d’affaires réalisé en exécution du contrat de franchise ADHAP de [Localité 5] Ouest ;
sous astreinte de 300 euros par jour de retard à partir du trentième jour ouvré suivant la signification du jugement et ce pendant une période de 30 jours à l’issue de laquelle il sera de nouveau statué,
‘ ordonné à la société DOMICIL’AIDE d’embaucher, dans chacun de ses centres ADHAP, un Infirmier Diplômé d’Etat (IDE) dans un délai de trois mois à compter de la date de signification du jugement ;
‘ ordonné à la société DOMICIL’AIDE de mettre en place la nouvelle charte graphique ADHAP dans ses centres et relais ADHAP situés :
[Adresse 4] ;
[Adresse 2] ;
[Adresse 6] ;
sous astreinte de 200 euros par jour de retard à partir du septième mois suivant la signification du jugement et ce pendant une période de 30 jours à l’issue de laquelle il sera de nouveau statué,
‘ enjoint à la société DOMICIL’AIDE, de participer au congrès annuel ADHAP et aux réunions régionales ADHAP.
‘ Condamné les sociétés DOMICIL’AIDE et GINSENG SOLUTIONS à payer à la société ADHAP PERFORMANCES chacune la somme de 5.000 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile,
‘ Condamné les sociétés DOMICIL’AIDE et GINSENG SOLUTIONS in solidum aux dépens.
L’infirmer pour le surplus
Recevoir l’appel incident de la société ADHAP PERFORMANCES,
Le déclarer fondé, et statuant à nouveau,
DECLARER IRRECEVABLES les demandes formées par la société DOMICILE’AIDE relatives au fonctionnement des logiciels informatiques,
DEBOUTER les sociétés DOMICIL’AIDE et GINSENG SOLUTIONS de toutes leurs demandes, fins et prétentions, et en particulier, en ce qui concerne la société DOMICIL’AIDE la débouter de ses demandes en paiement des sommes suivantes :
2.159 euros au titre de la neutralisation de l’augmentation du montant des redevances pour la période du 1er janvier 2017 au 30 juin 2019 ;
86 984, 93 euros au titre de la régularisation des redevances de franchise et de communication suite à la communication par la société DOMICIL’AIDE de ses chiffres d’affaires réalisés en exécution du contrat de franchise ADHAP de [Localité 5] Sud et du contrat de franchise ADHAP de [Localité 5] Ouest ;
CONDAMNER la société DOMICIL’AIDE à payer à la société ADHAP PERFORMANCES la somme de 86.984,93 euros au titre de la régularisation du montant des redevances de franchise et de communication, cette somme restant à parfaire au fur et à mesure de la période d’exécution des contrats de franchise ADHAP,
CONDAMNER les sociétés DOMICIL’AIDE et GINSENG SOLUTIONS à payer chacune à la société ADHAP PERFORMANCES la somme de 10.000 euros, en application de l’article 700 du Code de Procédure Civile,
CONDAMNER les sociétés DOMICIL’AIDE et GINSENG SOLUTIONS en tous les dépens de la première instance et d’appel, lesquels seront recouvrés conformément à l’article 699 du Code de procédure civile. »
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est fait expressément référence aux écritures des parties susvisées quant à l’exposé détaillé de leurs prétentions et moyens respectifs.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 12 septembre 2024.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur les manquements du franchiseur à ses obligations contractuelles
Enoncé des moyens
La société Domicil’Aide reproche, tout d’abord, à la société Adhap d’avoir pratiqué une augmentation des royalties, alors qu’elle s’était engagée à neutraliser cette hausse pour la période du 1er janvier 2017 au 30 juin 2019, ce qui justifie, selon elle, sa condamnation à lui rembourser la somme de 2.159 €.
Elle prétend, par ailleurs, que le prix des repas, sur lesquels aucune marge n’est réalisée, ne devrait pas être comptabilisé dans le chiffre d’affaires pour calculer le montant des redevances.
Elle fait valoir que la société Adhap lui a, en outre, imposé l’utilisation de logiciels, tous défaillants, ce qui lui a causé un important préjudice financier. Elle rappelle que la société LP Solutions et la société Adhap, ont le même dirigeant, et que le franchiseur a une obligation d’assistance à l’égard de ses franchisés. Elle allègue, plus précisément, un défaut de paramétrage du module Korrigan du logiciel Apologic, paramétré par le franchiseur lui-même, ayant entraîné le paiement d’un surplus de charges sociales, et elle demande que la société Adhap soit condamnée à lui adresser les états de charges et les déclarations sociales nominatives de l’ensemble des salariés pour les années 2018 à 2020. Elle se prévaut également de la défaillance du logiciel Mapotempo, utilisé pour calculer les trajets et les indemnités kilométriques à verser aux salariés. Elle invoque, pour finir, l’impossibilité de gérer en même temps le planning du client et celui du salarié, dont le temps de trajet n’est pas payé, que ce soit au moyen du module Perceval ou du module Korrigan, et l’absence d’assistance du franchiseur en présence de pannes informatiques répétées.
La société Domicil’Aide fait encore grief à la société Adhap de ne pas s’être acquittée de son obligation de formation, en dépit des demandes réitérées de M. [E]. Elle explique, à ce propos, que les formations proposées par le franchiseur étaient, à son égard, dénuées d’intérêt.
La société Adhap reconnaît, pour sa part, qu’elle avait annoncé à son franchisé la neutralisation des plafonds de redevance, mais explique qu’elle a refusé d’y donner suite, parce que celui-ci ne respectait pas ses engagements au titre des conditions financières des contrats ; elle souligne que l’augmentation des plafonds résulte, en tout état de cause, de l’application des stipulations contractuelles.
L’intimée considère qu’il n’y a pas lieu non plus de retrancher le prix des repas de la base de calcul des redevances, dans la mesure où les contrats de franchise vise le chiffre d’affaires hors taxe réalisé par le franchisé ; elle ajoute que celui-ci réalise, en tout état de cause, une marge sur l’opération de portage des repas.
Elle réplique que la mise à disposition des logiciels résulte d’un contrat de fourniture de solutions globales informatiques distinct, signé avec la société LP Solutions, de sorte que sa responsabilité ne saurait être engagée au titre des dysfonctionnements allégués. Elle conteste, par ailleurs, être à l’origine du paramétrage du logiciel Korrigan. Elle fait valoir que le module Matotempo est, en réalité, optionnel et ne fait pas partie de la solution informatique globale du prestataire informatique ; elle conteste, en tout état de cause, les dysfonctionnements allégués. S’agissant de la gestion des plannings des salariés, elle objecte que le temps de trajet, payé par le client, correspond à un temps de travail des intervenants. Elle explique que les pannes informatiques, d’une durée très brève, ont fait l’objet d’une prise en charge immédiate par le fournisseur.
La société Adhap soutient, pour finir, que les époux [E] ont effectivement bénéficié d’une formation initiale, et que des journées de formation continue leur ont été proposées, toutes utiles.
Réponse de la Cour
En application de l’article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
L’article 1104 du même code précise que les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi, cette disposition étant d’ordre public.
– Sur l’indexation du montant des redevances
Les deux contrats de franchise, conclus le 17 novembre 2016, prévoient en leur article 19.2, que les redevances de franchise seront réévaluées chaque année au 1er janvier, selon le taux légal d’encadrement des prix des services à la personne.
La société Adhap s’est, néanmoins, engagée, par courriel du 10 août 2019, à « neutraliser » l’augmentation des royalties pour la période du 1er janvier 2017 au 30 juin 2019, en prenant comme indice de référence le plafond de l’année 2016 d’un montant de 51.873 €, et à déduire, en conséquence, la somme de 2.159 € des prochaines factures adressées à la société Domicil’Aide. Or, comme l’a relevé le tribunal de commerce, cet accord n’était soumis à aucune condition, de sorte que la société Adhap ne peut prétendre l’avoir reconsidéré, au motif que la société Domicil’Aide ne respectait pas les conditions financières des contrats, qu’elle restait en tout état de cause en droit de faire appliquer. Le jugement sera, dès lors, confirmé en ce qu’il l’a condamnée à payer à la société Domicil’Aide la somme de 2.159 €.
– Sur l’intégration du prix des repas dans la base de calcul des redevances
Les articles 19.2 des contrats de franchise stipulent, l’un et l’autre, que le franchisé s’engage à payer au franchiseur une redevance mensuelle calculée en fonction du chiffre d’affaires total hors taxe.
Il résulte des courriels échangés, les 20 novembre 2017, 16 et 17 juin 2019 et 23 août 2019, que le sujet relatif à l’intégration du prix des repas dans la base de calcul des redevances a fait l’objet de discussion entre les parties, la société Adhap ne contestant pas que la société Domicil’Aide ne réalisait aucune marge sur ce prix. Néanmoins, contrairement à ce que soutient cette dernière, la teneur de ces courriers ne permet pas d’induire un quelconque accord de la société Adhap pour exclure le chiffre d’affaires réalisé sur la vente des repas.
La société Adhap est donc fondée à invoquer l’application des clauses des contrats, qui ne font aucune distinction selon que le chiffre d’affaires serait réalisé avec ou sans marge.
En tout état de cause, la société Domicil’Aide ne conteste pas qu’elle réalise une marge sur la prestation de livraison. Aussi, c’est à juste titre que le tribunal l’a déboutée de ses demandes d’indemnisation et en cessation de la pratique reprochée à la société Adhap.
– Sur les dysfonctionnements du système informatique
Il est constant que le contrat de fourniture de solutions globales a été conclu avec la société LP Solutions en exécution des contrats de franchise, qui imposaient au franchisé, aux termes de leur article 13, d’utiliser certains logiciels « métiers ».
Le contrat de fourniture de solutions globales stipule, dans l’exposé préalable, que « Le Client s’engage à avertir le Fournisseur dans les meilleurs délais de tout dysfonctionnement, panne ou bug constatés lors de l’utilisation de la solution globale » et que « Tout dysfonctionnement, panne ou bug non reporté au Fournisseur ne pourra faire l’objet d’un correctif et ne saurait engager la responsabilité du Fournisseur en cas de dommage direct ou indirect pouvant en résulter ».
L’article 13 des contrats de franchise prévoit, par ailleurs, que « Le Franchiseur s’engage à faire bénéficier le Franchisé de son aide (non technique) liée à sa connaissance du concept, pour la mise en place du système informatique Adhap Services®. »
Le contrat de fourniture de solutions globales, conclu avec la société LP Solutions demeure, en tout état de cause, indépendant des contrats de franchise, ce dont il résulte que la société Adhap n’était tenue d’aucune obligation de mise à disposition, pas plus qu’elle ne pouvait être rendue responsable des éventuels dysfonctionnements des logiciels, quand bien même le fournisseur et le franchisé avaient le même dirigeant.
Or, ainsi que l’a relevé le tribunal, la société Domicil’Aide n’a pas estimé utile d’attraire la société LP Solutions à la procédure, et elle ne saurait légitimement tirer argument de ce que les salariés du franchiseur ont tenté de l’assister afin de résoudre les dysfonctionnements allégués, au besoin au-delà de leurs strictes obligations contractuelles.
En tout état de cause, la société Domicil’Aide ne produit aucune pièce de nature à démontrer que la société Adhap aurait réalisé elle-même le paramétrage du module Korrigan du logiciel Apologic, utilisé pour évaluer le montant des charges sociales, dont le dysfonctionnement l’aurait amenée à verser des cotisations URSSAF en nombre trop important. Les courriels des 30 mars 2018, 6 novembre 2018 et 10 août 2019 adressés par la société Adhap ne peuvent être interprétés comme ayant valeur de reconnaissance de responsabilité de sa part, celle-ci ayant indiqué tenter, dans un premier temps, d’analyser la difficulté, avant de conclure, dans un second temps, à l’absence de toute anomalie du logiciel. Comme le souligne la société intimée, l’assistance apportée par ses équipes afin de résoudre les problèmes de paramétrage, qui s’évince des termes du courriel du 10 août 2019, dans lequel elle indique que « concernant l’année 2017, le paramétrage local du logiciel a été repris », ne saurait être assimilée avec une intervention sur les paramétrages initiaux du logiciel. La société Domicil’Aide n’est donc pas fondée à imputer à la société Adhap la responsabilité de versements trop élevés à l’URSSAF. Pour le reste, aucune obligation n’incombe au franchiseur de lui transmettre les états de charge et les déclarations nominatives des salariés.
Concernant le logiciel Mapotempo, permettant de calculer les indemnités kilométriques des salariés, le tribunal a également relevé à juste titre que celui-ci ne faisait pas partie de la solution globale informatique du prestataire imposée par la société Adhap, mais qu’il constituait uniquement une option, utilisée à la demande de la société Domicil’Aide, selon le courriel du 5 juillet 2017, cependant que celle-ci pouvait, à tout moment, décider de choisir un autre module de cartographie. Au reste, la société Adhap justifie qu’elle a fait état des griefs allégués par la société Domicil’Aide auprès de l’éditeur Cityzen, qui y a répondu par courriel du 27 novembre 2017, en expliquant que les écarts de temps constatés, par rapport à l’application Via Michelin, reprises avec un paramétrage identique, étaient en réalité peu significatives et que les données intégrées dans le logiciel Mapotempo étaient plus précises, dans la mesure où elles prenaient en compte le trafic. Les constatations réalisées par voie d’huissier, aux termes du procès-verbal des 5 novembre, 8 et 10 décembre 2020, à partir des sites Mappy et Google Maps, ne permettent pas d’établir, faute de comparaison avec les données de temps de trajet réelles, que les itinéraires générés par le logiciel Mapotempo étaient moins fiables que ceux des applications concurrentes. Enfin, la société Domicil’Aide, qui invoque des géolocalisations d’adresses erronées, ne justifie pas avoir procédé aux correctifs manuels dans le cadre du processus de confirmation décrit dans le guide technique d’utilisation du logiciel Matotempo.
La société appelante n’est pas fondée non plus à invoquer des difficultés de gestion des plannings des salariés. Le modèle de contrat de travail liant l’intervenant au franchisé, produit par la société Adhap, stipule, en effet, que le temps de travail du salarié inclut la durée de transport pour se rendre d’un client chez l’autre, dans les conditions prévues par la convention collective. La société Domicil’Aide ne peut donc légitimement invoquer la nécessité de dissocier le planning du client, pour le compte duquel le montant de la prestation facturée inclut cinquante minutes de travail et dix minutes de temps de trajet, de celui du salarié, d’une durée prétendument inférieure, alors que la durée du trajet de celui-ci est comprise comme un temps de travail effectif.
Les coupures d’accès au système informatique relèvent, de la même façon de la responsabilité du seul fournisseur qui, comme l’explique, la société Domicil’Aide lui avait, d’ailleurs, soumis un projet de protocole d’accord contenant une proposition d’indemnisation destinée à compenser les inconvénients d’une panne survenue entre les 10 et 19 novembre 2020, auquel elle n’a pas souhaité donner de suite. A titre surabondant, contrairement à ce qui est soutenu, la société Adhap justifie, au vu d’un courrier du 27 novembre 2020, avoir dûment informé ses franchisés des actions mises en ‘uvre pour remédier à cet incident, en expliquant avoir réuni, à ce sujet, le « comité de suggesion Adhap », composé de franchisés élus et de représentants de l’association de professionnels indépendants franchisés, afin d’évoquer la situation. Il résulte, par ailleurs, d’un courriel émanant de l’Adhap, daté du 19 janvier 2021, qu’une opération de maintenance avait été prévue le 4 février 2021, de sorte que la société Domicil’Aide ne saurait légitimement affirmer que l’interruption de l’accès au système informatique survenue ce jour-là était consécutive à l’incident remontant au mois de novembre précédent. La société Domicil’Aide n’établit pas que les pannes qu’elle avait signalées préalablement, les 23 juillet 2020, 19 août 2020, 4 septembre 2020 auraient persisté dans la durée, la société Adhap justifiant, pour sa part, du traitement de la réclamation du 1er août 2022 le jour même.
Les demandes de la société Domicil’Aide, quoique recevables, apparaissent ainsi mal fondées. Le jugement sera, en conséquence, confirmé en ce qu’il a débouté la société Domicil’Aide de ses prétentions afférentes aux dysfonctionnements allégués.
– Sur les manquements du franchiseur à son obligation de dispenser une formation
Les articles 9.1 des contrats de franchise prévoient que, préalablement à l’ouverture d’un centre Adhap Services®, le franchiseur dispensera une formation initiale au franchisé en lien avec l’exercice des fonctions de responsable du centre, d’une durée de vingt-trois jours, dont le programme figure dans une Annexe 3. Les articles 9.3 stipulent que les partenaires et/ou le responsable du centre sont, en outre, tenus de suivre au moins une journée de formation par an dans le cadre de la formation continue organisée par le franchiseur, selon les tarifs en vigueur à la date de la formation.
Le tribunal a, par d’exacts motifs détaillés et pertinents que la Cour adopte, considéré que malgré des propos contradictoires, la société Domicil’Aide reconnaissait, dans ses écritures, avoir bénéficié du suivi de la formation initiale, et que la liste des programmes proposés dans le cadre de la formation continue correspondaient parfaitement aux besoins de la clientèle des franchisés, exploitant de centres d’assistance à domicile de personnes âgées ou handicapées, de sorte qu’il ne pouvait valablement être soutenu que les formations relatives aux maladies d’Alzheimer, de Parkison ou de sclérose en plaque, citées à titre d’exemple par l’appelante, étaient dénuées d’intérêt, y ajoutant que les époux [E] avaient pu suivre une formation aux outils informatiques, dans le cadre de la formation initiale. La société Domicil’Aide échoue ainsi à rapporter la preuve d’un manquement de la société Adhap à son obligation d’assurer une formation à ses franchisés. Le jugement sera, par suite, confirmé, en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de réparation du préjudice allégué.
Par suite des développements qui précèdent, il y a lieu également de confirmer le chef du jugement ayant rejeté sa demande de condamnation de la société Adhap à cesser, sous astreinte, ses prétendus manquements contractuels.
Sur les manquements du franchisé à ses obligations contractuelles
Enoncé des moyens
La société Adhap expose que la société Domicil’Aide, ayant souscrit deux contrats de franchise distincts, ne respecte pas son obligation de communiquer des déclarations de chiffres d’affaires différenciées, de sorte qu’elle se trouve dans l’impossibilité de procéder au calcul des redevances dues respectivement pour les centres de [Localité 10] et de [Localité 5]-[Localité 11], qui sont calculées selon des modalités financières différentes. Elle conclut, en conséquence, à la confirmation du jugement, en ce qu’il a ordonné à la société Domicil’Aide de lui communiquer ces données financières. Elle souligne que le franchisé a, en exécution du jugement, déféré à son obligation de communication, ce qui lui a permis de calculer le montant réel des redevances, régularisé à hauteur de 86.984,93 €, dont elle sollicite le paiement.
Elle reproche également à la société Domicil’Aide de ne pas avoir satisfait à ses obligations de recruter un infirmier diplômé d’État, de déployer la nouvelle charge graphique et de participer aux réunions qu’elle organisait, durant la période contractuelle précédemment écoulée, en précisant que les contrats de franchise ont pris fin le 17 novembre 2023.
La société Domicil’Aide réplique que le franchiseur a directement accès à l’ensemble des données financières, de sorte qu’il est inutile qu’elle procède à des déclarations de chiffres d’affaires différenciées. Elle fait valoir que le montant des redevances est ainsi calculé par le franchiseur à partir du chiffre d’affaires global. Elle soutient qu’elle s’est d’ores et déjà acquittée de la somme de 58.000 €, et que le montant total de la régularisation sera réglé, en tout état de cause, à la date du 15 juin 2025, selon l’échéancier convenu entre les parties.
Elle se prévaut de l’impossibilité à laquelle elle a été confrontée de recruter un infirmier diplômé d’État et impute à la société Adhap la responsabilité de l’absence d’installation de la nouvelle charte graphique ; elle conteste tout manquement à l’obligation d’assister aux réunions, en soulignant qu’elle a bien participé au congrès annuel de 2018.
Réponse de la Cour
– Sur la communication des données financières de la société Domicil’Aide
Il est constant que les deux contrats de franchise, signés le 17 novembre 2016, qui portent sur la concession de zones d’exploitation différentes, le premier pour les agences situées à [Localité 10], [Localité 13] et [Localité 12], et le second concernant l’agence de [Localité 11], prévoient une redevance basée sur le chiffre d’affaires à des taux différents, avec un plafond prévu pour le territoire situé dans la zone de [Localité 5] Sud et, inversement, sans aucun plafond pour la zone de [Localité 5] Ouest.
Comme l’a relevé le tribunal, pour permettre au franchiseur de calculer le montant des redevances, en fonction des conditions différenciées prévues aux contrats, selon les territoires concernés, il était nécessaire que le franchisé procède à des déclarations de chiffres d’affaires différenciées.
Par courriel du 23 novembre 2016, la société Domicil’Aide s’était ainsi engagée à procéder à l’envoi d’informations différenciées en fonction des deux zones de territoire couvertes par chacun des contrats de franchise.
La société Domicil’Aide n’ayant pas respecté son engagement, il en est résulté un manque à gagner pour la société Adhap, qui a perçu des redevances minorées pour l’agence de [Localité 5] [Localité 11], en raison notamment de l’application d’un plafond unique.
L’injonction du tribunal donnée à la société la SAS Adhap Performances de communiquer, de façon différenciée, les montants des chiffres d’affaires réalisés en exécution des deux contrats de franchise était donc parfaitement justifiée.
Le montant de la régularisation des redevances, calculé sur la base des données communiquées par la société Domicil’Aide, en exécution du jugement, s’élevant à hauteur de 86.984,93 €, pour la période du 1er janvier 2017 au 31 août 2022, n’est pas contesté.
La société Domicil’Aide justifie qu’elle a procédé à quatre virements successifs, aux mois de janvier, février, mars et avril 2023, sur le compte de la société Adhap, d’un montant total de 58.000 €, venant en déduction du solde de l’arriéré des redevances. Elle sera donc condamnée à payer à la société Adhap la somme de 28.894,93 €, arrêtée à la date du 30 avril 2023, dont il conviendra de déduire, le cas échéant, les règlements intervenus depuis cette date en cours de procédure.
De façon corrélative, la société Domicil’Aide ne pourra être que déboutée de sa demande de remboursement de la somme de 86.984,93 €.
– Sur l’obligation de recruter un infirmier diplômé d’Etat
Les articles 3 des deux contrats de franchise imposent au franchisé de recruter un infirmier diplômé d’État.
Contrairement à ce que prétend la société Domicil’Aide, l’absence de recrutement d’un infirmier diplômé d’État figure dans le rapport d’audit du 19 octobre 2021. Elle n’est donc pas fondée à prétendre que la société Adhap ne lui en aurait jamais fait le reproche.
La société Domicil’Aide, qui produit une seule annonce d’offre d’emploi, ne justifie pas non plus des difficultés de recrutement qu’elle invoque.
C’est donc à bon droit que le tribunal l’a condamnée à embaucher, dans chacun de ses centres, un infirmier diplômé d’État.
– Sur la mise en place de la nouvelle charte graphique
Les contrats de franchise stipulent, en leur article 6, que « Le franchisé s’engage à reproduire en permanence dans son centre et ses éventuels points relais, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur (notamment sur la façade et la vitrine de ses locaux), l’image type des centres Adhap Services® telle qu’elle est et sera décrite en cas d’évolution dans le Manuel Opérationnel et la charte graphique du Franchiseur. »
La société Domicil’Aide ne conteste pas avoir omis de mettre en place la nouvelle charte graphique, déployée au sein du réseau Adhap, au cours du premier semestre 2019, dans les centres de [Localité 11], [Localité 12] et [Localité 13].
L’appelante, qui se prévaut du manque de réactivité du franchiseur, ne justifie pas lui avoir transmis les maquettes et les devis nécessaires pour lui permettre de se positionner, étant souligné que les courriers qu’elle invoque, en date des 28 septembre 2021, 15 novembre 2021 et 13 janvier 2022, sont postérieurs à l’introduction de la procédure devant le tribunal.
Pour sa part, la société Adhap verse aux débats des échanges de courriels, durant la période du 3 mars 2020 au 10 août 2020, établissant qu’elle a dûment répondu aux sollicitations de la société Domicil’Aide, concernant l’installation de la charte graphique de l’agence de [Localité 10], ce qui démontre sa volonté de collaborer avec son franchisé.
La société Domicil’Aide ne peut non plus se prévaloir utilement de l’absence de réaction du fournisseur sélectionné par la société Adhap, qu’elle avait contacté au mois de novembre 2019, dès lors que celle-ci l’avait autorisée, dès le mois de décembre 2019, à avoir recours à des fournisseurs dits « locaux ».
Enfin, le franchisé n’est pas fondé à opposer à la société Adhap l’absence de versement d’une contribution financière, dont le règlement était prévu uniquement après la réalisation des travaux, ainsi qu’il résulte des conditions d’attribution rappelées aux termes d’un courriel du 6 décembre 2019.
En tout état de cause, la société Domicil’Aide ne démontre pas que le franchiseur aurait omis de déployer la nouvelle charte graphique dans son propre centre Adhap, la photographie versée aux débats n’ayant pas valeur de preuve à défaut d’être datée et géolocalisée.
La Cour confirmera, en conséquence, le chef du jugement ayant condamné la société Domicil’Aide à mettre en place la nouvelle charte graphique, dans les centres et relais Adpap concernés.
– Sur l’obligation de participer aux réunions
Les articles 11.2.3 et 11.2.4 des contrats de franchise imposent au franchisé d’assister au congrès annuel obligatoire regroupant l’ensemble des membres du réseau organisé par le franchiseur et de participer à une réunion régionale annuelle.
La société Domicil’Aide ne conteste pas avoir omis de participer au congrès annuel organisé en 2019, de même qu’aux réunions régionales qui se sont tenues en 2018, 2019 et 2021.
Elle ne peut prétendre s’exonérer de cette obligation en tirant argument de l’impossibilité de s’absenter, alors que l’un ou l’autre de ses dirigeants pouvaient y assister, ni du coût des déplacements que les articles 19.8 des contrats mettait à la charge du franchisé. Ses arguments relatifs au manque d’intérêt des formations proposés par le franchiseur, distinctes de l’organisation des réunions régionales annuelles, sont eux-mêmes inopérants.
Le jugement, en ce qu’il a condamné la société Domicil’Aide à participer au congrès annuel et aux réunions régionales, sera ainsi confirmé.
Sur le refus d’agrément de la société Adhap
Enoncé des moyens
La société Ginseng prétend que le refus d’agrément qui lui a été opposé par la société Adhap, dans le cadre du projet de cession de l’agence d'[Localité 9] présente un caractère abusif, justifiant sa condamnation à l’indemniser de son préjudice, correspondant à la perte de chance d’exploiter le centre. Elle considère que la décision du franchiseur est, en réalité, inhérente à la personne des époux [E], alors que le refus d’agrément doit être justifié par des impératifs tenant à la sauvegarde des intérêts commerciaux du franchiseur ; elle soutient, à cet égard, que la gestion de ses agences par les époux [E] ne donnait lieu à aucun reproche. Elle conteste, par ailleurs, avoir tenté d’imposer au franchiseur des exigences déraisonnables, tout en soulignant que celui-ci a finalement procédé à l’acquisition des parts sociales de la société ASB. Elle fait valoir qu’en qualité de tiers au contrat, elle est fondée à se prévaloir, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, du manquement contractuel commis par la société Adhap dans le cadre du contrat de franchise conclu avec la société SO&TI.
La société Adhap réplique qu’elle n’a commis aucun manquement contractuel dans le cadre du contrat de franchise conclu avec la société ASB, qui ne s’est jamais plainte du refus d’agrément. Elle soutient que celui-ci était, en tout état de cause, fondé au regard des conditions contractuelles inacceptables que la société Ginseng tentait de lui imposer et des mauvaises relations entretenues avec son franchisé, qui ne respectait pas ses obligations contractuelles.
Réponse de la Cour
Selon l’article 1226 du code civil, « Un contractant, le cédant, peut céder sa qualité de partie au contrat à un tiers, le cessionnaire, avec l’accord de son cocontractant, le cédé. »
En l’occurrence, le droit d’agrément dont bénéficiait la société Adhap procède, non pas des contrats de franchise souscrits avec la société Domicil’Aide, le 27 novembre 2016, mais du contrat de franchise afférent à l’exploitation de l’agence située à [Localité 9], exploitée par la société SO&TI, conclu précédemment le 24 septembre 2014.
Contrairement à ce qu’indique la société Ginseng, celle-ci ne justifie pas que la société Adhap lui aurait indiqué être en accord avec sa proposition d’achat, aucun courrier susceptible d’être interprété en ce sens n’étant produit aux débats.
Il résulte de la lettre du 24 juillet 2020, adressée par la société Adhap à la société ASB, que celle-ci lui a notifié son refus d’agrément, au motif que la société Ginseng entendait lui imposer des conditions dérogatoires au contrat de franchise, tenant à la fois aux aspects financiers et à la durée du contrat, qu’elle estimait inacceptables. Elle précisait que la société Ginseng souhaitait ainsi bénéficier de l’application d’un plafond de redevances minoré et d’une durée du contrat moindre au regard des conditions prévues dans les contrats de franchise.
La société Adhap a informé la société Ginseng de son refus d’agrément par courrier du même jour, en faisant état, en sus des motifs invoqués auprès la société SO&TI, du caractère dégradé de la relation contractuelle entretenue dans le cadre des contrats de franchise pour l’exploitation des centres de [Localité 5], [Localité 10] et [Localité 11] par l’intermédiaire de la société Domicil’Aide, sans perspective de résolution amiable rapide.
Les manquements contractuels de la société Domicil’Aide, dans le cadre de l’exécution des contrats de franchise, étant caractérisés, le refus d’agrément de la société Adhap apparaît ainsi justifié, indépendamment des raisons financières invoquées auprès de la société ASB, peu important que le motif tiré de la dégradation des relations contractuelles ait été invoqué ultérieurement par le franchiseur.
Il sera souligné que la société ASB ne s’est, de toute façon, jamais plainte d’un quelconque manquement contractuel commis par la société Adhap, du fait de son refus d’agrément.
Le jugement sera, dès lors, confirmé en ce qu’il a rejeté la demande d’indemnisation de la société Ginseng.
Sur les autres demandes
Les sociétés Domicil’Aide et Ginseng succombant au recours, le jugement sera confirmé en ce qu’il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles.
Statuant de ces chefs en cause d’appel, la Cour les condamnera aux dépens, lesquels seront recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile, ainsi qu’à payer à la société Adhap une indemnité de 10.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
CONFIRME le jugement en ses dispositions soumises à la Cour,
STATUANT A NOUVEAU,
Y AJOUTANT,
DECLARE RECEVABLES les demandes de la SASU Domicil’Aide afférentes au fonctionnement des logiciels informatiques,
CONDAMNE la SASU Domicil’Aide à payer à la SAS Adhap Performances la somme de 28.894,93 €, arrêtée à la date du 30 avril 2023, au titre de la régularisation du montant des redevances,
DIT que les règlements effectués, le cas échéant, en cours de procédure, depuis le 30 avril 2023, par la SASU Domicil’Aide devront être déduits de la créance de la SAS Adhap Performances,
REJETTE la demande de la SASU Domicil’Aide portant sur la condamnation de la SAS Adhap Performances au paiement de la somme de 86.984,93 €,
REJETTE le surplus des demandes des parties,
CONDAMNE la SASU Domicil’Aide et la SARL Ginseng Solutions aux dépens de l’appel, lesquels seront recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile,
CONDAMNE la SASU Domicil’Aide et la SARL Ginseng Solutions à payer à la SAS Adhap Performances la somme de 10.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
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